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29/04/2022 | FRANCE | N°21/00494

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 29 avril 2022, 21/00494


SD/AB





N° RG 21/00494

N° Portalis DBVD-V-B7F-DLEP





Décision attaquée :

du 26 avril 2021

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------





M. [U] [E]





C/



S.A.S. AUDEXIA









--------------------





Expéd. - Grosse



Me LAVAL 29.4.22



Me GUENIOT 29.4.22














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COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 29 AVRIL 2022



N° 91 - 14 Pages





APPELANT :



Monsieur [U] [E]

141 route de la Charité - 18000 BOURGES



Représenté par Me Cathie LAVAL de la SCP SOREL, avocat au barreau de BOURGES







INTIMÉE :



S.A.S. AUDEXIA

1461 route d'Or...

SD/AB

N° RG 21/00494

N° Portalis DBVD-V-B7F-DLEP

Décision attaquée :

du 26 avril 2021

Origine :

conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

M. [U] [E]

C/

S.A.S. AUDEXIA

--------------------

Expéd. - Grosse

Me LAVAL 29.4.22

Me GUENIOT 29.4.22

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022

N° 91 - 14 Pages

APPELANT :

Monsieur [U] [E]

141 route de la Charité - 18000 BOURGES

Représenté par Me Cathie LAVAL de la SCP SOREL, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S.A.S. AUDEXIA

1461 route d'Orléans - 18230 SAINT DOULCHARD

Ayant pour avocat Me Cyrille GUENIOT de la SELAFA AUDIT- CONSEIL-DÉFENSE du barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme BOISSINOT, conseiller rapporteur

en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON

Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre

Mme BOISSINOT, conseillère

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseillère

DÉBATS : A l'audience publique du 04 mars 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 91 - page 2

29 avril 2022

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

Suivant contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 3 juillet 2019 conclu au motif d'un accroissement temporaire d'activité, la SAS Audexia a recruté M. [U] [E], né le 4 avril 2001, du 3 juillet 2019 au 11 août 2019 inclus, en qualité de mécanicien de maintenance, classification M. 1.1, catégorie «'employé'», échelon 1 de la convention collective nationale des services de l'automobile, moyennant un salaire brut mensuel de 1 760 euros pour 169 heures de travail.

La société Audexia est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de voitures et de véhicules automobiles neufs et d'occasion.

Suivant contrat de professionnalisation à durée déterminée du 30 juillet 2019, la SAS Audexia a ensuite embauché M. [E] pour la période s'échelonnant du 12 août 2019 au 6 novembre 2020, moyennant une durée hebdomadaire de travail de 35 heures et un salaire brut mensuel de 988,79 euros. Le contrat prévoyait en outre une formation d'une durée totale de 675 heures débutant le 7 octobre 2019, aux fins d'obtention de la certification de qualification professionnelle d'expert après-vente automobile.

Le 11 septembre 2019, M. [E] a été victime d'un accident de la route alors qu'il procédait à l'essai d'un véhicule confié en réparation au garage.

Le 3 octobre 2019, M. [E] et la SAS Audexia ont signé un accord de rupture amiable du contrat de professionnalisation, la date de la rupture étant fixée au 4 octobre 2019.

Le 30 décembre 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes afin, à titre principal, d'obtenir l'annulation la rupture amiable et la condamnation de la SAS Audexia à lui verser des dommages et intérêts subséquents et, à titre subsidiaire, à voir requalifier le contrat de travail à durée déterminée (CDD) signé le 3 juillet 2019 en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) avec toutes conséquences de droit, enfin à des dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat de travail, exécution de mauvaise foi du contrat de travail et remise tardive de l'attestation Pôle emploi.

Par décision du 26 avril 2021 dont appel, le conseil de prud'hommes de Bourges a':

- Dit que les conclusions n°3 de M. [U] [E] communiquées le 4 février 2021 ne respectaient pas le principe du contradictoire,

- En conséquence,

- Rejeté les conclusions et pièces n°3 communiquées par M. [U] [E] le 4 février 2021,

-Dit que la rupture amiable du contrat de travail de M. [U] [E] est conforme au code du travail,

-Débouté M. [U] [E] de l'ensemble de ses demandes,

-Débouté la SAS Audexia de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Dit que chacune des parties conserverait la charge de ses dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la présente cour le 6 mai 2021, M. [E] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement, lequel lui avait été notifié le 3 mai 2021, en le contestant en toutes ses dispositions.

