SD/AB
N° RG 21/00728
N° Portalis DBVD-V-B7F-DLYB
Décision attaquée :
du 07 juin 2021
Origine :
conseil de prud'hommes - formation paritaire de NEVERS
--------------------
M. [P] [C]
C/
S.A.S. FRANCE LOISIRS
Me [X]
Me BOURBOULOUX
Me [R]
Me LELOUP-THOMAS
CGEA IDF OUEST
--------------------
Expéd. - Grosse
Me PEPIN 29.4.22
Me LAVAL 29.4.22
CGEA 29.4.22
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 29 AVRIL 2022
N° 82 - 13 Pages
APPELANT :
Monsieur [P] [C]
1 impasse des Ginkgos - 58660 COULANGES-LES-NEVERS
Représenté par Me Frédéric PEPIN de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES
INTIMÉS :
1) S.A.S. FRANCE LOISIRS
31 rue du Val de Marne - CS 81426 - 75013 PARIS
2) Maître [X] SCP [I] [X], es qualités d'ancien administrateur au redressement judiciaire de la société FRANCE LOISIRS
42 rue de Lisbonne - 75008 PARIS
3) Maître [U] SELARL FHB, es qualités d'ancien administrateur judiciaire de la société FRANCE LOISIRS
Tour CB21 - 16 place de l'Iris - 92040 PARIS LA DÉFENSE CEDEX
4) Maître [R] [V] SCP BTCG, es qualités de liquidateur judiciaire de la société FRANCE LOISIRS
15 rue de l'Hôtel de Ville - 92200 NEUILLY SUR SEINE
5) Maître [N] SELAFA MJA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société FRANCE LOISIRS
102 rue du Faubourg Saint-Denis - CS 10023 - 75479 PARIS CEDEX 10
Représentés par Me Cathie LAVAL de la SCP SOREL, avocat postulant, du barreau de BOURGES
Représentés par Me Marie CONTENT susbtituée à l'audience par Me DARTOIS de la SELEURL Marie Content Avocat, avocat plaidant, du barreau de PARIS
CGEA ILE DE FRANCE OUEST
164-170 rue Victor Hugo - 92309 LEVALLOIS PERRET
Non représenté
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29 avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme BOISSINOT, conseiller rapporteur
en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre
Mme BOISSINOT, conseillère
Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère
DÉBATS : A l'audience publique du 04 mars 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : Réputé contradictoire - Prononcé publiquement le 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
M. [P] [C], né le 7 octobre 1982, a été recruté à compter du 25 novembre 2013 par la SAS France Loisirs en qualité de responsable boutique (REB) suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du même jour. Il a exercé ses fonctions au sein de la boutique de Nevers. La convention collective nationale de l'édition s'est appliquée à la relation de travail.
A compter du 12 octobre 2014, M. [C] a été placé en mi-temps thérapeutique.
En dernier lieu, il bénéficiait du statut cadre assimilé, coefficient M2 de la convention collective nationale de l'édition et percevait un salaire mensuel brut de base de 959,37 euros.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 décembre 2018, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 8 janvier 2019.
Par décision du tribunal de commerce de Paris du 28 décembre 2018, la société France Loisirs a été placée en redressement judiciaire et la SCP Thévenot-[X]-[O] et la SELARL FHB ont été désignées respectivement en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 janvier 2019, M. [C] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire d'un jour.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 juin 2019, M. [C] a de nouveau été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 17 juin 2019, et mis à pied à titre conservatoire. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 juillet 2019, il a été licencié pour faute grave.
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Par requête déposée au greffe le 3 juillet 2020, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Nevers d'une demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire, d'une contestation de son licenciement et d'une action en paiement de diverses sommes.
Par jugement du 7 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Nevers a :
- dit n'y avoir lieu à annulation de l'avertissement du 31 janvier 2019,
- requalifié le licenciement de M. [C] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné en conséquence la SAS France Loisirs à lui payer les sommes de :
* 2 878,11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 287,81 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 530,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 961,18 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
* 96,12 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la SAS France Loisirs de remettre à M. [C] une attestation Pôle emploi rectifiée,
- dit n'y avoir lieu à fixer une astreinte,
- constaté que le salaire mensuel moyen était de 959,37 euros,
- débouté les parties de leurs plus amples demandes,
- mis les dépens à la charge de la défenderesse.
Par déclaration enregistrée au greffe de la présente cour le 1er juillet 2021, M. [C] a interjeté appel à l'encontre de cette décision en ce qu'elle n'a pas annulé la sanction du 31 janvier 2019, a requalifié le licenciement pour faute grave dont il a fait l'objet sans le déclarer dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts afférents ainsi que de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis.
Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 25 octobre 2021, la société a été placée en liquidation judiciaire et la SCP BTSG, en la personne de Me [R], et la SELAFA MJA, en celle de Me [LO] [N], ont été désignés en qualité de liquidateurs judiciaires.
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 10 janvier 2022, par lesquelles M. [C] demande à la présente cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit non fondée la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire et a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour faute réelle et sérieuse,
- prononcer la nullité de la mise à pied disciplinaire du 28 janvier 2019,
- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixer sa créance à 17 268,66 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Pour le surplus :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS France Loisirs à lui payer une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents, une indemnité de licenciement, un rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents, ainsi qu'une indemnité de procédure,
- constater que le salaire mensuel moyen était de 3 648,20 euros,
- condamner la SCP BTSG et la SELAFA MJA, ès-qualités de liquidateurs de la SAS France Loisirs à lui remettre une nouvelle attestation Pôle emploi dans un délai de 8 jours à compter du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- condamner la SCP BTSG et la SELAFA MJA, ès-qualités de liquidateurs de la SAS France Loisirs en tous les dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 22 décembre 2021, par lesquelles la
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SAS France Loisirs, la SCP Thévenot-[X]-[O] et la SELARL FHB ès-qualités d'anciens administrateurs judiciaire au redressement judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan, et la SCP BTSG et la SELAFA MJA, ès-qualités de liquidateurs de la SAS France Loisirs demandent à la présente cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes tendant à obtenir la nullité de la mise à pied disciplinaire du 28 janvier 2019, à dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à voir condamner la société à lui verser des dommages et intérêts pour ce motif ainsi qu'en ce qu'il a fixé sa rémunération mensuelle moyenne à la somme de 959,37 euros,
- infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
- dire et juger le licenciement pour faute grave de M. [C] bien fondé,
- débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner aux entiers dépens de l'instance et à lui payer une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'absence à la procédure du CGEA AGS Ile-de-France Ouest, régulièrement assigné en intervention forcée par acte d'huissier de justice en date du 23 décembre 2021 et auquel les conclusions des deux autres parties ont été signifiées les 14 janvier et 18 février 2022,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 février 2022,
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
M. [C] a formé appel du jugement notamment en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité compensatrice pour recherche d'emploi pendant le préavis mais n'a pas repris cette prétention dans le dispositif de ses conclusions. En application de 954 du code de procédure civile, selon lequel il n'est statué que sur les prétentions énoncées au dispositif, la cour n'en est pas saisie.
- Sur la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 28 janvier 2019
L'article L 1331-1 du code du travail dispose : 'Constitue une sanction, toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération'.
Le fait allégué à l'appui de la sanction disciplinaire doit revêtir les caractéristiques d'une faute. Il en est notamment ainsi en cas de manquement aux règles de discipline et d'organisation collective du travail énoncées dans le règlement intérieur de l'entreprise ou aux obligations découlant du lien de subordination (respect des directives et instructions de l'employeur...).
La procédure disciplinaire est définie par les articles L. 1332-1 et suivants du code du travail, aux termes desquels notamment, le salarié doit être informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui, et être convoqué à un entretien préalable, sauf si la sanction envisagée est un avertissement, ou une sanction de même nature, n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur sa présence dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
En application des articles L. 1333-1 à L. 1333-3 du code du travail, le juge doit vérifier en cas de litige la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de
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nature à justifier une sanction. Il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée.
L'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction, et au vu de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L. 1332-4 dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
En l'espèce, la SAS France Loisirs a notifié à M. [C] une mise à pied disciplinaire d'une journée par courrier recommandé avec accusé de réception du 28 janvier 2019 pour avoir manqué de respect à ses collaboratrices et à sa directrice régionale en leur tenant des propos injurieux ainsi que pour avoir fait preuve d'insubordination à l'égard de la seconde.
La lettre recommandée mentionne que, le 19 décembre 2018, le salarié se serait adressé en ces termes à l'une des vendeuses du magasin, Mme [M] [D], au sujet d'un justificatif d'absence qu'elle lui avait remis : 'Tu ne me donnes pas ça comme à un chien et tu te démerdes pour l'envoyer ; ça me casse les couilles'. Il aurait également dit à la seconde, Mme [J] [K], que 'c'était sa faute [s'il se prenait] des mails et [qu'il] avait des comptes à rendre, qu'elle ne foutait rient, qu'elle n'était bonne à rien et qu'elle [lui] cassait les couilles'. Suite à un vif échange sur son absence au magasin le week-end, il aurait notamment encore dit à Mme [K] : 'J'ai mes raisons pour ne pas venir travailler donc tu fermes ta gueule'.
