CR/MMC
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- Me Sabrina ZUCCARELLI
- la SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN
LE : 03 NOVEMBRE 2022
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 03 NOVEMBRE 2022
N° - Pages
N° RG 19/01137 - N° Portalis DBVD-V-B7D-DGNL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NEVERS en date du 14 Août 2019
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [E] [X]
né le 29 Mars 1979 à [Localité 35]
[Adresse 16]
[Localité 32]
- Mme [K] [P] épouse [X]
née le 13 Novembre 1984 à [Localité 33]
[Adresse 16]
[Localité 32]
Représentés et plaidant par Me Sabrina ZUCCARELLI, avocat au barreau de NEVERS
timbre fiscal acquitté
APPELANTS suivant déclaration du 28/09/2019
II - M. [I] [Z]
né le 16 Novembre 1950 à [Localité 34]
[Adresse 15]
[Localité 32]
- Mme [T] [O] épouse [Z]
née le 12 Avril 1949 à [Localité 34]
[Adresse 15]
[Localité 32]
Représentés et plaidant par la SCP BLANCHECOTTE-BOIRIN, avocat au barreau de NEVERS
timbre fiscal acquitté
INTIMÉS
03 NOVEMBRE 2022
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WAGUETTEPrésident de Chambre
M. PERINETTIConseiller
Mme CIABRINIConseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ :
M. [E] [X] et Mme [K] [P] épouse [X] sont propriétaires d'un ensemble immobilier et de parcelles situées à [Localité 32], cadastrées section BV n° [Cadastre 28], [Cadastre 19], [Cadastre 27], [Cadastre 29], [Cadastre 20], [Cadastre 25], [Cadastre 31], [Cadastre 17] et [Cadastre 18] et d'un passage commun cadastré n°[Cadastre 24] qui dessert la parcelle n° [Cadastre 31].
M. [I] [Z] et Mme [T] [O] épouse [Z] sont propriétaires sur la même commune d'un ensemble immobilier et de parcelles cadastrées section BV n° [Cadastre 21], [Cadastre 23], [Cadastre 30], [Cadastre 1], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8].
Entre les mois d'octobre 2005 et mars 2007, M. et Mme [Z] ont fait aménager la desserte de leur propriété (parcelle [Cadastre 7]) en créant un chemin carrossable rejoignant le chemin rural n° [Adresse 14] dit [Adresse 14].
Se prévalant d'un droit de passage existant
- au profit de leur parcelle AI [Cadastre 2] (devenue BV [Cadastre 31]) sur la parcelle AI [Cadastre 3] (devenue AI [Cadastre 11], puis BV [Cadastre 22] puis divisée en BV [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]) appartenant à M. et Mme [Z],
- au profit de leur parcelle AI [Cadastre 13] (devenue BV [Cadastre 24]) sur la parcelle AI [Cadastre 11] devenue BV [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], appartenant à M. et Mme [Z],
M. et Mme [X] en ont revendiqué le respect par courrier du 17 mai 2016 et imparti un délai à M. et Mme [Z] pour enlever la clôture qu'ils avaient érigée et qui y faisait obstacle.
M. et Mme [Z] ont remis en mains propres à M. et Mme [X] leur réponse, le 13 juillet 2016, reconnaissant l'existence de l'une seulement des deux servitudes invoquées.
Par acte d'huissier en date du 28 avril 2017, M. et Mme [X] ont fait assigner M. et Mme [Z] devant le Tribunal de grande instance de Nevers aux fins d'obtenir le respect des servitudes de passage dont ils affirmaient être titulaires.
En réplique, M. et Mme [Z] ont demandé au Tribunal de débouter M. et Mme [X] de leurs demandes et de les condamner à leur payer les sommes de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par jugement contradictoire en date du 5 avril 2019, le Tribunal de grande instance de Nevers a ordonné un transport sur les lieux, qui a été réalisé le 6 mai suivant.