Arrêt n° 91 - page 3

29 avril 2022

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 11 janvier 2022 par lesquelles M. [E] demande à la présente cour de':

-Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SAS AUDEXIA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-L'infirmer en ce qu'il a :

- dit que ses conclusions n°3 ne respectaient pas le principe du contradictoire et les a rejetées,

- en conséquence, fait droit à la demande de la SAS AUDEXIA de rejet des conclusions et pièces numéro 3 communiquées le 4 février 2021,

- dit que la rupture amiable de son contrat de travail était conforme au code du travail,

- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Et statuant à nouveau sur ces points :

- A titre principal :

-Dire et juger que l'accord de rupture amiable du 3 octobre 2019 est nul et que la rupture du contrat de professionnalisation est donc abusive,

-Condamner en conséquence la société AUDEXIA à lui régler la somme de 12 857€ à titre de dommages et intérêts.

- A titre subsidiaire :

-Requalifier le CDD en CDI et, en conséquence, condamner la société AUDEXIA à lui régler les sommes suivantes :

- A titre d'indemnité de requalification : 1 760 €,

- A titre de rappel de salaire 1 583 € outre les congés payés afférents à hauteur de 158,30€,

- A titre d'indemnité compensatrice de préavis : 880 €

- A titre de congés payés sur préavis : 88 €

- A titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 760 €.

- En tout état de cause :

condamner la société AUDEXIA à lui régler les sommes suivantes :

- 1 500 € de dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat de travail,

- 3 144 € à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 1 500 € pour remise tardive de l'attestation destinée à Pôle Emploi,

- 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société AUDEXIA à lui remettre les documents de fin de contrat et bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir, sous un délai de 7 jours suivant la notification de la décision et ce sous astreinte de 30 € par jour de retard.

-Condamner la société AUDEXIA aux entiers dépens.

Débouter la société AUDEXIA de ses demandes plus amples ou contraires,

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 15 octobre 2021, par lesquelles la SAS Audexia demande à la présente cour de':

IN LIMINE LITIS

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que les conclusions n°3 de M. [U] [E] ne respectent pas le principe du contradictoire et les a rejetées ;

En conséquence ;

- Fait droit à sa demande de rejet des conclusions et pièces n°3 communiquées par M. [U] [E] le 04/02/2021 ;

En conséquence,

Confirmer le rejet des conclusions et pièces n°3.

IN LIMINE LITIS, À TITRE INCIDENT :

Juger la demande de dommages et intérêts correspondant aux salaires jusqu'à la fin du contrat de professionnalisation nouvelle et donc irrecevable,

Arrêt n° 91 - page 4

29 avril 2022

À DÉFAUT ET EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que la rupture amiable du contrat de travail de M. [U] [E] était conforme au code du travail ;

- Débouté M. [U] [E] de l'ensemble de ses demandes ;

Et ainsi :

- Juger que la rupture du contrat de professionnalisation de M. [E] résulte bien d'un commun accord entre les deux parties ;

- Débouter M. [E] de la demande de dommages et intérêts correspondant aux salaires jusqu'à la fin du contrat de professionnalisation ;

Par ailleurs :

- Juger qu'il n'y a pas lieu à requalifier le CDD en CDI ;

- Débouter M. [E] de ses demandes afférentes (indemnité de requalification, rappels de salaire et congés payés afférents, préavis et congés payés afférents, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) ;

- Débouter M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour brusque rupture et exécution de mauvaise foi du contrat de travail';

- Débouter M. [E] de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi';

- Débouter M. [E] de sa demande de documents modifiés.

En conséquence,

Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes.

EN REVANCHE, À TITRE INCIDENT

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- l'a déboutée de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens';

Statuant à nouveau,

- Condamner M. [E] à titre reconventionnel à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 ;

- Condamner M. [E] aux entiers frais et dépens d'instance,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 février 2022';

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la demande de rejet des conclusions et pièces de M. [E] communiquées le 4 février 2021

Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, «'les parties doivent faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuves qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense'».

En application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, «'le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement»

L'article R 1454-19 du code du travail dispose quant à lui que «'Dans les cas où l'affaire est directement portée devant lui ou lorsqu'il s'avère que l'affaire transmise par le bureau de con-

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ciliation et d'orientation n'est pas prête à être jugée, le bureau de jugement peut prendre toutes mesures nécessaires à sa mise en état mentionnées à l'article R 1454-1.

A défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées, le bureau de jugement peut rappeler l'affaire à l'audience, en vue de la juger ou de la radier.

Sont écartées des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense'».

Il se déduit de ces textes que, pour écarter les conclusions et pièces d'une partie, le juge doit

motiver sa décision sur deux points': l'absence de motif légitime et l'atteinte aux droits de la défense.

Le conseil de prud'hommes a écarté en l'espèce les conclusions n°3 communiquées par M. [E] le 4 février 2021, estimant qu'entre cette date et le 15 février 2021, jour de l'audience, la SAS Audexia n'avait disposé que de 11 jours pour répondre aux nouvelles demandes.

