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18/11/2022 | FRANCE | N°21/01170

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 18 novembre 2022, 21/01170


SD/OC





N° RG 21/01170

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMYG





Décision attaquée :

du 27 septembre 2021

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





S.A.S. MAZAGRAN SERVICE



C/



Mme [Z] [M]









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Expéd. - Grosse



Me DEMONT-H. 18.11.22



Me PIGNOL 18.11.22











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COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022



N° 176 - 10 Pages





APPELANTE :



S.A.S. MAZAGRAN SERVICE

[Adresse 3]



Représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD, substituée par Me Pierre NDONG NDONG, de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocats a...

SD/OC

N° RG 21/01170

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMYG

Décision attaquée :

du 27 septembre 2021

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

S.A.S. MAZAGRAN SERVICE

C/

Mme [Z] [M]

--------------------

Expéd. - Grosse

Me DEMONT-H. 18.11.22

Me PIGNOL 18.11.22

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2022

N° 176 - 10 Pages

APPELANTE :

S.A.S. MAZAGRAN SERVICE

[Adresse 3]

Représentée par Me Brigitte DEMONT-HOPGOOD, substituée par Me Pierre NDONG NDONG, de la SELARL HOPGOOD ET ASSOCIES, avocats au barreau de CHALON-SUR-SAONE

INTIMÉE :

Madame [Z] [M]

[Adresse 1]

Représentée par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme CLÉMENT, présidente de chambre, rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CLÉMENT, présidente de chambre

DÉBATS : A l'audience publique du 30 septembre 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 18 novembre 2022 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 176 - page 2

18 novembre 2022

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 18 novembre 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Mazagran Service exploite plusieurs supermarchés et employait plus de 11 salariés lors de la rupture du contrat de travail.

Mme [Z] [U] [P] épouse[M], née le 25 juillet 1966, a été embauchée à compter du 13 octobre 2009 par la SAS Mazagran Service, en qualité d'employée commerciale, niveau II A, suivant contrat de travail à durée déterminée renouvelé à deux reprises puis suivant contrat à durée indéterminée à effet au 1er novembre 2010, pour une durée de travail de 159,25 h et une rémunération brute mensuelle de 1 410,96 €.

L'emploi relève de la convention collective du commerce détail et gros à prédominance alimentaire.

Mme [M] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014 puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et à nouveau pour maladie du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019.

Le 12 novembre 2019, Mme [M] s'est vue allouer une pension d'invalidité à titre temporaire de catégorie I au taux de 30 %.

Le 19 novembre 2019, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude en précisant que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par courriers des 20 et 29 novembre 2019, la SAS Mazagran Service a fait part au médecin du travail de ce que la société dépendait d'un groupe et qu'un reclassement pouvait être recherché, ce à quoi le médecin du travail a répondu que l'état de santé de Mme [M] était incompatible avec les diverses activités du groupe et qu'aucun reclassement n'était à prévoir.

La SAS Mazagran Service en a informé Mme [M] par courrier du 20 décembre 2019.

Par courrier du 26 décembre 2019, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 8 janvier 2020, auquel elle s'est présentée.

Par courrier du 16 janvier 2020, la SAS Mazagran Service a notifié à la salariée son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Contestant le motif de son licenciement, Mme [M] a saisi le 16 décembre 2020 le conseil de prud'hommes de Bourges, lequel, par jugement du 27 septembre 2021, a requalifié la rupture du contrat de travail de Mme [M] en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a :

$gt; fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 751,09 €,

$gt; condamné la SAS Mazagran Service à verser à Mme [M] les sommes de :

- 1 751,09 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 3 502,18 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 350,22 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 6 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Arrêt n° 176 - page 3

18 novembre 2022

- 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

$gt; condamné la SAS Mazagran Service à remettre un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi conformes à la décision dans un délai de 30 jour à compter de sa notification et sous astreinte de 30 € par jour de retard,

$gt; dit que le conseil se réservera la liquidation de l'astreinte,

$gt; ordonné le remboursement à Pôle emploi, par la SAS Mazagran Service, des indemnités de chômage versées à Mme [M] dans la limite de 6 mois en application de l'article L.1235-4 du code du travail

$gt; dit que les autres demandes de Mme [M] sont infondées,

$gt; débouté la SAS Mazagran Service de ses demandes,

$gt; condamné la SAS Mazagran Service aux dépens.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la SAS Mazagran Service le 26 octobre 2021 à l'encontre de la décision prud'homale, qui lui a été notifiée le 29 septembre 2021, en l'ensemble des dispositions du jugement, telles qu'exposées ci-dessus et intégralement reprises dans la déclaration d'appel.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juillet 2022 aux termes desquelles la SAS Mazagran Service demande à la cour de :

