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26/08/2022 | FRANCE | N°22/00044

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 26 août 2022, 22/00044


SD/CV





N° RG 22/00044

N° Portalis DBVD-V-B7G-DNKZ





Décision attaquée :

du 14 décembre 2021

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------



Mme [U] [Y]





C/



S.A.S. THUCH - ENSEIGNE ESCAPE YOURSELF







--------------------



Expéd. - Grosse



Me CABAT 26.8.22



Me PEPIN 26.8.22





















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 26 AOÛT 2022



N° 141 - 9 Pages





APPELANTE :



Madame [U] [Y]

[Adresse 2]



Représentée par Me Noémie CABAT, susbtituée par Me Marie-Pierre BIGOT, avocates au barreau de BOURGES









INTIMÉE :



S.A.S. THUCH...

SD/CV

N° RG 22/00044

N° Portalis DBVD-V-B7G-DNKZ

Décision attaquée :

du 14 décembre 2021

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

Mme [U] [Y]

C/

S.A.S. THUCH - ENSEIGNE ESCAPE YOURSELF

--------------------

Expéd. - Grosse

Me CABAT 26.8.22

Me PEPIN 26.8.22

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 26 AOÛT 2022

N° 141 - 9 Pages

APPELANTE :

Madame [U] [Y]

[Adresse 2]

Représentée par Me Noémie CABAT, susbtituée par Me Marie-Pierre BIGOT, avocates au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S.A.S. THUCH - ENSEIGNE ESCAPE YOURSELF

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric PEPIN de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme BOISSINOT, conseiller faisant fonction de président de chambre,

en présence de Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller rapporteur

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme BOISSINOT, conseillère

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère

DÉBATS : A l'audience publique du 1er juillet 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 26 août 2022 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 141 - page 2

26 août 2022

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 26 août 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [U] [Y], née le 9 janvier 1996, a été embauchée par la SAS Thuch à compter du 5 octobre 2019 en qualité de game master, niveau I, échelon 1, coefficient 150, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour une durée de trois mois.

Cet emploi relève de la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels du 5 janvier 1994.

Le contrat de travail a été prolongé par un avenant du 5 août 2020, pour la période du 5 janvier 2020 au 30 juin 2020, et par un avenant du 6 août 2020, pour la période du 30 juin 2020 au 30 septembre 2020.

Mme [Y] percevait en dernier lieu un salaire de 791,70 euros bruts pour 78 heures de travail mensuelles, soit 18 heures de travail hebdomadaires.

Recherchant principalement la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et à temps complet, Mme [Y] a saisi le 26 janvier 2021 le conseil de prud'hommes de Bourges, section activités diverses lequel par jugement du 14 décembre 2021 a :

- condamné la société Thuch à verser à Mme [Y] les sommes de :

$gt; 2 185,02 euros au titre des rappels de salaire,

$gt; 218,50 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; 1 539,45 euros au titre de l'indemnité de requalification du CDD et CDI,

$gt; 1 539,45 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 377,16 euros à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 1 539,45 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 153,94 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [Y] du surplus de ses demandes,

- ordonné la délivrance des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle Emploi et reçu de solde de tout compte) sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans le mois suivant la notification du jugement,

- débouté la société Thuch de toutes ses demandes,

- condamné la société Thuch aux entiers dépens ;

Vu l'appel régulièrement interjeté le 10 janvier 2022 par Mme [Y] à l'encontre de la décision prud'homale, qui lui a été notifiée le 16 décembre 2021, en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de rappel de salaire à hauteur de 8 478,46 euros au titre de la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet, de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2022 aux termes desquelles Mme [Y] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel partiel,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

$gt; requalifié la relation contractuelle à durée déterminée en relation à durée indéterminée,

$gt; dit et jugé que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; condamné la société Tuch à lui verser les sommes de :

Arrêt n° 141 - page 3

26 août 2022

* 1 539,45 euros à titre d'indemnité de requalification de la relation contractuelle à durée déterminée en relation à durée indéterminée,

* 1 539,45 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 377,16 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 1 539,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 153,94 euros au titre des congés payés afférents,

* 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

$gt; ordonné la délivrance des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans le mois suivant la notification du jugement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a :

$gt; déboutée de sa demande de rappel de salaire à hauteur de 8 478,46 euros au titre de la requalification du temps partiel en temps complet, outre 847,84 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; déboutée de sa demande au titre du solde de l'indemnité de précarité à hauteur de 847,84 euros,