Peu de temps après et le même après-midi, il aurait joint téléphoniquement sa directrice régionale, Mme [B] [S], et lui aurait d'emblée tenu les propos suivants : 'j'en ai plein le cul' et 'vous me cassez les couilles', expliquant ensuite qu'il venait 'de [se] prendre la tête avec [J]', qu'il avait '[son] équipe contre [lui]', qu'il allait 'se mettre en maladie' et qu'on lui 'mettait la pression' avec les mails 'qui lui cassent les couilles'. Il aurait encore répété cette expression à une autre reprise lors de la conversation.
Les organes de la procédure collective prétendent rapporter la preuve des faits reprochés à M. [C] par la production d'un compte-rendu d'incident rédigé le jour-même par Mme [S]. Ils soulignent que les deux collaboratrices du salarié ont également confirmé celui-ci par mails des 21 et 22 décembre 2018, et que ces témoignages sont concordants et circonstanciés. Ils soutiennent qu'outre le manque de respect découlant des propos de M. [C], son attitude est également constitutive d'insubordination envers sa supérieure hiérarchique qui lui avait demandé de s'expliquer, par mail du même jour, sur la contre-performance du magasin et de mobiliser ses collaboratrices dans l'objectif d'améliorer ses résultats.
Les intimées soutiennent enfin que le règlement intérieur prévoyant la mise à pied disciplinaire dont le salarié a fait l'objet est parfaitement régulier.
M. [C] conteste les faits qui lui sont reprochés, affirmant ne jamais avoir tenu les propos qui lui sont prêtés. Il rappelle que, lors de l'entretien préalable, son employeur n'a pas été en mesure de lui remettre les documents sur lesquels il se fondait. Il fait observer qu'il a contesté ces faits dès l'entretien, dans un courrier écrit à la SAS France Loisirs le 4 mars 2019 ainsi qu'auprès du CHSCT et de l'inspection du travail. Il mentionne encore le délai important qui s'est écoulé entre la date des faits et la notification de la mise à pied disciplinaire.
Pour solliciter l'annulation de cette sanction, M. [C] se prévaut enfin de l'inopposabilité
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du règlement intérieur produit à la procédure, son employeur ne justifiant pas de son dépôt au greffe du conseil de prud'hommes, de son envoi à l'inspecteur du travail et de sa communication aux salariés de l'entreprise.
L'article L 1321-1 du code du travail définit le règlement intérieur comme un document écrit par lequel l'employeur fixe notamment les règles générales et permanentes relatives à la discipline, en particulier la nature et l'échelle des sanctions qu'il peut prendre. En application des dispositions des articles L 1321-4 alinéa 1 du code du travail, R 1321-1 et R 1321-4 du même code, l'employeur doit le déposer au greffe du conseil de prud'hommes dans le ressort duquel est situé l'entreprise ou l'établissement, en communiquer deux exemplaires pour contrôle à l'inspecteur du travail et le porter par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l'embauche.
En l'espèce, les organes de la procédure collective, représentant la société France Loisirs, versent à la procédure un exemplaire du règlement intérieur de celle-ci, lequel mentionne de manière précise, en son paragraphe 5 les 'procédures disciplinaires' et le 'régime des sanctions' applicables au sein de l'entreprise.
La dernière page de l'annexe 1 porte mention des dispositions relatives à l'entrée en application du règlement intérieur et précise : 'Ce règlement intérieur correspond à un aménagement du règlement intérieur du 1er février 1984. Il entre en vigueur le 1er août 2001, soit un mois après son dépôt au secrétariat du Conseil des Prud'hommes. Conformément à l'article L 122.36 du Code du Travail, il a été soumis aux membres du Comité d'Entreprise, ainsi que pour les matières relevant de sa compétence, au Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) ; les avis émis par ces organismes ont été adressés à l'Inspecteur du Travail en même temps que deux exemplaires du règlement...'.
Ces mentions sont suffisantes pour établir que le règlement intérieur de la SAS France Loisirs a bien été transmis à l'inspection du travail et déposé au greffe du conseil de prud'hommes, étant en outre précisé que l'absence d'autre justificatif écrit de ces démarches ne peut priver l'employeur de son pouvoir disciplinaire pour un manque de respect et des propos injurieux, lesquels ne constituent pas des manquements à des obligations édictées par ledit règlement mais aux obligations générales de respect de toute personne, notamment au sein de l'entreprise.
De même, la liste des affichages obligatoires versée aux débats suffit à établir que les dispositions du règlement intérieur étaient accessibles aux salariés par l'intermédiaire de l'intranet de la société. Enfin, lors de son embauche, M. [C] a signé un contrat de travail dont le paragraphe relatif aux obligations professionnelles indique notamment : 'Vous vous engagez en outre à prendre connaissance et à respecter les documents ci-après annexés qui font partie du présent contrat et figurant dans le dossier de bienvenue', parmi lesquels était en premier lieu nommé le règlement intérieur, dont la case avait été cochée. Il s'ensuit que, même si l'employeur ne produit pas un contrat auquel a été annexé le règlement litigieux, cette mention, suivie de la signature du salarié, démontre qu'il a été porté à sa connaissance.
