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18/08/2022 | FRANCE | N°20/00803

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 18 août 2022, 20/00803


CR/LW



















































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SELARL ALCIAT-JURIS

- Me Adrien-charles LE ROY DES BARRES

- Me LARTICHAUX

-la SELARL CABINET D'AVOCATS FLORENCE CHAUMETTE ET BRICE TAYON



LE : 18 AOUT 2022r>
COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 18 AOUT 2022



N° - Pages









N° RG 20/00803 - N° Portalis DBVD-V-B7E-DI7C



Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de CHATEAUROUX en date du 07 Juillet 2020





PARTIES EN CAUSE :



I - M. [V] [W]

né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Loca...

CR/LW

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SELARL ALCIAT-JURIS

- Me Adrien-charles LE ROY DES BARRES

- Me LARTICHAUX

-la SELARL CABINET D'AVOCATS FLORENCE CHAUMETTE ET BRICE TAYON

LE : 18 AOUT 2022

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 AOUT 2022

N° - Pages

N° RG 20/00803 - N° Portalis DBVD-V-B7E-DI7C

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de CHATEAUROUX en date du 07 Juillet 2020

PARTIES EN CAUSE :

I - M. [V] [W]

né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 11]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANT suivant déclarations des 23/06/2021 et 11/09/2020

II - Mme [T] [Z]

[Adresse 8]

[Localité 7]

- Société MACSF (SOCIETE MEDICALE D'ASSURANCES ET DE DEFENSE PROFESSIONELLES LE SOU MEDICAL), société d'assurance mutuelle agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 1]

[Localité 10]

N° SIRET : 784 702 375

Représentés par Me Adrien-charles LE ROY DES BARRES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉES sur les deux appels

18 AOUT 2022

N° /2

III - S.A.S. SOCIETE SANOFI PASTEUR EUROPE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 2]

[Localité 9]

N° SIRET : 821 177 425

Représentée par Me Bénédicte LARTICHAUX, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par l'AARPI VIGUIE, SCHMIDT, PELTIER, JUVIGNY, avocat au barreau de PARIS

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE sur les deux appels

IV - CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CREUSE agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social :

[Adresse 12]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL CABINET D'AVOCATS FLORENCE CHAUMETTE ET BRICE TAYON, avocat au barreau de CHATEAUROUX

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE sur les deux appels

18 AOUT 2022

N° /3

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WAGUETTEPrésident de Chambre

M. PERINETTIConseiller

Mme CIABRINIConseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ DU LITIGE :

Les 17 février, 16 mars et 2 septembre 2000, Monsieur [V] [W] s'est fait vacciner contre le virus de l'hépatite B par le Docteur [Z], le produit utilisé était le GENHEVAC B distribué par le laboratoire Sanofi Pasteur.

Trois semaines après la dernière vaccination, M. [W] a ressenti des paresthésies des doigts et des membres inférieurs.

Le 10 octobre 2000, un électromyogramme pratiqué par le Docteur [E], neurologue, ne révélait rien de particulier.

A compter des mois de mars-avril 2001, Monsieur [W] a commencé à être confronté à des troubles de la marche et le 25 mai 2001, il consultait le Docteur [M], neurologue.

Le diagnostic d'une sclérose en plaque était alors finalement posé et confirmé le 25 juin 2001.

Estimant que cette maladie pouvait être consécutive à la vaccination effectuée, Monsieur [W] a sollicité en référé l'organisation d'une mesure d'expertise aux fins d'en déterminer les causes et de décrire les manquements éventuellement imputables au Docteur [Z] et au laboratoire Sanofi.

Par ordonnance du 13 novembre 2013, le Président du tribunal de grande instance de Châteauroux a rejeté les demandes formées par Monsieur [W] lequel a interjeté appel de cette décision le 12 décembre 2013.

Le 9 septembre 2014, la Cour d'appel de Bourges a infirmé l'ordonnance entreprise et a ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [I] médecin neurologue, et au Docteur [P], médecin immunologue.

Aux termes de leur rapport d'expertise définitif daté du 19 février 2016, les experts ont conclu que:

- les vaccinations pratiquées par le Docteur [Z] l'ont été selon les recommandations sanitaires de l'époque conseillant ce vaccin à toute la population,

- le Docteur [Z] contestait formellement le fait de ne pas avoir délivré au patient une information complète sur les risques du vaccin,

- il n'y avait pas de lien direct et certain entre les lésions de sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B par le Docteur [Z],

- la liquidation des préjudices subis par Monsieur [W] conformément à la Nomenclature Dintilhac était dès lors sans objet.