$gt; confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande en paiement de rappels d'indemnité spéciale de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

$gt; lui donner acte de ce qu'elle s'engage à régler 25 jours de congés payés restant dus à Mme [M] pour un montant de 1 554,22 €,

$gt; débouter Mme [M] du surplus de ses demandes,

$gt; condamner Mme [M] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 avril 2022 aux termes desquelles Mme [M] demande à la cour de :

$gt; confirmer le jugement du conseil de prud'hommes mais seulement en ce qu'il a condamné la SAS Mazagran Service à lui payer les sommes de :

- 3 502,18 € bruts à titre 'd'indemnité compensatrice de préavis',

- 350,22 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

$gt; l'infirmer pour le surplus,

$gt; statuant à nouveau, condamner la SAS Mazagran Service à lui payer :

-1 556,56 € à titre de dommages et intérêts pour non respect du délai de prévenance d'un mois,

- 7 911,51 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 3 675,66 € à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement,

- 14 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (8 mois),

- 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

$gt; débouter la SAS Mazagran Service de l'ensemble de ses demandes,

$gt; dire qu'au visa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation nette doit lui revenir et que la SAS Mazagran assurera le coût des éventuelles charges sociales dues,

$gt; constater que le salaire mensuel des 3 derniers mois était de 1 751,09 €,

$gt; condamner la SAS Mazagran Service à lui remettre une nouvelle attestation Pôle Emploi, dans un délai de 8 jours suivant la notification de la décision et sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

$gt; condamner la même aux dépens.

Arrêt n° 176 - page 4

18 novembre 2022

Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 août 2022 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

1) Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Aux termes de l'article L3141-5 du code du travail, 'Sont considérées comme période de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

(...)

5° : Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ; (...)'.

En l'espèce, la société Mazagran Service se reconnaît débitrice de 25 jours de congés payés, conformément à la demande présentée par Mme [M].

Les parties sont toutefois en désaccord sur le calcul de l'indemnité, Mme [M] sollicitant une somme de 1 634,61 € et la société Mazagran Service offrant celle de 1 554,22 €.

Aux termes de l'article L.3141-24 du code du travail,

'I- Le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

(...)

La salariée a modifié son salaire de base en ne retenant plus le 1 /12 ème du 13ème mois et en prenant uniquement le salaire horaire de base de 10,15 € appliqué à 151,57 h et majoré pour les heures supplémentaires jusqu'à 159,25 h, soit 1 634,61 €.

L'employeur n'explicitant pas son mode de calcul, il y a lieu de retenir le montant détaillé par la salariée ainsi que son calcul de congés payés pour 25 jours s'établissant à 1634,61 € x12 x 10 % x 25/30 = 1 634,61 €.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a alloué à Mme [M] une somme de 1 751,09 € à titre d'indemnité de congés payés dont le montant sera ramené à 1 634,61 € brut.

2) Sur l'application de l'article 7 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003

Aux termes de l'article 7 de la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2023 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, 'Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité

financière, sauf en cas de fin de relation de travail.'

Ces dispositions n'ont pas été transposées en droit interne.

Mme [M] invoque l'application de ces dispositions issues du droit social européen à son profit et sollicite une somme de 6276,90 € correspondant à une indemnité de congés payés pendant 4 semaines par an pendant toute la durée de suspension de son contrat de travail, soit 48 mois

Arrêt n° 176 - page 5

18 novembre 2022

et 7 jours du 10 novembre 2014 au 18 novembre 2019.

La société Mazagran Service fait valoir en réplique que les dispositions invoquées par l'intimée ne sont applicables en droit interne qu'aux salariés d'entreprises délégataires de service public ainsi que l'a jugé la cour de cassation dans un arrêt du 22 juin 2016 et que tel n'est pas son cas.

Mme [M] a alors invoqué l'article 21 §1 de la Charte des droits fondamentaux sur la non discrimination.

Il convient tout d'abord de relever que le moyen est nouveau, la salariée ne s'étant pas fondée devant les juges du fond sur le principe du droit social de l'Union européenne sur le droit au congé annuel payé de chaque travailleur ni la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Cependant, le moyen est de pur droit dès lors qu'il ne se réfère à aucune constatation de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond. Il est donc recevable.

Les directives européennes sont des sources normatives générales, ayant pour objet d'assigner aux Etats membres de l'Union des objectifs mais leur laissant le choix des moyens juridiques pour leur mise en oeuvre.

