AJ-SD/CV
N° RG 21/01316
N° Portalis DBVD-V-B7F-DND5
Décision attaquée :
du 15 novembre 2021
Origine :
conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES
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S.A.S. [Adresse 3]
C/
Mme [R] [N]
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Expéd. - Grosse
Me VAIDIE 26.8.22
Mme [I] 26.8.22
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 26 AOÛT 2022
N° 139 - 6 Pages
APPELANTE :
S.A.S. [Adresse 3]
[Adresse 2]
Représentée par Me Stéphanie VAIDIE de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat postulant, du barreau de BOURGES
et par Me Virginie DELESTRE substituée à l'audience par Me DE LAMBERTERIE de la SELARL NOMOS, avocat plaidant, du barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [R] [N]
[Adresse 1]
Ayant pour défenseur syndical ouvrier Mme [X] [I]
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre
en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre
Mme BOISSINOT, conseillère
Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère
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DÉBATS : A l'audience publique du 17 juin 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 26 août 2022 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 26 août 2022 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE :
La SAS Transports Urbains de Vierzon, ci-après dénommée [Adresse 3], exploite, dans le cadre d'un contrat de délégation de service public, le service public des transports urbains de Vierzon (Cher).
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 28 août 1989, Mme [R] [N] a été engagée en qualité de conductrice par la Société VTU-Bus Vallée, dont l'activité a été transférée à la [Adresse 3] à compter du 3 mars 2011.
La convention collective nationale des réseaux de transports publics Urbains de voyageurs s'applique à la relation de travail.
Le 25 janvier 2021, Mme [N], par l'intermédiaire d'un conseiller syndical, a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, section commerce, d'une demande en paiement d'un rappel de primes de repas décalé ainsi que d'une somme au titre de ses frais irrépétibles. Dans le dernier état de ses conclusions, elle y ajoutait une demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de la convention collective applicable.
La [Adresse 3] s'est opposée aux demandes.
Par jugement du 15 novembre 2021, rendu en dernier ressort et auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes de Bourges a déclaré irrecevable comme prescrite la demande en paiement d'un rappel de prime de repas décalé pour la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 25 janvier 2019, et a condamné la SAS [Adresse 3] à payer à la salariée les sommes de 82,06 euros au titre des primes de repas décalé pour l'année 2019, de 231 euros au titre des primes de repas décalé pour l'année 2020, de 100 euros en réparation du préjudice résultant de la privation de ces primes et de 300 euros à titre d'indemnité de procédure, ainsi qu'aux dépens.
Le 13 décembre 2021,la SAS [Adresse 3] a, par la voie électronique, régulièrement relevé appel de cette décision.
DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.
1 ) Ceux de la [Adresse 3] :
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 24 mai 2022, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit irrecevables comme étant prescrites les
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demandes en paiement de primes de repas décalé pour la période du 1er janvier 2017 au 25 janvier 2019, et son infirmation en ce qu'il l'a condamnée à payer à la salariée les sommes de :
-82,06 euros à titre de prime de repas décalé pour l'année 2019,
-231 euros à titre de prime de repas décalé pour l'année 2020,
-100 euros à titre de dommages et intérêts,
-300 euros à titre d'indemnité de procédure,
Elle réclame ainsi que la cour, statuant à nouveau, déboute Mme [N] de ses entières demandes et la condamne aux entiers dépens.
2 ) Ceux de Mme [N] :
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 4 mai 2022, elle réclame que l'appel de la [Adresse 3] soit jugé irrecevable et que celle-ci soit condamnée au paiement des sommes suivantes :
-730,26 euros net au titre de rappel de primes de repas décalé,
-500 euros à titre de dommages et intérêts,
-500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande en outre que la [Adresse 3] soit condamnée aux dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée.
* * * * * *
Par ordonnance du 5 mai 2022, la présidente de chambre chargée de la mise en état, disant que la demande, en raison de ses incidences pécuniaires pour l'avenir, était indéterminée et le jugement déféré improprement qualifié de jugement rendu en dernier ressort, a déclaré l'appel recevable.
La clôture de la procédure est intervenue le 1er juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1) Sur la demande en paiement d'un rappel de prime de repas décalé :
Mme [N], en l'espèce, forme contre son employeur une demande en paiement d'un rappel de primes de repas décalé en se fondant sur les dispositions de l'article 10 de l'accord de branche du 22 décembre 1998 relatif à l'organisation et à la réduction du temps de travail au sein de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageur, qui prévoient le versement d'une telle prime dans les conditions suivantes :
' Le présent article s'applique aux seuls personnels roulants.
Une coupure est une période pendant laquelle le salarié n'est plus à la disposition de l'employeur et peut vaquer librement à des occupations personnelles.
Les coupures d'une durée inférieure ou égale à 30 minutes sont comptées dans la durée du travail. Aucun service ne peut compter plus de deux coupures. Les deux temps de battement applicables sur les lignes régulières sont considérés comme du temps de travail effectif.
Le nombre journalier de services à deux coupures ne peut dépasser 10% du nombre total de services. Il peut être dérogé à cette limite par accord d'entreprise qui devra en définir les contreparties.
