La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2022 | FRANCE | N°21/00027

France | France, Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 28 avril 2022, 21/00027


SM/MMC



















































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :



- Me MANDEVILLE

- Me DELAHAYE





COPIE CERTIFIÉE CONFORME AUX PARTIES



LE : 28 AVRIL 2022





COUR D'APPEL DE BOURGES

C

HAMBRE CIVILE

BAUX RURAUX



ARRÊT DU 28 AVRIL 2022



N° - Pages





N° RG 21/00027 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DMLL



Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de NEVERS en date du 26 Août 2021



PARTIES EN CAUSE :



I - Mme [L] [D]

Domaine de Créau - Route de Cercy

58110 BICHES



Représentée et plaidant par Me Marie MANDEVILLE, avocat au bar...

SM/MMC

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- Me MANDEVILLE

- Me DELAHAYE

COPIE CERTIFIÉE CONFORME AUX PARTIES

LE : 28 AVRIL 2022

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

BAUX RURAUX

ARRÊT DU 28 AVRIL 2022

N° - Pages

N° RG 21/00027 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DMLL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de NEVERS en date du 26 Août 2021

PARTIES EN CAUSE :

I - Mme [L] [D]

Domaine de Créau - Route de Cercy

58110 BICHES

Représentée et plaidant par Me Marie MANDEVILLE, avocat au barreau de BOURGES,

APPELANTE suivant déclaration du 16/09/2021

INCIDEMMENT INTIMÉE

II - G.A.E.C. PIERDET agissant poursuites et diligences de son représentant légal pris en son siège social :

Blin - 58800 SARDY LES EPIRY

Représenté et plaidant par le Cabinet d'Avocats Frédéric DELAHAYE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMÉ

INCIDEMMENT APPELANT

III - Mme [G] [D] épouse [M]

36 rue François Morlé

58000 NEVERS

- M. [U] [D]

13 rue Saint Victor

58110 BICHES

Non comparants

Cités devant la Cour d'Appel suivant acte d'huissier en date des 08/10/2021 et 14/10/2021 remis à étude

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme CIABRINI chargée du rapport

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. PERINETTIConseiller, faisant fonction de Président de Chambre

Mme CIABRINIConseiller

Mme ALLEGUEDEConseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SOUBRANE

***************

ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

***************

EXPOSE

M. [N] [D] était propriétaire de diverses parcelles d'une contenance de 61 hectares environ, situées sur la Commune de Biches (Nièvre).

Courant 2018, il a été atteint d'un cancer.

Un contrat de vente d'herbe a été conclu entre M. [D] et M. [C] [J], gérant du GAEC Pierdet, moyennant le paiement de la somme de 5.000 euros pour la saison estivale 2018. Ce contrat a été reconduit en 2019.

Suite à la liquidation judiciaire de M. [P], preneur initial des terres litigieuses, M. [D], ès qualités de bailleur, s'est opposé aux offres de cession de bail et a été judiciairement autorisé à reprendre ses propres terres pour les exploiter lui-même sous réserve de justifier de son exploitation personnelle dans un délai de dix-huit mois.

Courant 2019, M. [D] a de nouveau accepté la proposition du GAEC Pierdet d'acquérir son herbe, moyennant paiement d'une somme de 4.624,83 euros.

Le 11 novembre 2019, M. [D] s'est rapproché de la SAFER Bourgogne Franche-Comté afin de signer une convention de mise à disposition des biens et que la SAFER publie un avis de candidature à bail SAFER sur les parcelles qu'il exploitait jusqu'alors.

Le GAEC Pierdet n'a pas déposé de candidature dans ce cadre mais a revendiqué l'existence d'un bail à son profit, tandis que la SAFER signait trois conventions avec trois candidats retenus, portant sur les parcelles agricoles situées à Biches.

[N] [D] est décédé le 17 novembre 2019, laissant pour lui succéder Mme [L] [D], sa veuve, en qualité d'usufruitière et Mme [G] [D] et M. [U] [D], ses deux enfants issus d'une première union, en qualité de nus-propriétaires.

Mme [L] [D] a régularisé avec la SAFER une seconde convention de mise à disposition, le 10 mars 2020.