Il est de jurisprudence constante qu'une directive ne peut pas par elle-même créer d'obligations dans le cas d'un particulier et ne peut être invoquée en tant que telle à son encontre.

Une directive ne peut donc en principe être invoquée dans les rapports horizontaux entre justiciables (qui peuvent seulement agir contre l'Etat) mais il en va autrement lorsque l'employeur est un organisme chargé d'accomplir un service d'intérêt public et disposant à ce titre de pouvoirs exorbitants, lequel peut alors se voir opposer les dispositions d'une directive pouvant avoir des effets directs (effet vertical). (CJUE Grande Chambre 6 novembre 2018, Bauer)

Dans un arrêt du 22 juin 2016, invoqué par Mme [M], la Cour de cassation s'est appuyée sur la jurisprudence de la CJUE admettant 'que les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d'une directive pouvaient être invoquées par les justiciables à l'encontre d'organismes ou d'entités qui étaient soumis à l'autorité ou au contrôle de l'Etat ou qui disposaient de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables entre particuliers'. Tel n'est pas le cas de la SAS Mazagran Service, de sorte que Mme [M] n'est pas fondée à invoquer l'effet direct de la Directive dans ses rapports avec son employeur.

Invoquant l'article 21 § 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, Mme [M] allègue une discrimination selon la qualité de l'employeur.

Or, le salarié ne peut, dans le cas d'un employeur ne disposant pas de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables entre particuliers, revendiquer des droits à congés payés au delà de la période visée à l'article L.3141-5 du code du travail en raison des limites attachées au principe de l'interprétation conforme qui excluent toute interprétation contra legem du droit national (limites rappelées par l'arrêt de la CJUE du 24 janvier 2012,

n°282 / 10 Dominguez).

Dès lors, la demande de Mme [M] ne saurait prospérer.

Surabondamment, selon l'arrêt de la CJUE, Grande Chambre, du 19 novembre 2019, 'l'article 7 paragraphe 1 précité doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à des réglementations nationales et à des conventions collectives qui prévoient l'octroi de jours de congé annuel payé excédant la période minimale de quatre semaines prévue par ladite disposition, tout en excluant le report pour cause de maladie de ces jours de congés'.

Arrêt n° 176 - page 6

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Selon l'arrêt CJUE, du 21 juin 2012, [N], C-78/11, EU:C:2012:372 :

« Il est constant que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d'une période de détente et de loisirs. Cette finalité diffère en cela de celle du droit au congé de maladie. Ce dernier est accordé au travailleur afin qu'il puisse se rétablir d'une maladie engendrant une incapacité de travail ' (voir arrêt du 10 septembre 2009, [Y] [R], C-277/08.

Par ailleurs, la CJUE a jugé que, 'bien qu'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives serait en droit d'accumuler, de manière illimitée, tous les droits à congé annuel payé acquis durant la période de son absence du travail, un tel cumul illimité ne répondrait plus à la finalité même du droit au congé annuel payé' (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2011, KHS, C-214/10, EU:C:2011:761, points 29 et 30).

Ainsi, dans les circonstances spécifiques dans lesquelles se trouve un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives, la Cour a jugé que, au regard non seulement de la protection du travailleur à laquelle tend la directive 2003/88, mais aussi de celle de l'employeur, confronté au risque d'un cumul trop important de périodes d'absence du travailleur et aux difficultés que celles-ci pourraient impliquer pour l'organisation du travail, l'article 7 de cette directive doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à des dispositions ou à des pratiques nationales, limitant, par une période de report de quinze mois à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, le cumul des droits à un tel congé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2011, KHS, C-214/10, EU:C:2011:761, points 38, 39 et 44).'Par conséquent, il ressort des décisions de la CJUE que le droit a un congé payé annuel de 4 semaines peut être limité par une législation nationale lorsque le travailleur est en arrêt de maladie pendant plusieurs périodes successives, et qu'à cet égard, cette législation pourrait prévoir que le droit au congé payé annuel s'éteint à l'issue d'une période de référence de 15 mois, jugée acceptable par la CJUE.

A ce jour, le législateur français n'est pas intervenu sur ce délai de report.

Ainsi, il ne peut être soutenu, comme le fait Mme[M], que le droit à un congé payé annuel de 4 semaines doit bénéficier à tout travailleur quelle que soit sa situation, et notamment lorsqu'il a été en congé maladie pendant plusieurs années, ce qui a été son cas, puisqu'il serait détourné de sa finalité qui est de se reposer et de disposer d'une période de détente et de loisirs dans un souci de protection efficace de sa sécurité et de sa santé.