Par voie de conséquence, le règlement intérieur de la SAS France Loisirs lui est opposable.
S'agissant des faits qui se seraient déroulés le 19 décembre 2018, les organes de la procédure collective, représentant la SAS France Loisirs, versent aux débats le mail adressé le même jour à 9h24 par Mme [S] à M. [C], dans lequel la directrice régionale mentionne : 'Vous réalisez une contreperformance qui perdure depuis des jours. Quelles sont vos actions pour redresser la barre dès maintenant ' Qu'avez-vous fait des méthodes et bonnes pratiques que [H] vous a donné ' Je vous remercie de mobiliser vos collaboratrices sur cet enjeu dès aujourd'hui....'
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Ils produisent encore un message électronique de Mme [S] à son supérieur hiérarchique le même jour à 20 h, lequel porte l'intitulé 'incident hiérarchique : Nevers' et décrit de manière détaillée le contenu de l'entretien téléphonique que la directrice régionale a eu le même jour avec M. [C], en reprenant les propos prêtés à ce dernier dans la lettre de licenciement : 'J'en ai plein le cul', 'vous me cassez les couilles'...., ainsi que deux mails respectivement adressés les 21 et 22 décembre 2018 par Mme [K] et Mme [D] à Mme [S], à la demande de cette dernière, lesquels reprennent également et dans les mêmes termes les propos reprochés au responsable de magasin dans la lettre de licenciement.
Cette dernière fait en outre mention des contestations de M. [C], lequel affirme n'avoir jamais tenu de tels propos, précisant notamment que Mme [K] lui aurait dit ce jour-là, à propos du message reçu le matin-même de Mme [S] : 'tu commences à me faire chier'... Ses dénégations, réitérées dans le courrier adressé à son employeur le 4 mars 2019, sont mentionnées dans le compte-rendu d'entretien préalable rédigé par M. H. [OA], délégué syndical CFE-CGC qui l'a assisté, lequel souligne en outre que la responsable de ressources humaines n'a pas été en mesure de leur montrer les mails écrits par les collaboratrices de M. [C].
Pour autant, les dénégations de ce dernier ne sont corroborées par aucun autre élément versé à la procédure et le compte-rendu de l'entretien préalable ne peut suffire à remettre en cause les affirmations des autres salariés et de la directrice régionale de M. [C], étant précisé que, dans le cadre de la présente procédure, ce dernier a eu connaissance des mails de Mme [K] et de Mme [D], de sorte qu'il a pu les discuter.
Par conséquent, les faits invoqués à l'appui de la mise à pied disciplinaire de M. [C] sont matériellement établis. Si les propos tenus ont pu l'être dans un contexte de stress, ils n'en constituent pas moins une faute en ce qu'ils étaient particulièrement irrespectueux de Mmes [S], [K] et [D], ce seul constat justifiant à lui seul la mise à pied disciplinaire d'une journée décidée par la SAS France Loisirs.
Enfin, M. [C] ayant été convoqué dès le 21 décembre 2018 à un entretien préalable fixé au 8 janvier 2019, alors qu'une période de fêtes de fin d'année séparait les deux dates, il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir diligenté tardivement la procédure disciplinaire, ni même d'avoir attendu le 28 janvier 2019 pour notifier au salarié sa mise à pied d'une journée.
La décision querellée sera par conséquent confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à annuler la sanction disciplinaire décidée par la SAS France Loisirs le 28 janvier 2019.
- Sur le licenciement :
L'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise. L'employeur qui l'invoque pour licencier doit en rapporter la preuve.
L'article L.1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à
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l'exercice de poursuites pénales. En outre, à défaut de grief nouveau, des faits déjà sanctionnés ne peuvent faire l'objet d'une seconde sanction, car l'employeur a alors épuisé son pouvoir disciplinaire, à l'égard des faits déjà sanctionnés.
En revanche, l'employeur peut invoquer au soutien du licenciement un fait fautif dont il a eu connaissance plus de deux mois avant l'engagement de la procédure lorsque le même comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou répété dans ce délai.