Par jugement contradictoire rendu le 14 août 2019, le Tribunal de grande instance de Nevers a :
- constaté l'extinction de la servitude de passage sur les parcelles BV [Cadastre 5] et [Cadastre 6] au bénéfice du fonds cadastré BV [Cadastre 24],
- débouté M. et Mme [X] de leurs demandes au titre de ladite servitude de passage,
- constaté qu'aucune situation d'enclave ne bénéficiait à la parcelle cadastrée BV n°[Cadastre 24],
- débouté M. et Mme [X] de leur demande au titre la situation d'enclave de la parcelle cadastrée BV n°[Cadastre 24],
- débouté M. et Mme [X] de leur demande au titre des dommages et intérêts,
- débouté M. et Mme [Z] de leur demande au titre des dommages et intérêts,
- condamné M. et Mme [X] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de constat d'huissier,
- condamné M. et Mme [X] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les consorts [X] de leur demande au titre de l'exécution provisoire,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties.
Le Tribunal a notamment retenu l'existence d'une confusion partielle entre les mains de M. et Mme [Z] du fonds servant et du fonds dominant concernés par la servitude conventionnelle du 26 février 1993, que le juge avait pu constater, lors de son transport sur les lieux, que la configuration réelle des terrains était différente de celle qui était indiquée dans la matrice cadastrale, que la parcelle BV n°[Cadastre 24] ne trouvait pas son prolongement directement sur la parcelle [Cadastre 5] mais substantiellement en retrait de celle-ci entre les parcelles [Cadastre 23] et [Cadastre 21], et que l'octroi à M. et Mme [X] de la servitude revendiquée supposerait une aggravation de ladite servitude, ne pouvant être exercée par le même endroit mais par un passage plus long. Il a estimé en conséquence que la servitude se trouvait désormais éteinte. Le tribunal a par ailleurs observé que la parcelle BV n°[Cadastre 24] s'assimilait à un chemin étroit plutôt qu'à un terrain, qu'elle ne permettait pas le type d'exploitation prévu par l'article 682 du code civil, que M. et Mme [X] ne proposaient aucune indemnité proportionnée au dommage occasionné par le passage qu'ils sollicitaient et en a déduit qu'aucune situation d'enclave n'était caractérisée en l'espèce.
M. et Mme [X] ont interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 28 septembre 2019.
Par arrêt avant-dire droit en date du 21 janvier 2021, la Cour d'appel de Bourges a ordonné une expertise confiée à M. [S] (ultérieurement remplacé par M. [U]), afin essentiellement de procéder à l'examen des parcelles concernées par les servitudes de passage mentionnées aux actes de vente, décrire la nature de la parcelle BV n°[Cadastre 24] en particulier et dire si elle était susceptible d'être privée d'accès à la voie publique à défaut de bénéficier d'une servitude de passage sur la propriété de M. et Mme [Z].
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 14 janvier 2022.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 mai 2022 auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'ils développent, M. et Mme [X] demandent à la Cour, au visa des articles 700 et suivants, 682 et suivants du code civil, de :
ORDONNER le rabat de l'ordonnance de clôture afin de répondre aux conclusions d'appel signifiées la veille de la clôture par les époux [Z] qui prétendent à des demandes nouvelles des époux [X] alors que ces derniers maintiennent et réitèrent leur revendication du droit de passage au profit de leur parcelle n°[Cadastre 24] conformément aux termes de l'acte notarié du 26.02.1993 et ce, depuis la procédure de 1ère instance
HOMOLOGUER le rapport d'expertise judiciaire déposé le 12.01.2022 validant le caractère actif de la servitude conventionnelle de passage découlant de l'acte du 26.02.1993 au profit de la parcelle BV [Cadastre 24], et déterminant l'assiette de ladite servitude telle que définie dans le rapport et dans le plan qui y est annexé
(annexe 1) lequel plan permet sa parfaite visualisation
En conséquence,
DÉCLARER recevable et bien fondé l'appel régularisé par Mr [E] [X] et Mme [K] [P] épouse [X]
REFORMER le jugement attaqué en toutes ses dispositions et notamment en ce que le Juge de première instance a fait preuve d'une appréciation très contestable des faits de l'espèce au regard de son transport sur les lieux, et, a fait une inexacte application des textes, de la jurisprudence applicable aux faits de l'espèce, ainsi que des actes notariés depuis 1993, à l'exception de l'acte du 30.05.2003 dans lequel le notaire a procédé à une interprétation erronée de l'acte de 1993
CONDAMNER par ailleurs Mr et Mme [Z] à payer à Mr et Mme [X]
