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14/12/2007 | FRANCE | N°388

France | France, Cour d'appel de bourges, Chambre sociale, 14 décembre 2007, 388


SD/CG

R.G : 07/00207

Décision attaquée :

du 15 mai 2006

Origine : conseil de prud'hommes de BOURGES

M. Khelifa X...

C/

S.A.R.L. ENTRAIDE TRAVAIL TEMPORAIRE

S.A. FERMOBA CENTRE INDUSTRIES

Notification aux parties par expéditions le : 14/12/2007

Me NONIN-Me PELVOIZIN

Copie : 14.12.07 14.12.07

Expéd. :

Grosse :

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2007

No 388 - 8 Pages

APPELANT :

Monsieur Khelifa X...

...

18000 BOURGESr>
Représenté par Me Serge NONIN (avocat au barreau de BOURGES)

INTIMÉES :

S.A.R.L. ENTRAIDE TRAVAIL TEMPORAIRE

261 Route de St Michel

BP 4007

18028 BOURGES CEDEX

Représentée p...

SD/CG

R.G : 07/00207

Décision attaquée :

du 15 mai 2006

Origine : conseil de prud'hommes de BOURGES

M. Khelifa X...

C/

S.A.R.L. ENTRAIDE TRAVAIL TEMPORAIRE

S.A. FERMOBA CENTRE INDUSTRIES

Notification aux parties par expéditions le : 14/12/2007

Me NONIN-Me PELVOIZIN

Copie : 14.12.07 14.12.07

Expéd. :

Grosse :

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2007

No 388 - 8 Pages

APPELANT :

Monsieur Khelifa X...

...

18000 BOURGES

Représenté par Me Serge NONIN (avocat au barreau de BOURGES)

INTIMÉES :

S.A.R.L. ENTRAIDE TRAVAIL TEMPORAIRE

261 Route de St Michel

BP 4007

18028 BOURGES CEDEX

Représentée par Me PELVOIZIN, membre de la SELAFA FIDAL (avocats au barreau de BOURGES)

S.A. FERMOBA CENTRE INDUSTRIES

ZI des Grands Champs

Rue des deux Passages à Niveau

18230 ST DOULCHARD

Représentée par Me PELVOIZIN, membre de la SELAFA FIDAL (avocats au barreau de BOURGES)

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VALLÉE

14 décembre 2007

CONSEILLERS : Mme GAUDET

Mme BOUTET

GREFFIER D'AUDIENCE : Mme DELPLACE

DÉBATS : A l'audience publique du 16 novembre 2007, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 14 décembre 2007 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : contradictoire - Prononcé publiquement le 14 décembre 2007 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant 52 contrats de mission, Monsieur X... a été mis à disposition de la société Fermoba Centre Industries par la société Entraide Travail Temporaire, de façon discontinue, de juin 2003 à juin 2004, en qualité d'agent de fabrication.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges le 19 juillet 2005 d'une demande de requalification de ses missions de travail temporaire en contrat à durée indéterminée et de diverses indemnités liées à la requalification et la rupture abusive de son contrat de travail.

Par jugement du 15 mai 2006, le conseil de prud'hommes de Bourges a débouté Monsieur X... de sa demande de requalification et par conséquent de toutes ses demandes d'indemnités incidentes.

Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement.

Suivant écritures du 16 novembre 2007 reprises à l'audience et auxquelles il est renvoyé, Monsieur X... demande la requalification de ses missions d'intérim en un contrat à durée indéterminée et sollicite

– 1113,89 € d'indemnité de requalification

– 1113,89 € d'indemnité de préavis, outre 111,38 € de congés payés afférents

14 décembre 2007

– 1113,89 € d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

– 4455 € d'indemnité pour rupture abusive

– 1525 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

À l'appui de ses demandes, il soutient que sont applicables à ses relations de travail les règles du travail temporaire, à l'exclusion de celles régissant les contrats d'insertion, que les missions d'intérim le concernant sont irrégulières en la forme et détournées de leur finalité ce qui conduit à les requalifier en contrat à durée indéterminée. Il dirige ses demandes de condamnation à l'encontre tant de la société Fermoba Centre Industries que de la société Entraide Travail Temporaire, l'une et l'autre ou l'une ou l'autre. Il s'oppose à l'irrecevabilité de sa demande soulevée par la société Fermoba Centre Industries.