Enfin, il appartient au juge, au-delà de la lettre de licenciement, de rechercher la véritable cause de ce licenciement.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 5 juillet 2019, qui reprend les conclusions d'une enquête réalisée par le CHSCT au sein du magasin de Nevers le 15 mai 2019 à la suite des 'remontées alarmantes de [son] équipe', il est fait grief à M. [C] de ne pas avoir rempli sa mission de responsable de boutique en terme de formation, accompagnement, motivation et progression de ses collaboratrices 'via les rituels managériaux (réunions d'équipe, points mensuels, briefs, entretien mensuel individuel formalisé...)', et d'avoir 'choisi délibérément de créer des situations de stress, de menaces, d'humiliations et d'insécurité de [ses] collaboratrices', engendrant ainsi des situations de mal-être voire de risques psycho-sociaux qu'il aurait en outre entretenues.
Les intimées soutiennent que ces faits sont matériellement établis comme le démontreraient les contenus circonstanciés et concordants des auditions de Mmes [K], [G] et [D], vendeuses au sein du magasin de Nevers. Elles affirment que, postérieurement à la mise à pied disciplinaire dont il avait fait l'objet, M. [C] a perduré dans un mode de management inapproprié et générateur de stress pour ses collaboratrices, ce qui a mis en danger leur santé morale et physique ainsi que l'avenir de la boutique, sans que le salarié ne prenne conscience de son comportement.
Les organes de la procédure collective, représentant la SAS France Loisirs, estiment que ces faits sont constitutifs d'une faute grave en ce que M. [C] a commis de nombreux manquements à l'obligation d'exécuter son contrat de travail de bonne foi et a persisté dans son comportement fautif alors que, d'une part, ses difficultés à manager son équipe avaient été repérées dès 2014, antérieurement à son mi-temps thérapeutique et qu'il avait été mis en garde sur la nécessité de l'améliorer et, d'autre part, qu'il avait fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire au mois de janvier 2019. Ils estiment enfin qu'il a bénéficié de tous les moyens humains et matériels pour atteindre ses objectifs malgré son mi-temps thérapeutique mais qu'en toute hypothèse, l'absence d'aide de la société ne pourrait justifier le comportement adopté vis à vis de ses collaboratrices.
Elles contestent en outre que les faits reprochés à M. [C] puissent être prescrits puisqu'ils auraient persisté dans le temps, de sorte qu'elles sont fondées à s'en prévaloir, même s'ils ont été commis au-delà du délai de deux mois avant l'engagement des poursuites. Elle soulignent surtout qu'elles n'ont eu une connaissance exacte de ces faits qu'à l'issue de l'enquête du CHSCT dont le rapport a été remis le 3 juin 2019, la SAS France Loisirs ayant alors engagé les poursuites disciplinaires dès le 5 juin 2019.
M. [C] affirme quant à lui que l'enquête du CHSCT a été diligentée, non pour de nouveaux faits prétendument fautifs, mais en raison des accusations portées par ses collaboratrices le 19 décembre 2018, alors que les faits litigieux avaient déjà conduit à sa mise à pied disciplinaire et qu'ils ne sauraient par conséquent justifier un licenciement postérieur.
Il soutient en outre que la lecture-même du compte-rendu du CHSCT montre que la direction de la société avait connaissance de son comportement fautif prétendu depuis plusieurs
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années, de sorte que les faits reprochés seraient prescrits à la date de l'engagement de la procédure. Il ajoute qu'en toute hypothèse, cette dernière n'a pas été engagée dans un délai restreint, son employeur ne démontrant pas l'existence de faits nouveaux, postérieurs à ceux du 19 décembre 2018. Il fait observer qu'il a été fréquemment absent entre le 31 janvier 2019 et le 27 mai 2019, notamment pour des raisons médicales. Il soutient en définitive que son licenciement pour faute grave est en réalité un licenciement pour motif économique déguisé, l'entreprise connaissant d'importantes difficultés financières dès cette période.
M. [C] conteste en toute hypothèse les attitudes et propos qui lui sont prêtés. Il fait observer que les compte-rendus d'entretiens annuels d'évaluation et les échanges de SMS avec ses collaboratrices montrent au contraire qu'il était soucieux de les accompagner et de soutenir leur progression. Il souligne en outre qu'en dépit de ses demandes auprès de son employeur, il n'a pas bénéficié de l'accompagnement que requérait sa situation de santé.
Aux termes de l'enquête diligentée par le CHSCT le 15 mai 2019, les vendeuses du magasin de Nevers mettent en cause l'attitude générale de leur responsable de magasin, laquelle aurait débuté plusieurs années auparavant et se serait répétée jusqu'au jour de leur audition, ce que confirme Mme [S] dans l'attestation qu'elle a rédigée. Elles évoquent notamment des 'mauvais traitements, des menaces, des remarques désobligeantes du REB sur l'organisation du PDV' (Mme [K]) et des difficultés en terme de management et d'organisation du point de vente: 'Les réunions mensuelles n'ont pas lieu tout le temps et parfois c'est assez virulent'... ' Les plannings réalisés ne sont jamais signés sans qu'on sache pourquoi'... (Mme [D]).