Les experts, en réponse à un dire du Conseil de Monsieur [W] ont cependant procédé à l'évaluation des préjudices.

Par exploit d'huissier en date du 15 janvier 2018, Monsieur [W] a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Châteauroux, le Docteur [Z], la MACSF, la société Sanofi et la CPAM de la Creuse aux fins de voir dire que le Dr [Z] avait manqué à son obligation d'information, dire que le vaccin était défectueux et

est la cause de la sclérose en plaque dont souffre M. [W], voir condamner le Dr [Z] au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts et voir condamner solidairement le Dr [Z], la MACSF et le laboratoire Sanofi à l'indemniser de ses préjudices.

Par jugement en date du 7 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Châteauroux a débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes, considérant que l'action contre le laboratoire Sanofi Pasteur était prescrite et celle dirigée contre le Dr [Z] non fondée.

Par déclaration en date du 11 septembre 2020, M. [V] [W] a interjeté appel du jugement rendu qu'il critiquait en tous ses chefs.

Par ordonnance du 15 juin 2021, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident par le Dr [Z] et sa compagnie d'assurance, a déclaré irrecevable comme nouvelle la demande de Monsieur [V] [W] tendant à voir condamner le Docteur [Z] et la MACSF à indemniser ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux.

La décision a été déférée à la Cour laquelle l'a confirmée par arrêt du 18 novembre 2021.

Par ordonnance du 22 février 2022, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident par la société Sanofi Pasteur Europe, a :

- déclaré irrecevable l'appel incident formée par la CPAM de la Creuse à l'encontre des dispositions du jugement entrepris déclarant irrecevables les demandes de M. [V] [W] et celles de la CPAM de la Creuse à l'encontre de la société Sanofi Pasteur Europe.

En ses conclusions du 17 décembre 2020, M. [W], qui n'a pas de nouveau conclu au fond postérieurement aux décisions du conseiller de la mise en état, demandait à la cour de :

Vu les articles L 1111-2 et suivants du Code de la Santé Publique,

Vu les articles 1231-1 et suivants du Code Civil,

Vu la directive n°85-374 du 25 Juillet 1985,

Vu les articles 1245 et suivants du Code Civil,

Vu l'article 1382 du Code Civil,

RÉFORMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Châteauroux le 7 juillet 2020.

Dire et juger que le Docteur [T] [Z] a manqué à son obligation d'information à l'égard de Monsieur [W]

En conséquence,

Condamner le docteur [T] [Z] solidairement avec son assureur la MACSF à verser à Monsieur [W] la somme de 10.000 € au titre du manquement à l'obligation d'information.

Condamner le Docteur [T] [Z] et la MACSF à indemniser le préjudice de Monsieur [W],

Fixer comme suit le préjudice de Monsieur [W] :

Préjudices patrimoniaux :

Préjudices patrimoniaux temporaires :

- Pertes de gains professionnels actuels : 93 975,62€

- Dépenses de santé : 641,55€

- Assistance tierce personne : 95 094€

Préjudices patrimoniaux permanents :

- Pertes de gains professionnels futurs : 159 595,75€

- Incidence professionnelle : 90 000€

- Frais de logement adapté : 20 091,17€.

+ Tierce personne : 2 459 497,05€

+ Frais de santé : 6 834,46€.

Préjudices extra patrimoniaux :

Préjudices extra patrimoniaux temporaires :

+ Déficit fonctionnel temporaire : 22 594,50€

Préjudices extra patrimoniaux permanents :

+ Déficit fonctionnel permanent : 181 170€

+ Préjudice familial exceptionnel : 45 000€

+ Préjudice d'agrément : 18 000€

+ Souffrances endurées : 27 000€

+ Préjudice sexuel : 18 000€

Condamner le Docteur [T] [Z] et la MACSF à verser à Monsieur [W] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions antérieures à la clôture, remises au greffe le 4 mars 2021 société Sanofi Pasteur Europe demandait à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1245 et suivants du Code civil, 901 et suivants du Code de procédure civile,

- Juger que Monsieur [W] a interjeté appel du jugement en ce qu'il a déclaré son action irrecevable mais qu'il n'a soutenu aucune prétention en ce sens dans ses conclusions d'appel ;