Il résulte toutefois des conclusions récapitulatives de l'employeur, dont il n'est pas contesté qu'elles sont postérieures aux conclusions n°3 du salarié, qu'à titre subsidiaire et pour le cas où les conclusions et pièces du 4 février 2021 ne seraient pas rejetées des débats, la SAS Audexia a conclu au fond sur les demandes formées par le salarié.

Il s'en déduit que l'employeur a été en mesure de répondre au moyens développés par M. [E] préalablement à l'audience du 15 février 2021, de sorte que l'atteinte aux droits de la défense n'est pas constituée.

La décision querellée sera par conséquent infirmée en ce qu'elle a écarté les conclusions n°3 communiquées par M. [E] le 4 février 2021 et la pièce nouvellement jointe auxdites conclusions.

- Sur la rupture du contrat de travail

Invoquant la nullité de la rupture amiable de son contrat de professionnalisation, M. [E] sollicite à titre principal le versement de dommages et intérêts correspondant aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'à la fin de son contrat. La SAS Audexia soulève en premier lieu l'irrecevabilité de cette dernière demande et s'oppose ensuite à l'annulation de l'accord de rupture signé avec le salarié.

a) Sur la fin de non-recevoir tirée de la règle d'unicité de l'instance de la demande de dommages et intérêts correspondant aux salaires qui auraient été perçus jusqu'à la fin du contrat de professionnalisation

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, «'l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant».

L'article 70 alinéa 1 du code de procédure civile dispose également que «'les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant».

Par ailleurs, l'article R 1453-3 du code du travail consacre le principe de l'oralité de la procédure devant le conseil de prud'hommes. En application des dispositions de l'article R 1453-5 du même

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code cependant, dès lors que les parties sont toutes assistées d'un conseil, le conseil de prud'hommes est saisi par les seules prétentions figurant au dispositif de ses dernières conclusions.

La SAS Audexia soulève en l'espèce l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts formée devant le conseil de prud'hommes par M. [E] dans ses conclusions n°2 et correspondant aux salaires qui auraient été perçus jusqu'à la fin du contrat de professionnalisation. Rappelant la suppression du principe de l'unicité de l'instance, l'employeur fait valoir que cette demande ne figurait pas dans sa requête par laquelle il a saisi le conseil de prud'hommes et qu'elle ne peut davantage être considérée comme présentant un lien suffisant avec les demandes initiales.

Le salarié lui rétorque qu'il ne s'agit nullement d'une demande nouvelle en ce qu'elle figurait déjà dans ses premières conclusions et qu'il a seulement modifié le quantum de sa demande dans ses conclusions n°2. Il ajoute qu'à tout le moins, cette demande additionnelle est recevable

puisqu'elle est consécutive à la rupture de son contrat de travail, laquelle constitue l'objet d'une partie de ses demandes.

Il résulte des pièces versées à la procédure que, dans sa requête, M. [E] a d'emblée indiqué qu'il contestait la rupture amiable de son contrat de professionnalisation signée le 3 octobre 2019. Sa demande de dommages et intérêts fondées sur les dispositions de l'article L 1243-4 du code du travail figurait dans les conclusions n°2 remises au greffe des premiers juges. Il s'agit ainsi d'une demande additionnelle et non d'une demande nouvelle.

Le conseil de prud'hommes n'ayant pas statué de ce chef, il y a lieu de dire que cette demande était recevable.

b) Sur la demande en nullité de la rupture amiable du contrat de professionnalisation

Le contrat de professionnalisation est ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans révolus afin de compléter leur formation initiale. Lorsqu'il prend la forme d'un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave (ou de faute lourde), de force majeure, d'inaptitude physique du salarié constatée par le médecin du travail ou si le salarié justifie d'une embauche en CDI, conformément aux dispositions des articles L 1243-1 et L 1243-2 du code du travail. En dehors de ces hypothèses, la rupture anticipée du CDD à l'initiative de l'employeur ouvre droit, au profit du salarié, à une indemnisation au moins égale aux rémunérations que ce dernier aurait perçues jusqu'au terme de son contrat, conformément aux dispositions de l'article L 1243-3 du même code.

La rupture par accord des parties doit résulter d'une volonté claire et non équivoque de mettre fin aux relations contractuelles et faire l'objet d'un écrit.

M. [E] soutient en l'espèce que son consentement a été vicié lors de la signature de l'accord de rupture amiable le 3 octobre 2019 en ce que, tout juste âgé de 18 ans, il a été convoqué du jour au lendemain, seulement quatre jours avant le début de la période d'alternance fixée dans le cadre de son contrat de professionnalisation, sans avoir la possibilité de préparer cet entretien et d'y être assisté.