Le GAEC Pierdet s'est maintenu sur les parcelles litigieuses et a saisi le Tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers d'une requête tendant à voir reconnaître l'existence d'un bail conclu avec [N] [D].

Par jugement rendu le 26 aout 2021, le Tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers a :

- rejeté la demande de reconnaissance de bail pour partie,

- dit que le GAEC Pierdet était occupant sans droit ni titre des parcelles ZB n°18 19, 35, 36, 401 et 701 et ZX n°83 situées sur la commune de Biches,

- ordonné en conséquence l'expulsion du GAEC Pierdet et de tout occupant de son chef de ces parcelles au besoin avec l'assistance de la force publique,

- ordonné la libération des lieux dans un délai de 15 jours suivants notification de la présente décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard pour une durée de trois mois,

- condamné le GAEC Pierdet à payer à la succession de [N] [D] une indemnité d'occupation de 150 euros par mois à compter du 27 septembre 2019 et jusqu'à complète libération des lieux,

-condamné le GAEC Pierdet à payer à la succession de [N] [D] la somme de 266,66 euros par mois d'arriérés de loyer depuis le 27 septembre 2019 et jusqu'au présent jugement soit la somme de 6.133,18 euros,

- dit que le GAEC Pierdet, représenté par son gérant, était titulaire de bail rural sur les parcelles cadastrées ZB n°2, 37, 40, ZC n°4, 6, 8 et section ZO n°52 situées sur la commune de Biches (58),

- débouté Mme [L] [D] de sa demande de nullité du contrat,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et qu'en conséquence chacun conserverait la charge des frais qu'il a exposé et partagé les dépens par moitié entre les parties.

Le Tribunal a notamment retenu que les prés ayant fait l'objet des contrats de vente d'herbe sur pied ne produisaient par nature que de l'herbe, que Mme [L] [D] ne démontrait pas d'exploitation de ces parcelles par feu son époux, que ces conventions constituaient ainsi des contrats de cession exclusive des fruits et caractérisaient une utilisation continue et répétée sur deux années consécutives, que ces terres étaient auparavant exploitées par M. [P] en qualité de fermier et non par [N] [D], que celui-ci avait utilisé les contrats de vente d'herbe pour contourner l'obligation qui lui avait été imposée par le Tribunal de grande instance de Nevers d'exploiter personnellement ses terres pendant 18 mois avant d'en envisager la cession, que la signature par [N] [D] d'une convention de mise à disposition avec la SAFER le 18 janvier 2019 démontrait qu'il n'avait pas eu l'intention de maintenir la vente d'herbe au-delà de l'année culturale 2018 (et donc de la période durant laquelle il était tenu d'exploiter personnellement les terres) et que ces ventes d'herbe ne visaient en définitive qu'à organiser la période transitoire durant laquelle [N] [D] ne pouvait conclure de bail à ferme ni exploiter personnellement les terres litigieuses. Le Tribunal paritaire des baux ruraux a en revanche estimé que concernant les parcelles non visées par la convention de mise à disposition de 2019, aucun élément ne venait remettre en cause l'intention de M. [U] [D] de laisser le GAEC Pierdet les exploiter, que les contrats de vente d'herbe les concernant devaient être qualifiés de bail rural et qu'aucun vice n'était établi dans le cadre de la formation de ce contrat.

Mme [L] [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 16 septembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 novembre 2021, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, Mme [L] [D] demande à la Cour, au visa de l'article L411-1 du code rural et de la pêche maritime, de :

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

DIT que le GAEC Pierdet est occupant sans droit ni titre des parcelles ZB n°18, 19, 35, 36, 401 et 701 et ZX n°83 situées sur la commune de Biches,

ORDONNE en conséquence l'expulsion du GAEC Pierdet et de tout occupant de son chef de ces parcelles au besoin avec l'assistance de la force publique,

ORDONNE la libéralité des lieux dans un délai de 15 jours suivants notification de la présente décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard pour une durée de trois mois

CONDAMNE le GAEC Pierdet à payer à la succession de [N] [D] une indemnité d'occupation de 150 euros par mois à compter du 27 septembre 2019 et jusqu'à complète libération des lieux

CONDAMNE le GAEC Pierdet à payer à la succession de [N] [D] la somme de 266,66 euros par mois d'arriérés de loyer depuis le 27 septembre 2019 et jusqu'au présent jugement soit la somme de 6.133,18 euros.

