CR/MMC
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à - SCP GUENOT AVOCATS ET ASSOCIES
- Me MANDEVILLE
COPIE CERTIFIÉE CONFORME AUX PARTIES
LE :15 DECEMBRE 2022
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
BAUX RURAUX
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
N° 21 - Pages
N° RG 22/00001 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DNHZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal Paritaire des Baux Ruraux de NEVERS en date du 02 Décembre 2021
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [D] [N]
né le 06 Janvier 1957 à [Localité 74]
[Adresse 75]
[Localité 49]
- Mme [A] [I] épouse [N]
née le 17 Mai 1957 à [Localité 74]
[Adresse 75]
[Localité 49]
Représentés par la SCP GUENOT AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de NEVERS
APPELANTS suivant déclaration du 31/12/2021
II - Mme [W] [O] veuve [Z]
née le 26 Juin 1932 à [Localité 73]
[Adresse 3]
[Localité 48]
Représentée par Me Marie MANDEVILLE, avocat au barreau de BOURGES
INTIMÉE
III - Mme [L] [Z] divorcée [J] agissant en qualité d'héritier de M. [G] [Z], décédé le 11/12/2021
née le 10 Août 1957 à [Localité 4]
[Adresse 21]
[Localité 4]
15 DECEMBRE 2022
N° /2
- M. [M] [Z] agissant en qualité d'héritier de M. [G] [Z], décédé le 11/12/2021
né le 29 Mai 1956 à [Localité 4]
[Adresse 69]
[Localité 71]
- Mme [X] [Z] épouse [Y] agissant en qualité d'héritier de M. [G] [Z], décédé le 11/12/2021
née le 03 Février 1968 à [Localité 73]
[Adresse 16]
[Localité 72]
Représentés par Me Marie MANDEVILLE, avocat au barreau de BOURGES
INTERVENANTS VOLONTAIRES suivant conclusions du 24/01/2022
INTIMÉS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme CIABRINI, Conseiller chargé du rapport
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WAGUETTE Président de Chambre,
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ :
Par acte authentique reçu le 14 février 1985 par Me [C] [P], notaire à [Localité 74] (Nièvre), M. [G] [Z] et Mme [W] [Z] née [O] ont consenti à M. [D] [N] et à Mme [A] [N] née [I], pour une durée de 18 années commençant à courir le 1er novembre 1984, un bail sur des parcelles de terres situées sur les communes de [Localité 76] et de [Localité 74] pour une contenance totale de 37ha 11a et 38 ca.
Ce bail s'est renouvelé par tacite reconduction pour expirer le 31 octobre 2029.
Par lettre recommandée reçue au greffe de la juridiction le 9 février 2021, M. et Mme [N] ont saisi le Tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers aux fins d'être judiciairement autorisés à céder le bail à leur fils [K], d'une part, et de voir désigner un expert aux fins de fixation du montant du fermage.
M. et Mme [N] ont sollicité du Tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers :
- qu'il les autorise à céder à leur fils le bail dont ils étaient titulaires et portant sur les parcelles dont les époux [Z] étaient titulaires ;
- qu'il désigne un expert aux fins de fixation du fermage ;
- qu'il déboute les époux [Z] de leurs demandes ;
- qu'il écarte l'exécution provisoire du jugement ;
- qu'il condamne M. et Mme [Z] aux dépens et à leur verser la somme de 5.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En réplique, M. et Mme [Z] ont demandé au Tribunal de
- débouter M. et Mme [N] de leur demande d'autorisation de cession de bail à descendant ;
- prononcer la résiliation du bail des époux [N] pour manquement à leur obligation personnelle d'exploiter et cession prohibée de bail, et en conséquence :
- ordonner l'expulsion de M. et Mme [N] et de tous occupants de leur chef des biens loués à compter de la notification du jugement à intervenir, et ce, au besoin avec le concours de la force publique ;
- assortir cette expulsion d'une astreinte de 80 euros par jour de retard commençant à courir à l'expiration du délai d'un mois, passé la notification du jugement à intervenir ;