Il n'est donc pas acquis, dans l'hypothèse où la loi nationale serait modifiée selon les recommandations de la Directive précitée, que le droit à congé payé annuel de 4 semaines ne serait pas exclu à l'issue d'une période de congé maladie de plus de 15 mois.

Il convient dès lors de débouter la salariée de ce chef de demande.

3) Sur le non respect du délai de prévenance d'un mois pour la prise de congés

Aux termes de l'article D.3141-6 du code du travail, l'ordre des départs en congé est communiqué, par tout moyen, à chaque salarié un mois avant son départ.

Au motif que l'employeur ne pourrait imposer la prise de congés payés sans respecter le délai de prévenance d'un mois, Mme [M] soutient qu'elle a été placée d'autorité en congés payés à la suite de l'avis d'inaptitude, ce que dément la société Mazagran Service, qui expose qu'il a été demandé l'accord de Mme [M], l'octroi de congés payés étant plus favorable que l'absence de paiement de salaire pendant un mois.

Mme [M] ne démontre pas qu'elle a été placée sans son accord en congés payés. L'employeur fournit quant à lui à cet égard l'attestation de Mme [J], directrice du supermarché de [Localité 2], qui déclare avoir eu un entretien téléphonique avec Mme [M] le 22 novembre

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2019, au cours duquel elle 'lui a proposé de la positionner en congés payés afin d'éviter une perte

de salaire' et que' Mme [M] a accepté la pose de congés payés'.

Mme [M] soulève l'irégularité de cette attestation comme étant non conforme à l'article 202 du code de procédure civile.

Cependant, en tout état de cause, d'une part, Mme [M] ne précise pas le fondement de sa demande, d'un montant de 1 556,56 € au titre des mois de novembre (645,05 €) et décembre (921,51 €), dont le calcul n'est au demeurant pas explicité, y assimilant une demande d'indemnité temporaire d'inaptitude sans lien avec le non respect du délai de prévenance de fixation de l'ordre des congés payés et au surplus non due par l'employeur, et d'autre part, elle ne démontre pas qu'elle a subi un préjudice.

Sa demande est donc mal fondée ainsi que l'ont exactement dit les premiers juges dont la décision sera confirmée.

4) Sur l'origine de l'inaptitude du salarié et les demandes indemnitaires subséquentes

Il est constant que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

En l'espèce, Mme [M] soutient qu'elle a été arrêtée pour maladie suite à d'importantes douleurs à l'épaule droite dès le 10 novembre 2014 et pour maladie professionnelle du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016, et qu'il importe peu que ses derniers arrêts de travail l'aient été pour maladie simple dès lors qu'ils ont été établis à la suite de la consolidation de la maladie professionnelle.

La SAS Mazagran Service conteste cette affirmation et soutient que Mme [M] a été consolidée au 13 novembre 2016 et que la période de maladie suivante s'étendant du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019, soit pendant 3 ans, est une période de maladie sans lien avec l'activité professionnelle, à défaut pour Mme [M] de produire des pièces susceptibles de démontrer l'origine professionnelle de cette seconde période de maladie. L'employeur ajoute qu'à la suite de la visite de reprise du 19 novembre 2019, le médecin du travail n'a pas transmis à la salariée le formulaire de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude, ce qui est habituellement le cas lorsqu'il est suspecté que l'inaptitude a une origine professionnelle.

Pour justifier de l'origine professionnelle de son inaptitude, Mme [M] ne produit que le certificat initial de maladie professionnelle du 31 décembre 2014 mentionnant une 'rupture transfixiante de la partie antérieure et distale du tendon supra épineux + probable fissuration intra tendineuse de l'infra épineux + rupture tendon du long biceps ( IRM épaule droite)' .

Elle ne produit aucun certificat médical concernant les arrêts de maladie du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019, date de la visite de reprise, ni aucune autre pièce médicale pouvant constituer un indice sur l'existence d'un lien entre les arrêts de maladie successifs et sa pathologie professionnelle consolidée 3 ans auparavant.

Les avis et courriers du médecin du travail sont taisants sur une éventuelle origine professionnelle de l'inaptitude et ce dernier n'a pas remis à Mme [M] le formulaire de demande prévu à l'article D.433-3 du code de la sécurité sociale.

Enfin, l'attribution d'une pension d'invalidité de catégorie I à titre temporaire par la CPAM à Mme [M] à compter du 19 novembre 2019 ne démontre nullement une éventuelle origine professionnelle de l'invalidité.

