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02/02/2023 | FRANCE | N°22/00007

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 02 février 2023, 22/00007


SM/RP























































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à- Me Mandeville

- la SCP VGR



COPIE CERTIFIÉE CONFORME AUX PARTIES



LE : 02 FEVRIER 2023





COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIV

ILE

BAUX RURAUX



ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023



N° - Pages







N° RG 22/00007 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DPOB



Décision déférée à la Cour :

Jugement du Paritaire des Baux Ruraux de SAINT AMAND MONTROND en date du 24 Mai 2022







PARTIES EN CAUSE :



I - M. [U] [X]

né le 22 Janvier 1936 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]



assisté de Me Marie MANDEVILLE, avocat ...

SM/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à- Me Mandeville

- la SCP VGR

COPIE CERTIFIÉE CONFORME AUX PARTIES

LE : 02 FEVRIER 2023

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

BAUX RURAUX

ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023

N° - Pages

N° RG 22/00007 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DPOB

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Paritaire des Baux Ruraux de SAINT AMAND MONTROND en date du 24 Mai 2022

PARTIES EN CAUSE :

I - M. [U] [X]

né le 22 Janvier 1936 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

assisté de Me Marie MANDEVILLE, avocat au barreau de BOURGES

APPELANT suivant déclaration du 16/06/2022

II - M. [K] [J]

né le 14 Décembre 1968 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Localité 5]

assisté de Me Laurent GARD de la SCP VGR, avocat au barreau de MOULINS

INTIMÉ

III - G.A.E.C. DES [Localité 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 4]

[Localité 5]

INTIMÉE

02 FEVRIER 2023

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme CIABRINI, conseillerchargé du rapport

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WAGUETTE Président de Chambre,

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

***************

Exposé :

Suivant acte authentique du 2 octobre 1992, [U] [X] a consenti à [K] [J] un bail rural à long terme, d'une durée de 18 années entières et consécutives, commençant à courir le 1er juin 1992, portant sur la ferme des [Localité 2], située sur la commune de [Localité 5] (18), consistant en :

- un bâtiment d'habitation comprenant salle de séjour avec coin cuisine, deux chambres, salle de bains, WC, grenier au-dessus, couverture tuiles, débarras sur pignon ;

- des bâtiments d'exploitation comprenant une écurie attachée, cinq anciennes porcheries, une buanderie, un poulailler, un hangar bois, et des terres de diverse nature et prés.

Par un second acte authentique du 9 décembre 1992, [U] [X] a également consenti à [K] [J] un bail rural à long terme, commençant à courir rétroactivement au 11 novembre 1992, portant sur le domaine d'[Localité 7], situé commune de [Localité 5], consistant en des bâtiments d'exploitation comprenant vacherie, hangar, dépendances, bâtiment d'habitation non habitable, terres de diverse nature et prés .

Les terres et les bâtiments, objets des deux baux, d'une surface totale de 148 ha, ont été mis successivement à disposition du GAEC de [Localité 3], puis de l'EARL [J] .

Reprochant à son fermier l'absence de paiement régulier des fermages, Monsieur [X] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint Amand Montrond le 15 janvier 2019 aux fins de solliciter la résiliation judiciaire des deux baux conformément aux dispositions de l'article L 411-31 du code rural, lequel, par jugement du 21 janvier 2020, a principalement prononcé la résiliation des baux précités conclus les 2 octobre 1992 et 2 décembre 1992 et ordonné l'expulsion de [K] [J] avec paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation de 2500 € jusqu'à libération complète des lieux ainsi que paiement de la somme de 20 528,68 € au titre des arriérés de fermages échus pour l'année 2018.

Par arrêt du 5 novembre 2020, la cour d'appel de céans a :

Débouté M. [U] [X] de ses demandes tendant à voir annuler ou déclarer irrecevable la déclaration d'appel et à voir déclarer irrecevables les demandes de M. [J] relative au bail du 2 octobre 1992 portant sur la ferme des [Localité 2] ;

Dit recevables les demandes de M. [K] [J] portant sur le bail du 2 octobre 1992 ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond le 21 janvier 2020 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit nulles les mises en demeure délivrées par M. [U] [X] à M. [K] [J] en date des 15 mai, 16 août et 17 novembre 2018 ;

Débouté M. [U] [X] de toutes ses demandes ;

Débouté le GAEC des [Localité 2] de sa demande de dommages-intérêts

Condamné M. [U] [X] aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [K] [J] la somme de 2.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile » .

Monsieur [X] a de nouveau saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond, par requête du 15 septembre 2021.

Par jugement rendu le 24 mai 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond a :

« - Déclaré les demandes formulées par le GAEC des [Localité 2] recevables ;

- Débouté Monsieur [X] de ses demandes en résiliation de bail, expulsion et en condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation ;

- Condamné Monsieur [U] [X] à payer à Monsieur [K] [J] et au GAEC des [Localité 2] la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouté Monsieur [U] [X] de sa demande en ce sens ;

- Condamné Monsieur [U] [X] aux entiers dépens. »

[U] [X] a interjeté appel de cette décision et demande à la cour, dans ses écritures notifiées par RPVA le 25 novembre 2022 et au visa de l'article L411 ' 31 du code rural et de la pêche maritime, de :

' INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal paritaire de SAINT-AMAND le 24 mai 2022 ;

Et statuant de nouveau :

' DECLARER irrecevable l'intervention volontaire du GAEC des [Localité 2] pour défaut d'intérêt à agir ;

' PRONONCER la résiliation du bail rural conclu le 02 octobre 1992 portant les terres et sur un bâtiment à usage d'habitation et des bâtiments d'exploitation sis sur la commune de [Localité 5] lieu-dit « [Localité 2] »,

' PRONONCER la résiliation du bail rural conclu le 09 décembre 1992 portant sur les terres et des bâtiments d'exploitation sis sur la commune de [Localité 5] lieu-dit « [Localité 7] »,

' PRONONCER sans délai, l'expulsion de Monsieur [K] [J], ainsi que de tous occupant de son chef, dont le GAEC des [Localité 2], des terres et bâtiments situés sur la commune de [Localité 5], si besoin avec le concours de la force publique.

' ASSORTIR l'expulsion d'une astreinte de 150 euros par jour de retard commençant à courir à compter de l'arrêt à intervenir.

' CONDAMNER Monsieur [K] [J] à payer à Monsieur [U] [X] une indemnité mensuelle d'occupation égale 2.500 euros, jusqu'à complète libération des parcelles et bâtiments affermés.

' DEBOUTER Monsieur [K] [J] et le GAEC des [Localité 2] de toutes demandes, fins et conclusions contraires,

' CONDAMNER Monsieur [K] [J] à payer à Monsieur [U] [X] la somme de 6.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Par écritures du 8 novembre 2022, [K] [J] et le GAEC des [Localité 2], intimés, demandent pour leur part à la cour de :

' Déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé l'appelant en son appel du jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond

En conséquence

' Débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes visant à l'infirmation ou à la réformation du jugement entrepris

' Retenant, d'une part, l'existence de raisons sérieuses et légitimes de nature à excuser la défaillance du preneur, d'autre part, la mauvaise foi du bailleur et son manque de loyauté dans la mise en 'uvre du processus de mise en demeure et de résiliation du bail

' Entendre confirmer le jugement rendu en ce qu'il a déclaré les demandes formées par le GAEC des [Localité 2] recevables, en ce qu'il a débouté l'appelant de ses demandes en résiliation du bail, en expulsion et en condamnation d'une indemnité d'occupation et en ce qu'il l'a condamné à lui verser la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

' Débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes

' Le condamner à verser à Monsieur [J] et au GAEC des [Localité 2] la somme de 5500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur quoi :

1) sur l'irrecevabilité de l'appel formé par [U] [X] alléguée par [K] [J] et le GAEC des [Localité 2] :

Les intimés sollicitent en premier lieu que la cour déclare irrecevable l'appel formé par [U] [X] à l'encontre du jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond, au motif que les dispositions de l'article 933 du code de procédure civile n'auraient pas été respectées, dès lors que la déclaration d'appel reprend les termes du dispositif du jugement attaqué et ne contient pas, selon eux, à proprement parler les chefs de jugement critiqué.