Par observations à l'audience, déjà formulées par écrit par conclusions déposées le même jour et auxquelles il est renvoyé, la société Fermoba Centre Industries demande la confirmation du jugement déféré et réclame 100 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle soulève l'irrecevabilité de la demande de Monsieur X... au motif que les dispositions de l'article L. 124-7-1 du code du travail ne sont destinées à recevoir application que lorsque la mission est toujours en cours. À titre principal sur le fond, elle invoque la réglementation spécifique aux entreprises d'insertion par le travail qui ferait échapper la violation des articles L124-1, L124-3 et L124-4 du code du travail à la sanction d'une requalification. Elle fait encore valoir que le recours à un contrat de mission pour «surcharge de travail » est justifié par une demande exceptionnelle de volets battants.

Reprenant à l'audience ses écritures du 16 novembre 2007 auxquelles il est renvoyé, la société Entraide Travail Temporaire demande également la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur X... à lui verser 2000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle soutient que la contestation relative au motif du recours aux contrats précaires n'est pas opposable à l'entreprise de travail temporaire, et que les seules critiques relatives à la forme des contrats précaires, qui relève de la compétence de l'entreprise de travail temporaire, ne sont pas établies.

14 décembre 2007

SUR QUOI LA COUR

- sur la recevabilité de la demande de requalification :

Attendu que l'article L124-7-1 du code du travail prévoit que lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'une mission d'intérim en contrat à durée indéterminée, il doit statuer directement en formation de jugement, au fond, dans le délai d'un mois suivant sa saisine ; que cette procédure d'urgence ne pose cependant pas comme condition que le contrat de mission d'intérim soit en cours d'exécution lors de la saisine ; qu'un salarié peut toujours se prévaloir de l'inobservation des dispositions légales édictant pour sa protection les cas et les conditions dans lesquelles un contrat de travail temporaire peut être conclu ; que la demande de Monsieur X... est ainsi recevable ;

- sur la réglementation applicable aux contrats liant les parties :

Attendu que pour s'opposer aux demandes de Monsieur X..., la société Fermoba Centre Industries invoque la réglementation spécifique aux entreprises d'insertion par le travail ;

Mais attendu d'une part que les contrats de mission conclus avec Monsieur X... visent tous et exclusivement les dispositions légales régissant le travail temporaire, sans faire référence à des contrats d'insertion ; que d'autre part, il n'est produit aucun agrément de l'ANPE concernant Monsieur X..., ni aucun dossier de suivi de formation ;

Attendu qu'en conséquence, les relations de travail de Monsieur X... avec les deux sociétés intimées sont exclusivement régies par les dispositions du travail temporaire ;

- sur la demande de requalification et ses conséquences dirigée contre la société Fermoba Centre Industries :

Attendu que Monsieur X... dirige d'abord ses demandes à l'encontre de la société Fermoba Centre Industries utilisatrice ; qu'il invoque d'une part l'absence de justifications précises du recours aux contrats temporaires, exigées par l'article L124-3 du code du travail ; que d'autre part, il soutient qu'il peut faire valoir les droits afférents à un contrat de travail à durée indéterminée dès lors que ses contrats de mission n'étaient pas liés à un pic de production temporaire, mais avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société Fermoba Centre Industries ;

14 décembre 2007

Attendu que selon l'article L124-3 du code du travail, le contrat pour chaque salarié doit mentionner le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire, cette mention devant être assortie de justifications précises ;

