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29/04/2022 | FRANCE | N°21/00229

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 29 avril 2022, 21/00229


SD/CV





N° RG 21/00229

N° Portalis DBVD-V-B7F-DKOS





Décision attaquée :

du 04 février 2021

Origine : conseil de prud'hommes - formation de départage de NEVERS







--------------------



S.A.S. APERAM ALLOYS IMPHY, venant aux droits de la société ARCELORS MITTAL STAINLESS & NICKEL ALLOYS





C/



M. [C] [V]



SYNDICAT CGT DU SITE INDUSTRIEL DES ACIERIES D'IMPHY







--------------------



Expéd. - G

rosse



Me LE ROY DES 29.4.22

BARRES



Me FOURCADE 29.4.22

















COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 29 AVRIL 2022



N° 93 - 8 Pages





APPELANTE :



S.A.S. APERAM ALLOYS IMPHY, venant ...

SD/CV

N° RG 21/00229

N° Portalis DBVD-V-B7F-DKOS

Décision attaquée :

du 04 février 2021

Origine : conseil de prud'hommes - formation de départage de NEVERS

--------------------

S.A.S. APERAM ALLOYS IMPHY, venant aux droits de la société ARCELORS MITTAL STAINLESS & NICKEL ALLOYS

C/

M. [C] [V]

SYNDICAT CGT DU SITE INDUSTRIEL DES ACIERIES D'IMPHY

--------------------

Expéd. - Grosse

Me LE ROY DES 29.4.22

BARRES

Me FOURCADE 29.4.22

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022

N° 93 - 8 Pages

APPELANTE :

S.A.S. APERAM ALLOYS IMPHY, venant aux droits de la société ARCELORS MITTAL STAINLESS & NICKEL ALLOYS

Avenue Jean Jaurès - 58160 IMPHY

Représentée par Me Adrien-Charles LE ROY DES BARRES, avocat postulant, du barreau de BOURGES et par Me Thomas GODEY de la SELAFA B.R.L. Avocats, avocat plaidant, du barreau de PARIS

INTIMÉS :

1) Monsieur [C] [V]

13 rue des Grands Champs - 58160 IMPHY

Présent, ayant pour avocat postulant Me Antoine FOURCADE, du barreau de BOURGES et assisté à l'audience par Me Sophie KERIHUEL, avocat plaidant, du barreau de PARIS

2) SYNDICAT CGT DU SITE INDUSTRIEL DES ACIERIES D'IMPHY

Avenue Jean Jaures - 58160 IMPHY

Ayant pour avocat postulant Me Antoine FOURCADE, du barreau de BOURGES et représenté par Me Sophie KERIHUEL, avocat plaidant, du barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE

CONSEILLERS : Mme BOISSINOT

Mme [S]

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

arrêt n°93 - page 2

29 avril 2022

DÉBATS : A l'audience publique du 11 mars 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 29 avril 2022 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Aperam Alloys Imphy, filiale du groupe Aperam, exploite une activité de fabrication, achat, vente, importation et exportation de produits laminés en alliages et métallurgiques et emploie plus de 11 salariés.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 22 juin 1970, M. [C] [V] a été engagé par la société des Forges et Aciéries du Creusot, aux droits de laquelle vient désormais la SAS Aperam Alloys Imphy, en qualité de cisailleur, statut ouvrier, coefficient 155.

Il a adhéré à la CGT en 1973.

M. [V] ayant fait valoir ses droits à la retraite, la relation de travail a pris fin le 30 juin 2010 alors qu'il bénéficiait de la qualification de mécanicien, coefficient 190, niveau II échelon 3, et percevait un salaire brut mensuel de 1 557,76 euros.

La convention collective de la Métallurgie de la Nièvre s'est appliquée à la relation de travail.

Le 21 septembre 2018, s'estimant victime d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière en raison de son engagement syndical et de sa situation familiale, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nevers afin d'obtenir réparation des préjudices en résultant.

