CR/LW
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- la SCP SOREL & ASSOCIES
- SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS
LE : 08 DÉCEMBRE 2022
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022
N° - Pages
N° RG 21/01132 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DMVW
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NEVERS en date du 29 septembre 2021
PARTIES EN CAUSE :
I - S.E.L.A.R.L. JSA ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 2]
N° SIRET : 419 488 655
Représentée par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
Plaidant par la SCP CABINET D'ORSO, avocat au barreau de BORDEAUX
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 15/10/2021
II - S.A.S. SKWIRREL, agissant poursuites et diligences de son représentant légal la société STRATEGIC ENERGY PARTNERS domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 1]
N° SIRET : 813 009 628
Non représentée,
à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée suivant acte d'huissier en date du 14/12/2021 remis à l'étude et les conclusions signifiées selon actes d'huissiers en dates des 01/02/2022, 19/07/2022 et 22/09/2022 remis à l'étude.
INTIMÉE
08 DÉCEMBRE 2022
N° /2
III - S.A. VATTENFALL ENERGIES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 3]
N° SIRET : 421 550 823
Représentée par la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au
barreau de BOURGES
Plaidant par la SELARL SYGNA PARTNERS, avocat au barreau de PARIS
timbre fiscal acquitté
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. WAGUETTE, Président de Chambre chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WAGUETTE, Président de Chambre
M. PERINETTI, Conseiller
Mme CIABRINI, Conseiller
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE
***************
ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Skwirrel a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nevers en date du 4 mars 2019 qui a désigné la Selarl JSA en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation.
L'activité de la société Skwirrel consistait à confier des travaux destinés à l'économie d'énergie à des entreprises installatrices afin d'obtenir des certificats d'économie d'énergie (CEE) en vue de les revendre ou au profit de ses clients fournisseurs d'énergie dont notamment la société Vattenfall Energies.
Le 1er avril 2019, la société Vattenfall Energies a revendiqué auprès du liquidateur judiciaire l'ensemble des documents et archives composant les dossiers montés et déposés par Skwirrel auprès du Pôle National des Certificats l'Economie d'Energie (PNCEE) en vue d'obtenir des Certificats d'Economie d'Energie (CEE).
Le 22 avril 2019, le liquidateur judiciaire a informé la société Vattenfall Energies qu'il refusait d'acquiescer à sa demande de revendication.
Par requête en date du 3 mai 2019, la société Vattenfall Energies a saisi le Juge-commissaire de la procédure d'une requête en revendication de la documentation détenue par la société Skwirrel.
Par ordonnance en date du 12 novembre 2019, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Nevers a rejeté la demande en revendication essentiellement pour les motifs suivants :
- les relations contractuelles entre la société Vattenfall Energies et la société Skwirrel caractérisent l'existence d'un contrat de vente,
- la société Skwirrel est le premier détenteur des CEE, au sens de l'article R. 222-4 du Code de l'Energie.
Le 25 novembre 2019, en application des dispositions de l'article R. 621-21 du Code de commerce, la société Vattenfall Energies a formé un recours devant le tribunal de commerce de Nevers aux fins de voir rétracter l'ordonnance du 12 novembre 2019.
Elle a soutenu qu'elle était propriétaire de la documentation détenue par la société Skwirrel en vertu du mandat qu'elle lui avait confié pour l'obtention des CEE dont elle est le premier détenteur et qu'ainsi l'ordonnance devait être rétractée pour qu'il soit fait droit à sa demande légitime de revendication.
Le mandataire judiciaire s'est opposé à la demande soutenant, au contraire, que l'ensemble de la documentation revendiquée était la propriété de la société Skwirrel.