la somme de huit mille quatre cent euros (8.400,00 €) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'ils subissent en raison de l'atteinte portée à la servitude active dont leur fonds, la parcelle BV [Cadastre 24], aurait du pouvoir bénéficier et ce, depuis le 12.06.2015, et correspondant à 100 € par mois pendant 84 mois,
ENJOINDRE à Mr et Mme [Z] d'avoir à laisser libre d'accès ladite servitude en laissant à disposition des époux [X] une clé du portail matérialisé par le point I sur l'annexe 1 du rapport, et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard dès la fin dudit délai d'un mois,
A TITRE SUBSIDIAIRE, et si la servitude conventionnelle établie dans l'acte du 26.02.1993 n'était pas reconnue au profit de la parcelle BV [Cadastre 24],
DIRE ET JUGER que ladite parcelle BV [Cadastre 24] acquise par Mr et Mme [X] ainsi que les parcelles attenantes n°[Cadastre 20], [Cadastre 19], [Cadastre 18] et [Cadastre 17] se trouvent en situation d'enclave car desservies par des escaliers raides depuis la [Adresse 36], et, que le trajet le plus court et le moins dommageable serait alors incontestablement celui ayant son assiette telle que définie par l'expert judiciaire, selon plan joint à son rapport en annexe 1
DÉBOUTER Mr et Mme [Z] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
DIRE ET JUGER enfin que Mr et Mme [Z] seront condamnés à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre condamnation aux dépens qui comprendront les frais de constats d'Huissier de Justice.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 mai 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'ils développent, M. et Mme [Z] demandent à la Cour de
Confirmer le Jugement du Tribunal de Grande Instance de Nevers en toutes ses
dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [Z] de leur demande indemnitaire.
Débouter M. et Mme [X] en toutes leurs demandes ;
Condamner M. et Mme [X] en application des dispositions de l'article 1240 du Code civil à payer et porter à M. et Mme [Z] la somme de six mille euros (6 000,00 €) à titre de dommages et intérêts ;
Condamner les époux [X] à payer et porter à M. et Mme [Z] la somme de quatre mille euros (4 000,00 €) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner les mêmes aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 mai 2022.
MOTIFS :
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir «dire et juger», «rappeler» ou «constater» ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de «donner acte», qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.
Il est également fait observer que si, dans les motifs de leurs dernières conclusions les époux [Z] ont évoqué l'irrecevabilité, comme étant nouvelle, de la demande des époux [X] tendant à revendiquer le droit de passage sur la parcelle [Cadastre 5] et non plus sur les parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 8], force est de constater qu'une telle prétention n'est cependant pas formulée dans le dispositif des mêmes conclusions qui seul saisit la cour.
Ce point ne sera donc pas examiné.
Sur les demandes tenant aux servitudes :
L'article 637 du code civil pose pour principe qu'une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire.
L'article 700 du même code énonce que si l'héritage pour lequel la servitude a été établie vient à être divisé, la servitude reste due pour chaque portion, sans néanmoins que la condition du fonds assujetti soit aggravée.
Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'un droit de passage, tous les copropriétaires seront obligés de l'exercer par le même endroit.
Il résulte des articles 703 et suivants du code civil que les servitudes cessent du fait de l'impossibilité d'en user, du non-usage trentenaire, de la renonciation et de la réunion entre les mêmes mains des fonds dominant et servant.
Sur les servitudes conventionnelles
Ainsi que l'a relevé M. [U], expert judiciaire, la parcelle BV n°[Cadastre 31], anciennement AI n°[Cadastre 2], résulte du partage intervenu entre les consorts [V], le 2 mai 1964, qui instituait une servitude de passage d'1,25 mètre de largeur depuis le chemin compris dans l'actuelle parcelle BV n°[Cadastre 26], afin de désenclaver la parcelle ainsi créée.
L'acte rectificatif en date des 19 et 24 avril 1995 indique qu'il y a lieu de réintégrer à l'acte de vente du 26 février 1993 'la servitude de droit de passage ci-dessous rappelée :
Concernant la parcelle cadastrée section AI n°[Cadastre 2] :
'Cette parcelle bénéficiera d'un droit de passage qui s'exercera sur la parcelle cadastrée section AI n°[Cadastre 3] ci-après attribuée à Mademoiselle [V]' (actuellement n°[Cadastre 11])'.