REFORMER le jugement pour le surplus,

A titre principal,

DEBOUTER le GAEC Pierdet de l'ensemble de ses demandes.

CONSTATER l'occupation illégale du GAEC Pierdet des parcelles d'une contenance situées sur la Commune de Biches (Nièvre), cadastrées section ZB n°2, B 37 et 40, ZC 4, 6, 8 et section ZO 52 (Indre).

ORDONNER l'expulsion immédiate du GAEC Pierdet et de tous occupants de son chef des parcelles susvisées, au besoin avec le concours de la force publique, assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir à l'expiration du délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

CONDAMNER le GAEC Pierdet à payer à Mme [L] [D] la somme de 1.500 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation depuis le 27 septembre 2019, date de la réalisation de la vente d'herbe jusqu'à parfaite libération des lieux.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la COUR venait à reconnaître l'existence d'un bail

rural sur les parcelles cadastrées section ZB n°2, B 37 et 40, ZC 4, 6, 8 et section ZO 52 (Indre).

PRONONCER la nullité de la vente d'herbe intervenue en 2019 à raison des man'uvres

dolosives

CONDAMNER le GAEC Pierdet à payer à Mme [L] [D] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2022, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'il développe, le GAEC Pierdet demande à la Cour, au visa de l'article L411-1 du code rural et de la pêche maritime, de :

Déclarer l'appel incident du GAEC PIERDET recevable et parfaitement fondé ;

En conséquence,

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de NEVERS le 26 août 2021 en ce qu'il a :

- dit le GAEC PIERDET occupant sans droit ni titre des parcelles cadastrées section ZB n°18, 19, 35, 36, 401 et 701 et section ZC n°83 situées sur la commune de BICHES ;

- ordonné en conséquence l'expulsion du GAEC PIERDET et de tous occupants de son chef de ces parcelles, aux besoins avec l'assistance de la Force Publique ;

- ordonné la libération des lieux dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement sous astreinte de 100 € par jour de retard pour une durée de 3 mois ;

- condamné le GAEC PIERDET à payer à la succession de Monsieur [N] [D] une indemnité d'occupation de 150 € par mois à compter de la date du 27 septembre 2019 jusqu'à complète libération des lieux ;

- condamné le GAEC PIERDET à payer à la succession de Monsieur [N] [D] la somme de 266,66 € par mois d'arriérés de loyer depuis la date du 27 septembre 2019 jusqu'à celle du jugement rendu, soit une somme de 6.133,18 € ;

- débouté le GAEC PIERDET du surplus de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- partagé les dépens par moitié entre les parties.

En outre, en raison d'une erreur de plume dans la désignation des parcelles, réformer le jugement rendu par le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux de NEVERS le 26 août 2021 en ce qu'il a reconnu un bail rural au profit du GAEC PIERDET sur les parcelles ZB n°37 et 40.

Et, statuant à nouveau,

A titre principal, requalifier en bail rural les conventions de ventes d'herbe ayant portées sur les parcelles cadastrées section ZB n°2, section B n°18, 19, 35, 36, 37, 40, 41 et 701, section ZC n°4, 6, 8 et 83 et section ZO n°52, situées sur la commune de BICHES.

Subsidiairement, requalifier à tout le moins en bail rural les ventes d'herbe ayant portées sur les parcelles cadastrées section ZB n°2, section B n°37 et 40, section ZC n°4, 6 et 8 et section ZO n°52.

Condamner Madame [L] [D], sous astreinte d'un montant de 150 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à restituer au GAEC PIERDET la libre jouissance des parcelles cadastrées section B n°18, 19, 35, 36, 37, 40, 41 et 701 et section ZC n°83 situées commune de BICHES.

Autoriser le GAEC PIERDET à ne pas payer les fermages correspondant à la période courant de sa libération des lieux au 16 septembre 2021 jusqu'à la date de restitution de leur jouissance à son bénéfice.

