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26/08/2022 | FRANCE | N°21/01105

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 26 août 2022, 21/01105


SD/ABL





N° RG 21/01105

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMTC





Décision attaquée :

du 10 septembre 2021

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







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M. [L] [T]





C/



M. [Y] [N]









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Expéd. - Grosse



Me LACROIX 26.8.22



Me CABAT 26.8.22













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COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 26 AOÛT 2022



N° 142 - 8 Pages





APPELANT :



Monsieur [L] [T]

Lieu dit [Adresse 1]



Représenté par Me Dominique LACROIX, substitué par Me Hicham AL KHOUJA, avocats au barreau de BOURGES







INTIMÉ :



Monsieur [Y] [N]

[Adress...

SD/ABL

N° RG 21/01105

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMTC

Décision attaquée :

du 10 septembre 2021

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

M. [L] [T]

C/

M. [Y] [N]

--------------------

Expéd. - Grosse

Me LACROIX 26.8.22

Me CABAT 26.8.22

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 26 AOÛT 2022

N° 142 - 8 Pages

APPELANT :

Monsieur [L] [T]

Lieu dit [Adresse 1]

Représenté par Me Dominique LACROIX, substitué par Me Hicham AL KHOUJA, avocats au barreau de BOURGES

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [N]

[Adresse 1]

Représenté par Me Noémie CABAT, substituée par Léa Me VAZ DE AZEVEDO, avocates au barreau de BOURGES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/003225 du 09/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BOURGES)

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme BOISSINOT, conseillère

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère

Arrêt n° 142 - page 2

26 août 2022

DÉBATS : A l'audience publique du 10 juin 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 26 août 2022 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 26 août 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [N], né le 2 juin 1961, a été embauché à compter du 3 mars 1998 par M. [L] [T], exploitant agricole, en qualité d'ouvrier agricole, 1ère catégorie, 1er échelon, coefficient 100, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet jusqu'au 2 mars 1999. Il était par ailleurs logé et nourri par son employeur.

Par avenant du 1er mars 1999, la relation de travail s'est poursuivie en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 mars 1999.

Cet emploi relève de la convention collective nationale de la polyculture-élevage du Cher.

Par courrier en date du 7 août 2020, M. [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Afin de faire produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement de sommes, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, lequel par jugement du 10 septembre 2021, a :

$gt; Rejeté la pièce n°12 de M. [T],

$gt; Dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [N] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; Condamné M. [T] à verser à M. [N] les sommes suivantes :

- 56 470,94 € au titre des salaires pour la période du 08 août 2017 au 31 janvier 2020, outre la somme de 5 647,09 € au titre des congés payés afférents,

- 12 504,86 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 814,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 381,44 € au titre des congés payés afférents,

- 31 468,80 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 47 308,80 € pour absence de règlement de salaire,

- 11 443,20 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

$gt; Débouté M. [N] de sa demande de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour absence de remise de bulletins de salaire.

$gt; Ordonné à M. [T] de délivrer à M. [N] les bulletins de salaire sur la période du 8 août 2017 au 31 janvier 2020 et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du mois suivant la notification du présent jugement,

$gt; Ordonné à M. [T] de délivrer à M. [N] les documents de fin de contrat et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du mois suivant la notification du jugement,

$gt; Condamné M. [T] aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle,

$gt; Ordonné l'exécution provisoire de la décision,

$gt; Débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes.

Vu l'appel régulièrement interjeté le 7 octobre 2021par M. [T] à l'encontre de la décision prud'homale, qui lui a été notifiée le 14 septembre 2021, en toutes ses dispositions lui

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faisant grief.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 12 mai 2022, aux termes desquelles M. [T] demande à la cour de :

$gt; Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions lui faisant grief,

Statuant à nouveau :

$gt; Juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [N] s'analyse en une démission,

$gt; Débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes, y compris incidentes par la voie de l'appel interjeté par M. [T],

$gt; Condamner à titre reconventionnel M. [N] aux dépens ainsi qu'au paiement d' une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 mai 2022 aux termes desquelles M. [N] demande à la cour de :

