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01/06/2001 | FRANCE | N°00118-01

France | France, Cour d'appel de bourges, Chambre sociale, 01 juin 2001, 00118-01


FAITS ET PROCEDURE

M. X... a été embauché le 19 juillet 1999 en qualité d' Agent technique par l' Association D par un contrat à durée déterminée expirant le 31 octobre, auquel a succédé un deuxième contrat du même type d' une durée de 5 mois. Y... motif de recours était dans les deux cas : "dans l'attente de l'entrée en fonction du nouveau titulaire du poste".

M. X..., après la survenance du terme du second contrat, a saisi le Conseil de Prud'hommes de Nevers pour obtenir sa requalification en contrat à durée indéterminée, ainsi que la condamnation de l' as

sociation à lui payer, outre un rappel de salaire pour le mois de mars 2000 et ...

FAITS ET PROCEDURE

M. X... a été embauché le 19 juillet 1999 en qualité d' Agent technique par l' Association D par un contrat à durée déterminée expirant le 31 octobre, auquel a succédé un deuxième contrat du même type d' une durée de 5 mois. Y... motif de recours était dans les deux cas : "dans l'attente de l'entrée en fonction du nouveau titulaire du poste".

M. X..., après la survenance du terme du second contrat, a saisi le Conseil de Prud'hommes de Nevers pour obtenir sa requalification en contrat à durée indéterminée, ainsi que la condamnation de l' association à lui payer, outre un rappel de salaire pour le mois de mars 2000 et l'indemnisation d'une période de chômage technique, des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat.

Par jugement du 8 décembre 2000, le Conseil a condamné l' association D à payer à M. X... les sommes de 1 453,49 F en paiement de 50 % du salaire de jours de grève, et de 1 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, mais a rejeté toutes les autres demandes du salarié.

M. X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement, dont l' A.D.S.E.A.N est également appelante à titre incident. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

A l'appui de son recours, M. X... fait valoir qu'il a été embauché, non pour remplacer un salarié momentanément absent, mais pour occuper un poste permanent, correspondant à l'activité normale de l'Association, rendu définitivement vacant par le départ du précédent titulaire. Il ajoute que ce cas de recours, outre qu'il n'est pas autorisé par la loi, est de surcroît fallacieux, car le recrutement d'un titulaire définitif n'a été entrepris que plusieurs mois après la rupture de la relation contractuelle.

Il souligne que c'est vraisemblablement en raison de sa participation à un mouvement de grève que contrairement à ce qui lui avait été

promis il n'a pas été embauché définitivement. Il précise que tous les salariés ont été partiellement indemnisés par l'employeur de la perte de salaire des jours de grève, sauf lui.

Il demande par conséquent à la Cour de confirmer les condamnations prononcées en sa faveur par les Premiers Juges, mais de réformer le jugement qu'il lui a déféré pour le surplus et de :

- requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée, - condamner l' association D à lui payer : 9 550 F à titre d'indemnité de requalification, 9 550 F à titre d'indemnité de préavis, 955 F à titre de congés payés sur préavis, 9 500 F pour non respect de la procédure de licenciement (à déduire l'indemnité de fin de contrat d'un montant de 4 718 F ), 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

Il sollicite enfin une indemnité de 3 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L 'association D fait au contraire valoir que M. X... n' a jamais ignoré qu'il était embauché temporairement pour permettre le recrutement du nouveau titulaire du poste. Elle ajoute que si le contrat a du être renouvelé, c'est parce que le recrutement n'avait pu être fait à temps, et elle estime que dans ces conditions, il ne peut être considéré que M. X... occupait un poste permanent de l'entreprise.

Elle fait valoir que ce n'est certainement pas parce qu'il a participé à un mouvement de grève qu'il n'a pas été embauché définitivement, mais parce qu'il ne réunissait pas toutes les conditions pour être titulaire du poste, ce qui était connu dès le départ. Elle précise que ce n'est d'ailleurs que plusieurs mois après le départ de M. X... qu'un candidat suffisamment compétent a pu être retenu, et elle soutient que pour sa part M. X... a présenté dans l'exercice de ses fonctions d'importantes lacunes.

Elle sollicite donc au total la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X... de toutes ses demandes relatives à la requalification du contrat de travail et à ses conséquences financières.

En revanche, elle estime que la grève suspendant l'exécution du contrat de travail, elle n'a pas à régler à M. X... le moindre salaire pour les jours pendant lesquels il a fait grève. Elle sollicite donc sur ce point la réformation de la décision entreprise.

Elle réclame enfin une indemnité de 5 000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION 1° - Sur la qualification du contrat de travail :

Les cas de recours énumérés aux articles L 122-1-1 et suivants sont limitatifs et doivent être interprétés restrictivement. Ainsi le cas de recours fondé sur la nécessité de remplacer un salarié n'est valable que dans les hypothèses visées à l'article L 122-1-1 du Code du Travail.

