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18/08/2022 | FRANCE | N°21/00833

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 18 août 2022, 21/00833


CR/RP



















































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SCP GERIGNY & ASSOCIES

- la SELARL ALCIAT-JURIS





LE : 18 AOUT 2022

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 18 AOUT 2022
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N° - Pages





N° RG 21/00833 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DL7I



Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 01 Juillet 2021



PARTIES EN CAUSE :



I - Société MATMUT, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 4]

N° SIRET : 775 701 477



Représentée et...

CR/RP

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SCP GERIGNY & ASSOCIES

- la SELARL ALCIAT-JURIS

LE : 18 AOUT 2022

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 AOUT 2022

N° - Pages

N° RG 21/00833 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DL7I

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 01 Juillet 2021

PARTIES EN CAUSE :

I - Société MATMUT, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 4]

N° SIRET : 775 701 477

Représentée et plaidant par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 27/07/2021

INCIDEMMENT INTIMÉE

II - M. [U] [E]

né le 12 Octobre 1998 à [Localité 6]

[Adresse 7]

Représenté et plaidant par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉ

INCIDEMMENT APPELANT

- M. [D] [E]

né le 09 Janvier 1969 à [Localité 10]

[Adresse 7]

- Mme [G] [W] épouse [E]

née le 23 Novembre 1971 à [Localité 10]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentés et plaidant par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉS

18 AOUT 2022

N° /2

III - Organisme URSSAF (RSI CENTRE VAL DE LOIRE), agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 2]

non représenté auquel la déclaration d'appel a été remise suivant acte d'huissier du 07/09/2021, et les conclusions ont été remises suivant acte d'huissier des 26 octobre 2021 et 23 mars 2022, à personne habilitée

INTIMÉ

18 AOUT 2022

N° /3

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WAGUETTEPrésident de Chambre

M. PERINETTIConseiller

Mme CIABRINIConseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ :

Le 16 janvier 2011, le jeune [U] [E], alors âgé de 12 ans, était passager d'un véhicule de collection TRIUMPH TR 2 immatriculé [Immatriculation 5] mis en circulation en 1954 avec conduite à droite et ne disposant pas de ceinture de sécurité, assuré auprès de la compagnie SERENIS et conduit par son père, [D] [E].

Celui-ci circulait [Adresse 9] hors agglomération de [Localité 1] (18) en direction du centre-ville lorsqu'il est entré en collision avec une voiture circulant en sens inverse, une VOLKSWAGEN GOLF immatriculée [Immatriculation 3] conduite par [H] [N] née [P], assurée auprès de la MATMUT.

Dans l'accident, le jeune [U] [E] a été sérieusement blessé.

La société SERENIS, assureur du véhicule transportant [U] [E], a fait expertiser ce dernier par son médecin conseil le Docteur [J] qui a déposé un rapport en date du 28 juin 2016.

Par acte du 3 Janvier 2018, [U] [E] a assigné la MATMUT et par acte séparé le RSI DU CENTRE devant le Président du tribunal de grande instance de Bourges statuant en référé pour voir désigner sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile un expert médecin.

Par ordonnance de référé du 1er mars 2018, le Docteur [L] [S] a été désigné comme expert et il a été alloué à [U] [E] une provision complémentaire de 50 000 € à valoir sur son préjudice.

Par ordonnance du 13 avril 2018, le Docteur [S] a été remplacé par le Docteur [A] [Y].

Celui-ci a procédé à sa mission et a déposé un rapport en date du 6 décembre 2018.

Par acte du 5 décembre 2019, [D] [E], [G] [E] et [U] [E] ont assigné la MATMUT et par acte séparé le RSI CENTRE VAL DE LOIRE, devant le tribunal de grande instance de Bourges.

[U] [E] a sollicité la liquidation de son préjudice corporel de la manière suivante :

- frais médicaux à charge 438,95 €

- frais transport 2 022,50 €

- achat de jeux 148,04 €

- frais de consultation d'un médecin expert conseil 192,00 €

- préjudice scolaire 5 000,00 €

- incidence professionnelle 50 000,00 €

- déficit fonctionnel temporaire 21 810,00 €

- préjudice esthétique temporaire 20 000,00 €

- souffrances endurées 35 000,00 €

- déficit fonctionnel permanent 80 000,00 €

- préjudice esthétique définitif 8 000,00 €

- préjudice d'agrément 10 000,00 €.