- fixer l'indemnité d'occupation due par les époux [N] et tous occupants de leur chef aux époux [Z] jusqu'à complète libération des parcelles à la somme de 1.000 euros par mois ;
- débouter M. et Mme [N] de leur demande de fixation du fermage et de désignation d'un expert judiciaire pour déterminer son montant ;
- ordonner l'exécution provisoire étant rappelé qu'elle était de droit ;
- condamner solidairement M. et Mme [N] à leur payer la somme de 5.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 2 décembre 2021, le Tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers a :
Débouté M. et Mme [N] de leur demande d'autorisation de cession du bail consenti par M. et Mme [Z] au profit de leur fils ;
Prononcé la résiliation du bail conclu le 14 février 1985, intervenu entre M. et Mme [N], d'une part et M. et Mme [Z], d'autre part, et portant sur les parcelles décrites ci dessous :
Commune de [Localité 76] :
Section A n°[Cadastre 1]; [Cadastre 6]; [Cadastre 5]; [Cadastre 7]; [Cadastre 8]; [Cadastre 9]; [Cadastre 10]; [Cadastre 11]; [Cadastre 12]; [Cadastre 13]; [Cadastre 14]; [Cadastre 18]; [Cadastre 19]; [Cadastre 17]; [Cadastre 20]; [Cadastre 22]; [Cadastre 23]; [Cadastre 24]; [Cadastre 25]; [Cadastre 26]; [Cadastre 27]; [Cadastre 28]; [Cadastre 29], [Cadastre 30], [Cadastre 31]; [Cadastre 32]; [Cadastre 33], [Cadastre 34]; [Cadastre 35]; [Cadastre 36]; [Cadastre 37]; [Cadastre 38]; [Cadastre 39]; [Cadastre 40]; [Cadastre 41]; [Cadastre 54]; [Cadastre 42]; [Cadastre 43]; [Cadastre 44]; [Cadastre 46]; [Cadastre 45];
Section B n°[Cadastre 2]; [Cadastre 47]; [Cadastre 67]; [Cadastre 68]; [Cadastre 70]; [Cadastre 51], [Cadastre 52]; [Cadastre 55]; [Cadastre 56]; [Cadastre 58]; [Cadastre 59]; [Cadastre 60]; [Cadastre 61]; [Cadastre 62]; [Cadastre 63]; [Cadastre 64]; [Cadastre 65]; [Cadastre 66]; [Cadastre 53]; [Cadastre 57]; [Cadastre 40]; [Cadastre 50].
Commune de [Localité 74] :
Section AI n° [Cadastre 15].
Ordonné qu'à défaut pour M. et Mme [N] d'avoir libéré les parcelles louées, bâties et non bâties telles que désignées ci -dessus de tous occupants de leur chef et de tous les biens et animaux qui viendraient à s'y trouver, les terres labourables devant se trouver en état de labour et les haies entretenues, il serait procédé à leur expulsion avec le concours de la force publique si besoin est ;
Rejeté la demande aux fins de voir assortir l'obligation de libérer les lieux d'une astreinte ;
Fixé l'indemnité d'occupation due par M. et Mme [N] à la somme de 500 euros, et ce, jusqu'à complète libération des lieux ;
Dit que l'indemnité d'occupation mensuelle serait due en entier pour tout mois d'occupation commencé, même si la libération des lieux se faisait en cours de mois ;
Débouté M. et Mme [N] de leur demande tendant à la désignation d'un expert ;
Condamné in solidum M. et Mme [N] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens au sens de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum M. et Mme [N] aux dépens ;
Écarté l'exécution provisoire de droit ;
Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Le Tribunal a notamment retenu que bien que M. et Mme [N] aient tous les deux été copreneurs à bail, Mme [N] exerçait la profession d'infirmière, que les parcelles données à bail à M. et Mme [N] avaient été cédées par le seul M. [N] à l'EARL [N] [D] et [K] dont Mme [N] n'était pas associée, qu'elle avait donc manqué, en sa qualité de preneur, à son obligation de se consacrer personnellement à la mise en valeur des biens, que ces manquements consacraient la mauvaise foi de M. et Mme [N], que M. et Mme [Z] avaient communiqué à l'EARL [N] diverses factures de fermage, ce qui empêchait de prononcer la résiliation du bail pour cession illicite, laquelle cession avait été tacitement acceptée, mais que le défaut d'exploitation personnelle de Mme [N] justifiait le prononcé de la résiliation.