$gt; déboutée de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé à hauteur de 9 236,70 euros,

$gt; déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail à hauteur de 5 000 euros,

en conséquence,

- requalifier la relation contractuelle à temps partiel en temps complet,

- condamner la société Thuch à lui verser les sommes de :

$gt; 8 478,46 euros à titre de rappel de salaire en raison de la requalification du temps partiel en temps complet, outre 847,84 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; 847,84 euros au titre du solde de l'indemnité de précarité,

- requalifier la relation contractuelle à durée déterminée en relation contractuelle à durée indéterminée,

- prendre acte que la société Thuch ne s'oppose pas à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

- dire et juger que la rupture du contrat de travail en date du 30 septembre 2020 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Thuch à lui verser les sommes de :

$gt; 1 539,45 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

$gt; 377,16 euros à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 1 539,45 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 153,94 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; 1 539,45 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 9 236,70 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

$gt; 5 000 euros au titre de la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail,

- ordonner à la société Thuch de lui délivrer une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes au jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le mois suivant la notification de l'arrêt,

- condamner la société Thuch à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Thuch aux entiers dépens,

- débouter la société Thuch de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2022 aux termes desquelles la société Thuch demande à la cour de :

- déclarer l'appel formé par Mme [Y] mal fondé,

en conséquence,

- juger que Mme [Y] n'est pas fondée à demander le paiement d'une indemnité de requalification du CDD en CDI supérieure à 791,70 euros,

- juger que Mme [Y] n'est pas fondée à demander le paiement d'une indemnité de licenciement supérieure à 193,96 euros,

pour le surplus,

Arrêt n° 141 - page 4

26 août 2022

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [Y] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 juin 2022 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

1) Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat à temps complet :

Selon l'article L. 3123-6 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui doit notamment mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet.

En l'espèce, il résulte du contrat de travail conclu le 5 octobre 2019 entre les parties que la durée hebdomadaire de travail était, selon l'article 7, de '18 heures réparties selon le planning qui [...] sera communiqué ultérieurement [à la salariée]'. Le contrat de travail ne contient aucune répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Mme [Y] prétend que la SAS Thuch ne lui communiquait pas ses plannings et pouvait changer au dernier moment ses horaires de travail de sorte qu'elle devait se tenir en permanence à sa disposition. L'employeur le conteste, en soutenant que si, rarement, le planning de Mme [Y] a pu être modifié, il lui toujours demandé son accord de sorte qu'elle pouvait refuser le changement d'horaires et n'avait donc pas à se tenir à sa disposition.

Si l'employeur verse aux débats quatre plannings pour la période du 1er octobre 2019 au 31 janvier 2020, il n'est pas établi qu'ils aient été communiqués à Mme [Y]. Faisant état d'un total mensuel d'heures et d'un solde des heures du mois, ils apparaissent en effet davantage comme des décomptes d'heures établis et signés par la salariée a posteriori, une fois les heures de travail réalisées. L'absence de planning est corroborée par les SMS que l'employeur envoyait à la salariée et dont il résulte qu'il la sollicitait fréquemment pour ajouter des heures de travail la veille ou l'avant-veille du jour concerné.

Le contrat de travail doit donc être présumé à temps complet.

Il incombe dès lors à l'employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et d'autre part, que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Or, les plannings de réservation informatiques et des décomptes d'heures produits par Mme [Y] montrent que son temps de travail était très variable d'un jour à l'autre, d'une semaine à l'autre et d'un mois à l'autre, pouvant ainsi aller de 11h30 en juin 2020 à 122h30 en août 2020.

Il résulte de ces variations importantes dans les horaires de travail de la salariée que la durée exacte du travail convenue, qui ne peut résulter d'une moyenne calculée a posteriori, n'est pas établie, que Mme [Y] s'est trouvée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de son employeur, peu important qu'elle ait eu la faculté de refuser certaines missions comme la société le fait

Arrêt n° 141 - page 5

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vainement valoir.

Le contrat de travail de Mme [Y] est donc requalifié en contrat à temps complet dès l'embauche, soit le 5 octobre 2019.