[U] [E] a demandé également que la MATMUT soit condamnée à lui payer des indemnités assorties d'une pénalité du double du taux de l'intérêt à compter du 16 septembre 2011 ou subsidiairement à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date où la décision à intervenir deviendra définitive.

Monsieur et Madame [E], parents d'[U] [E], ont demandé les sommes suivantes :

- perte de gains professionnels de Madame [E] 1 425,60 €

- frais d'accompagnement au CHU 107,70 €

- préjudice d'affection : 10 000 €.

Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal judiciaire de Bourges a dit que la MATMUT devait indemniser [U] [E] des conséquences de l'accident du 16 janvier 2011 et a liquidé son préjudice comme suit :

- Dépenses de santé actuelles 47 983,03 €

- Frais divers 438,95 €

- Préjudice scolaire 5 000,00 €

- Incidence professionnelle 50 000,00 €

- Déficit fonctionnel temporaire 18 631,60 €

- Souffrances endurées 30 000,00 €

- Préjudice esthétique temporaire 8 500,00 €

- Déficit fonctionnel permanent 80 000,00 €

- Préjudice esthétique permanent 8 000,00 €

- Préjudice d'agrément 2 000,00 €

TOTAL 250 553,58 €.

La MATMUT a été condamnée à payer à [U] [E] en deniers ou en quittances la somme de 202 570,55 €.

La MATMUT a encore été condamnée à payer le double de l'intérêt au taux légal sur la somme de 250 553,58 € à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date du caractère définitif du jugement.

La MATMUT a également été condamnée à payer à Madame [G] [E] une somme de 712,80 € en indemnisation de ses pertes de gains professionnels.

Elle a aussi été condamnée à payer à [D] [E] et [G] [E] la somme de 2 130,20 € en indemnisation de leurs frais avancés et à chacun d'entre eux une somme de 10 000,00 € au titre de son préjudice d'affection.

La MATMUT a enfin été condamnée à payer à Monsieur [U] [E], Monsieur [D] [E] et Madame [G] [E] une somme de 6 000,00 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens comprenant les frais de procédure de référé et ceux de l'expertise judiciaire.

L'exécution provisoire de la décision a été ordonnée.

La MATMUT a interjeté un appel partiel de cette décision par déclaration en date du 27 juillet 2021 selon les termes suivants : «Objet/Portée de l'appel : Appel partiel : La décision est critiquée en ce qu'elle a dit que la sanction du doublement de l'intérêt légal sur la somme totale de la liquidation du préjudice corporel de Monsieur [U] "Leclerc" soit 250 553,58 € (sommes revenant à la victime avant imputation de la créance de l'organisme social et déduction de la provision allouée) va courir sur la période du 28 novembre 2016 jusqu'au jour du caractère définitif du jugement, ce qui est repris dans le dispositif où il est mentionné : «dit que la MATMUT sera tenue de payer le double de l'intérêt au taux légal sur la somme de 250 553,58 € à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date du caractère définitif du présent jugement».

Elle demande à la cour, dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 16 mai 2022, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, de :

Recevoir la MATMUT en son appel limité contre le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de BOURGES le 1er juillet 2021 et la déclarer bien fondée.

Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la MATMUT à payer à Monsieur [U] [E] le double de l'intérêt légal sur une somme de 250 553,58 € à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date du caractère définitif du jugement et mettre à néant cette condamnation.

Statuant à nouveau, juger que la MATMUT n'a eu connaissance de la date de consolidation fixée par le rapport du Docteur [J] uniquement que par sa transmission par SERENIS par courrier du 22 novembre 2016 reçu par elle le 24 novembre 2016.

Constater que la MATMUT aurait dû faire une offre avant le 24 avril 2017 et qu'elle ne l'a fait que par courrier du 2 mai 2017 soit avec huit jours de retard et que ladite offre était suffisante et complète.