Le syndicat CGT du site industriel des aciéries d'Imphy est intervenu volontairement à l'instance pour réclamer à l'employeur paiement de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral et financier ainsi qu'une indemnité de procédure.

Par jugement de départage du 30 avril 2019, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes a, avant-dire droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, déclaré recevable l'action du syndicat CGT du site industriel des aciéries d'Imphy, ordonné à la SAS Aperam Alloys Imphy la production, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard dont il s'est réservé la liquidation, de plusieurs documents concernant le salarié, que par jugement du 30 septembre 2019, rectifiant sa première décision affectée d'une erreur matérielle, il a énumérés comme suit :

la liste exhaustive et nominative de tous les salariés embauchés par l'employeur entre 1964 et 1976 dans la catégorie ouvrier au coefficient 155 et pour chacun d'eux, les dates de passage de coefficient, de niveau, la rémunération brute annuelle, comprenant les distinctions des éléments la composant, le tout sur une période allant du 22 juin 1970 au 30 juin 2010, ou au dernier mois lorsqu'ils ont quitté l'entreprise, la copie du contrat de travail initial de M. [V], ainsi que ses bulletins de salaire des mois de décembre 1970 à 2009.

Il a également débouté la SAS Aperam Alloys Imphy de sa demande d'indemnité de procédure et a réservé les dépens.

Par jugement de départage en date du 4 février 2021, le conseil de prud'hommes de Nevers, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, a déclaré recevables les actions de M. [V] et du syndicat CGT du site industriel des aciéries d'Imphy, jugé que M. [V] a subi une

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discrimination en raison de ses activités syndicales et par association de celles de son épouse, et a, en conséquence, condamné la SAS Aperam Alloys Imphy, en réparation de la discrimination subie, à lui payer les sommes de :

-135 578,82 euros en réparation de son préjudice économique,

-15 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Il a également :

-fixé la rémunération moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [V] à 1 557,76 euros,

-ordonné la capitalisation des intérêts échus,

-condamné la SAS Aperam Alloys Imphy à verser au Syndicat CGT du site industriel des aciéries d'Imphy la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-condamné la SAS Aperam Alloys Imphy à payer une indemnité de procédure de 2 000 euros au salarié et de 500 euros au syndicat,

-condamné l'employeur aux entiers dépens de l'instance,

-ordonné l'exécution provisoire.

Le 26 février 2021, la SAS Aperam Alloys Imphy a régulièrement relevé appel de la décision par voie électronique.

Par ordonnance en date du 27 avril 2021, Madame la première présidente de la cour d'appel de Bourges, saisie en référé le 3 mars 2021 par l'employeur d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire et subsidiairement d'autorisation de consigner les condamnations pécuniaires mises à sa charge, a ordonné à la SAS Aperam Alloys Imphy de consigner la somme de 152 500 euros entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de la SAS Aperam Alloys Imphy :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 28 octobre 2021, elle sollicite l'infirmation du jugement critiqué, sauf en ce qu'il a fixé la rémunération moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [V] à 1 557,76 euros, ordonné la capitalisation des intérêts échus, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et ordonné l'exécution provisoire.

Elle demande ainsi à la cour, statuant à nouveau :

à titre principal:

-de constater que l'action de M. [V] est prescrite,

-de dire qu'il n'apporte aucun élément de fait laissant supposer qu'il a subi une discrimination ou une inégalité de traitement, et qu'elle a respecté l'ensemble de ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles,

-en conséquence, de débouter le salarié de l'ensemble de ses prétentions,

à titre subsidiaire:

-de la condamner à verser au salarié la somme de 31 181,44 euros à titre de dommages et intérêts

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pour le préjudice économique subi au cours de sa carrière,

en tout état de cause :

-condamner M. [V] au paiement d'une indemnité de procédure de 2 000 euros,

-ordonner la levée de la consignation de la somme auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations à son profit.