Il convient de rappeler que selon ce texte, applicable à la procédure d'appel en matière contentieuse sans représentation obligatoire, « la déclaration comporte les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision ».

Au cas d'espèce, la déclaration d'appel de [U] [X] enregistrée par le greffe le 12 juillet 2022 reproduit dans leur intégralité les chefs du jugement querellés, et doit dès lors être considérée comme conforme aux exigences de l'article 933 du code de procédure civile précité.

L'appel ainsi formé par [U] [X] à l'encontre du jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond devra donc être déclaré recevable.

2) sur la recevabilité de l'intervention volontaire du GAEC des [Localité 2] :

En application de l'article 31 du code de procédure civile, « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

Selon l'article 122 du même code, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Il est constant, en l'espèce, que les baux ruraux litigieux ont été conclus les 2 octobre et 2 décembre 1992 entre, d'une part, [U] [X] et, d'autre part, [K] [J], de sorte que le GAEC des [Localité 2] ne saurait être considéré comme partie à ces deux contrats, dont la résiliation judiciaire a été sollicitée selon acte du 15 septembre 2021 par [U] [X] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond.

Toutefois, le GAEC des [Localité 2], dès lors qu'il bénéficie de la mise à disposition des biens loués, a intérêt à intervenir volontairement dans l'instance engagée visant à la résiliation judiciaire des baux ruraux en s'associant aux moyens de défense soulevés par [K] [J], preneur.

C'est en conséquence à bon droit que le tribunal de première instance a déclaré recevable son intervention volontaire, de sorte que le jugement devra être confirmé sur ce point.

3) sur la résiliation judiciaire des baux ruraux en date des 2 octobre et 9 décembre 1992 :

Selon l'article L411 ' 31 du code rural et de la pêche maritime, « sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L411 ' 32 et L411 ' 34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :

1° deux défauts de paiement de fermages ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition (') ».

Ce même texte prévoit, toutefois, que « les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes ».

Il résulte des pièces régulièrement versées aux débats que [U] [X] a adressé à [K] [J] une mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 18 mai 2021 (pièce numéro 4 de son dossier) visant les fermages échus impayés, au titre des deux baux, au 11 novembre 2020 pour la somme de 6024,23 € et au 10 mai 2021 pour la somme de 10 285,37 €, mettant ainsi son fermier en demeure d'avoir à lui régler la somme de 13 309,60 € ' après déduction d'un acompte de fermage du 21 janvier 2021 ' dans un délai de trois mois, ce courrier reproduisant par ailleurs les dispositions précitées de l'article L411 ' 31 du code rural et de pêche maritime conformément aux exigences de ce texte.

Il est tout aussi constant que, dans le délai de trois mois ainsi imparti et donc échu le 18 août 2021, [K] [J] n'a pas procédé au règlement intégral des fermages impayés, ce que ce dernier ne conteste aucunement dans ses écritures d'appel.

Pour échapper à la résiliation judiciaire des deux baux ruraux ainsi encourue, [K] [J] et le GAEC des [Localité 2] entendent toutefois se prévaloir de « raisons sérieuses et légitimes » au sens des dispositions précitées.

Ils invoquent, à cet égard, les difficultés liées à la crise sanitaire du Covid 19, l'existence d'une épizootie de BVD ( Bovine Virale Diarrhea) et la prophylaxie imposée par les pouvoirs publics, ainsi que la perte de concours bancaires au mois de juin 2021.

Il leur appartient, en application du texte précité, de rapporter la preuve de l'existence de difficultés économiques qu'ils ont effectivement rencontrées et empêchant le règlement des fermages aux échéances prévues, et de leur caractère indépendant de leur volonté.

S'agissant, en premier lieu, de la crise sanitaire du Covid, [K] [J] et le GAEC des [Localité 2] soutiennent que cette pandémie, qui a induit des restrictions aux déplacements et à la commercialisation des bovins, a provoqué d'importantes difficultés de trésorerie dans l'exploitation agricole, alors même que le GAEC n'a reçu aucune aide substantielle à l'exclusion d'une modeste somme de 2270 € qui lui a été octroyée par France Agri Mer (pièce numéro 2 de son dossier).