En conséquence, juger que la MATMUT sera tenue au titre de la pénalité de l'article L211-13 du Code des Assurances de payer à Monsieur [U] [E] une somme de 209,40 €.

Débouter Monsieur [U] [E] de ses demandes incidentes.

Condamner les intimés aux dépens.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Si la Cour venait à confirmer le jugement en ce qu'il condamne la MATMUT à payer le double de l'intérêt au taux légal sur la somme de 250 553,58 € à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date du caractère définitif de la décision, juger que la capitalisation des intérêts ne produira effet qu'à compter de la formulation de la demande (assignation au fond du 05 décembre 2019)

A TITRE SUBSIDIAIRE ENCORE :

Si la Cour venait à recevoir l'appel incident des intimés en ce qu'il impute à la Matmut une irrégularité des offres provisionnelle formulées par SERENIS, juger néanmoins que l'offre du 02 mai 2017, suffisante et complète, constituera l'assiette de pénalité visée par l'article L 211-13 du Code des Assurances.

Juger en outre que la capitalisation des intérêts ne produira effet qu'à compter de la formulation de la demande (conclusions d'intimés du 23/12/2021).

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

Si par extraordinaire la Cour venait à recevoir l'appel incident des intimés dans son intégralité, juger que la capitalisation des intérêts ne produira effet qu'à compter de la formulation de sa demande (conclusions d'intimés du 23/12/2021).

M. [U] [E], intimé et appelant incident, M. [D] [E] et Mme [G] [E] née [W], intimés, demandent pour leur part à la cour, dans leurs dernières écritures notifiées par RPVA le 17 mai 2022, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile précité, de :

Vu les articles L211-9 et L 211-13 du Code des Assurances et 1343-2 du Code Civil.

DIRE et JUGER n'y avoir lieu à statuer sur la limitation de la capitalisation des intérêts à la période postérieure au 5 décembre 2019.

DEBOUTER la MATMUT de son appel principal visant à limiter le calcul de la pénalité de l'article L211-13 du code des assurances à la période allant du 24 avril 2017 au 2 mai 2017.

JUGER recevable l'appel incident formé par Monsieur [U] [E],

A titre principal,

REFORMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de BOURGES le 1er juillet 2021 en ce qu'il a dit que le calcul de la pénalité fondée sur l'article L211-13 du Code des assurances porterait sur la période allant du 28 novembre 2016 au jour où la décision à intervenir serait devenue définitive,

En conséquence,

CONDAMNER la MATMUT à verser à Monsieur [U] [E] la pénalité fondée sur l'article L211-13 du Code des Assurances pour défaut de respect de la procédure d'offre prévue par l'article L 211-9 du même code, calculée par le produit du double du taux d'intérêt légal sur la somme de 250.553,58 € sur la période débutant le 17 septembre 2011 jusqu'à la date à laquelle la décision à intervenir sera devenue définitive et avec application de l'article 1343-2 du Code Civil,

A titre subsidiaire,

Confirmer le jugement,

CONDAMNER la MATMUT à verser à Monsieur [U] [E] la pénalité fondée sur l'article L211-13 du Code des Assurances pour défaut de respect de la procédure d'offre prévue par l'article L 211-9 du même code, calculée par le produit du double du taux d'intérêt légal sur la somme de 250.553,58 € sur la période allant du 28 novembre 2016 jusqu'à la date à laquelle la décision à intervenir sera devenue définitive et avec application de l'article 1343-2 du Code Civil.

CONDAMNER la MATMUT à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

- à Monsieur [U] [E] la somme de 3.000,00 €

- à Monsieur [D] [E] la somme de 1.000,00 €

- à Madame [G] [E] la somme de 1.000,00 €

CONDAMNER la MATMUT aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'URSSAF RSI Centre Val de Loire n'a pas constitué avocat devant la cour.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2022.