2) Sur les demandes indemnitaires afférentes à la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet :

- Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire au titre de la requalification

Le contrat de travail étant requalifié en contrat à temps complet à compter du 5 octobre 2019, et l'employeur ne critiquant pas les modalités de calcul du rappel de salaire sollicité par la salariée, il sera fait droit à la demande de Mme [Y] de voir condamner son employeur à lui payer la somme de 8 478,46 euros au titre de la requalification, outre 847,84 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a uniquement fait droit à cette demande à hauteur de 2 185,02 euros, outre 218,50 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur la demande en paiement du solde de l'indemnité de précarité

L'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, la déclaration d'appel parvenue au greffe le 1er janvier 2022 ne mentionne pas, au titre des chefs de jugement critiqués, le débouté de Mme [Y] de sa demande en paiement d'un solde d'indemnité de précarité à hauteur de 847,84 euros.

La cour constate donc qu'elle n'est pas saisie de cette demande.

3) Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée :

Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L. 1242-2 du même code précise que sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et notamment pour accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

L'article L. 1245-1, alinéa 1, prévoit enfin qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance, notamment, des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4.

En l'espèce, Mme [Y] sollicite la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, arguant d'une part de l'irrégularité du motif de recours au contrat à durée déterminée, à savoir l'accroissement temporaire d'activité, et d'autre part de l'absence de respect des dispositions applicables au renouvellement du contrat à durée déterminée.

L'employeur ne s'opposant pas à la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée, il est fait droit à la demande de Mme [Y] à ce titre.

4) Sur les conséquences pécuniaires de la requalification du contrat de travail en contrat

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à durée indéterminée :

- Sur la demande en paiement d'une indemnité de requalification

En cas de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'article L. 1245-2, alinéa 2, du code du travail prévoit que le salarié a droit à une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Lorsque le juge requalifie une succession de contrats de travail à durée déterminée conclus avec le même salarié en contrat de travail à durée indéterminée, il ne doit accorder qu'une indemnité de requalification dont le montant ne peut être inférieur à un mois de salaire.

À la suite de la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et étant précisé que le salaire mensuel brut de Mme [Y] doit être fixé à 1 539,45 euros et non 791,70 euros en raison de la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet, la salariée est bien fondée à obtenir une indemnité de requalification d'un montant de 1 539,45 euros, le jugement querellé étant confirmé de ce chef.

- Sur la demande en paiement d'une indemnité de licenciement

L'article L. 1234-9 du code du travail dispose que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R. 1234-2 du même code précise que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

En l'espèce, le salaire mensuel de référence de Mme [Y] étant de 1 539,45 euros en raison de la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet et les parties s'accordant sur les modalités de calcul de l'indemnité de licenciement, il est fait droit à la demande de paiement d'une indemnité de licenciement à hauteur de 377,16 euros, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

- Sur la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l'article L. 1234-5, alinéa 1, du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'article 1er du titre IX de la convention collective applicable prévoit qu'après la période d'essai, la démission et le licenciement, sauf faute grave ou lourde, donnent lieu à un préavis d'une durée d'un mois pour les employés et les ouvriers. Au-delà de deux années d'ancienneté, un préavis minimum réciproque de deux mois doit être respecté.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la salariée n'a pas exécuté de préavis, conventionnellement fixé à un mois, à l'issue de son contrat de travail.

L'employeur est cependant mal fondé à soutenir que Mme [Y] ne se serait pas tenue à sa disposition durant la période de préavis, étant rappelé au demeurant que c'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve de l'impossibilité dans laquelle se trouve le salarié d'effectuer son préavis, ce qui le dispenserait du versement de l'indemnité compensatrice.

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Le jugement attaqué est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société à verser à Mme [Y] la somme de 1 539,45 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 153,94 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail que si le licenciement d'un salarié opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié ayant moins d'une année complète d'ancienneté, à défaut de réintégration dans l'entreprise, une indemnité à la charge de l'employeur, sans que de montant minimal ne soit fixé.

En l'espèce, la rupture du contrat de travail, intervenue le 30 septembre 2020 au terme du troisième contrat à durée déterminée signé par les parties, doit être analysée, eu égard à la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée et à l'absence de procédure de licenciement et de lettre énonçant les motifs de licenciement, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au jour de la rupture du contrat, Mme [Y] était âgée de 24 ans et avait une ancienneté de 11 mois dans l'entreprise. Elle a une enfant à charge et justifie être restée sans emploi jusqu'au 24 février 2021, date à laquelle elle a retrouvé un travail à durée déterminée.