Il conteste que celui-ci ait eu lieu à son initiative, expliquant que son employeur disposait d'un moyen de pression pour l'amener à signer l'accord de rupture dans la mesure où, le 11 septembre 2019, il avait eu un accident alors qu'il procédait à un essai sur l'un des véhicules confiés en réparation au garage. Il conteste toute responsabilité dans l'accident, sollicitant dans la motivation de ses conclusions, qu'il soit fait sommation à la SAS Audexia de produire le protocole suivi le jour de l'accident, sans toutefois reprendre cette demande dans leur dispositif,

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de sorte que la cour n'en est pas saisie. Le salarié estime cependant qu'au regard de la sanction disciplinaire voire de la rupture du contrat qu'il encourait, son consentement n'a pas été donné librement. Il fait observer que s'ajoute aux circonstances dans lesquelles il a été amené à signer le document de rupture, le fait qu'il s'était vu préalablement notifier un avertissement.

M. [E] souligne encore la rapidité avec laquelle il a saisi le conseil de prud'hommes postérieurement à ces faits et l'urgence qui a présidé à son inscription à Pôle emploi de sorte qu'il ne pourrait lui être reproché de ne pas avoir préalablement contesté par écrit auprès de son employeur le prétendu accord amiable de rupture du contrat. Il soutient que les circonstances entourant la signature dudit accord conduisent à considérer qu'il n'y a pas librement consenti.

La SAS Audexia prétend en ce qui la concerne que M. [E] a lui-même sollicité la rupture amiable de son contrat de travail, dès lors qu'il avait parfaitement conscience de ses droits et des conséquences qu'aurait ladite rupture. Elle rappelle qu'à plusieurs reprises, il a fait preuve d'insubordination dans l'exécution de son contrat de travail, notamment le 11 septembre 2019, lorsqu'il a eu un accident au volant d'un véhicule confié au garage en réparation et sur lequel il a pris l'initiative de réaliser un essai qui n'était pas requis et pour lequel il n'avait pas obtenu l'autorisation du chef d'atelier. L'employeur estime que la responsabilité du salarié est engagée, dès lors qu'il a adopté une conduite dangereuse, ses excès de vitesse conduisant à l'accident

dont les conséquences financières ont été importantes pour l'entreprise. Il explique que le père de M. [E] a alors sollicité un rendez-vous avec la direction, lequel a eu lieu le 23 septembre

2019, le constat étant fait dès ce jour-là que la relation de travail pouvait difficilement se poursuivre. Il explique que M. [E] en a convenu et a sollicité lui-même la rupture amiable de son contrat de travail si bien qu'il a été convoqué quelques jours après, l'entreprise n'ayant rien précipité et lui ayant laissé le temps de retrouver un emploi.

La SAS Audexia conteste que le consentement du salarié ait pu être vicié, et souligne qu'il a, avant de signer le document, apposé la mention «'lu et approuvé bon pour accord rupture amiable du contrat'». Elle rappelle que, préalablement à la saisine du conseil de prud'hommes, il n'a nullement formulé de réserve ni écrit à son employeur pour se plaindre de la situation.

Il appartient en l'espèce à M. [E] de démontrer la réalité de la contrainte morale qui aurait vicié son consentement à la rupture amiable signée le 3 octobre 2019.

La lecture de cet accord ne renseigne pas sur les conditions dans lequel il est intervenu et les pièces versées aux débats par le salarié ne permettent pas davantage d'établir, comme il le prétend, qu'il aurait été convoqué du jour au lendemain pour le signer, sans avoir eu la possibilité d'en discuter les termes et de se faire assister lors de l'entretien préalable.

Il ne fait pas débat que M. [E] a eu un accident au volant d'un véhicule confié en réparation au garage et que son employeur l'en a considéré responsable, allant jusqu'à admettre qu'à l'issue du rendez-vous avec le père de l'intéressé, le 23 septembre 2019, l'ensemble des personnes présentes avaient convenu de ce que la poursuite du contrat de professionnalisation était difficile à envisager.

Ce constat et le jeune âge du salarié ne peuvent cependant suffire à établir que son consentement à la rupture amiable de son contrat de travail a été contraint puisqu'aucun élément, en ce compris l'attestation rédigée par M. [B] [E], ne permet d'établir que des pressions seraient intervenues pour conduire le salarié à signer l'accord de rupture amiable litigieux.

Il s'ensuit que M. [E] échoue à démontrer que son consentement a en l'espèce été vicié, la décision querellée devant être confirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande tendant à

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l'annulation de l'accord amiable signé le 3 octobre 2019.

- Sur la demande de requalification du CDD en CDI

Aux termes de l'article L 1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour une tâche précise et temporaire mais, quel que soit son motif, il ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, les articles L 1242-2 et suivants du même code énonçant les cas dans lesquels un contrat à durée déterminée peut être conclu, dont notamment le remplacement d'un salarié absent, l'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, les emplois à caractère saisonnier, les contrats dits d'usage.