M. et Mme [N] ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 31 décembre 2021.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 19 avril 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'ils développent, M. et Mme [N] demandent à la Cour, au visa des articles L411-35, L411-37, L411-39, L331-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, 2244 du code civil, de :
Déclarer le concluant recevable et bien fondé ;
Confirmer le jugement entrepris en ce que celui-ci s'est refusé à prononcer la résiliation du bail pour cession illicite au profit de l'EARL, au visa des articles L 411-35 et L 411 -31 alinéas 3 ;
L'infirmer pour le surplus ;
Déclarer prescrits et en tout cas non fondés les griefs de mise à disposition illicite du bail au profit d'une société, de défaut d'exploitation de l'un des copreneurs ;
Autoriser la cession, par M. et Mme [N], du bail dont ils sont titulaires, portant sur les parcelles appartenant à M. et Mme [Z], au profit de leur fils ;
Débouter M. et Mme [Z] de toutes leurs demandes fins et conclusions.
Les condamner sous la même solidarité au paiement d'une indemnité de 5.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 29 avril 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'ils développent, les consorts [Z] demandent à la Cour, au visa des articles L.411-31, L411- 35 et L411 46 du code rural et de la pêche maritime, de
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal Paritaire de Nevers le 2 décembre 2021 en ce qu'il a :
- prononcé la résiliation du bail et l'expulsion des époux [N] et de tous occupants de leur chef des biens loués au besoin avec le concours de la force publique ;
- fixé l'indemnité d'occupation due par les époux [N] et tous occupants de leur chef jusqu'à la complète libération des parcelles à la somme de 500 euros par mois.
Y ajoutant :
$gt; ASSORTIR cette expulsion d'une astreinte de 80 euros par jour de retard commençant à courir à l'expiration du délai d'un mois, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
$gt; CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté les époux [N] de leur demande en autorisation de cession de bail.
$gt; CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté les époux [N] de leurs demandes de fixation du fermage et de désignation d'un expert judiciaire pour déterminer son montant.
$gt; CONFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné les époux [N] à verser la somme de 500 € à M. et Mme [Z] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant :
$gt; DÉBOUTER M. [D] [N] et Mme [A] [N] de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
$gt; CONDAMNER solidairement M. [D] [N] et Mme [A] [N] à payer aux consorts [Z] la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'affaire a été fixée à bref délai pour être plaidée à l'audience du 3 mai 2022, puis renvoyée à l'audience du 27 septembre 2022.
MOTIFS :
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir «dire et juger», «rappeler» ou «constater» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de «donner acte», qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.
Sur la recevabilité de la demande de résiliation du bail formulée par M. et Mmes [Z] :
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il est constant que la prescription d'une action en résiliation du bail et expulsion du preneur pour défaut d'exploitation personnelle ne court qu'à compter de la cessation du manquement imputé au preneur et tenant à la cession du bail ou à une sous-location (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 3e, 1er février 2018, n°16-18.724).
En l'espèce, le manquement reproché par M. et Mmes [Z] à M. et Mme [N] tenant à la cession du bail n'a pas encore pris fin, les preneurs exploitant toujours les parcelles louées à l'heure actuelle. Le délai de prescription n'a par conséquent pas commencé de courir.
La demande formulée par M. et Mme [N] tendant à voir déclarer prescrite la demande de résiliation du bail présentée par les consorts [Z] et fondée sur la mise à disposition illicite du bail au profit d'une société et le défaut d'exploitation de l'un des co-preneurs sera donc rejetée.
Sur la demande d'autorisation de cession du bail présentée par M. et Mme [N] :
Aux termes des quatre premiers alinéas de l'article L411-35 du code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.
De même, le preneur peut avec l'agrément du bailleur ou, à défaut, l'autorisation du tribunal paritaire, associer à son bail en qualité de copreneur son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l'exploitation ou un descendant ayant atteint l'âge de la majorité.
Lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s'y opposer qu'en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le présent alinéa est applicable aux baux conclus depuis plus de trois ans, sauf si la cessation d'activité du copreneur est due à un cas de force majeure.