L'expert judiciaire précise que cette servitude subsiste entre les points D (correspondant au point de rencontre entre la limite est de la parcelle BV n°[Cadastre 24] et la limite nord de la parcelle BV n°[Cadastre 21]) et H (correspondant au point de rencontre entre la limite sud de la parcelle BV n°[Cadastre 31] et la limite ouest de la parcelle BV n°[Cadastre 5]) des plans annexés 1 et 2 sur lesquels elle figure en tiretés rouges, qu'elle permet à M. et Mme [X] d'accéder à leur parcelle BV n°[Cadastre 31] depuis leur parcelle BV n°[Cadastre 24] en empruntant le passage d'1,25 m de
largeur sur la parcelle [Cadastre 5] de M. et Mme [Z] et que ces derniers ne la contestent pas.
Il sera observé en ce sens que M. et Mme [Z] affirment en leurs écritures que la parcelle n°[Cadastre 31] de M. et Mme [X] est desservie par un passage (la parcelle BV n°[Cadastre 24]) puis par une servitude grevant la parcelle n°[Cadastre 5] appartenant à M. et Mme [Z].
Par ailleurs, l'acte rectificatif en date des 19 et 24 avril 1995 a rappelé que l'acte de vente par M. [H] [V] à M. [B] [N] de la parcelle AI n°[Cadastre 11] (devenue la parcelle BV n°[Cadastre 22] dont la division a engendré les parcelles BV n°[Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]), daté du 26 février 1993, comportait les termes suivants :
'Monsieur [N] ayant l'intention d'établir sur la parcelle AI [Cadastre 11] un chemin d'accès depuis le sentier du Radigon situé au nord-est de la parcelle [Cadastre 11] pour aboutir à l'angle nord-est de la parcelle [Cadastre 9], il a été convenu entre Monsieur [V] et Monsieur [N] que ce chemin devrait longer sur une distance de dix mètres la limite entre les parcelles [Cadastre 11] et [Cadastre 12] de manière à permettre à Monsieur [V] de se créer à partir de la parcelle [Cadastre 12] un accès direct à ce sentier.
La propriété de Monsieur [V] bénéficiera donc d'un droit de passage sur le sentier créé par Monsieur [N] pour accéder au chemin du Radigon, et ce, avec tous véhicules mais sans aucun droit de stationnement.'
Cette mention figure en des termes identiques dans l'acte de vente à M. et Mme [Z] du 30 mai 2003, avec cette précision qu'il est indiqué, concernant les parcelles [Cadastre 11] et [Cadastre 12], '(actuellement BV n°[Cadastre 21] d'après la longueur indiquée)' et qu'une annotation manuscrite a été portée en marge : 'éteint après l'achat du [Cadastre 21] par Mr [Z]'.
Concernant la parcelle BV n°[Cadastre 24] (anciennement partie de la parcelle AI n°[Cadastre 12]), l'acte rectificatif en date des 19 et 24 avril 1995 qui a rappelé que l'acte de vente par M. [H] [V] à M. [B] [N] de la parcelle AI n°[Cadastre 11] (devenue la parcelle BV n°[Cadastre 22] dont la division a engendré les parcelles BV n°[Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]), daté du 26 février 1993, indique qu'il y a lieu de réintégrer à l'acte de vente du 26 février 1993 'la servitude de droit de passage ci-dessous rappelée :
[...]
Concernant la parcelle AI n°[Cadastre 3] : (actuellement [Cadastre 11]) [soit actuellement les parcelles BV n°[Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]]
'Cette parcelle de jardin et verger sera grevée d'un droit de passage au profit de Monsieur [H] [V] attributaire de la parcelle cadastrée section AI n°[Cadastre 2], pour lui permettre d'y accéder. Ce droit de passage s'exercera en ligne directe dans le prolongement du chemin de desserte des jardins sur une longueur de seize mètres trente et une largeur de un mètre vingt-cinq et reviendra à angle droit pour aboutir en ligne droite à la corne sud-est de la parcelle cadastrée section AI n°[Cadastre 2].'