Au regard de ces éléments, l'employeur sera condamné à lui payer une somme de 1 539,45 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

5) Sur la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes de l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

L'article L. 8223-1 du même code précise qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, les décomptes d'heures produits par la salariée font apparaître que celle-ci a effectué de manière régulière des heures complémentaires qui n'ont pas été mentionnées sur les bulletins de paie ni rémunérées, dès lors que l'employeur avait pour pratique de compenser la réalisation d'heures complémentaires avec certaines semaines où la salariée travaillait moins que le temps de travail contractuellement prévu. Or, aucune disposition légale ne prévoit la possibilité de remplacer par l'octroi de repos le paiement des heures complémentaires effectuées par un salarié engagé à temps partiel.

Il est donc établi que l'employeur a régulièrement mentionné sur les bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ainsi que cela fut notamment le cas pour les mois de juillet et août 2020, durant lesquels la salariée a respectivement travaillé 93h30 et 122h30. Dès lors que l'employeur avait pleinement connaissance des heures de travail de la salariée, cette omission doit être considérée comme intentionnelle.

La société a donc commis les faits de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et est condamnée à verser à Mme [Y] la somme de 9 236,70 euros, correspondant à six mois de

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salaire et non à douze mois ainsi qu'elle le prétend vainement, à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée à ce titre.

6) Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail :

Il résulte de l'article L. 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l'espèce, afin de démonter la mauvaise foi de l'employeur, la salariée soutient qu'il a intentionnellement dérogé aux règles applicables au recours au CDD en l'embauchant et renouvelant par deux fois son contrat pour un prétendu accroissement temporaire d'activité, qu'il ne lui a pas fourni ses horaires de travail à l'avance, que ses heures complémentaires n'ont pas été rémunérées, que les documents de fin de contrat n'ont été remis qu'après condamnation par le conseil de prud'hommes et que les bulletins de salaire étaient remis et les salaires payés en retard.

L'employeur n'apporte aucun élément, dans ses dernières écritures, venant justifier l'existence d'un accroissement temporaire d'activité pour la période comprise entre le 5 octobre 2019 et le 30 septembre 2020. Il a également été établi précédemment qu'il ne communiquait pas de planning de travail à la salariée et que les heures complémentaires effectuées par cette dernière n'ont jamais été rémunérées. L'employeur ne conteste pas davantage avoir seulement remis les documents de fin de contrat après y avoir été condamné par le juge prud'homal. Les relevés de compte de Mme [Y] et les messages téléphoniques adressés par la salariée à son employeur démontrent enfin que ce dernier a eu du retard dans le paiement des salaires et dans la remise des bulletins de paie, notamment au mois de novembre 2019, où le salaire n'a été payé que le 12, au mois de mars 2020, où le salaire n'a été payé que le 9, et au mois de mai 2020, où le salaire a été payé le 12.

L'ensemble de ces faits caractérise donc la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.

S'agissant du préjudice causé à la salariée, les messages téléphoniques envoyés par Mme [Y] à son employeur et à la nourrice de sa fille démontrent, d'une part, que l'absence de planning lui occasionnait des complications pour trouver une garde pour son enfant, parfois dans un délai très court, afin de pouvoir aller travailler, et, d'autre part, que les retards dans le paiement du salaire l'ont mise en difficulté pour payer son loyer.

La société est donc condamnée à verser à Mme [Y] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, le jugement attaqué étant infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande.

7) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :

Il sera ordonné à la société de remettre à Mme [Y] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt, dans un délai d'un mois suivant la signification dudit arrêt, sans qu'il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.

Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société Thuch, qui succombe principalement, sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure. En équité, elle est également condamnée

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à payer à Mme [Y] la somme complémentaire de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée, sauf en ce qu'elle a condamné la SAS Thuch à verser à Mme [U] [Y] la somme de 2 185,02 euros à titre de rappel pour salaire pour requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée et de 218,50 euros au titre des congés payés afférents, a débouté Mme [U] [Y] de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, et a condamné sous astreinte l'employeur à remettre à la salariée ses documents de fin de contrat,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Thuch à payer à Mme [U] [Y] les sommes suivantes :

- 8 478,46 euros à titre de rappel de salaire pour requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée,

- 847,84 euros au titre des congés payés afférents,

- 9 236,70 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

ORDONNE à la SAS Thuch de remettre à Mme [U] [Y] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt, dans un délai d'un mois suivant la signification dudit arrêt mais DIT n'y avoir lieu à astreinte,

CONDAMNE la SAS Thuch à payer à Mme [U] [Y] une somme complémentaire de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Thuch aux dépens d'appel et la déboute de sa propre demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00044
Date de la décision : 26/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-26;22.00044 ?
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