A peine de nullité, la lettre recommandée doit, d'une part, reproduire intégralement les dispositions du troisième alinéa du présent article et, d'autre part, mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l'activité du copreneur.
L'article 1766 du code civil dispose que si le preneur d'un héritage rural ne le garnit pas des bestiaux et des ustensiles nécessaires à son exploitation, s'il abandonne la culture, s'il ne cultive pas raisonnablement, s'il emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou, en général, s'il n'exécute pas les clauses du bail, et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.
En cas de résiliation provenant du fait du preneur, celui-ci est tenu des dommages et intérêts, ainsi qu'il est dit en l'article 1764.
Il est constant que le bail renouvelé est un nouveau bail (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 3e, 19 septembre 2007, n°06-17.267).
Il est également admis que le fait pour un co-preneur, quand bien même participerait-il aux travaux de la ferme, de ne pas devenir associé de la société à objet principalement agricole à la disposition de laquelle les biens loués ont été mis, constitue un manquement à une obligation essentielle du bail, faisant à lui seul obstacle à la faculté de le céder sans qu'il y ait lieu de caractériser le préjudice subi par le bailleur (Cass. Civ. 3e, 3 juin 2021, n°20-15.175).
En l'espèce, M. et Mme [N] et M. et Mmes [Z] sont liés par un bail rural à long terme, d'une durée initiale de 18 ans à compter du 1er novembre 1984 ayant expiré le 31 octobre 2002, tacitement renouvelé pour neuf ans les 1er novembre 2002, 1er novembre 2011 et 1er novembre 2020.
Le bail en cours constituant un nouveau bail ayant pris effet le 1er novembre 2020, il ne saurait être reproché à M. [N] de s'être abstenu d'aviser ses bailleurs de la cessation d'exploitation du fonds par son épouse dans le délai de trois mois à compter de celle-ci, cette disposition n'étant pas applicable aux baux conclus depuis moins de trois ans hors cas de force majeure.
En revanche, la qualité de co-preneuse à bail de Mme [N] ressort clairement du contrat de bail du 14 février 1985, peu important que l'ajout manuscrit de ses renseignements d'identité sur l'acte authentique dactylographié et les documents antérieurs à cet acte puissent laisser à penser que le projet initial n'ait envisagé que M. [N] en qualité de preneur. Elle a ainsi accepté de s'engager envers les bailleurs à exécuter l'ensemble des obligations incombant aux preneurs à bail. L'affirmation portée aux écritures de M. et Mme [N] selon laquelle l'adjonction à cet acte de Mme [N] devrait s'analyser en un cautionnement plutôt qu'en une véritable co-titularité apparaît dépourvue de tout fondement, étant au surplus observé que l'acte en cause ne répond en aucune façon aux exigences spécifiques du formalisme imposé pour les engagements de caution.
Il ne peut être valablement soutenu par M. et Mme [N], au regard notamment de l'arrêt du 3 juin 2021 précité, que l'exécution complète par le seul M. [N] des obligations incombant aux preneurs libère le ou les autre(s) personnes engagées au même titre que lui, les dispositions légales applicables posant pour principe que les obligations contractuellement stipulées s'imposent à chacun des preneurs.
Il est en outre incontestable, au vu des pièces produites aux débats, que Mme [N] n'est pas associée au sein de l'EARL [N] [D] et [K] à la disposition de laquelle les terres données à bail par M. et Mmes [Z] ont été mises.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments un manquement de Mme [N] à son obligation contractuelle de se consacrer personnellement à l'exploitation et à la mise en valeur des biens loués. La seule lecture des écritures des appelants, selon lesquelles Mme [N] n'a jamais eu le statut d'exploitant agricole et n'avait pas de ce fait à 'informer le bailleur de la cessation d'une activité qui n'avait jamais commencé', confirme cette appréciation.