SUR QUOI :

Il convient tout d'abord de rappeler qu'aux termes de l'appel limité interjeté le 27 juillet 2021 par la Matmut et de l'appel incident des consorts [E], la cour ne se trouve saisie que de la difficulté tenant à l'étendue de la pénalité résultant de l'application de l'article L211 ' 13 du code des assurances pour manquement par l'assureur à son obligation de présenter à la victime une offre d'indemnité dans les délais prescrits à l'article L 211 ' 9 du même code.

En conséquence, ne sont pas remises en question devant la cour les dispositions du jugement de première instance ayant, d'une part, dit que la Matmut doit, en sa qualité d'assureur du responsable de l'accident, réparer le préjudice subi par [U] [E] et, d'autre part, condamné celle-ci à lui verser en deniers ou quittances

la somme de 202 570,55 € et à verser à [G] [E] la somme de 712,80 € au titre de ses pertes de gains professionnels actuels ainsi qu'à [D] [E] et [G] [E] les sommes de 2130,20 € au titre des frais avancés ainsi que 10 000 € chacun au titre de leur préjudice d'affection.

Selon l'article L211 ' 9 du code des assurances, «quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. (') Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique. En cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres.»

En application de l'article L211 ' 13 du même code, «lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L211 ' 9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en fonction de circonstances non imputables à l'assureur».

Il est constant, en l'espèce, que l'accident de la circulation au cours duquel [U] [E] ' alors âgé de 12 ans comme étant né le 12 octobre 1998 ' a été gravement blessé est survenu le 16 janvier 2011 impliquant, d'une part, le véhicule de collection immatriculé AJ 960 EH conduit par [D] [E] ' assuré auprès de la compagnie SERENIS ' et, d'autre part, un véhicule Volkswagen Golf immatriculé [Immatriculation 3] assuré auprès de la Matmut.

Il résulte des pièces versées au dossier que la procédure d'indemnisation du dommage subi par [U] [E] a été initialement menée par la compagnie d'assurances SERENIS, laquelle a notamment versé des provisions les 17 juillet 2012, 16 avril 2013, 21 décembre 2015 et 1er juin 2016 pour un montant total de 10 500 €, et a fait expertiser [U] [E] par son médecin conseil le Docteur [J], lequel a procédé à trois examens médicaux de celui-ci en date des 23 novembre 2013, 17 mars 2015 et 28 juin 2016.

Il ne résulte aucunement des trois comptes rendus de ces examens médicaux, et il n'est d'ailleurs nullement soutenu, que ces expertises amiables auraient été réalisées au contradictoire de la compagnie Matmut.

Selon la pièce numéro 14 figurant au dossier de la Matmut, ce n'est que par courrier du 22 novembre 2016 ' reçu le surlendemain selon le tampon y figurant ' que la compagnie SERENIS a demandé à celle-ci de prendre en charge la procédure d'indemnisation du dommage subi par [U] [E] en raison de l'existence d'un taux de déficit fonctionnel permanent supérieur à 5 %, précisant par ailleurs : «nous vous joignons l'ensemble des éléments du dossier nécessaires à la poursuite de la procédure d'offre ainsi que le double des courriers adressés à la victime et aux tiers payeur».

D'autre part, les documents précités par lesquels des provisions ont été proposées au représentant légal d'[U] [E] par la compagnie d'assurances SERENIS ne mentionnent nullement que cette dernière aurait agi en qualité de mandataire de la Matmut (pièces numéros 1 à 4 du dossier de l'appelante).

C'est en conséquence en vain qu'[U] [E] sollicite, dans le cadre de son appel incident, la condamnation de la Matmut au paiement de la pénalité fondée sur l'article L211 ' 13 du code des assurances précité sur une période courant du 17 septembre 2011 jusqu'à la date à laquelle la décision à intervenir sera devenue définitive.

Il doit donc être retenu que ce n'est qu'à la date du 24 novembre 2016 ' date à laquelle la compagnie d'assurances SERENIS lui a transmis «l'ensemble des éléments du dossier nécessaire à la poursuite de la procédure d'offre» ' que la Matmut a eu connaissance du dernier rapport d'expertise amiable réalisé par le docteur [J], et retenant notamment une date de consolidation de l'état d'[U] [E] au 24 mai 2016 et un déficit fonctionnel permanent de 20 %.