Le motif de recours au CDD s'apprécie à la date de conclusion du contrat. S'agissant de l'accroissement d'activité, il doit présenter un caractère temporaire sans toutefois être obligatoirement exceptionnel ou accidentel. Il peut notamment résulter de variations cycliques de production. Un employeur peut recourir à un CDD pour faire face à une hausse temporaire et récurrente de son activité habituelle.

L'article L 1245-1 du code du travail vise les articles du même code dont la méconnaissance aboutit à dire le contrat de travail réputé contrat à durée indéterminée.

En cas de requalification judiciaire du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'article L 1245-2 du code du travail prévoit que le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, selon le montant perçu avant la saisine du juge, heures supplémentaires inclues, et qui peut se cumuler avec l'indemnité de fin de contrat, dite

indemnité de précarité, telle que prévue par l'article L 1243-8 du code du travail.

Rappelant qu'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de l'accroissement d'activité justifiant le recours à un CDD, M. [E] soutient en l'espèce que celui du 3 juillet 2019 a en réalité été conclu pour pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Il fait observer que le chiffre d'affaires de main d''uvre sur le service après-vente sur l'ensemble de l'année 2019 oscille entre 33'340 et 46'040 euros, la somme de 40'000 euros étant dépassée à plusieurs reprises et non seulement au mois de juillet 2019, de sorte que le pic d'activité allégué n'est pas caractérisé. Il ajoute que les autres documents produits par la SAS Audexia ne sont nullement probants en ce qu'ils ne portent que sur quelques mois (de mars à septembre 2019 en ce qui concerne le chiffre d'affaires de l'atelier Audi et d'avril-mai puis de juillets-août 2019 pour ce qui a trait au nombre d'assistances réceptionnées pour la marque Audi), et ce, alors que la société dispose de la liberté de choisir la date à laquelle elle facture ses interventions. M. [E] soutient par ailleurs qu'il a par la suite été maintenu dans l'entreprise dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, lequel comprenait des missions de maintenance mécanique comme dans le cadre de son CDD.

La SAS Audexia lui oppose que le chiffre d'affaires de main d''uvre sur le service après-vente enregistré au mois de juillet 2019 justifie de l'accroissement d'activité de l'entreprise à cette période puisque, sur les mois de juillet et août, la main d''uvre est en augmentation de plus de 20 à 25% par rapport à la moyenne habituelle enregistrée sur les trois derniers mois. Elle ajoute que les missions effectuées par le salarié dans le cadre de son contrat de professionnalisation s'inscrivaient dans le cadre de sa formation de technicien expert après-vente automobile, soit à une qualification plus élevée et non à de simples missions de maintenance mécanique.

L'employeur en déduit que le CDD de M. [E] n'a pas lieu d'être requalifié en CDI et qu'il ne peut prétendre à une indemnité de requalification, en particulier à une indemnité de requa-

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lification équivalente à un mois de salaire alors qu'il a été immédiatement embauché dans le cadre d'un contrat de professionnalisation. Elle ajoute que le CDD étant rompu par l'échéance du terme, il ne peut davantage prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés y afférents ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou encore à un rappel de salaire correspondant à la rémunération qu'il avait en CDD.

La SAS Audexia verse en premier lieu à la procédure un tableau portant le titre «'CA Ateliers Audexia'» dont la lecture montre que le chiffre d'affaires «'main d''uvre'» mensuel évolue de 33'340 euros en avril 2019 à 46'040 euros en juillet 2019 et 42'341 euros en août 2019, étant précisé qu'il était également de 43'856 euros en février 2019, de 41'734 euros en janvier 2019, de 43'233 euros en septembre 2019 et 44'466 euros en octobre 2019, de sorte que si celui retenu au mois de juillet est effectivement le plus important de l'année 2019, d'autres mois sont concernés par des hausses d'activité non négligeables et proches de celle invoquée par l'employeur.

La SAS Audexia produit encore les relevés de facturation du garage pour les mois de mars à septembre 2019, dont il résulte une augmentation importante de la facturation en juillet 2019': 90'644 euros en «'mécanique'» là où elle n'était que de 75'815,95 euros en juin et sera de 88'237,77 euros en août 2019 puis de 72'665,46 euros en septembre. Comme le fait cependant pertinemment observer M. [E], la facturation n'est pas nécessairement concomitante des travaux réalisés et peut être décalée, en particulier sur les mois suivants la réalisation desdits travaux. Elle n'est par conséquent pas significative d'un accroissement temporaire d'activité au cours du mois considéré.