Juger que les sommes réglées par le GAEC PIERDET au titre de l'indemnité d'occupation mise à sa charge par le Tribunal en ce qui concerne les parcelles dont son expulsion a été prononcée, correspondent au montant du fermage pour la période courant à compter 27 septembre 2019 au 16 septembre 2021.

En tout état de cause,

Débouter Madame [L] [D] de toutes demandes, fins et prétentions en tant qu'elles sont irrecevables, voire, à tout le moins, infondées.

Condamner Madame [L] [D] à payer et porter au profit du GAEC PIERDET une somme d'un montant de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, correspondant tant aux frais exposés en première instance qu'en appel.

Condamner Madame [L] [D] aux entiers dépens de l'instance.

L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 1er février 2022.

MOTIFS :

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant simplement à voir « dire et juger », « rappeler » ou « constater » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt. Il en va de même de la demande de « donner acte », qui est dépourvue de toute portée juridique et ne constitue pas une demande en justice.

Sur l'existence d'un bail rural consenti au GAEC Pierdet :

Aux termes de l'article L411-1 du code rural et de la pêche maritime, toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2. Cette disposition est d'ordre public.

Il en est de même, sous réserve que le cédant ou le propriétaire ne démontre que le contrat n'a pas été conclu en vue d'une utilisation continue ou répétée des biens et dans l'intention de faire obstacle à l'application du présent titre :

- de toute cession exclusive des fruits de l'exploitation lorsqu'il appartient à l'acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ;

- des contrats conclus en vue de la prise en pension d'animaux par le propriétaire d'un fonds à usage agricole lorsque les obligations qui incombent normalement au propriétaire du fonds en application des dispositions du présent titre sont mises à la charge du propriétaire des animaux.

La preuve de l'existence des contrats visés dans le présent article peut être apportée par tous moyens.

En l'espèce, la convention verbale conclue entre [N] [D] et le GAEC Pierdet n'a été étayée d'aucun élément écrit permettant de déterminer quelles parcelles en étaient l'objet.

Les parties conviennent de l'existence d'une erreur de plume dans le jugement entrepris, qui aurait amené le Tribunal paritaire des baux ruraux à reconnaître le GAEC Pierdet titulaire d'un bail rural sur des terres au nombre desquelles il a fait figurer les parcelles cadastrées section ZC n°37 et 40, dont il n'est pas contesté que [N] [D] n'était nullement propriétaire.

Sur ce point, le GAEC Pierdet revendique le bénéfice d'un bail rural sur les parcelles cadastrées section B n°37 et 40 (situées Domaine du Créau) dont [N] [D] était bien propriétaire selon le relevé de propriété produit aux débats.

Mme [L] [D] met pour sa part en exergue l'existence de deux parcelles cadastrées section ZO n°37 et 40 (situées Pré dessous) dont elle affirme qu'elles correspondent au jardin de l'habitation [D] et non à des terres agricoles, et qui ne figurent pas sur le relevé de propriété précité. Elle affirme que le GAEC Pierdet est en situation d'occupation illégale de ces parcelles.

Le GAEC Pierdet ne revendiquant nul droit sur les parcelles cadastrées section ZO n°37 et 40, il n'y a pas lieu de répondre à l'argumentaire développé par Mme [L] [D] sur la nature de celles-ci et l'exploitation qu'il est ou non envisageable d'en faire.

Le GAEC Pierdet indique que les terres ayant fait l'objet de la convention de vente d'herbe sur pied étaient les parcelles cadastrées section ZB n°2, section B n°18, 19, 35, 36, 37, 40, 41 et 701, section ZC n°4, 6, 8, 83 et section ZO n°52.

Il soutient que cette convention de vente d'herbe, initialement conclue pour l'année 2018 puis reconduite en 2019, doit être requalifiée en bail rural conformément aux dispositions de l'article L411-1 alinéa 2 précité, la cession des fruits du fonds concerné ayant été répétée et exclusive.

Mme [L] [D] rappelle à juste titre que la présomption de soumission au statut du fermage des conventions litigieuses posée par ce texte est une présomption simple pouvant être combattue par le propriétaire.