Il s'ensuit que, si les faits du 18 décembre 2018 ont été à l'origine d'une 'libération de la parole' selon l'expression des intimées et d'un suivi étroit de la situation du magasin par la directrice régionale, Mme [S] qui en atteste, ils ne constituent pas le fondement des poursuites disciplinaires ayant entraîné le licenciement pour faute grave de M. [C]. C'est bien la persistance d'un comportement inapproprié qui est visée dans la lettre de licenciement, de sorte que le délai de deux mois invoqué par le salarié n'est pas applicable en l'espèce.
Par conséquent, les faits qui lui sont reprochés ne sont pas prescrits.
Par ailleurs, l'enquête réalisée par le CHSCT a été présentée lors de la réunion extraordinaire du 5 juin 2019 et la SAS France Loisirs a convoqué M. [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement par courrier recommandé du même jour, de sorte qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir engagé tardivement les poursuites disciplinaires.
Il est plus généralement reproché à M. [C] de ne pas avoir honoré ses missions en qualité de responsable de boutique.
Sa fiche de poste définit comme suit ses missions :
- garantir la qualité de la relation client au quotidien,
- assurer la gestion du point de vente et la valorisation de l'offre produits/services élargies....
- recruter, former, fédérer et faire grandir son équipe,
- suivre et analyser les résultats commerciaux et mettre en place des mesures d'optimisation,
- contribuer à la réalisation des objectifs commerciaux....
- initier des partenariats avec d'autres commerçants et organiser des animations afin d'augmenter le trafic magasin.
Des compétences étaient attendues de lui en terme d'animation d'équipe, notamment : former, accompagner, motiver et faire progresser ses collaborateurs via les rituels managériaux (réunions d'équipe, points mensuels, briefs...) pour qu'ils atteignent leurs objectifs, à savoir coopérer et s'entraider, promouvoir la transparence et la transversalité, le partage d'informations et des bonnes pratiques. Les compétences managériales font l'objet d'un
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paragraphe spécifique : organiser, planifier et fixer des objectifs, déléguer et responsabiliser ses collaborateurs, savoir recruter des collaborateurs et évaluer les compétences, former et accompagner ses équipes, fédérer et motiver (leadership).
En l'espèce, la SAS France Loisirs reproche à M. [C] :
- une absence de rituels managériaux afin d'accompagner, de motiver et de faire progresser ses collaboratrices : réunions non tenues ou tenues en l'absence de certaines collaboratrices, absence de compte-rendu à la suite des réunions, entretiens mensuels non tenus, absence d'encouragements et nombreuses remontrances... ;
- une absence de formation de ses collaboratrices : notamment sur les nouveautés ;
- une absence d'esprit d'équipe : ne s'implique pas dans la vie du point de vente, ne vient jamais en fin de semaine, laisse ses collaboratrices se débrouiller seules et exécuter des tâches qui relèvent de ses fonctions, ne soutient pas son équipe devant les clients ;
- une absence d'organisation et de planification du travail de son équipe : absence de plannings et de jours de congé fixes.
Ces fait sont attestés par Mmes [K], [G] et [D], lesquelles décrivent à titre d'exemple des difficultés pour prendre leurs jours de congés en l'absence de jour de congé fixe, ainsi que les nombreuses situations dans lesquelles elles devaient réaliser des tâches relevant de la compétence du responsable de magasin (REB). Le CHSCT a pu constater que les plannings n'étaient pas établis, que les vendeuses prenaient en charge les tâches relevant de la compétence exclusive du REB, qu'il n'existait pas de jours de congé fixes, que les réunions n'étaient pas tenues, que les vendeuses ne bénéficiaient pas de formation sur les nouveautés et que le salarié n'était pas impliqué dans la vie du point de vente.
Cependant, M. [C] produit des exemples de plannings réalisés et de comptes-rendus de réunions mensuelles, lesquels attestent à tout le moins que des plannings étaient établis, même si plusieurs de ceux qui ont été produits ne sont pas signés, notamment en 2019, et que des réunions mensuelles étaient organisées, en ce compris jusqu'au 2 mai 2019, étant précisé que les fréquentes absences du salarié pour cause de maladie au cours du premier semestre de l'année 2019 ne sont pas contestées.
M. [C] verse encore aux débats des comptes-rendus d'entretiens annuels individuels concernant les trois vendeuses du magasin au titre des années 2016 et 2017, sur lesquels il a précisément répertorié leur activité, noté leurs points forts, les difficultés rencontrées et les objectifs à atteindre, ponctués d'encouragements.