Par jugement du 29 septembre 2021, le tribunal de commerce de Nevers a statué ainsi :
Déclare recevable le recours exercé par la société VATTENFALL ENERGIES,
Déclare bien-fondé ledit recours,
Infirme l'ordonnance rendue par le juge-commissaire en date du 12 novembre 2019 ;
Dit que la société VATTENFALL ENERGIES est propriétaire de l'ensemble de la documentation collectée et rassemblée par la société SKWIREL en sa qualité de fournisseur d'énergie obligé et premier détenteur des CEE,
Dit que la société VATTENFALL ENERGIES est propriétaire de la documentation sollicité et rassemblée par la société SKWIREL au titre du mandat confié par la société VATTENFALL ENERGIES conformément à l'article du 4 septembre 2014 pour l'obtention des CEE validés ou en cours de validation,
Ordonne à la SELARL JSA prise en la personne de Maître [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL, la restitution de l'ensemble de la documentation susvisée à la société VATTENFALL ENERGIES dans un délai de 8 (HUIT) jours à compter de la signification de la présente décision,
Ordonne à la SELARL JSA prise en la personne de Maître [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL, qu'au jour de la restitution, la documentation devra être présente et utilisable par la société VATTENFALL ENERGIES,
Ordonne au liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL, pendant la période intermédiaire de 8 (HUIT) jours, à mettre en 'uvre les moyens nécessaires pour permettre à la société VATTENFALL ENERGIES, ou toutes personnes auxquelles elle se substituerait, de consulter et, le cas échéant, disposer de sa Documentation de façon à ce qu'elle puisse travailler sur sa documentation et transmettre des données au PNCEE,
Dit que cette mise å disposition ne pourra être réalisée que sur demande expresse de la société VATTENFALL ENERGIES, le liquidateur judiciaire ne pouvant y refuser sauf à démontrer l'existence de justifications légitimes,
Condamne la SELARL JSA prise en la personne de Maître [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL, au paiement de la somme de 1 500 € (mille cinq cent euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 105,60 euros TTC.
Par acte reçu au greffe le 15 octobre 2021, la Selarl JSA , ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Skwirrel, a interjeté appel de cette décision qu'elle critique en tous ses chefs.
En l'état de ses dernières conclusions, signifiées le 19 septembre 2022, l'appelante demande à la cour de :
Vu les articles 1103, 2266 et 2276 du Code Civil
Vu l'article 488 du Code de Procédure Civile
Vu les articles L 622-21, L. 624-9, R 624-13 et L. 624-16 du Code de Commerce ;
Vu les articles L 221-7, L 221-8, L 221-10 et R 222-4 du Code de l'Energie
Vu l'arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d'une demande de CEE
Vu les pièces versées aux débats ;
Infirmer en totalité le jugement rendu le 29 septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NEVERS sous le n° de RG 2019 004273 ;
Et statuant à nouveau :
Confirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 12 novembre 2019 ;
Confirmer en conséquence le droit de propriété de la société SKWIRREL sur les demandes de CEE, documentations y attachées et tous autres documents ou biens y relatifs ayant été créés ou développés en vue d'être cédés à la société VATTENFALL ENERGIES ou portés sur le compte EMMY de cette dernière ;
Débouter la société VATTENFALL ENERGIES de toutes ses demandes ;
En tout état de cause :
Infirmer le jugement rendu le 29 septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NEVERS sous le n° de RG 2019 004273 en ce qu'il a :
- ordonné à la société JSA prise en la personne de Me [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL la restitution de l'ensemble de la documentation à la société VATTENFALL ENERGIES dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement ;
- ordonné à la société JSA prise en la personne de Me [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL qu'au jour de la restitution, la documentation devra être présente et utilisable par la société VATTENFALL ENERGIES ;
- ordonné au liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL, pendant la période intermédiaire de 8 jours, à mettre en 'uvre les moyens nécessaires pour permettre à la société VATTENFALL ENERGIES, ou toutes personnes auxquelles elle se substituerait, de consulter et, le cas échéant, disposer de sa documentation de façon à ce qu'elle puisse travailler sur sa documentation et transmettre des données au PNCEE,
- dit que cette mise à disposition ne pourra être réalisée que sur demande expresse de la société VATTENFALL ENERGIES, le liquidateur judiciaire ne pouvant y refuser sauf à démontrer l'existence de justifications légitimes ;
- condamné la société JSA, prise en la personne de Me [T], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société SKWIRREL à la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 105,60 € TTC,
- rejeter la demande de la société VATTENFALL ENERGIES tendant à ce que la
SELARL JSA ès-qualité lui remette l'intégralité de la documentation afférente aux
CEE en sa possession dans les 72 heures de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 2.000 € par jour de retard ;
- rejeter les demandes de la société VATTENFALL ENERGIES au titre de l'article 700 du CPC et au titre des dépens ;
- condamner la société VATTENFALL ENERGIES à payer à la SELARL JSA ès-qualité une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC pour la procédure de première instance outre une somme de 5.000 € pour la procédure d'appel ;
- condamner la société VATTENFALL ENERGIES aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En ses dernières conclusions signifiées le 5 septembre 2022, la société Vattenfall Energies demande à la cour de :
Vu les articles L. 641-14-1 et R. 641-31 du Code de commerce,
Vu l'article R. 621-21 du Code de commerce,
Vu les articles L. 624-9 et suivants et R. 624-13 et suivants du Code de commerce,
Vu les articles L. 222-1 et suivants du Code de l'énergie,
Vu l'arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d'une demande de certificats d'économies d'énergie et les documents à archiver par le demandeur,
Vu les articles 1984 et suivants du Code civil,
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Nevers du 29 septembre 2021 (RG n° 2019004273),
CONFIRMER dans l'intégralité de son dispositif le jugement du 29 septembre 2021 rendu par le Tribunal de commerce de Nevers (RG n° 2019004273) ;
Et y ajoutant,
ORDONNER à la société JSA, ès qualités de Liquidateur de la société Skwirrel, de se libérer entre les mains de la société Vattenfall Energies et plus précisément de l'un de ses représentants, de l'intégralité de la Documentation en sa possession, dans les 72 heures de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard ;
Par conséquent :
DÉBOUTER la société JSA, ès-qualités de Liquidateur de la société Skwirrel, de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNER la société JSA, ès qualités de Liquidateur de la société Skwirrel, au paiement de la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est expressément référé aux écritures susvisées pour plus ample exposé des faits ainsi que des moyens et arguments développés par les parties au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée.