Enfin, la SAS Audexia produit le relevé du nombre d'assistances pour la marque Audi au cours des mois d'avril/mai et juillet/août 2019, faisant observer que le nombre d'assistances est de 15

pour la première période et de 24 pour la seconde. L'observation du tableau relatif à la seconde période montre cependant que, sur les 24 assistances réalisées, seulement 6 l'ont été durant le CDD de M. [E], les autres l'ayant été à partir du 12 août 2019, soit pendant l'exécution du contrat de professionnalisation qu'il avait signé avec la société Audexia.

Il s'en déduit que le caractère contradictoire des pièces versées à la procédure ne permet d'établir ni l'accroissement temporaire d'activité invoqué par l'employeur ni la corrélation entre le pic d'activité dont il se prévaut et le recours au CDD du salarié. Il s'ensuit que les tâches qui lui avaient été confiées entraient dans le cadre de l'activité normale et permanente de l'entreprise. Infirmant le jugement du conseil de prud'hommes de ce chef, il y a donc lieu de requalifier le contrat de travail à durée déterminée signé par M. [E] le 3 juillet 2019 en contrat de travail à durée indéterminée.

Le salarié peut par conséquent prétendre à une indemnité de requalification au moins équivalente à un mois de salaire. La SAS Audexia sera dès lors condamnée à lui payer la somme de 1'760 euros de ce chef.

Le CDD étant requalifié en CDI, la rupture amiable du contrat de professionnalisation ultérieurement signée ne peut valoir rupture conventionnelle de la relation salariale, laquelle obéit à des règles spécifiques non respectées en l'espèce. Dès lors, à défaut pour l'employeur d'avoir procédé au licenciement de M. [E] en respectant la procédure de licenciement et en lui notifiant les motifs de la rupture de son contrat de travail, le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents ainsi qu'à des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il peut encore prétendre à un rappel de salaire équivalent à la somme qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la rupture de son contrat de travail conformément au contenu du CDD initial, déduction faite de celles qui lui ont d'ores et déjà été versées sur le fondement de son contrat de professionnalisation.

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La SAS Audexia sera par conséquent condamnée à payer à M. [E] les sommes de':

- 1 583 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 158,30 euros au titre des congés payés y afférents,

- 880 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 88 euros au titre des congés payés y afférents,

ces sommes n'étant au demeurant pas contestées dans leurs montants.

M. [E] était âgé de 18 ans au jour de la rupture de son contrat de travail et cumulait trois mois d'ancienneté au sein de l'entreprise. Il a repris une formation auprès de l'AFPA de Montluçon à compter du 21 octobre 2019 et a perçu une rémunération dont il n'est pas contesté qu'elle équivalait à la moitié de celle qu'il aurait perçu dans le cadre de son contrat de professionnalisation, soit bien inférieure à son salaire dans le cadre du CDD requalifié en CDI (310 euros au lieu de 1 760 euros).

La SAS Audexia sera par conséquent condamnée à lui payer la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts, laquelle réparera intégralement le préjudice qu'il a subi du fait du caractère abusif de la rupture de son contrat de travail.

- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour brusque rupture du contrat de travail

L'employeur qui rompt le contrat de travail de façon brutale, vexatoire ou injurieuse s'expose à une demande de dommages ' intérêts de la part de l'ancien salarié qui s'en estime victime, alors même que la rupture est justifiée. Pour que le salarié puisse bénéficier de dommages-intérêts, l'employeur doit avoir commis une faute causant au salarié un préjudice distinct de celui résultant

de la perte de son emploi.

En l'espèce, M. [E] se prévaut du caractère brutal de la rupture de son contrat de professionnalisation, en mettant en avant qu'il a été convoqué du jour au lendemain, qu'il lui a été imposé la signature d'un accord de rupture au terme d'un seul entretien et que le contrat prenait un terme dès le lendemain sans aucun respect d'un quelconque préavis.

La SAS Audexia s'oppose à sa demande en affirmant qu'il a lui-même sollicité la rupture amiable de son contrat de professionnalisation, qu'il a été convoqué pour la signature des documents seulement quelques jours après, qu'elle n'a rien précipité et lui a laissé le temps de retrouver un emploi.

En l'espèce, il est acquis que le 11 septembre 2019, M. [E], alors en contrat de professionnalisation, a eu un accident au volant d'un véhicule confié en réparation à la SAS Audexia. Postérieurement, un entretien a eu lieu le 23 septembre 2019 entre le père du salarié, M. [B] [E], M. [W] [G], directeur de l'entreprise et M. [L], son tuteur et chef d'atelier qui en atteste. L'accord de rupture amiable a ensuite été signé le 3 octobre 2019 pour une rupture effective du contrat à la date du 4 octobre 2019. Le contenu de l'accord entre les parties évoque des «'discussions'» entre elles sans qu'il soit possible de déduire des circonstances dans lesquelles elles ont eu lieu.