A titre surabondant, il peut être relevé que la demande même présentée par M. et Mme [N] tendant à se voir autoriser à céder à leur fils [K] le bail rural en cause exclut qu'il puisse être considéré que M. et Mmes [Z] aient déjà agréé une telle cession (ce que ceux-ci contestent au demeurant), le paiement des fermages par l'EARL et les échanges épistolaires intervenus entre celle-ci et les bailleurs ne pouvant suffire à estimer que l'ensemble des obligations incombant aux preneurs soient assumées par l'EARL et qu'elle se soit substituée à M. et Mme [N] depuis la mise à disposition des terres.
Dans ces conditions, Mme [N] ne peut se voir attribuer la qualité de preneuse à bail de bonne foi, de même que son époux du fait de l'indivisibilité du bail rural dont il est co-preneur. M. et Mme [N] seront de ce fait déboutés de leur demande tendant à se voir autoriser à procéder à la cession du bail dont ils sont titulaires sur les terres appartenant à M. et Mmes [Z] au profit de leur fils [K] [N] et le jugement entrepris sera confirmé en ce sens.
Sur la demande de résiliation du bail rural présentée par M. et Mmes [Z] :
Aux termes de l'article L411-31 du code rural et de la pêche maritime,
I.-Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants :
1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ;
2° Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main-d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation ;
3° Le non-respect par le preneur des clauses mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 411-27.
Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
II.-Le bailleur peut également demander la résiliation du bail s'il justifie d'un des motifs suivants :
1° Toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ;
2° Toute contravention aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 411-38 ;
3° Toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L. 411-37, L. 411-39, L. 411-39-1 si elle est de nature à porter préjudice au bailleur ;
4° Le non-respect par l'exploitant des conditions définies par l'autorité compétente pour l'attribution des biens de section en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales.
Dans les cas prévus aux 1° et 2° du présent II, le propriétaire a le droit de rentrer en jouissance et le preneur est condamné aux dommages-intérêts résultant de l'inexécution du bail.
L'article L411-38 du même code, dont il est rappelé qu'il est d'ordre public, dispose que le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société civile d'exploitation agricole ou à un groupement de propriétaires ou d'exploitants qu'avec l'agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier.
L'article L411-35 du même code énonce, en ses alinéas 3 et 4, que lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom. Le propriétaire ne peut s'y opposer qu'en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le présent alinéa est applicable aux baux conclus depuis plus de trois ans, sauf si la cessation d'activité du copreneur est due à un cas de force majeure.
A peine de nullité, la lettre recommandée doit, d'une part, reproduire intégralement les dispositions du troisième alinéa du présent article et, d'autre part, mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l'activité du copreneur.
Il est constant que la faculté de mettre les biens loués à la disposition d'une société à objet principalement agricole impose, en cas de pluralité de preneurs, que ceux-ci en soient tous associés, qu'à défaut, le preneur non associé manque à son obligation de se consacrer personnellement à la mise en valeur de ces biens et procède à une cession prohibée, la circonstance que l'autre preneur soit effectivement associé étant sans incidence du fait du caractère indivisible du bail rural. La cessation complète d'activité du co-preneur, qui n'a jamais été associé de l'EARL, prive le bailleur de la possibilité de poursuivre l'exécution des obligations nées du bail qu'il avait contractées (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 3e, 21 janvier 2021, n°19-24.520).
En l'espèce, M. et Mmes [Z] observent à juste titre que le seul appel de fermages à destination de la société à la disposition de laquelle ont été mises les terres n'est pas de nature à lui conférer la titularité du bail, le preneur demeurant seul titulaire du bail et les droits du bailleur ne s'en trouvant pas modifiés, conformément aux dispositions de l'article L411-37, III, du code rural et de la pêche maritime. Il doit être rappelé sur ce point qu'une telle mise à disposition rend la société bénéficiaire solidairement débitrice des obligations résultant du bail, notamment du paiement des fermages.
Aucun élément produit aux débats ne vient établir que M. et Mmes [Z] auraient acquiescé sans équivoque à la cession du bail à M. [K] [N] ou à l'EARL [N] [D] et [K]. Le fait que les bailleurs aient été valablement informés de la mise à disposition de leurs terres au profit de l'EARL n'équivaut nullement à un agrément de la cession du bail au bénéfice de cette société. Il peut par surcroît être relevé que la demande d'autorisation de cession du bail présentée par M. et Mme [N] dans le cadre de la présente instance mentionne comme bénéficiaire leur fils [K], et non l'EARL.