M. et Mme [X] bénéficient des droits de M. [V] sur les parcelles BV n°[Cadastre 19], [Cadastre 20], [Cadastre 24] et [Cadastre 31]. Il est donc inexact d'affirmer, ainsi que le font M. et Mme [Z], que M. et Mme [X] n'ont aucun droit sur les parcelles BV n°[Cadastre 5] à [Cadastre 8], alors qu'aux termes des différents actes notariés, les parcelles BV n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6] sont grevées d'un droit de passage au profit de la parcelle BV n°[Cadastre 31], et que les parcelles BV n°[Cadastre 21], [Cadastre 23] et [Cadastre 24] bénéficient d'un droit de passage sur la parcelle BV n°[Cadastre 5] afin de disposer d'un accès au sentier du Radigon, le tout en vertu des actes ci-dessus détaillés qui reflètent la volonté des parties.
Si les parcelles BV n°[Cadastre 21] et [Cadastre 23] appartiennent désormais à M. et Mme [Z], ce qui a conduit à l'extinction de la servitude leur profitant en raison de la confusion entre les mêmes mains des fonds dominants et servant, il n'en va pas de même de la parcelle BV n°[Cadastre 24] appartenant à M. et Mme [X].
Le fait que la parcelle BV n°[Cadastre 24] n'ait aux yeux de M. et Mme [Z] qu'une fonction de chemin de passage ne change rien à sa qualité de fonds dominant auquel aucun acte n'a expressément retiré le bénéfice de la servitude de passage ci-dessus rappelée.
L'annotation manuscrite 'éteint après l'achat du [Cadastre 21] par Mr [Z]', figurant en marge dans l'acte de vente à M. et Mme [Z] du 30 mai 2003, est sans emport en ce qui concerne la servitude bénéficiant à la parcelle BV n°[Cadastre 24] dont elle ne prend pas la situation en considération. Il peut par surcroît être observé que la mention '(actuellement BV n°[Cadastre 21] d'après la longueur indiquée)', qui constitue un ajout effectué par le notaire aux mentions figurant à l'acte de vente [N]/[V] du 26 février 1993, lequel se bornait à évoquer la limite entre les parcelles n°[Cadastre 11] (actuellement BV n°[Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]) et [Cadastre 12] (actuellement BV n°[Cadastre 21], [Cadastre 23] et [Cadastre 24]), ne concorde pas avec les mesures effectuées par l'expert judiciaire. Ce dernier souligne en outre, dans sa réponse datée du 19 août 2021 au dire du conseil de M. et Mme [Z], que la pente et la configuration du terrain, ainsi que la rédaction initiale de la désignation de la servitude, permettent d'exclure que M. [N] ait eu l'idée de créer un chemin longeant les parcelles actuellement cadastrées BV n°[Cadastre 18] et [Cadastre 10] et que le tracé le plus court et le moins pentu pour relier l'extrémité de la parcelle [Cadastre 7] à l'angle nord-est de la parcelle BV n°[Cadastre 30] est celui réalisé par M. et Mme [Z].
Contrairement à ce qui est soutenu par M. et Mme [Z], l'acte notarié du 30 mai 2003 n'exclut pas 'logiquement la desserte de la parcelle [Cadastre 24] qui n'est qu'un sentier étroit', puisqu'il ne l'évoque même pas.
Cette annotation manuscrite ne saurait en conséquence constituer un juste titre ainsi que l'allèguent M. et Mme [Z].
En revanche, il ressort des constatations de l'expert judiciaire et des plans qu'il a dressés que l'assiette de la servitude retenue en 1993 'ne rejoint pas l'extrémité de la parcelle [Cadastre 24]". Elle prend manifestement fin entre les parcelles désormais cadastrées BV n°[Cadastre 23] et [Cadastre 5], qui appartiennent toutes deux à M. et Mme [Z].
Dès lors, il ne peut qu'être considéré que du fait des divisions et des acquisitions intervenues, la parcelle BV n°[Cadastre 24] ne peut être considérée comme fonds dominant bénéficiaire de la servitude créée en 1993.