$gt; Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bourges le 10 septembre 2021 en ce qu'il a :

- Rejeté la pièce n°12 de M. [T],

- Dit et jugé que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamné M. [T] à lui verser les sommes de :

. 56 470,94 euros au titre des salaires pour la période du 08 août 2017 au 31 janvier 2020, outre la somme de 5 647,09 euros au titre des congés payés afférents,

. 12 504,86 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 3 814,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 381,44 euros au titre des congés payés afférents,

. 31 468,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 11 443,20 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- Ordonné à M. [T] de lui délivrer les bulletins de salaire sur la période du 08 août 2017 au 31 janvier 2020 et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du mois suivant la notification de la décision,

- Ordonné à M. [T] de lui délivrer les documents de fin de contrat et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du mois suivant la notification de la décision,

- Condamné M. [T] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- Débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

$gt; Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bourges le 10 septembre 2021 en ce qu'il a :

- Limité le montant des dommages et intérêts en raison de l'absence de règlement des salaires à la somme de 47 308, 80 euros,

- Débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 2 000 euros pour absence de remise des bulletins de salaire,

En conséquence :

$gt; Condamner M. [T] à lui verser la somme de 56 470,94 euros au titre des salaires pour la période du 08 août 2017 au 31 janvier 2020, outre la somme de 5 647,09 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; Dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; Condamner M. [T] à lui verser la somme de 12 504,86 euros à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; Condamner M. [T] à lui verser la somme de 3 814,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 381,44 euros au titre des congés payés afférents,

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$gt; Condamner M. [T] à lui verser la somme de 31 468,80 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; Condamner M. [T] à lui verser la somme de 150 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour absence de paiement des salaires,

$gt; Condamner M. [T] à lui verser la somme de 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour absence de remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat,

$gt; Condamner M. [T] à lui verser la somme de 11 443, 20 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

$gt; Ordonner à M. [T] de lui délivrer les bulletins de salaires conformes sur la période du 08 août 2017 au 3l janvier 2020 et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du mois suivant la signification de la décision,

$gt; Ordonner à M. [T] de lui délivrer le reçu pour solde de tout compte, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du mois suivant la signification de la décision,

$gt; Condamner M. [T] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

$gt; Condamner M. [T] aux entiers dépens,

$gt; Débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 mai 2022 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

- Sur la demande en paiement de rappels de salaires pour la période du 8 août 2017 au 31 janvier 2020

En application des dispositions de l'article L. 3241-1 du code du travail, sous réserve des dispositions législatives imposant le paiement des salaires sous une forme déterminée, le salaire est payé en espèces ou par chèque barré ou par virement à un compte bancaire ou postal.

La délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées : l'employeur est donc tenu, en cas de contestation, de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables. Ainsi la seule mention sur les bulletins de paie de règlement en espèces ne permet pas à l'employeur de se libérer de son obligation de paiement du salaire, celui-ci devant établir qu'il a exécuté son obligation.

En l'espèce, M. [N] prétend qu'à compter de la fin de l'année 2007, son employeur a cessé de le rémunérer pour le travail accompli et qu'il se trouve bien fondé, compte tenu de la prescription triennale, à solliciter les sommes de 56 470,94 €, outre 5 647,09 € de congés payés afférents, à ce titre pour la période du 8 août 2017 au 31 janvier 2020. Il observe que l'employeur ne justifie d'aucun reçu et affirme, en toute hypothèse, qu'il n'était pas le seul salarié de l'exploitation, outre le fait que les chiffres portés sur les pièces adverses ne correspondent pas à sa rémunération. Il explique son silence par son analphabétisme et la confiance qu'il avait en son employeur.

M. [T] soutient quant à lui que les salaires ont été versés en espèces ainsi que cela figure sur les bulletins de paie du salarié ; il s'appuie également sur les comptes annuels de l'entreprise qui selon lui démontrent que les salaires étaient payés ; il s'étonne au surplus que l'intéressé ait attendu 13 ans avant de réclamer la rémunération qu'il estime lui être due.