Elle affirme tout d'abord que les ventes d'herbe litigieuses se sont effectuées de façon saisonnière, le GAEC Pierdet n'ayant ainsi jamais obtenu la jouissance exclusive des terres sur l'année entière.

Il est néanmoins constant que la vente d'herbe emporte une présomption de bail rural, exclusive de toute exploitation par le propriétaire bailleur (voir notamment en ce sens Civ 2ème, 6 juillet 2017, n°16-16.367). Par ailleurs, le calcul de la surface de l'ensemble des parcelles évoquées par le GAEC Pierdet est inférieur à la surface de 67 ha 77 a mentionnée par [N] [D] dans la facture datée du 22 mai 2018, ce qui permet de déduire que l'intégralité de l'herbe produite par ces parcelles a bien été vendue au GAEC Pierdet.

En outre, Mme [L] [D] échoue à démontrer que [N] [D] ait accompli personnellement le moindre acte d'exploitation des parcelles en cause, ou que des tiers aient pu y procéder sur ses directives. Elle n'établit pas davantage en quoi auraient pu consister de tels actes, ni la nature des fruits qui auraient pu être retirés par [N] [D] au-delà de la vente de l'herbe issue de ces parcelles. Elle ne fait qu'alléguer, sans étayer cette affirmation du moindre élément de preuve, que [N] [D] aurait eu l'intention de faire pâturer des animaux d'élevage sur les parcelles dont l'herbe était par ailleurs vendue, la possession par [N] [D] de tels animaux comme la conclusion de contrats en vue de faire pâturer les animaux d'autrui n'étant là encore pas démontrées.

Le caractère exclusif de la cession des fruits de ces parcelles au profit du GAEC Pierdet est ainsi établi, de même que son caractère répété sur les deux années 2018 et 2019.

Le GAEC Pierdet souligne par surcroît que [N] [D] exerçait un emploi salarié au sein de la communauté de communes 'Amognes Coeur du Nivernais' lors de la conclusion de la première convention de vente d'herbe, ce qui rend difficilement concevable qu'il ait pu exercer en parallèle une activité d'exploitant agricole alors même que Mme [L] [D] indique qu'il éprouvait déjà la fatigue et la souffrance liées au cancer qui lui a été diagnostiqué au mois de septembre 2018, nonobstant son affiliation à la MSA (en vue de laquelle il a procédé à des démarches à compter du 18 mars 2018) et les déclarations PAC qu'il a réalisées en 2018 qui ne suffisent pas à démontrer l'effectivité d'une activité agricole eu égard à leur caractère purement déclaratif.

La déclaration effectuée par Mme [L] [D], dans le cadre de son dépôt de plainte auprès de la gendarmerie, le 8 juin 2020, selon laquelle son époux défunt avait eu l'intention de procéder aux ventes d'herbe 'pendant les dix-huit mois, obligatoire, décidés par le tribunal. Il avait signé un contrat avec la SAFER car il ne souhaitait plus louer directement.', révèle que [N] [D] n'a pas eu l'intention de mettre personnellement en valeur les parcelles concernées et souhaitait, par le biais des ventes d'herbe, contourner l'obligation d'exploitation personnelle mise à sa charge par le Tribunal de grande instance de Nevers dans son jugement du 19 octobre 2017, qui était spécifiquement destinée à éviter tout détournement de la faculté de reprise des terres par le bailleur. Il n'est aucunement établi que l'état de santé de [N] [D] ait déterminé ce défaut d'exploitation personnelle et la conclusion des ventes d'herbe au profit du GAEC Pierdet, étant relevé que le diagnostic de cancer n'a été posé à son égard que postérieurement à la première convention passée avec le GAEC Pierdet.

Le fait que le GAEC Pierdet ne détienne aucune autorisation préalable d'exploiter concernant les parcelles litigieuses, à la supposer nécessaire, ne constitue par ailleurs nullement un obstacle à la reconnaissance de l'existence d'un bail rural à son profit, mais ouvre seulement la possibilité au préfet, au bailleur ou à la SAFER de faire prononcer la nullité d'un tel bail par le Tribunal paritaire des baux ruraux, conformément aux dispositions de l'article L331-6 du code rural et de la pêche maritime.