Le tribunal de commerce a fait droit à la requête aux fins de revendication mobilière, présentée sans succès le 6 mai 2019 par la société Vattenfall Energies devant le juge-commissaire nommé à la procédure de liquidation judiciaire de la société Skwirrel, en retenant que les relations contractuelles entre les parties étaient nécessairement fondées sur l'existence d'un mandat.
L'objet du litige et les moyens et arguments que les parties avaient soumis à l'appréciation du tribunal au soutien de leurs prétentions respectives peuvent être résumés ainsi qu'il suit.
Il sera d'abord rappelé que la société Skwirrel faisait réaliser par des entreprises installatrices des travaux d'économie d'énergie ouvrant droit à des certificats d'économie d'énergie (CEE) et que, pour sa part, la société Vattenfall Energies est un fournisseur d'énergie, soumis aux dispositions de code de l'énergie et notamment à l'obligation d'économie d'énergie prévue en ses articles L 221-1 et suivants et R. 221-2 et suivants lesquels disposent que, pour satisfaire à cette obligation, les fournisseurs d'énergie peuvent réaliser directement ou indirectement des économies d'énergie ou acquérir des certificats d'Economie d'Energie (CEE),auprès d'acteurs ayant mené des actions d'économie d'énergie ou en contribuant financièrement à des programmes d'accompagnement.
La société Vattenfall prétendait être le premier détenteur des CEE obtenus ou en voie d'obtention par l'intermédiaire de la société Skwirrel en exécution de leurs conventions et revendiquait, en conséquence, la propriété et la restitution de l'ensemble de la documentation collectée et rassemblée par la société Skwirrel en application de l'arrêté du 4 septembre 2014 pour l'obtention de tous les CEE (Certificats d'Economie d'Energie), que les CEE aient d'ores et déjà été validés ou soient encore en cours de validation.
Elle soutenait qu'en vertu tant, des dispositions du code de l'énergie que des contrats conclus avec la société Skwirrel, cette dernière n'avait pu agir qu'en qualité de mandataire pour réaliser en son nom et pour son compte des travaux d'économie d'énergie donnant droit à des certificats d'économie d'énergie (CEE) dont elle soutenait être le premier détenteur au sens de l'article R 222-4 précité.
Le mandataire à la liquidation judiciaire de la société Skwirrel soutenait pour sa part que les seuls contrats exécutés entre les parties consistaient en 4 bons de commande aux termes desquels la société Vattenfall Energies achetait auprès de la société Skwirrel des CEE d'ores et déjà validés par le PNCEE sur le propre compte EMMY de Skwirrel.
Il faisait valoir qu'il s'agissait ainsi de contrats de vente et non de mandat et que les deux autres contrats conclus postérieurement entre les parties n'étaient pas concernés par la demande en revendication et qu'il ne pouvait en être tiré argument.
Il contestait l'affirmation de la société Vattenffal selon laquelle les dispositions du code de l'énergie ne permettaient pas à la société Skwirrel de se voir délivrer des CEE à titre personnel alors qu'au contraire selon l'article L. 211-8 et L. 221-10 du code de l'énergie, outre les personnes éligibles strictement énumérées, il est possible à toute personne morale d'ouvrir un compte dans le registre national (PNCEE) et détenir, acquérir ou céder les certificats d'économie d'énergie.
