AJ/SLC
N° RG 22/00093 -
N° Portalis DBVD-V-B7G-DNPS
Décision attaquée :
du 06 janvier 2022
Origine :
tribunal judiciaire de Châteauroux
(Surendettement)
---------------
Mme [S] [I], débitrice
C/
Mme [R] [Y],
Mme [Z] [C],
créancières
[8]
[6]
[11]
créanciers
----------------
Expéditions aux parties le :
1er décembre 2022
Expéd. - Grosse
Me CHAUVAT 1.12.22
Me JOFFROY 1.12.22
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 1er DÉCEMBRE 2022
N° 17 - 6 Pages
DÉBITRICE APPELANTE :
Madame [S] [I],
[Adresse 5]
Représentée par Me Marie-Laure CHAUVAT, avocate au barreau de CHÂTEAUROUX
(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle 25 % numéro 2022/002405 du 23/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BOURGES)
CRÉANCIERS INTIMÉS :
Madame [R] [Y],
[Adresse 3]
et
Madame [Z] [C],
[Adresse 2]
Représentées par Me Stéphane JOFFROY susbtitué à l'audience par Me GAEMPERLE de la SARL S.JOFFROY SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
[8]
[Adresse 9]
Non représentée
[6],
Chez [7] [Adresse 1]
Non représenté
Société [11],
[Adresse 10]
Non représentée
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COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre, rapporteur
en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
Lors du délibéré : Mme VIOCHE , présidente de chambre
Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
Mme CLÉMENT, présidente de chambre
DÉBATS : A l'audience publique du 06 octobre 2022, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 1er décembre 2022 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : Réputé contradictoire - Prononcé publiquement le 1er décembre 2022 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
Saisie par [S] [I] d'une demande visant à voir examiner sa situation de surendettement, la commission de surendettement des particuliers du Val de Marne a, par décision du 06 juillet 2021, décidé d'imposer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Sur contestation d'[R] [C], épouse [B], et de [Z] [C], créancières, le juge des contentieux de la protection de Châteauroux chargé du surendettement, par jugement en date du 06 janvier 2022, a notamment :
- Dit que [S] [I] n'est pas une débitrice de bonne foi au sens de l'article L711-1 du code de la consommation,
- Dit en conséquence, que [S] [I] ne peut bénéficier de la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers.
Ce jugement a été notifié aux créanciers et à la débitrice. Cette dernière a interjeté appel de ce jugement.
[S] [I] a été régulièrement convoquée à l'audience du 02 juin 2022. A cette date, le dossier a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 6 octobre 2022.
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Dans ses conclusions soutenues à l'audience, [S] [I] demande à la cour de réformer la décision critiquée, de la juger recevable à bénéficier de la procédure de traitement
du surendettement des particuliers, de donner force exécutoire à la décision de la commission de surendettement du 6 juillet 2021 ordonnant son rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et de débouter [R] [C], épouse [B], et [Z] [C] de l'ensemble de leurs demandes.
Elle soutient en substance, que sa mauvaise foi n'est pas démontrée alors que ses dettes se composent de loyers, indemnité d'occupation et facture d'électricité afférents au logement et en aucun cas pour des dépenses hors de proportion avec ses revenus, de dettes de jeu ou de condamnations pénales. Elle rappelle les conditions de souscription du bail le 1er avril 2009 pour affirmer l'état de choc dans lequel elle pouvait se trouver à la réception en septembre 2014 du congé pour vendre. Elle s'étonne de l'inertie des créancières avant l'assignation en résiliation de bail délivrée en septembre 2019 et nie être l'auteur des dégradations alléguées. Elle rappelle sa situation financière précaire.
Dans leurs conclusions d'intimées contenant appel incident soutenues à l'audience, [R] [C], épouse [B], et [Z] [C] demandent à la cour de confirmer le jugement critiqué et en tout état de cause de débouter [S] [I] de sa demande tendant à l'effacement de sa dette à leur égard, les recevoir en leur appel incident et condamner [S] [I] à leur verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.
Elles relatent les étapes des relations entre les parties et les précédentes procédures. Elles soutiennent que la mauvaise foi de la débitrice est démontrée par l'importance de la dette, son absence de tout paiement depuis 2015, son maintien dans les lieux depuis 6 années sans paiement de la moindre somme alors qu'elle avait la possibilité de s'installer chez son fils et les dégradations de l'immeuble avant son départ. Elles rappellent leurs propres situations financières précaires.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité
Aux termes des articles R713-7 du Code de la consommation et 932 du Code de procédure civile, le délai d'appel est de quinze jours et est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse par pli recommandé au greffe de la cour.
En l'espèce, le jugement entrepris a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception reçue par l'appelante le 12 janvier 2022, et celle-ci a interjeté appel de ce jugement par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe en date du 18 janvier 2022, dans le respect des délais légaux.
[R] [C], épouse [B], et [Z] [C] ont interjeté appel incident.
Les appels sont recevables.