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Le salarié produit ses bulletins de salaire pour la période du 3 mars 1998 au 31 décembre 1999 dont il ressort qu'il était alors rémunéré par chèque tout comme du 1er janvier au 30 juin 2004, mais aussi en juillet et décembre 2006 et en mars et juillet 2007. Il dit ne plus avoir disposé de bulletins de paie ultérieurement.

De son côté, l'employeur communique les bulletins de paie au nom de M. [N], qui, pour les années 2017/2018, portent mention d'un mode de règlement en espèces avant de revenir à un paiement par chèque au cours de l'année 2019. Il joint également les comptes annuels 2018 de son activité qui portent trace de rémunérations à hauteur de 23'258 € du 1er janvier au 31 décembre 2018 et 23 306 € du 1er janvier au 31 décembre 2017, sans qu'il soit néanmoins permis à la cour d'en déduire qu'il s'agissait des salaires de M. [N] ; au surplus, il n'est fourni aucune pièce s'agissant de l'année 2019.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait droit aux demandes en paiement formées par M. [N] à ce titre, les montants portés sur le décompte du salarié n'étant pas discutés.

- Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Il est constant que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission. Seul un manquement de l'employeur suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail peut justifier la prise d'acte par le salarié de la rupture.

En l'espèce, M. [N] estime que l'absence de paiement de ses salaires et de remise de ses bulletins de salaire constitue des manquements suffisamment graves justifiant la prise d'acte de la rupture de son contrat travail aux torts exclusifs de son employeur.

Ce dernier considère que les motifs de la prise d'acte sont dénués de pertinence outre le fait le salarié ne saurait être l'auteur de la lettre de prise d'acte dans la mesure où il admet ne savoir ni lire ni écrire. Il craint que la démarche soit l''uvre d'individus mal intentionnés qui profiteraient de la naïveté du salarié pour faire main basse sur ces rappels de salaire.

Il ressort des débats et il n'est pas contesté que M. [N] ne sait ni lire ni écrire ; pour autant, le fait d'avoir recours à un tiers pour écrire sa lettre de prise d'acte, signée néanmoins de sa main, ne suffit pas à entacher la valeur de celle-ci, qui au surplus ne fait que reprendre ses griefs, à savoir le non-paiement de ses salaires depuis le mois de février 2007. Or, il a été démontré supra que ce fait est avéré et dans la mesure où le salarié s'est trouvé privé de revenus pendant au moins trois années, il sera considéré qu'il s'agit d'un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation de travail, dont la rupture s'analysera de facto en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard de la convention collective nationale applicable, M. [N] est bien-fondé à solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3 814,40€, outre la somme de 380,44 € au titre des congés payés afférents ainsi que celui d'une indemnité de licenciement à hauteur de 12'504,86 €, ces montants n'étant pas discutés. La décision déférée sera donc confirmée de ces chefs.

Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié peut solliciter le paiement de dommages et intérêts pour un montant minimum de 2,5 mois de

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salaire s'agissant d'une entreprise employant moins de 11 salariés. Lors de son licenciement, M. [N], âgé de 59 ans, présentait 22 ans d'ancienneté. Il justifie percevoir le RSA depuis le 1er mai 2020, soit 494,05 € par mois. Il lui sera donc alloué en réparation de son préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi la somme de 25'000 €, infirmant le jugement entrepris sur ce quantum.

- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour non paiement des salaires

Aux termes des dispositions de l'article 2219 du code civil, la prescription est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.

En l'espèce, M. [N] réclame la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier important qu'il subit du fait de la prescription triennale qui le prive de solliciter un rappel de salaire avant le 8 août 2017 alors qu'il n'a pas été rémunéré depuis la fin de l'année 2007. L'employeur ne fait valoir aucune observation à ce titre.