-le débouter de toutes ses autres prétentions

2 ) Ceux de M. [V] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 18 décembre 2021, il demande à la cour de :

-in limine litis de déclarer irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par la SAS Aperam Alloys Imphy, au motif que la cour n'a pas été saisie d'un appel contre les jugements avant dire-droit des 30 avril et 30 septembre 2019 qui l'écartaient,

-débouter en conséquence la SAS Aperam Alloys Imphy de l'intégralité de ses demandes,

en conséquence, confirmer le jugement de départage déféré en ce qu'il a déclaré recevable comme non prescrite l'action de M. [V], a jugé qu'il avait subi une discrimination en raison de ses activités syndicales et de celles de son épouse, et a reconnu l'existence d'un préjudice économique et moral, mais l'infirmer sur le quantum octroyé,

statuant à nouveau, de condamner la SAS Aperam Alloys Imphy à lui verser :

- 140 386,58 euros nets, et subsidiairement 121 368,20 euros nets, en réparation de son préjudice économique

-30 000 euros, et subsidiairement confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué de ce chef 15 000 euros, en réparation de son préjudice moral,

en tout état de cause, de :

-ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance, et condamner l'employeur à lui payer 3 000 euros au titre de ceux qu'il a engagés en cause d'appel,

-condamner l'employeur aux entiers dépens.

3) Ceux du syndicat CGT du site industriel des aciéries d'Imphy :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 30 juillet 2021, il demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré son action recevable et lui a octroyé des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier ainsi qu'une indemnité de procédure, de débouter l'employeur de ses demandes, mais d'infirmer la décision s'agissant du quantum alloué.

Ainsi, il réclame que la cour, statuant à nouveau, condamne la SAS Aperam Alloys Imphy à lui payer 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier, direct ou indirect, ainsi qu'une indemnité de procédure de 1 000 euros, y ajoutant, lui alloue la même somme au titre de ses frais irrépétibles d'appel, et condamne l'employeur aux entiers dépens.

* * * * *

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La clôture de la procédure est intervenue le 5 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réparation de la discrimination alléguée :

L'article L. 1134-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, prévoit que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

En l'espèce, la SAS Aperam Alloys Imphy soulève la prescription de l'action en paiement de dommages et intérêts formée par M. [V].

Celui-ci prétend que la cour n'est pas saisie de cette fin de non-recevoir, laquelle aurait été rejetée par les jugements des 30 avril 2019 et 30 septembre 2019, faute pour l'employeur d'avoir fait appel de la première de ces décisions qui a expressément écarté la prescription soulevée par une motivation qu'il reprend dans ses conclusions.

La cour cherche vainement dans le jugement du 30 avril 2019, qui a été prononcé avant-dire droit, la motivation que M. [V] cite pourtant expressément. Au contraire, la lecture de cette décision établit que le juge départiteur n'a pas statué sur cette fin de non-recevoir alors même qu'elle était soulevée devant lui, puisqu'il a seulement dit que l'action du syndicat CGT était recevable puis a, avant-dire droit, ordonné à l'employeur, sous astreinte, de produire plusieurs documents. Cette décision a ensuite été rectifiée en ces dispositions relatives à la liste de documents qu'il était ordonné à l'employeur de produire par un second jugement de départage du 30 septembre 2019, qui était seulement un jugement rectificatif d'erreur matérielle.

En revanche, il résulte du jugement déféré, en date du 4 février 2021, que le juge départiteur, même s'il a écrit inexactement dans sa motivation que 'le jugement avant-dire droit de départage en date du 30 septembre 2019 a jugé que l'action du demandeur n'était pas prescrite au motif que la situation de discrimination n'était pas encore relevée, faute pour l'employeur de fournir des éléments de comparaison fiables', a statué sur la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur, en écrivant dans sa motivation que la 'fin de non-recevoir soulevée par la société défendresse sera en conséquence écartée, l'action de M. [C] [V] ayant été jugée recevable', puis, dans le dispositif de sa décision, en déclarant l'action de M. [V] recevable.

Il s'ensuit que contrairement à ce que soutient le salarié, l'employeur ayant fait appel de cette décision notamment en ce qu'elle a jugé l' action de M. [V] recevable, la cour est bien saisie de la fin de non-recevoir que lui oppose la SAS Aperam Alloys Imphy.