Il en va de même du défaut de bulletin de mutation des terres ou de l'absence d'obligation particulière qui aurait pu être contractuellement mise à la charge du GAEC Pierdet (culture et/ou entretien des parcelles, notamment), l'existence d'une telle obligation n'étant nullement indispensable à la requalification d'un contrat de vente d'herbe en bail rural.

Il convient ainsi de considérer qu'en cédant l'intégralité des fruits des parcelles cadastrées ZB n°2, section ZC n°4, 6, 8, B n°37 et 40 et section ZO n°52, par deux conventions successives, [N] [D] a permis au GAEC Pierdet de se prévaloir valablement d'un bail rural sur ces terres. La convention de mise à disposition des parcelles cadastrées ZB n°2, section ZC n°4, 6, 8 et section ZO n°52 signée postérieurement au décès de [N] [D] par Mme [L] [D] en qualité d'usufruitière, le 10 mars 2020, est inopérante en ce qu'une telle qualité ne permettait pas à l'intéressée de conclure une telle convention sans le concours des nus-propriétaires ou une autorisation judiciaire à cette fin. Aucun élément produit aux débats ne vient indiquer que [N] [D] n'ait pas souhaité voir le GAEC Pierdet poursuivre l'exploitation des parcelles litigieuses selon les modalités convenues entre eux, lesquelles aboutissent à soumettre la situation de fait ainsi créée au statut du fermage.

En revanche, en mettant à disposition de la SAFER, par convention conclue le 18 janvier 2019 devant prendre effet le 11 novembre suivant (soit à l'issue de l'année culturale), les parcelles cadastrées section B 18, 19, 35, 36, 41, 701, et section ZC 83, [N] [D] a manifesté dès ce moment une intention de procéder à l'exploitation de ses terres par ce biais, intention qui vient combattre la présomption simple de bail rural dont le GAEC Pierdet souhaite se prévaloir.

En considération de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le GAEC Pierdet était occupant sans droit ni titre des parcelles ZB n°18 19, 35, 36, 401 et 701 et ZX n°83 situées sur la commune de Biches, ordonné en conséquence l'expulsion du GAEC Pierdet et de tout occupant de son chef de ces parcelles au besoin avec l'assistance de la force publique, ordonné la libération des lieux dans un délai de 15 jours suivants notification de la présente décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard pour une durée de trois mois, condamné le GAEC Pierdet à payer à la succession de [N] [D] une indemnité d'occupation de 150 euros par mois à compter du 27 septembre 2019 et jusqu'à complète libération des lieux, condamné le GAEC Pierdet à payer à la succession de [N] [D] la somme de 266,66 euros par mois d'arriérés de loyer depuis le 27 septembre 2019 et jusqu'au présent jugement soit la somme de 6.133,18 euros.

En raison de l'erreur constatée dans la dénomination des parcelles, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le GAEC Pierdet, représenté par son gérant, était titulaire de bail rural sur les parcelles cadastrées ZB n° 37 et 40 situées sur la commune de Biches (58), et de dire que le GAEC Pierdet, représenté par son gérant, est titulaire de bail rural sur les parcelles cadastrées ZB n°2, B n°37, 40, ZC n°4, 6, 8 et section ZO n°52 situées sur la commune de Biches (58).

De ce fait, la demande d'expulsion sous astreinte du GAEC Pierdet de ces parcelles présentée par Mme [L] [D] sera rejetée.

Sur la demande en nullité du bail rural présentée par Mme [L] [D] :

Aux termes de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

L'article L331-6 du code rural et de la pêche maritime dispose que tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d'effet de la cession de bail selon les cas, la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L. 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.

En l'espèce, il doit tout d'abord être précisé que la demande reconventionnelle en nullité formulée par Mme [L] [D] se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant, conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, cette demande constituant une contestation de la régularité d'un acte dont la reconnaissance de l'existence était l'objet de la demande originaire principale. Elle est donc recevable.

Au fond, Mme [L] [D] affirme que le GAEC Pierdet a tiré profit de l'état de détresse et de vulnérabilité de [N] [D] pour l'amener à réitérer un contrat de vente d'herbe en 2019 en masquant ses intentions malveillantes et préjudiciables - à savoir, l'intention de se voir reconnaître in fine un bail rural sur les terres concernées.