Dès lors, le seul fait que l'accord amiable produise ses effets dès le lendemain de sa signature ne peut suffire à établir la brusque rupture invoquée par le salarié, aucune disposition légale ne prévoyant le respect d'un délai de préavis dans cette hypothèse. Ajoutant à la décision des premiers juges qui ont omis de statuer sur cette prétention, M. [E] sera par conséquent débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

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- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail

En application des dispositions de l'article L1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié qui se prévaut d'une exécution déloyale du contrat de travail par son employeur, de démontrer que ce dernier a pris des décisions pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou que ces décisions ont été mis en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

En l'espèce, M. [E] reproche à son employeur d'avoir bénéficié de ses services à moindre coût pendant deux mois, avant de mettre un terme brutal à son contrat de professionnalisation quatre jours seulement avant le début de la période d'alternance afférente à ce type de contrat. Il explique avoir dû trouver un nouveau projet professionnel dans l'urgence avec l'aide de Pôle emploi, en l'occurrence une formation dans le domaine du contrôle technique automobile, à Montluçon, du 21 octobre 2019 au 17 janvier 2021. Ce faisant, il a vu selon lui sa rémunération mensuelle diminuer de plus de la moitié (310 euros au lieu de 694 euros nets par mois) et a dû exposer des frais de loyers, de trajets et de péage pour une somme totale de 3'144 euros. Il estime en outre que la SAS Audexia a manqué à l'obligation de formation qui était la sienne puisque, le 11 septembre 2019, alors qu'il effectuait pour la première fois une procédure de diagnostic, ses collègues ont refusé de lui venir en aide et son employeur a profité de cette première difficulté pour obtenir la rupture de son contrat de professionnalisation.

La SAS Audexia lui objecte qu'il ne démontre nullement sa mauvaise foi. Elle souligne que la succession du CDD et du contrat de professionnalisation, pour lequel la rémunération était moindre, s'explique par la formation pratique qu'elle délivrait à M. [E] en contrepartie de sa prestation de travail dans le cadre du second contrat. Contrairement à ce que soutient le

salarié, elle estime avoir été très tolérante avec lui, alors qu'elle avait dû lui délivrer un avertissement dès le début de son CDD, dans la mesure où il avait omis de revisser le bouchon sur le carter d'huile d'un véhicule en réparation, ce qui aurait pu s'avérer particulièrement grave. Elle rappelle que le salarié ayant donné son accord à la rupture amiable de son contrat de travail, il ne peut lui être demandé de prendre en charge les frais postérieurs à l'issue dudit contrat, sa situation financière personnelle ne pouvant en aucun cas lui être imputée.

En premier lieu, les frais exposés par M. [E] postérieurement à la rupture de son contrat de travail peuvent être rattachés à sa perte d'emploi et au préjudice consécutif à ladite rupture mais ne peuvent être la conséquence directe d'une exécution déloyale du contrat de travail.

En second lieu, la lecture de son CDD, de son contrat de professionnalisation et de la fiche descriptive de la qualification de «'technicien expert après-vente automobile'(---)» pour laquelle le second contrat avait été conclu montre que, si cette qualification comprenait des «'activités techniques'» parmi lesquelles «'toutes activités de maintenance préventive et corrective'», comme dans le cadre des fonctions de «'mécanicien de maintenance'» pour lesquelles il avait été recruté en CDD, elle comportait également une dimension d'organisation et de gestion de la maintenance, outre d'accueil de la clientèle pour les motocycles, pour lesquelles la formation était également envisagée.

M. [E] se contente d'alléguer que la société Audexia ne lui délivrait pas véritablement de formation puisque ses collègues auraient refusé de lui venir en aide le 11 septembre 2019, le contraignant à prendre l'initiative d'un essai du véhicule qui sera ultérieurement accidenté. Il échoue par conséquent à démontrer que son employeur a profité de sa présence au sein de l'entreprise sans remplir la mission qui était la sienne dans le cadre du contrat de professionnalisation qu'il avait signé et, ce faisant à établir la déloyauté de la SAS Audexia.

C'est par conséquent à bon droit que le conseil de prud'homme l'a débouté de sa demande de

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dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, la décision querellée étant confirmée de ce chef.

- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi

M. [E] soutient avoir subi un préjudice financier important du fait de l'erreur commise par la SAS Audexia dans la rédaction de l'attestation Pôle emploi qui lui a été remise lors de la rupture de son contrat de travail et du fait du caractère tardif, le 17 décembre 2019, de la transmission à Pôle emploi d'une attestation rectifiée, laquelle comportait au demeurant encore des erreurs. Il explique que celles-ci et les informations manquantes sur l'attestation initialement délivrée ont bloqué son dossier d'indemnisation auprès de Pôle emploi, l'ont plongé dans une situation financière délicate et ont contraint son père à lui venir en aide financièrement.