Il doit être constaté que le salarié n'a pas agi avant le 7 août 2017, de sorte qu'il ne peut, sans faire échec aux règles de la prescription qu'il a lui-même soulevée, solliciter des dommages et intérêts pour pallier sa propre inertie. Infirmant la décision déférée, il sera débouté de sa demande à ce titre.

- Sur la demande en paiement d'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait par l'employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du même code prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l'article L. 8221-5 du code du travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

En l'espèce, M. [N] sollicite la somme de 11'443,20 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé en mettant en avant que M. [T], qui a omis de le rémunérer pour son travail a sciemment dissimulé son activité. L'employeur ne fait valoir aucune observation particulière sur ce point.

Il a été admis que M. [N] n'avait pas été rémunéré de ses heures travaillées à hauteur de 42 heures par semaine, représentant 30,33 heures supplémentaires par mois, lesquels ne figuraient pas au surplus sur les bulletins de salaire communiqués par l'employeur sans que ce dernier ne s'en explique. L'élément matériel de l'infraction de travail dissimulé se trouve ainsi caractérisé et l'élément intentionnel résulte de la récurrence de cette pratique frauduleuse par l'employeur au fil des ans. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande du salarié à ce titre.

- Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour la remise tardive des bulletins de salaires et des documents de fin de contrat

Lors de la rupture ou la fin d'un contrat de travail, l'employeur doit obligatoirement remettre

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au salarié un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi. A cet égard, l'article R. 1234-9 du code du travail précise que l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi. Ces documents sont néanmoins quérables et non portables.

En l'espèce, M. [N] expose que M. [T] lui a transmis, suite au jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bourges, les bulletins de salaire réclamés et les documents de fin de contrat mais que ceux-ci sont erronés outre le fait qu'ils comportent une date de sortie des effectifs au 10 septembre 2021 et non à la date de la prise d'acte, soit le 7 août 2020. Il prétend par ailleurs qu'il n'a pas pu faire valoir ses droits à Pôle emploi en l'absence de transmission par l'employeur de l'attestation nécessaire. L'employeur ne formule aucune observation particulière à ce sujet.

Le fait que la CAF s'interroge sur une différence entre ses déclarations et les informations en sa possession ne suffit pas à incriminer l'employeur même s'il n'est pas discutable que les documents de fin de contrats sont erronés pour ne pas faire référence à la condamnation à hauteur de 56 470,94 €, et que son conseil atteste que les montants des condamnations n'ont pas été versés sur son compte CARPA. Pour autant, avant le 3 novembre 2021, le salarié ne justifie d'aucune démarche préalable en vue de récupérer ses documents de fin de contrat et il n'est pas avéré que l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi générée en date du 12/10/2021 par titre emploi service agricole a été effectivement transmise à cette date par l'employeur. La décision sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté le salarié de sa demande à ce titre.

- Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles

Il sera ordonné à la société de remettre à M. [N] les bulletins de salaire ainsi que le reçu pour solde de tout compte, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, dans un délai d'un mois suivant la signification du dit arrêt, sans qu'il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.

Le jugement querellé est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

L'employeur qui succombe principalement sera condamné aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle. En revanche, M. [N], bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, il n'y a pas lieu de satisfaire sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. M. [T] sera quant à lui débouté de sa propre demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

CONFIRME la décision déférée, sauf en ce qu'elle a condamné M. [L] [T] à verser à M. [Y] [N] la somme de 47 308,80 € de dommages et intérêts pour absence de règlement de salaire et a assorti d'une astreinte la condamnation de l'employeur à délivrer au salarié ses documents de fin de contrat ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DÉBOUTE M. [Y] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour non-paiement des salaires,

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ORDONNE à M. [L] [T] de remettre à M. [Y] [N] ses bulletins de salaires pour la période du 8 août 2017 au 31 janvier 2020 ainsi que l'ensemble de ses documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, dans un délai d'un mois suivant la signification du dit arrêt mais DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [Y] [N] bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale ;

CONDAMNE M. [L] [T] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle, et le déboute de sa propre demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01105
Date de la décision : 26/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-26;21.01105 ?
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