Arrêt n° 176 - page 8

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La preuve n'est donc pas rapportée de l'origine professionnelle, au moins partielle, de l'inaptitude de la salariée.

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande en paiement d'une indemnité spéciale de licenciement, le jugement étant confirmé de ce chef.

5) Sur le motif du licenciement

Aux termes de l'article L.1226-12 du code du travail, 'lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. [...]'.

Le conseil de prud'hommes a jugé que l'employeur était dispensé de reclassement du fait de l'avis du médecin du travail aux termes duquel l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi mais a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse pour n'avoir pas consulté le CSE.

- Sur l'obligation de reclassement

Mme [M] prétend que la SAS Mazagran Service n'a pas satisfait à son obligation de reclassement dans la mesure où l'avis d'inaptitude ne concerne que les postes au sein de la société Mazagran Service dès lors que le médecin du travail n'a effectué une étude de poste qu'au sein de cette société uniquement mais non dans les autres sociétés du groupe et qu'il appartenait à l'employeur d'interroger celles-ci.

La SAS Mazagran Service réplique que Mme [M] ne peut plus remettre en cause l'avis d'inaptitude et qu'elle a interrogé le médecin du travail sur un éventuel reclassement dans les sociétés du groupe.

Elle produit en effet le courrier du 29 novembre 2019 par lequel elle informe le médecin du travail de l'existence de plusieurs activités au sein du groupe dont fait partie la société Mazagran Service et de la possibilité de proposer un poste à Mme [M] en adéquation avec les observations qui seraient émises. Elle demandait donc au médecin de préciser si elle était dispensée de rechercher des postes de reclassement ou à défaut, de mentionner les restrictions de la salariée.

Par courrier du 9 décembre 2019, le médecin du travail a répondu : 'J'ai bien noté que votre établissement faisait partie d'un groupe regroupant plusieurs activités (restauration, logistique, bricolage, ...). L'état de santé de Mme [M] est incompatible avec ces diverses activités. Il n'y a donc pas de reclassement à prévoir pour Mme [M]'.

Mme [M] a été informée de cette impossibilité de reclassement par courrier du 20 décembre 2019.

Arrêt n° 176 - page 9

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C'est donc exactement que le conseil de prud'hommes a dit que la SAS Mazagran était dispensée de l'obligation de reclassement.

- Sur la consultation du CSE

La société Mazagran Service fait valoir qu'aucune disposition n'oblige l'employeur à consulter le CSE lorsque le médecin du travail l'a dispensée de son obligation de reclassement.

Elle soutient tout d'abord que si la Cour de cassation, par des arrêts du 30 septembre 2020, prive de cause le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle lorsque le CSE n'a pas été consulté, ces arrêts concernent une impossibilité de reclassement en raison de l'absence de poste disponible, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il existe une inaptitude à tout emploi dispensant l'employeur de son obligation de reclassement, le contrôle effectué par le CSE devenant sans objet.

Lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n' a pas l'obligation de consulter le Comité Social et Economique (CSE) (Soc. 8 juin 2022, n° 20-22.500).

En l'espèce, le médecin du travail ayant expressément mentionné dans son avis que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur n'avait pas l'obligation de consulter le CSE.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour absence de consultation du CSE.

Mme [M] sera par conséquent déboutée de ses demandes indemnitaires.

6) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles

Il résulte de ce qui précède que la demande de remise sous astreinte d'un bulletin de salaire et d'une attestation Pôle Emploi n'est pas fondée et doit être rejetée.

Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les parties succombant partiellement en leurs prétentions respectives devant la cour conserveront la charge de leurs dépens et de les frais irrépétibles engagés devant elle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a dit que l'inaptitude de Mme [Z] [M] n'a pas une origine professionnelle, a débouté celle-ci de ses demandes en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et de dommages et intérêts pour non respect du délai de prévenance et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Arrêt n° 176 - page 10

18 novembre 2022

CONDAMNE la SAS Mazagran Service à payer à Mme [Z] [M] la somme de 1 634,61 € brut au titre des congés payés acquis ;

DÉBOUTE Mme [M] de sa demande en paiement de la somme de 6 276,90 € à titre d'indemnité de congés payés de 4 semaines pendant la durée de suspension de son contrat de travail ;

DIT que le licenciement de Mme [M] est fondé ;

DÉBOUTE Mme [M] de ses demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

REJETTE la demande de remise d'un bulletin de salaire et d'une attestation Pôle Emploi

modifiés ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01170
Date de la décision : 18/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-18;21.01170 ?
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