Le fait que 'le complément de distance', selon les termes de M. [U], puisse être assuré par la servitude de 1964 reliant les parcelles BV n°[Cadastre 24] et [Cadastre 31] est inopérant, dans la mesure où la largeur de celle-ci a été précisément fixée à 1,25 mètre tandis que la servitude de 1993 prévoit un passage pour tous véhicules sans droit de stationnement. Reconnaître à M. et Mme [X] un droit de passage avec tous véhicules depuis leur parcelle BV n°[Cadastre 24] à travers la parcelle BV n°[Cadastre 5] jusqu'au sentier du Radigon reviendrait ainsi à aggraver la situation du fonds servant.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la volonté des parties aux différents actes n'a pas été d'instaurer au profit de la parcelle BV n°[Cadastre 24] une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle BV n°[Cadastre 5].
Sur l'état d'enclave de la parcelle BV n°[Cadastre 24]
Aux termes de l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la
réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.
En l'espèce, l'examen du plan cadastral révèle que la parcelle BV n°[Cadastre 24] est contiguë pour partie à la parcelle BV n°[Cadastre 21] appartenant à M. et Mme [Z], mais également à la parcelle BV n°[Cadastre 20], laquelle touche à son tour les parcelles BV n°[Cadastre 19] et [Cadastre 18], laquelle jouxte la parcelle BV n°[Cadastre 17]. Ces quatre dernières parcelles appartiennent à M. et Mme [X]. Le plan cadastral repris par l'expert judiciaire indique que la parcelle BV n°[Cadastre 17] est limitée au sud par la [Adresse 36].
Cette situation est confirmée par le jugement d'adjudication daté du 2 septembre 2008 qui attribue à M. et Mme [X] la propriété des parcelles BV n°[Cadastre 17] et [Cadastre 18], comportant notamment un bâtiment principal en façade sur la [Adresse 36].
La parcelle BV n°[Cadastre 24], qui se trouve à l'extrémité nord de cet ensemble de parcelles, peut ainsi être normalement desservie à partir de la [Adresse 36] par les parcelles voisines appartenant à M. et Mme [X], sans qu'il soit nécessaire de pourvoir à son entretien par le biais d'un accès au sentier du Radigon qui imposerait une servitude aux fonds dont M. et Mme [Z] sont propriétaires.
Aucune situation d'enclave de la parcelle BV n°[Cadastre 24] ne peut dès lors être caractérisée.
À défaut de servitude conventionnelle active comme d'état d'enclave, aucun trouble à l'usage de la servitude tel qu'invoqué par M. et Mme [X] n'est établi en l'espèce.
En considération de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a constaté l'extinction de la servitude de passage sur les parcelles BV [Cadastre 5] et [Cadastre 6] au bénéfice du fonds cadastré BV [Cadastre 24], débouté M. et Mme [X] de leurs demandes au titre de ladite servitude de passage, constaté qu'aucune situation d'enclave ne bénéficiait à la parcelle cadastrée BV n°[Cadastre 24], débouté M. et Mme [X] de leur demande au titre la situation d'enclave de la parcelle cadastrée BV n°[Cadastre 24] et de leur demande au titre des dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée formée par M. et Mme [Z] :
Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant que le droit d'agir ou de se défendre en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, l'appréciation inexacte que M. et Mme [X] ont pu faire de leurs droits et leur interprétation défaillante des actes authentiques versés en procédure ne caractérisent pas à leur encontre d'abus de leur droit d'ester en justice. Le montant des travaux engagés par M. et Mme [Z] pour pourvoir à la desserte de leur propriété est inopérant à caractériser le préjudice dont ils entendent se prévaloir, ces travaux étant parfaitement indépendants de l'engagement de la présente procédure judiciaire par M. et Mme [X].
La demande formée à ce titre par M. et Mme [Z] sera en conséquence rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 et les dépens :
L'équité et la prise en considération de l'issue du litige commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. et Mme [X], qui succombent en l'essentiel de leurs prétentions, à payer à M. et Mme [Z] la somme de 2.500 euros au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. M. et Mme [X], partie succombante, devront supporter la charge des dépens en cause d'appel.
Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement rendu le 14 août 2019 par le Tribunal judiciaire de Nevers en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
CONDAMNE M. [E] [X] et Mme [K] [P] épouse [X] à verser à M. [I] [Z] et Mme [T] [O] épouse [Z] la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE M. [E] [X] et Mme [K] [P] épouse [X] aux entiers dépens en cause d'appel.
L'arrêt a été signé par M.WAGUETTE, Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S. MAGIS L. WAGUETTE