A. D. / C. G.
R. G : 07 / 00871
Décision attaquée : du 22 mai 2007 Origine : tribunal paritaire des baux ruraux de SAINT-AMAND-MONTROND
M. Thierry X...
C /
Consorts Y...
Expéditions aux parties le :
Me TRUMEAU-Me HERVET
Copie :
Expéd. :
Grosse :
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 14 MARS 2008
No-Pages
APPELANT :
Monsieur Thierry X.........
Représenté par Me TRUMEAU, collaborateur de Me Serge NONIN (avocat au barreau de BOURGES)
INTIMÉS :
1o) Monsieur Pierre Y.........
2o) Monsieur François Y.........
3o) Madame Odile Y... divorcée A... ET Z.........
4o) Madame Christine B...... ...
5o) Madame Marie-Agnès C.........
6o) Madame Marie-Hélène D.........
14 mars 2008
7o) Madame Pascale E.........
8o) Madame Marie-Solange F.........
9o) Monsieur Jean-Paul Y.........
Représentés par Me HERVET (avocat au barreau de NEVERS)
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
PRÉSIDENT : MME VALLEE
CONSEILLERS : MME GAUDET M. LACHAL
GREFFIER D'AUDIENCE : MME DUCHET
DÉBATS : A l'audience publique du 15 février 2008, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 14 mars 2008 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : contradictoire-Prononcé publiquement le 14 mars 2008 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant acte notarié des 25 et 26 avril 1995, les époux Y... ont donné à bail à M. X... un domaine agricole sis sur la commune de Neuvy le Barrois. Ce bail a été résilié pour défaut de paiement par jugement
du tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand Montrond du 28 octobre 1997, décision confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bourges du 25 mai 1998. M. X... a été expulsé le 3 février 2003.
Saisis par les époux Y..., le juge des référés a organisé une mesure d'expertise par ordonnance du 21 juillet 2004 et a désigné M. I... comme expert pour faire les comptes de sorties entre les parties.
À la suite de ces opérations qui ont donné lieu à un rapport déposé le 12 janvier 2006, le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand Montrond, saisi par M. Y... et ses enfants venant aux droits de leur mère décédée, a rendu un jugement le 22 mai 2007 par lequel il a : – rejeté la fin de non-recevoir tiré de l'absence de qualité à agir des enfants Y... – rejeté la demande de nomination d'un nouvel expert – condamné M. Y... à payer à M. X... la somme de 2607, 42 € au titre du rural – condamné M. X... à payer à M. Y... – 1001, 40 € au titre des indemnités dues par le preneur sortant – 9 994, 70 € au titre du fourrage – 14 213 € au titre de l'indemnité pour occupation sans titre après expulsion des prés du bailleur – débouté M. Y... de sa demande de dommages et intérêts pour perte des droits à prime – condamné M. X... à payer à M. Y..., en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, les frais correspondant aux honoraires de l'expert J... et de Me K... ainsi que le coût des actes dressés par lui – condamné M. X... aux dépens de l'instance.
M. X... a interjeté appel de ce jugement.
Par écritures du 21 novembre 2007 reprises à l'audience et auxquelles il est renvoyé, M. X... demande la réformation de la décision du 22 mai 2007 et la commission d'un nouvel expert judiciaire extérieur au ressort de la cour d'appel de Bourges. Subsidiairement, il demande la condamnation des consorts Y... à lui payer une indemnité de 2773, 24 € au titre du rural, le débouté de toutes les demandes adverses au titre des indemnités dues par le preneur sortant ainsi qu'au titre du fourrage, le débouté de toute demande au titre de l'indemnité pour occupation sans titre après expulsion des prés ou à tout le moins,
sur ce point, il soulève l'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux au profit du tribunal de grande instance de Bourges. Il conclut encore au débouté de la demande de dommages et intérêts pour perte des droits à prime. Il demande que soient mis à la charge des consorts Y... les dépens comprenant les frais de référé, d'instance et d'expertise judiciaire ainsi que les dépens d'appel. Il réclame 4000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y... et ses enfants, se rapportant à leurs écritures du 13 février 2008 auxquelles il est renvoyé, demandent la confirmation jugement frappé d'appel, sauf à porter à 35 500 € le montant de l'indemnité due par M. X... à M. Y... en ce qui concerne l'occupation sans titre après expulsion de ses prés, et à condamner M. X... à payer à M. Y... 95 200 € ou toute somme arbitrée par la cour pour la perte de droits à prime.