- Juger que Monsieur [W] a explicitement formulé dans ses conclusions d'appel qu'il ne remettait pas en question le jugement en ce qu'il a déclaré son action irrecevable à l'encontre de Sanofi Pasteur ;

- Juger que Monsieur [W] a été vacciné entre février 2000 et septembre 2000 contre le virus de l'hépatite B ;

- Juger que Monsieur [W] a assigné en référé la concluante le 11 février 2014  ;

- Juger que la mise en circulation sinon la vente des vaccins utilisés remonte alors à près de treize (13) ans avant son assignation en référé ;

Dès lors,

- Juger qu'aucune prétention n'est formulée par Monsieur [W] contre le jugement du 7 juillet 2020, pour ce qui concerne l' irrecevabilité de son action à l'encontre de Sanofi Pasteur ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de Monsieur [W] irrecevable et l'a débouté de ses demandes à l'encontre de Sanofi Pasteur ;

Par ailleurs, en tout état de cause,

- Juger que les présomptions avancées par Monsieur [W] ne sont pas pertinentes pour caractériser un lien de causalité entre sa maladie et la vaccination ;

- Confirmer le jugement qui a écarté l'hypothèse d'un lien de causalité entre la vaccination et la maladie de Monsieur [W] ;

- Juger en conséquence ce qu'il conviendra sur la responsabilité du docteur [Z]  ;

- Condamner Monsieur [W] aux entiers dépens.

En leurs dernières conclusions du 5 mars 2021, antérieures aux décisions du conseiller de la mise en état, le Dr [Z] et la MACSF demandaient à la cour de :

Vu les articles L 1111-2 et suivants du Code de la Santé Publique,

Vu le rapport d'expertise du 19 février 2016,

Vu l'article 564 du Code de procédure civile,

Les recevoir en leurs écritures, les déclarer bien fondés et y faisant droit,

Déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de Monsieur [W] tendant à voir condamner le Docteur [Z] et la MACSF à indemniser ses préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Châteauroux en ce qu'il a :

- dit que le Docteur [Z] n'avait commis aucun manquement à son obligation

d'information,

- débouté Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre du Docteur [Z],

- condamné Monsieur [W] aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise,

Débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Débouter les autres parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

Condamner Monsieur [W] à verser au Docteur [Z] et la MACSF la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Monsieur [W] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 9 mars 2021, la CPAM de la Creuse demandait à la cour de :

Vu les articles 1245 et suivants du code civil ;

Vu les articles 1382 et 2270-1 du code civil ;

RÉFORMER le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CHÂTEAUROUX le 07 juillet 2020 ;

STATUANT A NOUVEAU,

DÉCLARER recevable et bien fondée la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Creuse en son recours subrogatoire ;

DÉCLARER SANOFI responsable de la contamination de Monsieur [W] par la pathologie de sclérose en plaques suite à sa vaccination des 13 février, 16 mars et 02 septembre 2000 par le vaccin GENHEVAC ;

En conséquence,

CONDAMNER la société SANOFI PASTEUR EUROPE à payer à la Caisse Primaire d'Assurance maladie de la Creuse la somme de 929 888,85 € ;

CONDAMNER la société SANOFI PASTEUR EUROPE à payer à la Caisse Primaire d'Assurance maladie de la Creuse la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la même aux entiers frais et dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL CABINET D'AVOCATS Florence CHAUMETTE et Brice TAYON.

Il est expressément référé aux écritures susvisées des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que des moyens et arguments développés au soutien de leurs prétentions respectives..

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2022.

La société SANOFI Pasteur a remis au greffe des conclusions récapitulatives le 25 mai 2022 qui seront déclarées irrecevables comme postérieures à l'ordonnance de clôture dont la révocation ne saurait être admise faute de justifier d'une cause grave pouvant justifier de ce retard.

SUR CE :

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée.

Sur l'appel concernant la société SANOFI Pasteur :

Dans sa déclaration d'appel, M. [W] a mentionné au nombre des chefs critiqués celui par lequel le tribunal a déclaré irrecevable sa demande dirigée à l'encontre de la société SANOFI Pasteur.

Toutefois, dans le corps de ses dernières conclusions, M. [W] n'évoque pas ce point et ne formule aucune critique de la motivation du tribunal qui a déclaré sa demande irrecevable. En outre, le dispositif de ces conclusions ne comporte aucune demande d'infirmation de la décision quant à l'irrecevabilité de sa demande en ce qu'elle est dirigée, à l'encontre de la société SANOFI Pasteur.

