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26/08/2022 | FRANCE | N°21/00984

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 26 août 2022, 21/00984


AJ-SD/CV





N° RG 21/00984

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMKG





Décision attaquée :

du 06 septembre 2021

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





M. [S] [K]





C/



S.A.S. COMBRONDE LOGISTIQUE









--------------------





Expéd. - Grosse



Me CABAT 26.8.22



Me PEPIN 26.8.22



















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 26 AOÛT 2022



N° 140 - 10 Pages





APPELANT :



Monsieur [S] [K]

[Adresse 1]



Représenté par Me Noémie CABAT de la SELARL AVARICUM JURIS, avocat au barreau de BOURGES









INTIMÉE :



S.A.S. COMBRONDE LOGISTIQUE
...

AJ-SD/CV

N° RG 21/00984

N° Portalis DBVD-V-B7F-DMKG

Décision attaquée :

du 06 septembre 2021

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

M. [S] [K]

C/

S.A.S. COMBRONDE LOGISTIQUE

--------------------

Expéd. - Grosse

Me CABAT 26.8.22

Me PEPIN 26.8.22

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 26 AOÛT 2022

N° 140 - 10 Pages

APPELANT :

Monsieur [S] [K]

[Adresse 1]

Représenté par Me Noémie CABAT de la SELARL AVARICUM JURIS, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S.A.S. COMBRONDE LOGISTIQUE

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric PEPIN, avocat postulant, de la SELARL ALCIAT-JURIS, du barreau de BOURGES

Ayant pour dominus litis Me Philippe VEBER de la SELARL VEBER ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme BOISSINOT, conseillère

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère

Arrêt n° 140 - page 2

26 août 2022

DÉBATS : A l'audience publique du 17 juin 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 26 août 2022 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 26 août 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Combronde Logistique exploite une activité d'affrètement et de transport terrestre de marchandises et employait plus de 11 salariés au moment de la rupture.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 2 mai 2017, M. [S] [K] a été engagé par cette société en qualité de chauffeur routier, statut ouvrier, groupe 6, coefficient 138, moyennant un salaire brut mensuel de 1 860,89€, contre 182 heures de travail effectif par mois, en ce compris les 'heures supplémentaires et majorations légales et conventionnelles'.

La convention collective nationale des transports routiers du 21 décembre 1950 s'est appliquée à la relation de travail.

Par lettre remise en main propre à l'employeur le 7 juin 2019, M. [K] a informé ce dernier de sa décision de démissionner de son poste à compter du 14 juin 2019.

Le 17 mai 2020, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, section commerce, afin de faire juger que sa démission est nulle et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir paiement de diverses sommes, notamment un rappel de salaire pour heures supplémentaires réalisées mais non payées et des dommages et intérêts pour non-respect des repos compensateurs.

La SAS Combronde Logistique s'est opposée aux demandes et a réclamé une somme pour ses frais de procédure.

Par jugement du 6 septembre 2021, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes, jugeant notamment que la démission du salarié était claire et non équivoque, a condamné la SAS Combronde Logistique à payer à ce dernier les sommes de :

-588,72 € brut à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés au titre de la période 2017/2018,

-1 500€ à titre de dommages et intérêts pour non-respect des repos compensateurs,

-700€ à titre d'indemnité de procédure.

Il a en outre condamné l'employeur à remettre au salarié un bulletin de salaire, une attestation Pôle Emploi et un solde de tout compte conformes, a débouté M. [K] de ses autres prétentions et la SAS Combronde Logistique de sa demande d'indemnité de procédure, et a condamné cette dernière aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée.

Le 13 septembre 2019, par la voie électronique, M. [K] a régulièrement relevé appel de cette décision.

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DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de M. [K] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 4 mai 2022, il sollicite l'infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer les sommes de 588,72 euros brut à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période 2017/2018, 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des repos compensateurs et 700 euros pour ses frais irrépétibles, à lui remettre des documents de fin de contrat conformes, a débouté la SAS Combronde Logistique de sa demande au titre de ses frais irrépétibles et l'a condamnée aux entiers dépens.