Pour faire droit à la demande de la société Vattenfall Energies, le tribunal a considéré qu'il résultait des dispositions du code de l'énergie que la société Skwirrel ne figurait pas au nombre des personnes morales limitativement énumérées pouvant obtenir des CEE et que, partant, c'était sa cliente qui était propriétaire de la documentation que Skwirrel ne détenait qu'en qualité de mandataire de la société Vattenfall.
Il convient de rappeler le dispositif légal des CEE.
La loi du 13 juillet 2005, fixant les orientations de la politique énergétique, a créé ces Certificats d'Economie d'Energie (CEE). Le dispositif est destiné à inciter à la réalisation d'économies d'énergie, principalement dans les secteurs du bâtiment, de l'industrie, des transports et des réseaux de chaleur.
Le principe des certificats repose sur une obligation de réalisation d'économies d'énergie imposée par les pouvoirs publics, sur une période donnée, à certains vendeurs d'énergie appelés «obligés».
L'article L. 221-1 du Code de l'énergie dispose ainsi :
«Sont soumises à des obligations d'économies d'énergie :
1° Les personnes morales qui mettent à la consommation des carburants automobiles et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat.
2° Les personnes qui vendent de l'électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat.
Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie. Une part de ces économies d'énergie doit être réalisée au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique.»
A défaut d'être obtenus par un «obligé», les CEE peuvent être attribués à des personnes dites «éligibles» définies à l'article L. 221-7 du Code de l'énergie comme étant :
- toute personne visée à l'article L. 221-1 (fournisseurs d'énergies notamment) ;
- toute collectivité publique ;
- l'Agence nationale de l'habitat ;
- tout organisme visé à l'article L. 411-2 du Code de la construction et de l'habitation (organismes d'habitation à loyer modéré) ;
- toute société d'économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux.
Mais l'article L. 221-7 ajoute que peut également donner lieu à la délivrance de certificats d'économies d'énergie la contribution à des programmes éligibles qu'il énumère dont des programmes de bonification de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés.
Et l'article L. 221-1-1 du code de l'énergie précise notamment que les fournisseurs d'énergie sont également soumis à des obligations d'énergie spécifiques à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique et peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant directement ou indirectement des économies d'énergie au bénéfice de ces ménages, soit en acquérant des certificats d'économie d'énergie provenant d'opérations réalisées au bénéfice de ces ménages.
Sur les quatre contrats conclus entre les parties, dont elles conviennent désormais qu'ils sont les seuls à être concernés par le présent litige, trois sont intitulés 'Bon de commande de Certificats d'Economie d'Energie Précarité Energétique ' et relèvent ainsi des dernières dispositions précitées.
Ces bons de commandes comportent tous en préambule le rappel suivant :
'VATTENFALL ENERGIES dans sa capacité de fournisseur d'énergie et SKWIRREL, dans sa capacité de conception, validation et commercialisation des C2E, se sont rapprochés pour formaliser les conditions de leur collaboration non exclusive dans le domaine des Certificats d'Economie d'Energie Précarité Energétique'.
Ce préambule est suivi d'un rappel de la loi transition énergétique pour la croissance verte qui crée une nouvelle obligation d'économies d'énergie au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique dans le cadre des CEE.
Il n'est ainsi pas douteux que la société Vattenfall qui en tant que fournisseur d'énergie était devenue 'obligée' à la réalisation d'économies d'énergie à l'égard de ces ménages, a voulu s'en acquitter au moyen d'une collaboration avec la société Skwirrel.
Les conditions de cette collaboration sont fixées à l'identique par les trois contrats et consistent pour Skwirrel à s'engager à fournir des C2P PE (Précarité Energétique) validés par le PNCEE en les lui livrant depuis son compte EMMY sur le compte EMMY de Vattenfall Energies et, en contrepartie pour Vattenfall Energies, à régler les factures de Skwirrel pour le volume défini et au prix défini par le contrat à réception de la facture.
La commune intention des parties ainsi exprimée s'inscrit dans le cadre de l'article L. 221-1-1 du Code de l'énergie, ci-dessus rappelé, en ce qu'il concerne spécifiquement les nouvelles obligations d'économies d'énergie, imposées au fournisseur d'énergie Vattenfall, à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique.
La société Vattenfall a choisi de s'acquitter de son obligation, non pas en réalisant directement ou indirectement ces économies d'énergie, mais en acquérant des certificats d'économie d'énergie provenant d'opérations que la société Skwirrel se chargeait de mettre en oeuvre au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique.