Il n'est nullement établi que le GAEC Pierdet ait employé des manoeuvres destinées à surprendre le consentement de [N] [D], et encore moins lui ait menti, pour l'amener à conclure avec lui les deux contrats de vente d'herbe. À supposer établi le projet de se voir par ce biais reconnaître titulaire d'un bail rural, le seul fait de ne pas avoir affiché ce projet ne caractérise pas la dissimulation d'information évoquée par le texte précité, étant au demeurant observé que la présomption s'appliquant aux ventes d'herbe dont il a précédemment été fait état constitue une connaissance accessible au public, et en particulier aux professionnels concernés. Il sera en outre souligné que [N] [D] avait proposé la conclusion du contrat initial de vente d'herbe par annonce sur un site internet, ce qui exclut toute manipulation en ce sens du GAEC Pierdet ou de quiconque.

Il n'est pas davantage démontré que le GAEC Pierdet ait abusé d'un état de faiblesse de [N] [D] dû à la maladie dont il souffrait, étant relevé par surcroît que Mme [L] [D] rappelle en ses écritures que cet état de santé n'empêchait pas pour autant feu son époux d'exploiter personnellement ses terres, à tout le moins en 2018, avant la conclusion du premier contrat de vente d'herbe.

Quant à l'argument tiré du défaut d'autorisation administrative d'exploiter accordée au GAEC Pierdet, il a été rappelé plus haut qu'il ouvre la possibilité au préfet, au bailleur ou à la SAFER de faire prononcer en justice la nullité d'un tel bail, conformément aux dispositions de l'article L331-6 du code rural et de la pêche maritime. En l'occurrence, Mme [L] [D] ne revêt aucune de ces trois qualités. Il n'est également pas démontré que le preneur soit en l'espèce tenu d'obtenir une autorisation en application de l'article L331-2 du même code. Par surcroît, il est constant que seul le refus, après mise en demeure, de se soumettre à la procédure d'autorisation est susceptible d'entraîner l'interdiction pour le preneur de poursuivre l'exploitation et la nullité du bail.

En considération de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] [D] de sa demande de nullité du contrat.

Sur l'article 700 et les dépens :

L'équité et la prise en considération de l'issue du litige déterminée par la présente décision commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner Mme [L] [D], qui succombe en la majeure partie de ses prétentions, à verser au GAEC Pierdet la somme de 3.000 euros au titre des frais exposés en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. Mme [L] [D], partie succombante, sera condamnée à supporter la charge des dépens de l'instance d'appel.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DECLARE recevable la demande en nullité du contrat de bail présentée par Mme [L] [R] veuve [D] ;

Au fond,

INFIRME partiellement le jugement rendu le 26 août 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de Nevers en ce qu'il a dit que le GAEC Pierdet, représenté par son gérant, était titulaire de bail rural sur les parcelles cadastrées ZB n° 37 et 40 situées sur la commune de Biches (58) ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Et statuant de nouveau du chef infirmé :

DIT que le GAEC Pierdet, représenté par son gérant, est titulaire de bail rural sur les parcelles cadastrées ZB n°2, B n° 37, 40, ZC n°4, 6, 8 et section ZO n°52 situées sur la commune de Biches (58) ;

Et y ajoutant :

DEBOUTE Mme [L] [R] veuve [D] de sa demande d'expulsion sous astreinte du GAEC Pierdet des parcelles cadastrées ZB n°2, B n°37, 40, ZC n°4, 6, 8 et section ZO n°52 situées sur la commune de Biches (58) ;

DIT que les condamnations pécuniaires prononcées en première instance au titre des arriérés de loyer et indemnités d'occupation s'exécuteront en deniers ou quittances ;

CONDAMNE Mme [L] [R] veuve [D] à verser au GAEC Pierdet la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Mme [L] [R] veuve [D] aux dépens de l'instance d'appel.

L'arrêt a été signé par M. PERINETTI, Président et par Mme MAGIS Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,

S. MAGISR. PERINETTI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00027
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;21.00027 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award