Il demande ainsi à la cour de condamner la SAS Combronde Logistique au paiement des sommes suivantes :

-1 672,38 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 167,24 euros au titre des congés payés afférents,

-588,72 euros à titre de rappel d'indemnités compensatrices de congés payés pour la période 2017/2018,

-1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des repos compensateurs,

-5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

-12 435,12 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

-6 217,62 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-4 145,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 414,05 euros au titre des congés payés afférents,

-1 095,04 euros à titre d'indemnité de licenciement,

-2 000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier de la portabilité des garanties santé et prévoyance.

Il réclame en outre qu'il soit ordonné, sous astreinte, à la SAS Combronde Logistique de lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes, qu'elle soit condamnée au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euros, déboutée de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles et condamnée aux entiers dépens.

2 ) Ceux de la SAS Combronde Logistique :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 22 février 2022, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a qu'il l'a condamnée à payer à M. [K] les sommes de 588,72 euros brut à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période 2017/2018, 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des repos compensateurs et 700 euros pour ses frais irrépétibles, à lui remettre des documents de fin de contrat conformes, l'a déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles et l'a condamnée aux entiers dépens.

Elle sollicite ainsi de la cour qu'elle déboute M. [K] de l'ensemble de ses demandes afférentes à l'exécution de son contrat de travail, dise que sa démission est non équivoque et lui en attribue les effets en le déboutant de l'intégralité de ses prétentions, et le condamne au

paiement d'une somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Arrêt n° 140 - page 4

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La clôture de la procédure est intervenue le 1er juin 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la validité de la démission :

L'article L. 1231-1 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou encore d'un commun accord.

La démission ne se présume pas ; il s'agit d'un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle doit en outre être l'expression d'une volonté libre et réfléchie.

Ainsi, à partir du moment où la démission résulte d'une volonté libre, clairement exprimée et non équivoque, le contrat de travail se trouve rompu à la date à laquelle l'employeur en a eu connaissance, et la rétractation s'avère sans effet.

En l'espèce, par courrier remis en main propre le 7 juin 2019, M. [K] a donné à son employeur sa démission en ces termes :

' Monsieur le Directeur d'Agence,

J'ai l'honneur de vous informer de ma décision de démissionner de mes fonctions de chauffeur routier exercées depuis le 02 mai 2017 au sein de l'entreprise.

J'ai bien noté que les termes de mon contrat de travail prévoient un préavis d'une semaine à réception de cette lettre soit un dernier jour de travail Vendredi 14/06/2019.

Lors de mon dernier jour de travail dans l'entreprise je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu'une attestation pôle emploi.

Je vous prie d'agréer l'expression de mes salutations distinguées'.

M. [K] soutient que lorsqu'il a ainsi donné sa démission, son consentement a été vicié dès lors qu'il se trouvait alors dans un état psychologique anormal en raison du comportement de son employeur qui exerçait sur lui une pression psychologique et de ses conditions de travail.

Il met ainsi en avant que la SAS Combronde Logistique, pour le pousser à la démission, l'a convoqué à un entretien préalable à sanction alors même que les faits qui lui étaient reprochés étaient prescrits, ceci par ce qu'elle n'a pas apprécié qu'avec d'autres salariés, il remette en cause le paiement de ses heures de travail, et notamment du temps pendant lequel il restait à quai. Il ajoute que l'employeur a voulu également exercer sur lui des représailles, notamment en lui imposant un déplacement au Havre au mépris des dispositions contractuelles. Il estime que la preuve du vice est rapportée par le délai de trois jours qui sépare l'envoi d'un mail à l'URSSAF pour dénoncer le travail dissimulé qu'il estimait subir et la remise en main propre de sa démission. Il en déduit que celle-ci est nulle et doit dès lors s'analyser comme un licenciement abusif.

La SAS Combronde Logistique lui répond qu'il a démissionné en des termes clairs et non équivoques, que le déplacement au Havre ne relevait pas de représailles mais d'une demande isolée

que la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail et ses fonctions itinérantes permettaient, et qu'elle n'a commis aucun manquement grave.