Sur le fond
Sur la déchéance
Aux termes de l'article 711-1 du code de la consommation 'Le bénéfice des mesures de
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traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.'
La bonne foi du débiteur s'apprécie à toute étape de la procédure. La bonne foi du
débiteur est présumée et c'est au vu de l'ensemble des éléments dont il dispose que le juge peut être amené à retenir l'absence de bonne foi du débiteur y compris en raison de faits antérieurs au dépôt de la déclaration, c'est-à-dire pendant le processus de formation de la situation de surendettement.
En l'espèce, la preuve doit être rapportée par [R] [C], épouse [B], et [Z] [C] que [S] [I] a sciemment créé ou aggravé son endettement en fraude de leurs droits de créancières, ou cherché volontairement à se soustraire à ces derniers.
Il est établi et non contesté qu'[J] [C] a consenti à [S] [I] un bail le 1er avril 2009 concernant un local d'habitation sis [Adresse 4] moyennant un loyer de 750 € mensuels et qu'en raison de travaux importants à réaliser, il lui avait été accordé la gratuité des deux premiers mois et un loyer de 50%, soit 375 euros pendant 20 mois soit jusqu'au 1er février 2011.
Il ne peut néanmoins être déduit de l'état de vétusté dans lequel elle affirme avoir pris le logement aucun élément de la bonne ou de la mauvaise foi de la débitrice.
De même que les dégradations alléguées par les bailleresses, outre qu'elles ne sont pas démontrées, ne peuvent établir la mauvaise foi.
Le 31 mars 2012, le bail était reconduit de manière tacite pour une nouvelle durée de trois années.
Par acte du 29 septembre 2014, [R] [C], épouse [B], et [Z] [C] devenues propriétaires au décès de leur père le 26 octobre 2013 ont donné congé pour vendre au 31 mars 2015.
Par jugement du 12 mai 2020, le juge des contentieux de la protection d'Ivry sur Seine a notamment déclaré valable le congé ainsi délivré, constaté que [S] [I] est déchue de plein droit de tout titre d'occupation sur le local depuis le 1er avril 2015, l'a condamnée à payer une somme de 4 383,20 euros au titre des loyers impayés et 797,60 € mensuelle au titre de l'indemnité d'occupation due.
La caducité de l'appel a été prononcée d'office par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2020.
Il se déduit de ces décisions que [S] [I] s'est volontairement abstenue de payer tout loyer et toute indemnité d'occupation depuis le congé pour vendre délivré en septembre 2014 sans justifier d'un changement de situation à cette date, pour se maintenir en toute connaissance de cause dans les lieux au moins jusqu'au 22 janvier 2021, soit plus de 6 années.
Aujourd'hui âgée de 74 ans, ses ressources s'élèvent, hors éventuelle allocation logement, à la somme de 1 593 €.
Si la mauvaise foi ne peut être retenue à l'encontre des débiteurs prisonniers d'une spirale d'endettement dont ils ne parviennent pas à sortir, parfois pour une longue durée, et dont la situation s'aggrave car ils sont objectivement dans l'incapacité de retrouver une situation financière leur permettant de désintéresser leurs créanciers, force est de constater que [S] [I] a été en mesure de trouver dès le 02 novembre 2021, un logement d'un coût
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beaucoup moins élevé - 466,15 euros charges comprises - après que le juge de l'exécution de Créteil a rejeté sa demande de délais pour quitter les lieux en raison notamment de l'absence de justification de démarches en vue d'un relogement.
[S] [I] qui a laissé la dette générée auprès de ses bailleresses augmenter à hauteur de plus de 64 000 €, ne démontre encore devant la cour d'aucune des solutions de relogement qu'elle a pu envisager pour faire cesser l'accroissement de son endettement principalement constitué de cette seule somme.
Le premier juge a justement dit que [S] [I] n'est pas débitrice de bonne foi au sens de l'article L711-1 du code de la consommation.
Le jugement sera confirmé.
Sur l'abus de procédure
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Estimant abusive l'action de [S] [I] à leur endroit, [R] [C], épouse [B], et [Z] [C] lui réclament ensemble la somme de 2 000 euros.
Il est constant que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, nul abus de droit n'est caractérisé à l'encontre de [S] [I] dans le cadre de la présente instance.
[R] [C], épouse [B], et [Z] [C] seront donc déboutées de leur demande de condamnation à paiement de dommages intérêts.
Chaque partie supportera, s'il y a lieu, les dépens par elle exposés
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevables les appels interjetés ;
Confirme le jugement rendu le 06 janvier 2022 par le juge des contentieux de la protection chargé du surendettement au tribunal judiciaire de Châteauroux ;
Y ajoutant,
Déboute [R] [C], épouse [B], et [Z] [C] de leur demande indemnitaire ;
Dit que chaque partie supportera, s'il y a lieu, les dépens par elle exposés.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
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En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme de LA CHAISE, pour la présidente régulièrement empêchée , et Mme JARSAILLON, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE P/ LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE
A. JARSAILLON S. de LA CHAISE