Attendu que les contrats litigieux mentionnent seulement une "surcharge de travail" sans autre précision, notamment sur le caractère temporaire de cette augmentation d'activité ; que toutefois, la violation de l'article L124-3 du code du travail n'emporte pas requalification du contrat ; qu'en effet, l'article L124-7 du même code, qui permet au salarié de faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission, ne vise que la violation des articles L124-2 à L124-2-4 du code du travail ;

Attendu par contre que l'article L124-2 visé par l'article L124-7 précité dispose qu'un contrat de travail temporaire, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'il convient donc de rechercher si, comme le soutient le salarié, la société Fermoba Centre Industries Fermoba, sous couvert du motif constant de « surcharge de travail», a en réalité pourvu un emploi lié à son activité normale et permanente ;

Attendu que la société Fermoba Centre Industries invoque en début 2003 une demande exceptionnelle de volets battants, produit peu demandé, ajoutant que la chaîne des volets battants a d'ailleurs été stoppée en juin 2004, période à laquelle elle a mis fin à ses contrats de mise à disposition passés avec la société Entraide Travail Temporaire ; qu'elle produit un tableau qui retrace la production des volets battants entre 2000 et 2004, un autre qui présente les résultats de production de l'année 2003, des comptes-rendus de réunion du comité d'entreprise, 13 fiches de production mensuelle par chantiers, les résultats de production 2004 ;

Attendu qu'il ressort notamment du récapitulatif des résultats de production volets battants que cette production a été à son maximum pendant l'année 2003, avec un nombre de vantaux de 12 488, produit au rythme de 52 par jour, avant que la production ne cesse en 2004 ; que pour autant, ce pic de production ne caractérise pas un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; qu'en effet la production de volets battants a progressé entre l'année 2000 et l'année 2003 de façon très régulière, le nombre de vantaux produits s'accroissant d'environ 2500 chaque année, signe d'une activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'au surplus, il ne ressort pas de façon certaine des comptes-rendus communiqués, que

14 décembre 2007

la chaîne des volets battants ait été stoppée en juin 2004 ; que le compte-rendu du 16 mars 2004 mentionne le départ des volets battants, ce qui ne signifie pas l'arrêt de cette production ; que le compte-rendu du 16 novembre 2004 ne concerne que les commandes de diffus pour le personnel salarié ; que bien plus, le compte-rendu de réunion du comité d'entreprise du 16 juin 2004 met clairement en relation la baisse importante de recours à des intérimaires non pas avec l'arrêt de la chaîne des volets battants, mais avec l'arrêt de l'équipe de nuit, lui-même motivé par les stocks de châssis et le problème général de livraison par les fournisseurs pour suivre la cadence ; qu'ainsi la preuve n'est pas rapportée que le recours aux contrats de mission de Monsieur X... ait été motivé par un accroissement limité dans le temps, de la production de volets battants en 2003 et 2004 ;

Attendu qu'en conséquence, Monsieur X... est fondé dans ses demandes de requalification et d'indemnisations, dirigées contre la société Fermoba Centre Industries ;

- sur la demande de requalification et ses conséquences dirigée contre société Entraide Travail Temporaire :

Attendu que les dispositions de l'article L124-7 du code du travail qui sanctionne l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L124-2 à L124-2-4 du code du travail par une requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de main-d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées, notamment en cas d'irrégularités de forme touchant le contrat de mission ;

Attendu que Monsieur X..., qui demande également la condamnation de société Entraide Travail Temporaire à lui payer les conséquences de la requalification de ses contrats et de la rupture, soutient que certains contrats de mission sont irréguliers quant à leur date ;

Qu'il prétend ainsi :

- Que le contrat de mission pour la période du 1er au 4 juin 2004 à été signé le 7 juin suivant, soit avec sept jours de retard ;

Que cependant l'original de ce contrat de mission produit par Monsieur X... lui-même est daté du 28 mai 2004 ;