SUR QUOI LA COUR :
Attendu que les premiers juges ont retenu la qualité à agir du seul M. Y..., dès lors qu'il reste unique usufruitier des parts d'un GFA attributaire des parcelles louées à M. X... et dont les enfants sont nu propriétaires ; qu'aucune critique n'est émise de ce chef de sorte que les condamnations des premiers juges ont légitimement visé pour débiteur ou créancier le seul M. Y... ; qu'ils doivent être confirmés sur ce point ;
Attendu que M. X... dénie toute valeur probante à l'état des lieux d'entrée qui n'aurait pas été établi en 1995 de façon contradictoire ; Mais attendu qu'il ressort des pièces produites et du rapport d'expertise que cet état des lieux a été établi par M. J... mandaté par M. X..., lequel était présent ou représenté lors des opérations ; que si un différend a opposé M. X... à M. J... relatif au montant des honoraires de ce dernier, il n'en demeure pas moins, comme l'a reconnu la mère de M. X... à l'occasion des opérations d'expertise, que cet état des lieux d'entrée, établi en présence du preneur et du bailleur en 1995, a été remis en 1997 à M. X... qui n'a alors émis aucune réserve ; que c'est dès lors à juste titre que l'expert judiciaire s'est fondé sur cet état des lieux d'entrée pour présenter les calculs des indemnités de sorties ;
Attendu que l'appelant demande la désignation d'un nouvel expert, reprochant à l'expert judiciaire commis en référé, M. I..., de ne pas avoir procédé à une visite approfondie et consciencieuse de l'ensemble des parcelles données à bail ; que cependant le « rythme manifestement effréné » des opérations d'expertise ne ressort d'aucun élément de la procédure, alors que l'expert a visité toutes les parcelles données à bail avant de proposer les comptes de sorties ; Que M. X... reproche également à l'expert d'avoir fait le calcul des amortissements à imputer sur les travaux d'amélioration en prenant en compte la date de l'expulsion des lieux loués, soit le 3 février 2003, au lieu de retenir la date du jugement prononçant la résiliation du bail soit le 28 octobre 1997 ; que cette erreur ne saurait invalider le travail de l'expert judiciaire et conduire à une nouvelle mesure d'expertise, d'autant qu'elle ne porte que sur des sommes minimes dont M. X... ne réclame pas la rectification, puisqu'il demande que lui soient adjugés au titre des améliorations qu'il a faites, hors la question de l'arrachage des haies, la somme de 1607, 42 € arbitrée par l'expert ; Que les autres critiques formulées par M. X... à l'encontre de l'expert judiciaire sont ponctuelles et seront examinées à l'occasion des chefs de demande qu'elles concernent ;
- sur les indemnités réclamées au titre du rural :
Attendu que l'expert judiciaire les a chiffrées à la somme totale de 1607, 42 € ; que les améliorations qu'il a retenues et l'évaluation qu'il en a faite reçoivent l'accord des parties ;
Attendu que M. X... réclame en plus une somme de 1165, 82 € pour l'amélioration qu'il a apportée à la propriété agricole par l'arrachage de haies sur une distance de 420 m ; Mais attendu qu'il est constant que cet arrachage s'est fait en l'absence d'autorisation du bailleur ; que l'article L411-28 du code rural prévoit spécifiquement que le preneur peut faire disparaître des haies pour réunir et grouper plusieurs parcelles attenantes, mais sous réserve de l'accord du bailleur ; que c'est donc à bon droit qu'en l'absence d'autorisation du bailleur, ni l'expert ni les premiers juges n'ont pris en compte l'arrachage de ces haies dans le calcul des améliorations apportées par le preneur ;
- sur les travaux à la charge du preneur :
Attendu que l'expert judiciaire les a chiffrés à la somme de
1001, 40 € retenue par les premiers juges ; que M. Y... demande confirmation sur ce point ;
Attendu de M. X... reproche à l'expert d'avoir mis à sa charge, 20 mois après son départ des lieux, l'entretien de haies par passage de broyeur alors que cet entretien est de périodicité annuelle ; Mais attendu que l'expert judiciaire a tenu compte dans l'état des parcelles et dans la liste des travaux faits ou à faire, du laps de temps écoulé entre l'expulsion de M. X... et ses opérations d'expertise, de sorte que le broyage litigieux a été pris en compte à raison d'un défaut d'entretien remontant à plus de 20 mois ;
Attendu que M. X... se refuse de supporter le coût de l'enlèvement de matériel qu'il a laissé sur place au motif que le sort de ces objets devait être fixé par le juge de l'exécution ; Mais attendu qu'il n'est justifié d'aucune décision de justice qui ait déchargé M. X... de son obligation de laisser les lieux libres de toute occupation ; que le coût de l'enlèvement auquel il n'a pas procédé lui-même, lui incombe ;
Attendu que l'appelant fait encore valoir qu'il ne peut être obligé de clôturer, à sa sortie des lieux, certaines parcelles qui ne l'étaient pas lors de son entrée en jouissance ; Mais attendu que l'expert judiciaire, suivi par les premiers juges, a parfaitement expliqué que M. X... a supprimé une haie qui était mitoyenne, et qu'il doit rendre la parcelle close sur cette limite mitoyenne ; qu'il a fort justement retenu seulement 50 % de la valeur de la clôture à placer, en tenant compte de la mauvaise qualité de la haie d'origine ; que cette limite mitoyenne ne peut être close par une clôture électrique qui créerait des comptes permanents entre les deux exploitants limitrophes ;