Par ailleurs, l'examen des pièces produites et des écritures de M. et Mme [N] révèle que l'exploitation des terres données à bail est assurée, depuis la mise à disposition des terres au profit de l'EARL, par MM. [D] et [K] [N]. Cette situation ne caractérise pas en soi, contrairement à ce qui est soutenu par M. et Mmes [Z], l'existence d'une cession prohibée du bail à M. [K] [N], étant rappelé que M. [D] [N] demeure preneur et exploitant actif, et que M. [K] [N] est associé de l'EARL qui bénéficie d'une mise à disposition des terres régulièrement portée à la connaissance des bailleurs.
Il a en revanche été rappelé précédemment que Mme [N] avait manqué à l'obligation contractuelle qui s'imposait à elle de se consacrer personnellement à l'exploitation et à la mise en valeur des biens loués.
Si M. et Mme [N] soutiennent que l'exercice par Mme [N] de la profession d'infirmière n'exclut pas toute collaboration à l'exploitation, force est de constater que les pièces produites aux débats ne permettent nullement d'établir qu'elle y participe de quelque façon que ce soit, étant par ailleurs rappelé qu'il ne saurait être exigé de M. et Mmes [Z] qu'ils rapportent la preuve négative d'un défaut de participation de l'intéressée.
Les terres données à bail par M. et Mmes [Z] ont été mises à la disposition de l'EARL [N] [D] et [K] à compter du 30 avril 2013. Les statuts de cette société démontrent que Mme [N] n'en est pas associée.
Dans ces conditions, il ne peut qu'être considéré que Mme [N], co-preneuse à bail, manque à son obligation de se consacrer personnellement à la mise en valeur des parcelles louées et a procédé à une cession prohibée du bail au profit de l'EARL [N] et [D] et [K], la circonstance que M. [D] [N] en soit associé et prenne part à l'exploitation étant indifférente en la matière eu égard au caractère indivisible du bail rural. Ce défaut de participation à l'exploitation des terres concernées prive les bailleurs de la possibilité de poursuivre à l'encontre de Mme [N] l'exécution des obligations nées du bail qu'elle avait contractées.
Il convient en conséquence, au vu des textes et de la jurisprudence précités, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail conclu le 14 février 1985, intervenu entre M. et Mme [N], d'une part et M. et Mme [Z], d'autre part, ordonné l'expulsion des preneurs, fixé l'indemnité d'occupation due et rejeté la demande d'astreinte présentée par M. et Mmes [Z], laquelle ne s'avère pas opportune eu égard à l'absence d'éléments de nature à laisser craindre que M. et Mme [N] puissent refuser d'exécuter la présente décision.
Enfin, la résiliation judiciaire du bail prive d'objet la demande aux fins d'expertise pour détermination du montant du fermage présentée par M. et Mme [N].
Sur l'article 700 et les dépens :
L'équité et la prise en considération de l'issue du litige déterminée par la présente décision commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner in solidum M. et Mme [N], qui succombent en l'intégralité de leurs prétentions, à payer à M. et Mmes [Z] ensemble la somme de 2.500 euros au titre des frais exposés en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. M. et Mme [N], parties succombantes, devront in solidum supporter la charge des dépens de l'instance d'appel.
Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
DÉCLARE recevable comme non prescrite la demande en résiliation du bail présentée par M. [M] [Z], Mme [W] [O] épouse [Z], Mme [L] [Z] épouse [J] et Mme [X] [Z] épouse [Y] ;
Au fond,
CONFIRME le jugement rendu le 2 décembre 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers en l'intégralité de ses dispositions ;
Et y ajoutant,
CONDAMNE in solidum M. [D] [N] et Mme [A] [I] épouse [N] à payer à M. [M] [Z], Mme [W] [O] épouse [Z], Mme [L] [Z] épouse [J] et Mme [X] [Z] épouse [Y] ensemble la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
CONDAMNE in solidum M. [D] [N] et Mme [A] [I] épouse [N] aux dépens de l'instance d'appel.
L'arrêt a été signé par M.WAGUETTE, Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S. MAGIS L. WAGUETTE