Celle-ci invoque, pour estimer l'action prescrite, que M. [V] a disposé d'éléments ayant pu lui révéler qu'il subissait une discrimination plus de 5 ans avant la saisine du conseil de prud'hommes. Elle soutient qu'en effet, en 2009, il a transmis des tableaux à la direction pour obtenir un rappel de salaire et un coefficient supérieur en considération d'un panel, en précisant même le montant de ses revendications, qu'en outre, sa situation a été examinée lorsque la CGT, à l'occasion du droit d'alerte des délégués du personnel, a fait valoir le 4 novembre 2011 que plusieurs salariés, dont M. [V], faisaient l'objet d'une discrimination. Elle ajoute que ceux-ci ont pu avoir accès aux livres d'entrées pour faire un point avec les intéressés, dont l'intimé, qui

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a pu ainsi, selon elle, se comparer aux autres salariés et établir l'existence ou non d'une discrimination à son détriment en présentant les éléments de faits permettant d'en supposer. Elle en déduit que M. [V] ne peut ainsi soutenir que le délai pour agir n'avait pas commencé à courir puisque la 'révélation de la discrimination' correspond au moment où il a ainsi disposé de ces éléments de comparaison, ce qui lui a permis d'ailleurs de produire, dans ses conclusions initiales, en page 15, un panel de comparaison avec 7 autres salariés sous forme d'un tableau.

M. [V] répond que le délai pour agir n'a pu commencer à courir qu'à partir du moment où il a disposé d'informations complètes et de qualité, fournies par l'employeur, lui permettant d'établir une comparaison exacte et de prendre la mesure de la discrimination subie. Il soutient qu'il n'en disposait justement pas et que c'est précisément la raison qui a conduit le juge départiteur, dans sa décision du 30 avril 2019 rectifiée par jugement du 30 septembre suivant, à ordonner à l'employeur de produire un certain nombre de documents. Il précise ainsi qu'il n'a jamais eu connaissance de la rémunération des salariés qui étaient placés dans la même situation que lui puisque l'employeur a toujours refusé de les lui fournir. Il ajoute que d'ailleurs, dans un courrier du 15 septembre 2014, alors que des protocoles d'accord étaient régularisés pour dix autres salariés également victimes de discrimination, l'employeur a pris un engagement de principe pour poursuivre les négociations pour lui-même et deux autres salariés, M. [D] et M. [J], qui n'avaient pas fait l'objet de protocoles. Il en conclut que son action n'est pas prescrite et que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.

Il est acquis que le point de départ du délai pour agir en réparation d'une discrimination alléguée est la connaissance des faits par le salarié s'estimant victime de celle-ci, c'est à dire le moment où il a disposé des éléments de comparaison mettant en évidence la discrimination.

Par ailleurs sur ce point, il a été jugé que lorsque la discrimination se poursuit et/ ou déploie ses effets, elle ne peut être considérée comme révélée et, partant, le délai de prescription de l'action ne peut courir. (Cass.soc, 23 juin 2021, n° 20-10.020).

Le salarié a fait valoir ses droits à la retraite le 30 juin 2010 si bien que la discrimination alléguée s'étant poursuivie jusqu'alors, le délai de prescription n'a pu commencer à courir avant cette date.

La SAS Aperam Alloys Imphy soutient que les revendications de M. [V] datent de 2009 et que ses conclusions initiales comportaient déjà un panel de comparaison ce qui confirme qu'il disposait depuis longtemps de tous les éléments nécessaires.

Le salarié répond que la prescription que lui oppose l'employeur n'est pas acquise dès lors que c'est précisément parce qu'il ne disposait pas des éléments lui permettant de connaître complètement la discrimination dont il a fait l'objet qu'il a demandé au conseil de prud'hommes d'enjoindre à l'employeur de produire des pièces susceptibles de l'établir.