Il résulte de ce qui précède que la lettre de démission ne comporte aucune réserve, et l'examen

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des pièces du dossier montre que s'il existait un différend entre plusieurs salariés et l'employeur au sujet du calcul des temps de travail, il n'avait fait l'objet que d'une démarche collective de douze salariés le 25 novembre 2018, soit sept mois avant la remise de la lettre de démission, et n'était pas personnel à l'appelant.

Par ailleurs, il est constant que M. [K] a été convoqué le 11 février 2019 à un entretien préalable à sanction, fixé le 20 février 2019, l'employeur lui reprochant d'avoir endommagé son véhicule le 28 novembre 2018, puisque celui-ci a reconnu le jour de l'entretien qu'aucune sanction ne pouvait lui être notifiée dès lors que les faits étaient prescrits. L'appelant ne conteste pas la réalité du grief invoqué, et cet incident disciplinaire était ancien de quatre mois au moment de sa démission si bien qu'il ne peut caractériser des pressions de nature à vicier son consentement lorsqu'il a mis fin à son contrat de travail.

Enfin, c'est vainement que M. [K] soutient que la SAS Combronde Logistique lui a demandé d'effectuer un transport au Havre dans le seul but de lui imposer un 'découché' et d'exercer sur lui des représailles puisque si son contrat de travail comportait une clause de mobilité limitée à sept départements, dont la Seine-Maritime ne faisait pas partie, il mentionnait expressément qu'il s'engageait à effectuer des déplacements régionaux, nationaux, voire internationaux.

M. [K] échoue par conséquent à démontrer que les circonstances extérieures entourant la rupture l'ont conduit à un état psychologique révélateur de l'aliénation de sa volonté, ou encore que l'employeur a commis une faute qui l'a contraint à la démission.

Il en résulte qu'en l'absence de preuve que son consentement a été vicié, la démission est valable ainsi que l'a exactement dit le conseil de prud'hommes. M. [K] doit dès lors, par voie confirmative, être débouté des demandes indemnitaires qu'il forme de ce chef.

2) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la portabilité des garanties santé et prévoyance :

La démission de M. [K] n'étant pas nulle, celui-ci ne pouvait pas bénéficier de la portabilité des garanties santé et prévoyance prévue par l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale.

C'est donc de manière inopérante qu'il prétend avoir subi à cet égard une perte de chance, si bien qu'il est débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

3) Sur les demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires réalisées mais non payées et de l'indemnité pour travail dissimulé :

a) sur la demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme

sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter préalablement, à l'appui de sa demande, des éléments

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suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et détermine souverainement, au vu des éléments produits par chacune des parties, l'existence d'heures de travail accomplies et la créance salariale s'y rapportant.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments au soutient de sa demande.

En l'espèce, M. [K] expose que la SAS Combronde Logistique ne lui a pas payé toutes ses heures de travail, d'une part parce qu'elle les calculait au quadrimestre en vertu d'un accord d'entreprise qui ne lui est pas opposable, ce qui avait pour effet de déclencher de manière erronée le seuil des heures supplémentaires à compter de 728 heures par quadrimestre et non à compter de 676 heures, et que d'autre part, elle ne comptait le temps de mise à quai comme du temps de travail effectif qu'à hauteur de 20%, les 80% restants étant considérés comme du temps de repos.

Il estime que la somme de 1 672,38 euros lui reste ainsi due pour la période allant du mois de mai 2017 à juin 2019, outre 167,24 euros au titre des congés payés afférents.

A l'appui de sa demande, M. [K] produit des 'rapports d'activité conducteur', des décomptes des heures supplémentaires qui auraient dû lui être payées, ses bulletins de salaires ainsi que plusieurs témoignages d'anciens collègues selon lesquels aucun accord d'entreprise autorisant le calcul des heures de travail au quadrimestre n'a jamais été affiché dans l'entreprise.

Il présente donc des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande.

La SAS Combronde Logistique lui répond qu'aux termes d'un accord collectif relatif à la durée du travail en date du 30 avril 2000 qui lui était opposable, elle pouvait parfaitement compter les heures de travail réalisées par ses salariés au quadrimestre et déroger ainsi au droit commun.