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La coupure pour repas de midi est au minimum de 45 minutes. Tout agent en service entre 11h30 et 14 heures qui ne bénéficie pas, dans cet intervalle, d'une coupure pour repas au moins égale à 45 minutes reçoit une allocation représentative de frais pour repas décalé, égale au salaire d'une demi-heure du salaire de base d'un conducteur-receveur de 10 ans d'ancienneté. Les accords d'entreprise peuvent prévoir des dispositions dérogeant à cet article.'
La demande en paiement de Mme [N], qui concerne la période allant de 2017 à 2020, est détaillée comme suit :
-année 2017: 230,52 euros
-année 2018: 164,12 euros
-année 2019: 89, 52 euros
-année 2020: 246,40 euros,
soit un total de 730,56 euros net.
L'employeur s'oppose à cette demande en soulevant en premier lieu sa prescription partielle et en invoquant en second lieu que le conseil de prud'hommes, qui y a fait droit pour la période postérieure au 25 janvier 2019, s'est mépris sur les dispositions conventionnelles dont se prévaut la salariée.
a) sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La [Adresse 3] soulève d'abord une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes antérieures au 25 janvier 2019, au motif que les primes réclamées ont la nature de frais professionnels et que l'action devait dès lors être engagée dans le délai de deux ans. Mme [N] lui répond que cette prime est un accessoire de salaire puisqu'elle ne compense pas des frais engagés mais une sujétion et qu'elle disposait donc d'un délai de trois ans pour en réclamer paiement.
La détermination du délai de prescription dépend de la nature de la créance qui fait l'objet de la demande.
L'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales définit les frais professionnels comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travail salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.
Il en résulte que tout frais engagé par un salarié pour se rendre sur son lieu de travail, ou qui se trouve, par le fait de son travail, obligé de prendre son repas en dehors de sa résidence habituelle doit faire l'objet d'un remboursement.
Il est par ailleurs acquis que l'allocation d'une somme forfaitaire qui a pour but d'indemniser le salarié des frais de repas constitue un remboursement de frais professionnels et n'a pas la nature d'un complément de salaire.
Or, ainsi que le prétend la [Adresse 3], l'action en paiement de sommes ayant la nature de frais professionnels est soumise à la prescription prévue par l'article L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail, selon lequel toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
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Mme [N] ayant introduit son action en paiement le 25 janvier 2021, c'est exactement que les
premiers juges ont dit que sa demande était prescrite pour la période du 1er janvier 2017 au 25 janvier 2019. Elle n'est donc recevable à réclamer le paiement de primes de repas décalé que postérieurement à cette date.
b) sur les conditions d'obtention de la prime de repas décalé
Mme [N] prétend que cette prime est due à la seule condition que l'agent bénéficie d'une coupure de repas de 45 mn entre 11h30 et 14h et que les dispositions conventionnelles ne prévoient pas qu'il faille, pour la percevoir, être présent entre 11h30 et 14h.
La SAS [Adresse 3] répond à la salariée qu'elle ne remplit pas les conditions pour obtenir paiement de cette prime, puisque celle-ci est due seulement si l'amplitude de service, que celui-ci soit effectué en une ou plusieurs vacations, recouvre entièrement la plage horaire allant de 11h30 à 14h, et si le salarié ne bénéficie pas dans cet intervalle d'une pause d'au moins 45 mn.
Il a été jugé (Cass. Soc. 9 juin 2022, n° 20-23.460) qu'en application de l'article 10 de l'accord de branche du 22 décembre 1998 relatif à l'organisation et à la réduction du temps de travail au sein de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageur, tout membre du personnel roulant peut prétendre au paiement de la prime pour repas décalé pourvu seulement que l'amplitude de son travail couvre la période définie, soit entre 11h30 et 14h.
C'est donc de manière inopérante que Mme [N] prétend qu'il importe peu que le salarié soit présent à son service entre 11h30 et 14h pour obtenir paiement de cette prime.
C'est encore vainement qu'elle invoque un usage, qui aurait consisté à ce que ces primes aient toujours été réglées même en l'absence de coupure entre 11h30 et 14h, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que le salarié doit seulement, pour obtenir la prime, travailler pendant toute cette plage horaire. L'employeur, en outre, justifie qu'il a été mis fin audit usage par un accord collectif de NAO en date du 26 juin 2020.
Mme [N] ne prétendant pas, pour qu'il soit jugé que les primes de repas décalé lui sont dues, qu'elle a travaillé pendant toute l'amplitude horaire définie par les dispositions de l'article 10 de l'accord de branche du 22 décembre 1998 , il en résulte que sa demande en paiement n'est pas fondée et qu'elle doit en être déboutée.
2) sur la demande en paiement de dommages et intérêts:
Il résulte de ce qui précède que Mme [N] ne peut utilement mettre en avant qu'elle a subi un préjudice en raison du refus que lui a opposé l'employeur face à ses demandes en paiement dès lors que ce refus était fondé. Sa demande en paiement de dommages et intérêts doit dès lors être rejetée. Le jugement est donc infirmé de ce chef.
3) Sur les dépens et les frais irrépétibles:
Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
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Mme [N], qui succombe en ses demandes, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement :
INFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il déclaré irrecevables comme prescrites les demandes en paiement de primes de repas décalé formées par la salariée pour la période du 1er janvier 2017 au 25 janvier 2019,
STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :
DÉBOUTE Mme [R] [N] de ses demandes en paiement de primes de repas décalé pour la période postérieure au 25 janvier 2019 et de dommages et intérêts ;
DÉBOUTE Mme [N] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [N] aux dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE C. VIOCHE