Toutefois, force est de constater qu'à l'exception de considérations générales sur la pandémie et sur l'existence de l'aide de 2270 € ainsi obtenue, les intimés ne rapportent aucunement la preuve, par des éléments concrets concernant leur propre exploitation, que la crise sanitaire aurait eu un impact significatif sur leur activité ayant pour effet de les placer provisoirement dans une situation d'impossibilité de régler les fermages en temps et en heure.

Le premier motif ainsi invoqué ne saurait, dès lors, constituer une raison sérieuse et légitime de nature à faire obstacle à la résiliation du bail au sens de l'article L411 ' 31 du code rural et de la pêche maritime précité.

En deuxième lieu, les intimés ajoutent qu'ils ont été confrontés aux difficultés générées par la situation prophylactique de l'élevage du GAEC en raison de l'apparition de la maladie infectieuse BVD sur quelques sujets du troupeau, ce qui, en raison de la prophylaxie induite, a entravé la commercialisation des broutards qui ont dû être placés en quarantaine.

Ils précisent qu'ils se sont dès lors trouvés dans l'obligation de se plier aux exigences du GDS du Cher concernant l'éradication de la BVD et de se soumettre au protocole sanitaire décrété par les autorités administratives.

Les intimés produisent, à cet égard, un courrier qui a été adressé au GAEC des [Localité 2] le 26 novembre 2020 par le service élevage du GDS du Cher ainsi libellé : « nous vous avons envoyé plusieurs courriers concernant le BVD. Vous deviez : dépister en BVD l'ensemble des jeunes bovins non prélevés en prophylaxie, commander des boucles auriculaires BVD pour les futures naissances. À ce jour, il semblerait que vous n'avez pas mis en place le plan d'assainissement demandé. Conformément à l'arrêté ministériel BVD du 31 juillet 2019, nous sommes dans l'obligation de classer votre cheptel « non conforme ». Cela signifie que vous ne pouvez vendre des animaux qu'à destination de l'abattoir en transport direct (') » (pièce numéro 4 du dossier des intimés).

Il doit être en premier lieu remarqué qu'il résulte des propres termes figurant dans ce courrier que les intimés ont été destinataires de « plusieurs courriers » leur demandant de réaliser des mesures de prophylaxie, auxquels ils n'ont pas réservé une suite utile en ne mettant pas en place le plan d'assainissement ainsi demandé. Il ne saurait, dès lors, être considéré que la raison sérieuse et légitime ainsi invoquée par les intimés, résultant de la prophylaxie imposée par les pouvoirs publics, serait indépendante de la volonté du preneur.

En second lieu, il sera également observé, en tout état de cause, que [K] [J] et le GAEC des [Localité 2] ne produisent aucun élément chiffré et concret permettant de caractériser et d'évaluer l'impact financier induit par lesdites mesures de prophylaxie et de déterminer, en conséquence, si une telle circonstance les plaçait dans l'impossibilité momentanée de régler les fermages dus en temps et en heure.

Le second motif ainsi invoqué par les intimés pour tenter de se soustraire à la résiliation judiciaire des deux baux ruraux ne saurait, ainsi, être retenu comme constituant une raison sérieuse et légitime au sens de l'article L431 ' 31 du code rural et de la pêche maritime précité.

En troisième lieu, les intimés font valoir qu'ils ont été confrontés au mois de juin 2021 à la résiliation par la banque CIC du concours bancaire dont l'exploitation bénéficiait jusqu'alors, ce qui a eu pour effet d'affaiblir leur trésorerie « dans un contexte déjà délicat ».