En application des dispositions précitées du code des assurances, il appartenait donc à la Matmut de formuler une offre d'indemnisation avant l'expiration d'un délai de cinq mois à compter de cette date, à laquelle l'assureur a donc été informé de la consolidation de l'état de la victime, soit au plus tard le 24 avril 2017.

La Matmut fait grief au jugement entrepris d'avoir dit qu'elle sera tenue de payer le double de l'intérêt au taux légal sur la somme de 250 553,58 € à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date du caractère définitif du jugement, faisant valoir qu'elle a adressé à [U] [E] une offre d'indemnisation selon courrier du 2 mai 2017, de sorte que la pénalité résultant des textes précités ne peut être appliquée, selon l'appelante, que pour la période courant du 24 avril 2017 au 2 mai 2017.

Il convient dès lors de déterminer si l'offre d'indemnisation de la Matmut en date du 2 mai 2017 présente un caractère régulier, si elle comprend tous les éléments indemnisables au vu des documents médicaux dont elle avait connaissance à cette date conformément à l'article L211 ' 9 du code des assurances - dès lors que l'offre de l'assureur ne peut porter sur des chefs de préjudice dont il ignore l'existence - et si elle ne présente pas un caractère manifestement insuffisant, ce qui équivaudrait à une absence d'offre.

Il sera rappelé à cet égard que le rapport du docteur [J] en date du 28 juin 2016, communiqué à la Matmut préalablement à ladite offre, contenait les conclusions suivantes (pièce numéro 7 du dossier des intimés) :

' déficit fonctionnel temporaire total : du 16 janvier 2011 au 11 février 2011, puis partiel jusqu'au 24 mai 2016

' perte de gains professionnels actuels : sans objet

' souffrances endurées : 4,5/7

' consolidation : 24 mai 2016

' "AIPP" : 20 % selon le barème de droit commun

' perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, préjudice scolaire, universitaire : «la victime bénéficie d'un parcours adapté individualisé pour le sport et les épreuves orales du baccalauréat»

' préjudice d'agrément : les séquelles strictement imputables à l'accident ne sont pas compatibles avec les parcours organisés lors des compétitions de tir à l'arc

' dommage sexuel : néant

' frais futurs : néant

' assistance par tierce personne : néant.

L'offre de la Matmut en date du 2 mai 2017 propose une indemnisation du préjudice d'[U] [E] dans les conditions suivantes (pièce numéro 5 du dossier de l'appelante) :

' déficit fonctionnel temporaire (base 690 € mensuel) : 12 052 €

' déficit fonctionnel permanent : 20 % : 2000 € du point : 40 000 €

' souffrances endurées : 8000 €

' préjudice esthétique permanent : 5000 €

' préjudice esthétique temporaire : 800 €

' préjudice scolaire : 1000 €

' préjudice d'agrément : réservé dans l'attente de précisions quant au niveau de pratique et à la gêne occasionnée

' dépenses de santé actuelles : sur justificatifs

' frais divers : frais kilométriques, hébergement, perte de revenus : réservé dans l'attente de justificatifs.

La sanction découlant de l'absence de reproduction dans l'offre de la faculté de dénonciation de la transaction dans les 15 jours de sa conclusion conformément à l'article L211 ' 16 du code des assurances consiste seulement en la nullité relative de la transaction aux termes du dernier alinéa de ce texte ; l'absence d'une telle mention ne saurait donc conduire à considérer qu'une telle offre présente un caractère irrégulier, alors même qu'il est de jurisprudence constante qu'une offre d'indemnisation peut être formulée par voie de conclusions.

Il doit être observé que dans l'offre du 2 mai 2017, la Matmut n'a pas écarté le principe d'une indemnisation du préjudice d'agrément ' correspondant, selon les termes du rapport du docteur [J], à l'impossibilité pour [U] [E] de participer à des compétitions de tir à l'arc ' mais a simplement réservé ce poste de préjudice «dans l'attente de précisions» sur celui-ci.