S'il est possible de recourir à la conclusion d'un contrat à durée déterminée en cas d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté à durée indéterminée appelé à le remplacer, encore faut-il que l'on se trouve dans une véritable situation d'attente et que le salarié appelé à occuper définitivement le poste vacant soit effectivement recruté ou en cours de recrutement. Faute de quoi, il serait loisible de différer le recrutement définitif en s'affranchissant non seulement des règles qui encadrent la conclusion des contrats à durée déterminée, mais encore de celles qui régissent la durée de la période d'essai. Il s'agirait ni plus ni moins que d'une fraude caractérisée à la loi.

Or, en l'espèce, force est de constater que si le contrat de travail prévoit bien que M. X... est embauché pour assurer un relais entre le départ du titulaire du poste et l'entrée en service "prochaine" du

nouveau titulaire, l' association D est bien en peine de justifier des démarches qu'elle a entreprises pour recruter ce nouveau titulaire, autres que celles qui ont abouti à l'embauche de M. X... et qui auraient dû d'ailleurs a priori permettre une embauche définitive puisque l'annonce à laquelle il a répondu d' une part ne précisait nullement qu'il s'agissait d'une embauche temporaire, d'autre part comportait l'exigence d'un certain nombre de compétences dont il n'est nullement démontré que l'intéressé ne les possédait pas. Pendant toute la durée des deux contrats successifs passés avec M. X..., aucun recrutement n'a été entrepris ni a fortiori réalisé et ce n'est que plusieurs mois après son départ qu'une embauche définitive a été faite. Il n'est absolument pas démontré que cet état de fait serait consécutif aux particularités du poste et il est selon toute apparence le résultat de l'inertie de l' association D.

On doit donc considérer que le motif de recours porté au contrat, s'il est formellement conforme à la loi, est en revanche fallacieux et ne correspond pas à la réalité. M. X... aurait du être embauché par un contrat à durée indéterminée. Cette considération commande que la requalification sollicitée soit prononcée et le jugement déféré sera réformé sur ce point.

La rupture du contrat de travail qui ne pouvait dès lors résulter de la seule survenance du terme est par conséquent abusive, doit être assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ouvre droit au versement d'une indemnité de préavis, et ses conséquences dommageables doivent être réparées. A cet égard, la Cour a les éléments pour dire qu'eu égard à l'ancienneté effective du salarié, à ses possibilités de reclassement professionnel et à la fraude qui a présidé tant à la conclusion qu'à la rupture du contrat, une indemnité de 20 000 F réparera exactement le préjudice subi, dans toutes ses composantes, qu'elles concernent le fond comme la forme de

la rupture. 2 - Sur le paiement du salaire correspondant aux jours de grève :

L'employeur n'a certes pas l'obligation de payer les jours de grève. Mais en l'espèce, il est démontré que l' association D a accepté de payer la moitié des salaires perdus à l'occasion du mouvement collectif de cessation du travail du mois de mars 2000, et qu'elle a effectivement indemnisé tous les salariés, hormis M. X... Y... sort particulier qui lui a été fait n'est pas expliqué par l' association D et ne peut donc avoir qu'une origine discriminatoire. C'est par conséquent à juste titre que les Premiers juges ont fait droit sur ce point à la demande du salarié. 3° - Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens :

M. X... bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale et ne justifiant pas de frais non indemnisés à ce titre, sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile doit être rejetée. Il en sera de même de celle formée par l' association D qui succombe en appel et qui sera dès lors condamnée aux dépens du recours.

PAR CES MOTIFS

La Cour ;

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et après en avoir délibéré ;

En la forme, déclare les appels recevables ;

Au fond ;

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qui concerne la requalification du contrat et ses conséquences financières ;

Statuant à nouveau sur ce point ;

Requalifie le contrat de travail de M. X... en contrat de travail à durée indéterminée ;

Condamne l' association D à lui payer :
9 550 F soit 1 455,89 Euros à titre d'indemnité de préavis,

[* 955 F soit 145,59 Euros à titre de congés payés sur préavis,

*] 20 000 F soit 3048,98 Euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne l' association D aux dépens du recours.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00118-01
Date de la décision : 01/06/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, DUREE DETERMINEE - Cas de recours autorisés - Appréciation

Les cas de recours, au contrat à durée déterminée, énumérés aux articles L.122-1-1 et suivants du Code du travail sont limitatifs et doivent être interprétés restrictivement. Lorsque le contrat vise comme cas de recours l'attente d'un recrutement, il est à tout le moins nécessaire pour l'employeur de justifier qu'une procédure de recrutement est en cours, sinon finalisée


Références :

Articles L 122-1-1 et suivants du Code du travail

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bourges;arret;2001-06-01;00118.01 ?
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