- Qu'un contrat pour août 2003 ne serait pas daté ;

Que cependant tous les originaux pour août 2003 produits au débat comportent une date, même si cette dernière est quelquefois difficile à lire ;

14 décembre 2007

- Que le contrat établi pour la période du 10 au 13 juin 2003 comporterait une date illisible ;

Qu'effectivement, la date est difficile à lire ; que pour autant, il ne s'agit pas d'une irrégularité de forme susceptible d'entraîner la requalification du contrat de mission ;

Attendu que Monsieur X... sera débouté de ses demandes en tant qu'elles sont dirigées contre société Entraide Travail Temporaire ;

- sur les sommes réclamées :

Attendu que le montant du salaire mensuel de Monsieur X..., arrêté par celui-ci à 1113,89 € au vu de son dernier bulletin de paie, ne fait l'objet d'aucune contestation ;

Attendu que la société Fermoba Centre Industries doit à Monsieur X... 1113,89 € à titre d'indemnité de requalification ;

Attendu que la rupture du contrat de travail requalifié à durée indéterminée est intervenue sans lettre de licenciement motivée, et équivaut à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il est dû à Monsieur X... 1113,89 € à titre d'indemnité de préavis outre 111,38 € de congés payés afférents ; qu'au vu du préjudice subi par Monsieur X..., il doit être alloué à ce dernier des dommages et intérêts pour rupture abusive de 1200 € ; que l'employeur, qui a mis fin au contrat de travail sans respecter la procédure de licenciement, doit également verser à Monsieur X... une indemnité qui peut être fixée à 500 euros, en vertu des dispositions des articles L122-14-4 et L122-14-5 du code du travail ;

- sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que la société Fermoba Centre Industries, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance et d'appel et payer à Monsieur X... la somme de 1000 € pour ses frais irrépétibles ;

Attendu que l'équité conduit à rejeter la demande de la société Entraide Travail Temporaire fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

14 décembre 2007

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu le 15 mai 2006 par le conseil de prud'hommes de Bourges ;

Statuant à nouveau,

Requalifie les contrats de mission conclus entre Monsieur X... et la société Fermoba Centre Industries en un contrat à durée indéterminée ;

Condamne la société Fermoba Centre Industries à payer à Monsieur X...

– 1113,89 € d'indemnité de requalification

– 1113,89 € d'indemnité de préavis, outre 111,38 € de congés payés afférents

– 500 € d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement

– 1 200 € d'indemnité pour rupture abusive ;

– 1000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Déboute la société Entraide Travail Temporaire de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Condamne la société Fermoba Centre Industries aux dépens de première instance et d'appel .

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VALLÉE, président, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

S. DELPLACE N. VALLÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 388
Date de la décision : 14/12/2007
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION - Travail temporaire - Contrat de mission - Requalification en contrat de travail à durée indéterminée - Demande - Procédure applicable - / JDF

Un salarié demande la requalification de son contrat de mission d'intérim en contrat à durée indéterminée. L'employeur invoque l'irrecevabilité de sa demande, affirmant que l'article L 124-7-1 du Code du Travail impose que la demande doit être faite lorsque la mission est toujours en cours. L'article L 124-7-1 du Code du Travail prévoit que lorsque le Conseil de Prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'une mission d'intérim en contrat à durée indéterminée, il doit statuer directement en formation de jugement, au fond, dans le délai d'un mois suivant sa saisine. Cette procédure d'urgence ne pose cependant pas comme condition que le contrat de mission d'intérim soit en cours d'exécution lors de la saisine. Un salarié peut toujours se prévaloir de l'inobservation des dispositions légales édictant pour sa protection les cas et les conditions dans lesquelles un contrat de travail temporaire peut être conclu. La demande du salarié est ainsi recevable.


Références :

Code du travail, L. 124-7-1

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bourges, 15 mai 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bourges;arret;2007-12-14;388 ?
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