Il n'est par ailleurs pas contesté que le mi-temps thérapeutique du salarié le conduisait à ne travailler qu'une partie de la semaine, potentiellement en début de semaine, même si, sans être contredit sur ce point par les intimées, il affirme avoir été présent certains week-ends, notamment en décembre 2018.
L'importance des difficultés induites par son état de santé transparaît des différents entretiens annuels d'évaluation de M. [C], produits depuis le 25 mars 2015 et différentes mesures d'accompagnement ont été ponctuellement mises en place par la SAS France Loisirs (accompagnement par un responsable de boutique 'animateur' durant six mois en 2016, transmission d'outils relatifs aux 'rituels managériaux', accompagnement à distance par Mme [W], responsable de boutique à la fin de l'année 2018). Dans son courrier du 4 mars 2019, le salarié reproche cependant à son employeur de ne pas avoir pris de 'disposition professionnelle d'assistance face à [son ] manque de présence sur le point de vente', notamment par la création d'un poste d'adjoint.
L'ensemble de ces éléments et le contexte qui entoure les difficultés managériales rencontrées par M. [C] conduisent à considérer que celles-ci ne sont pas le fruit d'une
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volonté délibérée de manquer à ses obligations contractuelles, comme le soutiennent les intimées, et qu'elles ne sont donc pas fautives.
La lettre de licenciement vise en second lieu la création de situations de stress, de menaces, d'humiliations et d'insécurité pour les collaboratrices de M. [C].
Sur ce point, les auditions réalisées par le CHSCT mettent en évidence un ressenti de maltraitance, Mme [K] évoquant par exemple 'des mauvais traitements, des menaces, des remarques désobligeantes du REB sur l'organisation du PDV', M. [C] ayant pu tenir les propos suivants : 'Nous sommes des bonnes à rien, des connes'.... Le témoin ajoute que le salarié l'aurait menacée de licenciement à la suite de l'incident du 19 décembre 2018. Elle explique se sentir 'au bord du burn out'.
Mme [Z] [G], vendeuse dans le magasin depuis 26 ans, confirme les remarques désobligeantes de M. [C], le stress que les vendeuses peuvent ressentir en ne sachant jamais comment leur responsable va se comporter, les remarques formulées devant les clients 'on n'est vraiment pas à son niveau'...., l'absence de reconnaissance alors que les vendeuses réalisent des tâches 'en plus' et, au contraire, le ressenti d'un certain mépris. La salariée explique en outre que M. [C] était 'beaucoup plus dur' avec Mme [K], dans la mesure où elle était la 'dernière arrivée' alors qu'il restait prudent avec les anciennes dont il avait besoin. Mme [G] explique que les trois vendeuses avaient 'la boule au ventre en venant à la boutique' et qu'elles prenaient sur elles pour ne pas aggraver la situation.
Mme [D] explique que M. [C] planifiait ses temps de travail pour ne pas être en présence de Mme [K] avec laquelle il ne s'entendait pas. Elle relate qu'il n'acceptait aucune remarque, aucune critique et n'avait aucune considération pour les situations personnelles des salariées, en donnant l'exemple de difficultés d'accès au magasin pendant les manifestations des gilets jaunes ou la présence de neige sur la route. Elle précise qu'il a eu plusieurs dérapages verbaux à l'encontre de Mme [K]. Mme [D] affirme être stressée, indiquant 'on va finir par craquer'.
Mme [S] explique quant à elle que l'incident du 19 décembre 2018 'a ouvert le chemin de la parole' et qu'à partir de cette date, elle est intervenue en 'sous-marin' pour soutenir l'équipe 'dans le travail et moralement' sans que cette situation ne puisse être pérenne puisqu'elle ne pouvait passer à Nevers tous les jours.
Le procès-verbal du CHSCT, non signé par M. [OA], comme le fait justement observer M. [C], conclut : 'la situation dans cette boutique est très dégradée, trop d'ailleurs pour que l'ambiance puisse s'améliorer d'elle-même et que les choses puissent reprendre leur cours normal'. Il est noté une perte de confiance dans le REB de la part des vendeuses et de la directrice régionale. Il est encore souligné que 'la direction était au courant de cette situation délétère depuis longtemps, mais n'a rien mis en place d'efficace ni de pérenne pour l'assainir (anciens DR, DRH précédente)'. Quant à M. [C], il est noté qu'il 'a une forte impression de non soutien, non écoute et non compréhension de sa situation de la part de la direction qui n'a pas mis à sa disposition des moyens suffisants pour l'aider ou qui les lui a mal présentés/expliqués...'