Ce mécanisme est exclusif de tout mandat que la société Vattenfall prétend avoir donné à la société Skwirrel puisqu'à l'évidence, la société Skwirrel agissait pour son compte ce qui lui était permis par l'article L. 221-7 du code de l'énergie précité en ce qu'il prévoyait que pouvait également donner lieu à la délivrance de certificats d'économies d'énergie la contribution à des programmes éligibles dont des programmes de bonification de réduction de la consommation énergétique des ménages les plus défavorisés ce qui entrait dans son champ d'activité.
Ainsi et sans même qu'il soit utile de débattre sur la qualité de premier détenteur des CEE de la société Skwirrel , il est en tout cas certain que la société Vattenfall ne pouvait être ce premier détenteur puisqu'elle faisait l'acquisition d'un certificat déjà émis ni en son nom ni pour son compte.
C'est donc à tort que le tribunal de commerce a fait droit intégralement à sa demande en revendication de la documentation attachée aux CEE acquis en exécution des trois bons de commande des 5 février 2016 et 3 mai 2017.
Le jugement entrepris sera réformé sur ce point et la Cour, statuant à nouveau, déboutera la société Vattenfall Energies de sa demande en revendication en ce qu'elle concerne la documentation afférente à ces trois contrats.
S'agissant du quatrième contrat, en date du 24 février 2016, il ne s'inscrit pas dans le cadre des économies d'énergie en direction des ménages en situation de précarité énergétique.
En effet il est intitulé 'Bon de commande de Certificats d'Economie d'Energie Dossier [N]', son préambule n'évoque une relation des parties que dans le domaine général des certificats d'économie d'énergie et les obligations de chacune des parties sont identiques aux trois autres contrats mais sans référence à la précarité énergétique.
Son article IV précise que 'Vattenfall Energies s'engage à acheter à Skwirrel la totalité du volume des C2E correspondant au dossier [N] établi au nom de Vattenfall Energies' et il résulte de cette formulation que, cette fois, l'existence d'un mandat apparaît caractérisée puisque c'est bien au nom de Vattenfall que le dossier est traité et, en tout état de cause, la société Skwirrel ne démontre pas qu'elle agissait dans le seul créneau réservé par l'article L. 221-7 aux personnes morales non obligées et non éligibles pour prétendre se voir attribuer des CEE.
En conséquence, il y a lieu de considérer que la société Vattenfall Energies était bien le premier détenteur des CEE validés par le PNCEE pour le dossier [N] et qu'à ce titre, elle était fondée en sa demande de revendication de la documentation y afférente.
La demande de revendication sera admise mais uniquement pour la documentation relative au bon de commande du 24 février 2016 concernant les CEE du dossier [N].
La société Vattenfall demandait qu'il soit ajouté au jugement entrepris en prévoyant d'assortir la remise des documents d'une astreinte mais cette demande sera rejetée dans la mesure où il est constant que cette documentation lui a été remise en exécution d'une décision du président du tribunal de commerce statuant en référé, confirmée par la cour de céans, sous forme numérique et que cette documentation n'existe pas sous une autre forme.
La cour constatera que la Selarl JSA, ès qualités, a satisfait à l'obligation de restitution de la documentation résultant du bien-fondé de la demande en revendication relative aux CEE du dossier [N]
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Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société JSA, ès qualités, aux dépens ainsi qu'en paiement d'une indemnité de 5.000 € à la société Vattenfall Energies et il sera dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.
Chacune des parties conservera la charge des dépens personnellement exposés pour les besoins de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nevers en date du 29 septembre 2021,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société Vattenfall Energies de sa demande de revendication de la documentation collectée et rassemblée par la société Skwirrel en exécution des trois bons de commande des 5 février 2016 et 3 mai 2017 concernant des certificats d'économie d'énergie Précarité Energétique,
Fait droit à la demande en revendication formée par la société Vattenfall Energies uniquement en ce qu'elle concerne la documentation sollicitée et rassemblée par la société Skwirrel en exécution du bon de commande de certificats d'économie d'énergie Dossier [N] du 24 février 2016,
Constate que la Selarl JSA, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Skwirrel, a restitué sous forme numérique à la société Vattenfall Energies les documents revendiqués,
Déboute la société Vattenfall Energies de sa demande tendant à voir ordonner une restitution sous astreinte,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens personnellement exposés pour les besoins de première instance et d'appel.
L'arrêt a été signé par M.WAGUETTE, Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S. MAGIS L. WAGUETTE