La Cour n'est donc saisi d'aucune demande et ne pourra, considérant que l'appel n'est pas soutenu, que confirmer la décision entreprise sur ce point.

Sur l'appel incident de la CPAM de la Creuse :

La CPAM a formé appel incident en ce qu'elle a été déclarée irrecevable en ses demandes dirigées contre la société SANOFI Pasteur.

Toutefois, son appel incident a été déclarée irrecevable par une ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 22 février 2022 laquelle est définitive en l'absence de toute voie de recours exercée pour la contester.

La Cour le constatera.

Sur les demandes concernant le Docteur [Z] et la société MACSF :

Par ordonnance en date du 15 juin 2021, confirmée en toutes ses dispositions par l'arrêt de la cour rendu sur déféré le 18 novembre 2021, la demande de M. [V] [W] tendant à voir condamner le Docteur [Z] et la société MACSF à l'indemniser de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux a été déclarée irrecevable comme nouvelle.

La cour est donc dessaisie sur ce point et le constatera.

M. [W] critique également le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le Dr [T] [Z] n'avait commis aucun manquement à son obligation d'information et l'a, en conséquence, débouté de sa demande tendant à la voir condamner avec son assureur en paiement d'une somme de 10 000 € en réparation du préjudice allégué.

En matière de responsabilité médicale, tout professionnel de santé est tenu d'informer son patient «des différentes investigations, traitements ou actes de prévention qui lui sont proposés» (article L.1111-2 du Code de la Santé Publique).

Pour donner son consentement en connaissance de cause, le patient doit être informé d'une part, des risques ordinaires et fréquents et d'autre part, des risques graves même exceptionnels.

Le médecin doit donc veiller à délivrer à son patient, une information complète (loyale, claire et appropriée) sur ces risques et, en matière de vaccination, le patient peut reprocher au médecin le défaut d'information sur les risques d'effets indésirables que comporte celle-ci.

Selon une jurisprudence constante et récemment réaffirmée (par exemple Cass. 1ère Chambre Civile 14 novembre 2018) la responsabilité pour faute du médecin pour manquement à son obligation d'information envers son patient ne pourra être engagée que si ce défaut d'information porte sur un risque qui s'est effectivement réalisé.

Mais, si ce risque se réalise et que le patient n'en a pas été averti, ce défaut d'information constitue pour le médecin une faute à l'origine d'une perte de chance pour le patient d'éviter la réalisation de ce risque.

En l'espèce, Mme [Z] n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, d'une information préalable délivrée à M. [W] concernant les risques d'effets indésirables relatifs au vaccin contre l'hépatite B.

En effet, si elle prétend l'avoir fait, ce qui est contesté par l'appelant, elle ne peut l'établir par ses seules affirmations réitérées devant l'expert, ni prendre prétexte :

- que M. [W] 'voulait absolument être vacciné pour avoir toutes les chances d'être embauché en CDI en milieu hospitalier', ce qui ne la dispensait pas de son devoir d'information,

- que la notice du vaccin indiquait le risque encouru quant à la survenance de problèmes neurologiques dès lors d'une part que, contrairement à une prescription médicamenteuse, l'acte vaccinal implique que le patient se présente chez le médecin avec le vaccin retiré en pharmacie sans ouverture préalable de l'emballage du produit contenant la notice d'information, ce qui rend encore plus nécessaire l'information par le médecin.

Mme [Z] ne peut pas plus invoquer le fait qu'aucune donnée scientifique n'a établi avec certitude l'incidence du vaccin sur la survenance d'une sclérose en plaques puisqu'en effet il suffit qu'une telle incidence soit possible et ait été constatée pour que soit justifiée une information préalable du patient quant à ce risque.

Or, d'une part la notice du vaccin, dans sa version telle que rédigée à la date de son inoculation à M. [W], fait bien mention au titre des effets non souhaités et gênants très rarement rapportés, 'd'atteintes démyélinisantes du système nerveux central (poussée de sclérose en plaques)'.

En outre, et quand bien même cet effet secondaire n'a été que très rarement rapporté et que le lien entre vaccin et sclérose en plaques n'a pas pu être scientifiquement et indéniablement prouvé, la mention sur la notice suppose qu'une telle conséquence a été constatée à plusieurs reprises et il résulte des pièces versées et du rapport d'expertise judiciaire (page 8) que ce sujet a fait l'objet de nombreuses publications médicales dans les années 1990 et 2000, a suscité diverses controverses et constituait, pour les médecins prescripteurs du vaccin, un sujet sérieux dont il était indispensable d'informer un patient dont la vaccination était envisagée.