Il résulte néanmoins de l'examen des pièces du dossier, et notamment de la pièce 15 de l'appelante, qui est une fiche retraçant son évolution professionnelle que le salarié a établie et lui a adressée, qu'à une date qui n'est pas précisée mais qui est forcément située en 2010 puisque le salarié y indique qu'il est depuis 23 ans au coefficient 190, M. [V] disposait d' éléments de comparaison suffisants pour se convaincre dès ce moment qu'il faisait l'objet d'une discrimination, puisqu'il y a écrit : '1974, passage coefficient 170 ( ...) 1987, passage au coefficient 190 soit 17 ans après avoir obtenu le coefficient 170.Cela fait 23 années que je suis au coefficient 190. J'ai adhéré au syndicat CGT en 1975, j'ai toujours fait les grèves et la Direction n'ignore pas mon lien de parenté avec les Frères [K], militants de la CGT. Je revendique le coefficient 255. Mon panel est représentatif de salariés entrés à la même période, avec le même niveau de formation et dans le même secteur d'activité'.

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Cette connaissance est confirmée par le droit d'alerte qu'ont exercé les délégués du personnel le 4 novembre 2011 à propos de la discrimination subie par plusieurs salariés dont M. [V].

Ainsi, même si M. [V] a, avec 13 autres salariés, saisi le juge des référés le 26 novembre 2012 pour obtenir des éléments lui permettant notamment de connaître les rémunérations des salariés avec lesquels il estimait pouvoir se comparer, il se trouve établi par cette fiche qu'il avait, dès ce moment, une connaissance suffisante de la discrimination alléguée puisqu'il se trouvait en mesure de produire lui-même un panel et de revendiquer un coefficient précis, ce qu'il a d'ailleurs inclus dans ses conclusions déposées le 21 décembre 2018 devant les premiers juges. En effet, y figure en page 15 un panel de comparaison avec sept autres salariés, qui précise leur année d'embauche, le coefficient qui leur a été accordé lors de celle-ci et celui qu'ils avaient obtenu lorsqu'il a fait valoir ses droits à la retraite.

Il ressort en outre du témoignage de son épouse que M. [V] savait depuis de nombreuses années qu'il faisait l'objet d'un traitement moins favorable que d'autres salariés puisqu'elle relate qu'il a commencé à s'en plaindre auprès d'elle 'dans les années 1970'.

Il en résulte avec certitude que M. [V] a eu courant 2010, et en tout état de cause à compter du 30 juin 2010, connaissance d'éléments de nature à établir une comparaison entre le déroulement de sa carrière professionnelle et celle d'autres salariés placés dans la même situation que lui, et qu'il avait également pleinement conscience de la discrimination dont il faisait l'objet.

C'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a jugé, au regard des éléments produits de part et d'autre, que le salarié n'avait pas disposé, avant de le saisir, des éléments de comparaison lui permettant de se convaincre d'une discrimination.

Il s'ensuit que lorsque M. [V] a introduit son action le 21 septembre 2018, son action était prescrite depuis au moins le 30 juin 2015.

Le jugement déféré doit donc être infirmé en toutes ses dispositions et les demandes indemnitaires de M. [V] sont déclarées irrecevables. Le syndicat CGT du site industriel des aciéries d'Imphy est débouté en conséquence de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

2) Sur les sommes consignées, les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il convient d'ordonner la levée des sommes consignées par l'employeur auprès de la Caisse des Dépôts et des consignations.

M. [V] est condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure.

Le syndicat CGT est également débouté de sa demande pour ses frais irrépétibles.

Enfin, en équité, l'employeur gardera à sa charge ceux qu'il a engagés dans le litige.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

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INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT :

DÉCLARE l'action de M. [C] [V] irrecevable comme étant prescrite ;

DÉBOUTE en conséquence le syndicat CGT du site industriel des aciéries d'Imphy de sa demande indemnitaire ;

ORDONNE la levée des sommes consignées par l'employeur auprès de la Caisse des Dépôts et consignations ;

DÉBOUTE les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [V] aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00229
Date de la décision : 29/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-29;21.00229 ?
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