La SAS Audexia s'oppose à cette demande en faisant observer que, dès le 4 octobre 2019, elle a remis au salarié ses documents de fin de contrat, que M. [E] ne lui a fait connaître que tardivement l'erreur commise dans la rédaction de l'attestation Pôle emploi et qu'elle l'a immédiatement rectifiée. Elle souligne que cette erreur relative à l'ancienneté du salarié n'était pas volontaire et que celui-ci ne justifie en aucun cas du préjudice qui lui serait consécutif puisqu'il a débuté immédiatement une formation après la signature de la rupture amiable de son contrat de travail, de sorte qu'il n'a pas eu à subir les effets d'un retard d'indemnisation.

Il résulte des pièces versées à la procédure que, le 4 octobre 2019, la SAS Audexia a remis à M. [E] une attestation Pôle emploi qui portait seulement mention de son contrat de professionnalisation, à l'exclusion du CDD antérieur, de sorte que son ancienneté n'était prise en

compte qu'à compter du 12 août 2019, alors qu' elle aurait dû être prise en compte à compter du

3 juillet 2019. Ce document entrait au demeurant en contradiction avec le contenu du certificat de travail qui mentionnait quant à lui les deux périodes': CDD en qualité de mécanicien de maintenance entre le 3 juillet et le 11 août 2019, contrat de qualification professionnelle du 12 août au 4 octobre 2019. Le salarié a transmis cette attestation à Pôle emploi qui, par courrier du 21 octobre 2019, l'a informé de ce que sa demande d'allocation n'était pas complète du fait de l'absence d'attestation Pôle emploi portant sur la période du 3 juillet au 4 octobre 2019.

Une attestation rectifiée lui a été remise le 17 décembre 2019 par Mme [R] [J] qui en atteste et dont le courrier n'a pas lieu d'être écarté des débats du seul fait qu'il ne remplit pas les conditions de l'article 202 du code de procédure civile puisque la preuve est libre en matière prud'homale. Si cette attestation ne distingue pas exactement la période de CDD et celle consacrée au contrat de professionnalisation, la cour relève que, le 27 novembre 2019, le salarié s'est vu allouer par Pôle emploi une rémunération mensuelle dans le cadre de son projet personnalisé d'accès à l'emploi, de sorte que, si les pièces versées à la procédure ne permettent pas de déterminer à quel moment M. [E] a sollicité de la SAS Audexia une attestation Pôle emploi rectifiée, le préjudice consécutif à l'erreur commise sur l'attestation initialement délivrée et dont atteste le père du salarié, a en toute hypothèse été de courte durée.

Dès lors, ce préjudice sera suffisamment indemnisé par l'allocation d'une somme de 300 euros de dommages et intérêts, le jugement querellé étant infirmé de ce chef.

- Sur les autres demandes

Il sera enjoint à la SAS Audexia de remettre à M. [E] des documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte ainsi que demandé.

Arrêt n° 91 - page 13

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Le jugement querellé est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens, et confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SAS Audexia formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur doit ainsi être condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure. En équité, il devra payer à M. [E] la somme de 2'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bourges, sauf en ce qu'il a débouté M. [U] [E] de ses demandes d'annulation de la rupture amiable de son contrat de professionnalisation, de dommages et intérêts d'un montant équivalent aux salaires qu'il aurait perçus jusqu'à la fin dudit contrat et pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, et qu'en ce qu'il a débouté la SAS Audexia de sa demande d'indemnité de procédure,

Statuant des chefs infirmés et ajoutant,

DÉBOUTE la SAS Audexia de sa demande visant à écarter les conclusions n°3 communiquées par M. [U] [E] le 4 février 2021 et la pièce nouvellement jointe auxdites conclusions,

REÇOIT la demande de 12 857€ à titre de dommages et intérêts formée par M. [U] [E],

REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée de M. [U] [E] en date du 3 juillet 2019 en contrat de travail à durée indéterminée,

CONDAMNE la SAS Audexia à payer à M. [U] [E] les sommes de':

- 1 760 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 1 583 euros à titre de rappel de salaire, outre la somme de 158,30 euros au titre des congés payés afférents,

- 880 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 88 euros au titre des congés payés y afférents.

- 1'000 euros de dommages et intérêts du fait de la rupture abusive de son contrat de travail à durée indéterminée,

- 300 euros de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi,

ORDONNE à la SAS Audexia de remettre à M. [U] [E] des documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, mais DIT n'y avoir lieu à astreinte,

CONDAMNE la SAS Audexia à payer à M. [U] [E] la somme de 2'000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Audexia aux dépens de première instance et d'appel et la déboute de sa demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

Arrêt n° 91 - page 14

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En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00494
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;21.00494 ?
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