M. [C] conteste l'attitude générale qui lui est reprochée. Lors de l'enquête diligentée par le CHSCT, il a expliqué que les réunions permettent à chacun de parler, qu'on lui 'a remonté des informations fausses et horribles' et que 'ce n'est pas lui tout ça'. Evoquant ses collaboratrices, il a affirmé que, 'tous les quatre, ils échangent. Il les respecte'.
Il produit à la procédure plusieurs attestations de clients de la boutique. Mme [A] témoigne ainsi de ce qu'il était 'très courtois à l'égard de ses clients et de son personnel' avec
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lequel il plaisantait. Mme [L] confirme ces propos et témoigne d'une 'bonne ambiance de travail avec calme et sérénité dans le magasin'. Il en est de même de Mme [Y] qui évoque également un responsable de boutique 'courtois' avec les clients et avec le personnel. Mme [T], Mme [F] et Mme [E] confirment ces allégations. Cependant, ces témoignages ne peuvent suffire à remettre entièrement en cause les allégations des trois vendeuses en ce que les clientes n'étaient pas présentes en permanence dans l'enceinte du magasin et ne pouvaient par conséquent disposer d'une vision suffisamment précise du comportement de M. [C].
Ce dernier produit encore aux débats les comptes-rendus de réunions ci-dessus évoqués dont il résulte notamment des encouragements à destination de ses collaboratrices, en particulier quant aux objectifs à atteindre. Il produit encore les comptes-rendus d'entretiens annuels des trois vendeuses au titre des années 2016 et 2017 dans lesquels elles-mêmes relèvent un échange constructif (Mme [K]), un accord sur leur point fort et leur point faible (Mme [G]) ou une reconnaissance face aux encouragements du responsable de magasin (Mme [D]). Ces documents sont cependant relativement anciens et ne permettent pas d'exclure que l'attitude de M. [C] ait pu être différente à d'autres moments et aboutir en 2019 à un point de non-retour dans les relations avec les vendeuses du magasin.
Les mêmes observations peuvent être faites sur le contenu des nombreux SMS échangés par M. [C] avec ses collaboratrices au cours des années 2016, 2017 et 2018 et qui témoignent, à tout le moins à ces moments précis, de l'attention du responsable de magasin à la situation individuelle de ces dernières lorsqu'à titre d'exemple, il souhaite bon rétablissement à l'une et de très bonnes vacances à l'autre, outre qu'il les félicite pour leurs résultats professionnels.
Il se déduit de ces éléments que la réalité de ce grief se trouve établie et constitue une cause suffisamment sérieuse de licenciement.
En revanche, compte tenu de la connaissance préalable qu'avait l'employeur des difficultés relationnelles au sein du magasin, de ce qu'il les a tolérées pendant plusieurs années, la faute reprochée au salarié, comme l'ont pertinemment retenu les conseillers prud'homaux, ne rendait pas immédiatement impossible la poursuite de la relation de travail et ne pouvait donc être constitutive de faute grave.
Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave du salarié devait être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Il le sera encore en ce qu'il a fixé le salaire mensuel moyen de M. [C] à la somme de 959,37 euros, lui a alloué un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire dès lors qu'en l'absence de faute grave cette mesure n'était pas justifiée, outre les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de salaire compte tenu du statut de travailleur handicapé du salarié, outre les congés payés afférents, ainsi qu'une indemnité légale de licenciement, sauf à préciser que les différentes sommes allouées seront désormais fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS France Loisirs.
- Sur les autres demandes
Il y a lieu d'enjoindre à la SCP BTSG et la SELAFA MJA, ès-qualités de liquidateurs judiciaires de la société France Loisirs, de remettre à M. [C] une attestation Pôle emploi conforme au présent arrêt, dans les 15 jours de sa signification, sans toutefois prononcer une astreinte ainsi que demandé.
Le présent arrêt sera déclaré opposable au CGEA AGS Ile-de-France Ouest.
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La décision querellée sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [C], partie succombante, sera en outre condamné aux dépens d'appel et débouté en conséquence de la demande qu'il forme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de l'appel, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe :
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Nevers en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
FIXE la créance de M. [P] [C] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS France Loisirs aux sommes suivantes :
* 2 878,11 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 287,81 euros au titre des congés payés y afférents,
* 1 530,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 961,18 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
* 96,12 euros au titre des congés payés y afférents,
* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE à la SCP BTSG et la SELAFA MJA, ès-qualités de liquidateurs judiciaires de la société France Loisirs, de remettre à M. [P] [C] une attestation Pôle emploi rectifiée dans les quinze jours de la signification du présent arrêt mais DIT n'y avoir lieu à astreinte,
DÉBOUTE les parties de leur demande d'indemnité de procédure,
DÉCLARE le présent arrêt opposable au CGEA AGS Ile-de-France Ouest,
CONDAMNE M. [P] [C] aux dépens d'appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE C. VIOCHE