Ils produisent, à cet égard, un courrier qui leur a été adressé le 4 juin 2021 par la banque CIC les avisant de l'intention de cette dernière de résilier le concours à durée indéterminée « découvert pro entreprise » à l'expiration d'un délai de 60 jours à compter de ce courrier (pièce numéro 11), précisant : « à compter du 8 août 2021, tous vos engagements envers notre établissement devront avoir été intégralement remboursés et votre compte courant devra fonctionner sur des bases strictement créditrices », un courrier de mise en demeure d'avoir à régler la somme de 12 523,30 € établi par la même banque le 19 août 2021 indiquant « il vous est désormais fait interdiction d'émettre des chèques sur nos livres ou d'utiliser d'autres moyens de paiement (') » (pièce numéro 12), ainsi qu'un courrier du conseil de la banque en date du 11 octobre 2021 réitérant ladite mise en demeure pour le même montant (pièce numéro 13).

Il doit, toutefois, être observé, d'une part, que les difficultés bancaires ainsi invoquées sont postérieures aux échéances des fermages demeurées impayées en date des 11 novembre 2020 et 10 mai 2021, ainsi qu'à la mise en demeure par courrier recommandé du 18 mai 2021 et, d'autre part, et ainsi que cela a été rappelé supra, que les intimés ne justifient, en tout état de cause, aucunement de la situation financière globale de l'exploitation agricole sur la période considérée, ce qui ne permet pas d'établir que les difficultés rencontrées avec le CIC auraient rendu impossible le règlement des fermages précités et constitueraient donc, au sens du texte précité, des raisons sérieuses et légitimes permettant d'échapper à la résiliation judiciaire des baux encourue.

Par ailleurs, il ne résulte aucunement des pièces du dossier que [U] [X] aurait manqué à l'obligation de loyauté à laquelle il était tenu dans le cadre de relations contractuelles en sollicitant, dans les formes et délais légaux, le versement des fermages demeurés impayés après avoir dûment rappelé à son preneur les conséquences pouvant résulter d'une absence persistante de paiement. En particulier, une telle déloyauté ne saurait résulter des nombreux échanges de courriers entre les parties afférents aux modalités de règlement du fermage, dans un contexte particulièrement conflictuel opposant les parties en raison des contentieux d'ores et déjà intervenus.

Ainsi, en l'absence de tout motif sérieux et légitime permettant de justifier la défaillance dans le règlement des fermages, il y aura lieu d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de prononcer la résiliation des deux baux ruraux conclus respectivement les 2 octobre et 9 décembre 1992.

En conséquence, l'expulsion de [K] [J] et de tous occupants de son chef des lieux loués devra être ordonnée passé un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé l'expiration de ce délai.

Il y aura lieu par ailleurs de condamner [K] [J] à verser à [U] [X] une indemnité mensuelle d'occupation de 2500 € jusqu'à complète libération des lieux.

L'équité commandera, enfin, d'allouer à l'appelant une indemnité de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celui-ci a dû exposer dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs :

La cour,

' Déclare recevable l'appel interjeté par [U] [X] à l'encontre du jugement rendu le 24 mai 2022 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond,

' Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire du GAEC des [Localité 2],

Et, statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés,

' Prononce la résiliation du bail rural conclu le 2 octobre 1992 portant sur les terres et sur un bâtiment à usage d'habitation et des bâtiments d'exploitation sis sur la commune de [Localité 5] au lieu-dit « [Localité 2] »,

' Prononce la résiliation du bail rural conclu le 9 décembre 1992 portant sur les terres et des bâtiments d'exploitation sis sur la commune de [Localité 5] au lieu-dit « [Localité 7] »,

' Ordonne l'expulsion de [K] [J], ainsi que de tous occupants de son chef dont le GAEC des [Localité 2], des terres et bâtiments loués à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, au besoin avec le concours de la force publique, et sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé l'expiration dudit délai,

' Condamne [K] [J] à verser à [U] [X] une indemnité mensuelle d'occupation de 2500 € jusqu'à complète libération des lieux loués,

' Déboute [K] [J] et le GAEC des [Localité 2] de l'ensemble de leurs prétentions,

' Condamne [K] [J] à verser à [U] [X] une indemnité de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En l'absence du Président, l'arrêt a été signé par R.PERINETTI, Conseiller la plus ancien ayant participé au délibéré et par Mme MAGIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,

S.MAGIS R.PERINETTI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00007
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;22.00007 ?
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