Attendu que c'est à bon droit, contrairement à ce que soutient M. X..., que les premiers juges ont condamné l'appelant à supporter le coût de travaux de réimplantation de prairies qu'il a dégradées à raison du piétinement intensif de ses bovins présents sur les parcelles de M. Y... après les opérations d'expulsion ;
Attendu qu'ainsi, c'est bien la somme totale de 1001, 40 € que M. X... doit à M. Y... pour les travaux de remise en état ;
- sur les indemnités occupation sans titre après expulsion :
Attendu que les premiers juges, se fondant sur le rapport
d'expertise judiciaire, ont condamné M. X... à payer à M. Y... la somme de 14 213 € à titre d'indemnité d'occupation pour une période postérieure à l'expulsion à laquelle il a été procédé en février 2003 ; qu'ils ont en effet considéré que M. X... avait continué d'occuper une partie des prés de M. Y... après l'expulsion en y laissant des bovins relevant de son autorité ;
Attendu que M. X... conteste cette disposition ;
Que l'exception d'incompétence qu'il soulève pour la première fois devant la cour d'appel est irrecevable, ces exceptions devant être invoquées in limine litis ;
Qu'il ressort de façon claire et argumentée du rapport d'expertise, à la suite de recherches précises et pertinentes effectuées par l'expert judiciaire notamment à partir des constats d'huissier et auprès des services vétérinaires concernés, qu'il existe une relation directe entre les relevés de l'huissier et le troupeau de M. X... même si celui-ci est devenu à compter du 1er avril 2003 le cheptel du Gaec des Bruyères auquel M. X... a transféré son activité ; Que si le courrier des services vétérinaires du Cher en date du 6 janvier 2005 n'a pas été communiqué au parties avant le dépôt du rapport d'expertise le 8 janvier suivant, il n'a pas lieu d'être écarté dès lors que cette pièce peut être discutée dans le débat judiciaire ;
Attendu que l'absence de mise en demeure de faire cesser l'occupation illégitime ne peut pour autant priver M. Y... de l'indemnisation de son préjudice ;
Attendu que celui-ci a été pertinemment évalué par l'expert judiciaire, qui a mis en oeuvre trois méthodes d'évaluation du préjudice pour en tirer un chiffre moyen ; que cette appréciation a été faite en tenant compte des conditions climatiques exceptionnelles de l'année 2003 (p. 30 du rapport) ; que l'expert a retenu avec justesse une période d'occupation de 180 jours qui résulte des constats d'huissier, les attestations produites par M. Y... ne pouvant témoigner d'une période d'occupation plus longue, alors qu'elles ne précisent pas les numéros des animaux intrus ;
Qu'ainsi, sur ce point encore, le jugement déféré doit être confirmé ;
- sur les indemnités au titre des fourrages :
Attendu que les premiers juges ont condamné M. X... à verser à M. Y... la somme de 9 994, 70 € pour reconstitution du stock de fourrages, comme l'avait proposé l'expert judiciaire ; qu'ils ont pertinemment, par des motifs que la cour adopte, répondu aux critiques développées par M. X... en s'appuyant notamment sur le rapport d'expertise qui a précisément argumenté le chiffre proposé ; que notamment, M. X... ne peut sérieusement discuter la quantité de foin reçu à son entrée, quel qu'ait été le lieu de son entrepôt, dès lors qu'elle était mentionnée dans l'état des lieux établis lors d'opérations contradictoires ; qu'il n'administre pas la preuve que c'est le même foin qui aurait été mis à sa disposition et à celle de l'earl des couraux ; que l'expert judiciaire a tenu compte, pour évaluer les fonds des lieux en fourrages, des seules bottes abritées ; Que la décision de premiers juges sera confirmée ;
- sur l'indemnisation d'une perte des droits à prime :
Attendu que M. Y... réitère sa demande d'une indemnité de 95 200 € au titre de la perte de droits à prime, dont les premiers juges l'ont débouté ; que M. X... demande confirmation de cette disposition ;
Attendu que les premiers juges ont parfaitement exposé que les droits à prime sont attribués aux fermiers et non pas propriété du bailleur ; qu'ils ont constaté qu'aucun élément du dossier ne permettait de déterminer un éventuel préjudice subi par M. Y... qui consisterait dans la différence de valeur entre le fermage qu'il aurait encaissé si les terres litigieuses permettaient au fermier de bénéficier des DPU et le fermage touché en absence de ces primes ; que devant la cour, la preuve de ce préjudice n'est pas non plus administrée ; que la décision des premiers juges doit être confirmée ;
- sur les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Attendu que M. X..., partie perdante, doit supporter les dépens d'appel ; qu'il ne peut qu'être débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que c'est de façon fondée que le premier juge a mise
à la charge de M. X... les frais correspondants aux honoraires de l'expert J..., mandaté par M. X... lui-même, ainsi que le coût des actes dressés par Me K..., huissier, qui ont permis à l'expert judiciaire de se prononcer sur l'existence d'une occupation après expulsion ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
DÉCLARE irrecevable l'exception d'incompétence soulevée pour la première fois en appel par M. X... ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mai 2007 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand Montrond ;
DÉBOUTE M. X... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. X... aux dépens d'appel.
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par MME GAUDET, conseiller le plus ancien ayant assisté aux débats et participé au délibéré, en l'absence du président légitimement empêché, et MME DUCHET, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LE CONSEILLER,
A. DUCHET C. GAUDET