C'est en vain que l'intimé reproche à l'assureur appelant de ne pas avoir formulé d'offre d'indemnisation du préjudice esthétique temporaire ' alors même qu'une somme de 800 € figurait dans l'offre précitée ' ainsi qu'au titre de l'incidence professionnelle et du retentissement scolaire, dès lors que la Matmut a proposé une indemnité de 1000 € au titre du «préjudice scolaire» alors même que l'expert amiable avait indiqué que «la victime bénéficie d'un parcours adapté individualisé pour le sport et les épreuves orales du baccalauréat».

La somme totale de 66 852 € figurant dans ladite offre d'indemnisation ne saurait être considérée comme présentant un caractère manifestement insuffisant au vu des conclusions de l'expert amiable communiquées à l'assureur appelant, dont il convient d'observer qu'elles évaluaient les dommages subis par [U] [E] dans des proportions inférieures à celles qui seront finalement retenues dans le rapport d'expertise judiciaire déposé ultérieurement par le docteur [Y] ensuite de l'ordonnance de référé du 1er mars 2018 (notamment : déficit fonctionnel permanent de 20 % au lieu de 25 %, souffrances endurées à 4,5/7 au lieu de 5/7).

Il convient dès lors de considérer que la Matmut a formulé le 2 mai 2017 une offre d'indemnisation à [U] [E] ne présentant aucun caractère incomplet ou manifestement insuffisant.

C'est en conséquence à juste titre que l'assureur appelant soutient que la sanction résultant de l'article L211 ' 13 du code des assurances précité doit trouver application pour la seule période courant du 24 avril 2017 ' terme du délai de cinq mois à partir du jour où elle a eu connaissance des conclusions médicales figurant dans le rapport d'expertise amiable du docteur [J] mentionnant la consolidation de l'état de la victime ' jusqu'au 2 mai 2017 ' date à laquelle elle a adressé à [U] [E] une offre d'indemnisation.

L'assiette de la pénalité résultant de ce texte se trouve constituée par le montant figurant dans l'offre du 2 mai 2017 ' soit 66 852 € ' augmenté de la créance des tiers payeurs ' soit 47 983,03 € ', de sorte qu'en considération d'un taux de l'intérêt légal pour le premier semestre 2017 fixé à 4,16 %, la pénalité devant être mise à la charge de la Matmut au titre de la méconnaissance des délais prévus à l'article L211 ' 9 du code des assurances devra être fixée à :

((66 852 € + 47 983,03 €) x 8,32 % x 8 jours) / 365 jours = 209,41 €.

La décision de première instance devra donc être réformée en ce qu'elle a dit que la Matmut sera tenue de payer le double de l'intérêt au taux légal sur la somme de 250 553,58 € à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date du caractère définitif du jugement.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande formée par la Matmut au titre du point de départ de la capitalisation des intérêts prononcée par le premier juge dès lors, d'une part, que l'appel limité interjeté ne portait pas sur ce chef du jugement et, en tout état de cause et d'autre part, qu'une telle demande n'a été formulée qu'à titre subsidiaire par l'appelante.

L'appel interjeté par la Matmut apparaissant, ainsi, bien fondé, il y aura lieu de laisser les dépens d'appel à la charge des consorts [E], sans qu'aucune considération d'équité ne commande en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'assureur appelant.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

' Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la Matmut sera tenue de payer le double de l'intérêt au taux légal sur la somme de 250 553,58 € à compter du 28 novembre 2016 jusqu'à la date du caractère définitif du jugement,

Et, statuant à nouveau sur ce seul chef réformé,

' Condamne la Matmut à verser à [U] [E] une pénalité de 209,41 € en application de l'article L211 ' 13 du code des assurances,

Y ajoutant,

' Déboute les consorts [E] de l'ensemble de leurs demandes,

' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dit que les entiers dépens d'appel seront à la charge de M. [U] [E], M. [D] [E] et Mme [G] [W] épouse [E].

L'arrêt a été signé par M. WAGUETTE , Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

S. MAGISL. WAGUETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00833
Date de la décision : 18/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-18;21.00833 ?
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