Elle estime que M. [K] ne tient pas compte des heures d'équivalence, soutient qu'il pouvait réaliser 866 heures de travail par quadrimestre en tenant compte du mécanisme d'équivalence, qu'elle a procédé à des régularisations tous les quatre mois en fonction de temps de service décomptés chaque mois, et qu'aucune somme n'est en conséquence due à l'appelant qui a été selon elle réglé de toutes les heures de travail qu'il a réalisées. Elle ajoute que M. [K] refusait systématiquement d'actionner son chronotachygraphe en mode 'repos' lors des périodes de chargement.

Même si le contrat de travail ne le mentionne pas, il ne fait pas débat que M. [K] était un chauffeur 'courte distance', de sorte que la durée normale du travail était pour lui de 39 heures, sauf si un accord collectif y dérogeait.

Le temps de travail de M. [K] est contractuellement fixé à 182 heures par mois, et le contrat précise expressément que le salarié a 'eu connaissance de l'accord d'entreprise conclu en date du 30 avril 2000, prévoyant le lissage quadrimestre du décompte du temps de travail mensuel'. L'intimée produit en outre le témoignage d'un salarié qui, contredisant les attestations

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produites par M. [K], relate que l'accord d'entreprise précité était bien affiché dans l'entreprise et que les modalités de calcul du temps de travail leur étaient systématiquement expliquées lors de leur prise de fonction.

Il résulte de l'examen de l'accord collectif, qui était bien opposable au salarié puisqu'il était visé dans son contrat de travail, que le calcul des heures de travail au quadrimestre ainsi que des régimes d'équivalence destinés à tenir compte des temps d'inaction étaient prévus.

Les bulletins de salaire de M. [K] montrent d'ailleurs que des heures d'équivalence lui étaient payées chaque mois, comme de nombreuses heures supplémentaires.

En revanche, les pièces de la procédure établissent que l'employeur comptait les périodes de mises à quai à 20% comme du temps de travail effectif et à 80% comme du temps de repos.

La période de mise à quai suppose, comme l'employeur le reconnaît d'ailleurs dans ses conclusions, que le salarié reste présent alors que son camion est en train d'être chargé et déchargé. Il reste alors à la disposition de son employeur puisqu'il ne peut vaquer librement à ses occupations. Or, l'article L. 3121-1 du code du travail prévoyant que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, les temps de mise à quai ne pouvaient être comptabilisés comme le faisait la SAS Combronde Logistique mais devaient l'être entièrement comme du temps de travail effectif, sans que le salarié n'ait à prouver qu'il restait bien à sa disposition pendant ces périodes.

Il résulte en outre de l'examen des pièces produites que M. [K] a déduit dans son décompte les heures supplémentaires qui lui ont été réglées chaque mois par l'employeur.

Il s'ensuit que la demande en paiement du rappel de salaire est fondée, et que par voie infirmative, la SAS Combronde Logistique est condamnée à payer à M. [K] la somme de 1 672,38 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 167,24 euros au titre des congés payés afférents.

b) sur la demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait par l'employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur ces derniers un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du même code prévoit qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits énoncés à l'article L. 8221-5 du code du travail, a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.

Au cas d'espèce, il résulte du courrier que l'employeur a adressé au salarié le 4 février 2019 qu'il lui a imposé une rémunération de ses périodes de mises à quai à hauteur de 20% seulement d'un

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temps de travail effectif alors qu'il savait qu'il restait pendant ce temps entièrement à sa disposition, ce qui lui permettait de ne rémunérer que certaines heures de travail.

En procédant ainsi, puis en refusant de faire droit à la revendication d'un collectif de salariés sur ce point, la SAS Combronde Logistique a sciemment refusé de rémunérer certaines heures de travail réalisées par M. [K] ce qui caractérise son intention dissimulatrice. Dès lors, M. [K] est fondé à réclamer la somme de 12 435,12 euros et l'employeur doit, par voie infirmative, être condamné à la lui payer.

4) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect des repos compensateurs :

M. [K] soutient, sans être démenti par l'employeur, qu'il n'a jamais bénéficié des repos compensateurs qui auraient dû lui être accordés en raison des nombreuses heures supplémentaires accomplies.

Le fait que l'employeur ne lui ait pas accordé le repos auquel il avait droit lui a occasionné un préjudice relativement à sa santé que le conseil de prud'd'hommes, au regard de la durée de la relation de travail, a exactement réparé en lui allouant à la somme de 1 500 euros. Le jugement est donc confirmé de ce chef.

5) Sur la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés :

L'article L. 3141-24 du code du travail dispose que le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

En l'espèce, le salarié soutient que l'employeur a calculé son indemnité de congés payés selon la méthode du maintien du salaire qui lui était moins favorable de sorte que la somme de 588,72 euros lui resterait due à ce titre. Il produit un décompte qui confirme ses calculs, sans que la SAS Combronde Logistique ne démontre, comme elle le tente de le faire en produisant sa pièce 9, que la méthode de calcul du maintien de salaire était plus avantageuse pour le salarié.

C'est pourtant la méthode de calcul la plus favorable qui devait être appliquée à celui-ci, si bien que le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme réclamée.

6) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail :

L'article L. 1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

La bonne foi étant toujours présumée, c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver.

M. [K] prétend, en l'espèce, que la SAS Combronde Logistique n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail puisqu'elle a appliqué un accord d'entreprise illégal prévoyant que les périodes de mise à quai ne seraient comptées que très partiellement comme du temps de travail effectif ou que les heures supplémentaires seraient décomptées au quadrimestre, qu'elle ne lui a pas payé des jours supplémentaires et des jours fériés, a tenté de faire pression sur le collectif de salariés qui l'a questionnée sur le calcul de la durée du travail, notamment en les menaçant verbalement lors d'une réunion le 14 décembre 2018 et par courrier du 4 février 2019,

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puis a tenté de lui imposer une sanction disciplinaire pour des faits prescrits avant de l'envoyer effectuer un déplacement au Havre, ceci dans le seul but de le pousser à la démission.

Si les pressions personnelles ou représailles dont se prévaut le salarié ne sont pas caractérisées ce qui n'a pas permis de retenir qu'il avait été contraint à la démission, il ressort des pièces du dossier que l'employeur a bien par écrit, le 4 février 2019, cherché à imposer à ses salariés le paiement des temps de mises à quai à hauteur de 20% d'un temps de travail effectif, alors qu'il ne pouvait ignorer qu'ils restaient pendant ces périodes entièrement à sa disposition. Sa mauvaise foi se trouve ainsi caractérisée.

Cependant, M. [K] n'alléguant ni ne démontrant en avoir subi un préjudice spécifique, sa demande en paiement de dommages et intérêts ne peut prospérer. Le jugement est donc confirmé de ce chef.

7) Sur les autres demandes :

Compte tenu de ce qui précède, la demande de remise d'un bulletin de salaire et de documents de fin de contrat est fondée. Il y est donc fait droit, sans qu'il y ait cependant lieu de prévoir une astreinte ainsi que demandé.

La SAS Combronde Logistique, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, lesquels ne comprendront pas les actes éventuels d'exécution forcée dont le sort est régi par les dispositions du code des procédures civiles d'exécution. Elle est déboutée en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure.

Enfin, l''équité commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'employeur à payer au salarié une indemnité de procédure de 700 euros et d'y ajouter celle de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. [S] [K] de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents ainsi que de l'indemnité pour travail dissimulé, et a dit que les dépens comprendraient les frais éventuels d'exécution forcée ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT:

CONDAMNE la SAS Combronde Logistique à payer à M. [S] [K] les sommes suivantes :

-1 672,38 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 167,24 euros au titre des congés payés afférents,

-12 435,12 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

CONDAMNE la SAS Combronde Logistique à payer à M. [S] [K] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

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DIT que les dépens ne comprendront pas les actes éventuels d'exécution forcée ;

CONDAMNE la SAS Combronde Logistique aux dépens d'appel et la déboute de sa demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00984
Date de la décision : 26/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-26;21.00984 ?
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