D'autre part, les experts judiciaires précisent dans leur rapport(page 10) que s'ils estiment qu'il n'y a pas de lien direct et certain entre les lésions de sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B pratiquée par le Dr [Z], ils remarquent cependant que 'si la suspicion d'un lien entre ce vaccin et la survenue de maladies démyélinisantes n'a pas été confirmée au terme des études menées depuis plus de 15 ans, on ne peut exclure formellement qu'un tel lien puisse exister dans certains cas particuliers'.

Il en résulte que les conditions jurisprudentielles sont bien réunies en ce que le défaut d'information du Dr [Z] porte bien sur un risque qui est effectivement survenu, il est en effet constant que M. [W] a été atteint de sclérose en plaques, et la manifestation de cette maladie, même si elle n'a été définitivement diagnostiquée que plusieurs mois après l'injection, est apparue, ainsi que le relèvent les experts judiciaires, dès septembre 2000 c'est à dire dans un délai maximum de deux semaines après la dernière injection du vaccin à M. [W] le 2 septembre 2000 et ce, alors même que le patient n'avait aucuns antécédents neurologiques personnels ou familiaux et aucune prédisposition à ce genre de pathologies.

Il s'évince de ce qui précède que le premier juge ne pouvait exonérer le Dr [Z] de son devoir d'information en considérant que M. [W] ne rapportait pas la preuve d'un lien certain entre le vaccin et la survenance de la sclérose en plaques.

Au contraire, le manquement fautif est caractérisé et doit recevoir indemnisation.

Il a été ci-avant rappelé que ce défaut d'information constitue pour le médecin une faute à l'origine d'une perte de chance pour le patient d'éviter la réalisation de ce risque.

En l'espèce, la perte de chance reste faible au regard des circonstances puisqu'en effet le Dr [Z] a indiqué que M. [W] avait été à l'origine de la vaccination dont il pensait qu'elle accroîtrait ses chances d'être embauché en CDI et, si M. [W] s'en défend, cette version, que le médecin n'a pu inventer, est corroborée par le fait que Mme [Z] était de longue date le médecin traitant de M. [W] et ne lui avait jamais proposé une telle vaccination antérieurement.

Il en résulte que la perte de chance ainsi appréciée justifie l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 2 000 € que le Dr [Z] et son assureur seront condamnés à verser à M. [W].

**********

M. [W], qui succombe à titre principal en ses prétentions, supportera les dépens de l'instance d'appel.

Il sera dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice d'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Ecarte les conclusions remises au greffe le 25 mai 2022 par la société SANOFI Pasteur postérieurement à l'ordonnance de clôture,

Constate que par décisions définitives des 15 juin 2021 et 22 février 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables :

- la demande de Monsieur [V] [W] tendant à voir condamner le Docteur [Z] et la MACSF à indemniser ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi que la demande de la CPAM de la Creuse,

- l'appel incident formée par la CPAM de la Creuse à l'encontre des dispositions du jugement entrepris déclarant irrecevables les demandes de M. [V] [W] et celles de la CPAM de la Creuse à l'encontre de la société Sanofi Pasteur Europe,

Dit, en conséquence, que la cour n'est pas saisie de ces deux chefs de demandes,

Constate que M. [V] [W] ne soutient pas son appel en ce qu'il porte sur l'irrecevabilité de ses demandes dirigées à l'encontre de la société SANOFI Pasteur Europe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande relative au manquement du Dr [Z] à son devoir d'information,

Statuant à nouveau du seul chef infirmé,

Dit que le Docteur [T] [Z] a manqué à son devoir d'information envers M. [V] [W],

En conséquence,

Condamne Mme [T] [Z] et la société MACSF, in solidum entre eux, à payer à M. [V] [W] la somme de 2 000 € en réparation du préjudice subi du fait de ce manquement,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice d'une quelconque des parties,

Condamne M. [V] [W] aux dépens de l'instance d'appel et autorise la SELARL CABINET D'AVOCATS Florence CHAUMETTE et Brice TAYON à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance en cause d'appel sans avoir reçu provision préalable et suffisante.

L'arrêt a été signé par M. WAGUETTE , Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

S. MAGISL. WAGUETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00803
Date de la décision : 18/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-18;20.00803 ?
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