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04/05/2001 | FRANCE | N°00-1956

France | France, Cour d'appel de bourges, Chambre sociale, 04 mai 2001, 00-1956


Par jugement en date du 6 novembre 2000, le Conseil de Prud'hommes de NEVERS a condamné la Société Agence F à payer à son ex salarié Monsieur C les sommes de : * 5 262, 02 Francs à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ; * 1 000 Francs par application de l'article 700 du N.C.P.C.

La même décision a débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Le 5 décembre 2000, Monsieur C a relevé appel de cette décision, dont il sollicite de la Cour la réformation en ce qu'elle n'a fait droit à l'intégralité de ses légitimes demandes.

En effet s

'il approuve les premiers juges d'avoir fait droit à sa demande au titre des congés pay...

Par jugement en date du 6 novembre 2000, le Conseil de Prud'hommes de NEVERS a condamné la Société Agence F à payer à son ex salarié Monsieur C les sommes de : * 5 262, 02 Francs à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ; * 1 000 Francs par application de l'article 700 du N.C.P.C.

La même décision a débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Le 5 décembre 2000, Monsieur C a relevé appel de cette décision, dont il sollicite de la Cour la réformation en ce qu'elle n'a fait droit à l'intégralité de ses légitimes demandes.

En effet s'il approuve les premiers juges d'avoir fait droit à sa demande au titre des congés payés pour le dernier exercice, il leur fait grief de ne pas avoir retenu le bien fondé de ses autres prétentions.

Ainsi, il reprend ses demandes tendant au paiement des sommes de 4 279, 76 Francs, 8 481, 91 Francs et 10 592, 66 Francs.

Il soutient d'autre part qu'il a droit au remboursement de frais professionnels pour une somme de 2 940 Francs, et que l'intégralité des commissions qui lui étaient dues n'a pas été réglée, pas plus que le complément consécutif à la réalisation de ventes postérieures à son départ de l'entreprise et il sollicite à ce titre les sommes de 10 761, 60 Francs et de 6 088, 22 Francs.

Il fait valoir de plus que la clause de non concurrence qui lui a été imposée est nulle, car elle est imprécise quant à sa définition géographique et car elle pouvait concerner du fait de sa rédaction l'ensemble du territoire national.

Il rappelle qu'il a respecté les termes de la clause de non concurrence, ce qui lui a occasionné un préjudice qu'il évalue à 100

000 Francs.

Il invite enfin la Cour à lui allouer la somme de 5 000 Francs par application de l'article 700 du N.C.P.C.

La Société Agence F réplique que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté à fort juste titre Monsieur C de la quasi-totalité de ses demandes à l'évidence sans fondement.

Formant un appel incident, elle invite la Cour à écarter la demande admise par les premiers juges au titre des congés payés, car Monsieur C a perçu l'intégralité des sommes qui lui étaient dues.

Elle revendique l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C. jusqu'à concurrence de 5 000 Francs. SUR QUOI LA COUR

Attendu qu'il convient de se référer pour un exposé complet des faits et plus ample des moyens et prétentions des parties aux énonciations du premier jugement et aux écritures en cause d'appel oralement développées.

Sur les demandes de nature salariale.

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Attendu que devant la Cour, Monsieur C renonce à sa demande relative au rappel de prime d'ancienneté.

Attendu que vis à vis des demandes au titre des congés payés, il ne peut sérieusement être discuté qu'il convient d'opérer une distinction entre les demandes relatives aux exercices antérieurs à celui de la rupture et celle concernant l'année de la rupture.

Or attendu que les premiers juges au terme d'une analyse minutieuse et complète des documents produits ont à juste titre constaté que si Monsieur C avait été rempli de l'intégralité de ses droits pour la période antérieure, il restait créancier au 15 janvier 2000 d'un reliquat de congés payés représentant la somme de 5 262, 02 Francs.

Attendu que ce constat n'a pas été efficacement combattu par la

Société Agence F dans le cadre de son appel incident.

Attendu qu'en conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

Attendu que vis à vis de la demande au titre des frais professionnels, l'examen du contrat établit que les commissions convenues prenaient en compte les frais professionnels ; que dès lors, Monsieur COLIN ne saurait avec efficacité revendiquer le paiement d'un quelconque frais professionnel.

Attendu qu'à bon droit, il a été débouté de sa demande de ce chef.

Attendu que les demandes vis à vis des prétendues commissions impayées ne sont étayées par aucune pièce probante ; que de même, Monsieur C ne saurait prétendre au bénéfice d'un quelconque "droit de suite" pour les affaires conclues après son départ, justifiant une majoration du taux de commission.

Attendu que le jugement, frappé au coin du bon sens sera confirmé de ce chef.

Sur la clause de non concurrence.

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Attendu que les premiers juges pour rejeter la demande de Monsieur C tendant à l'annulation de la clause de non concurrence dont était assorti son contrat ont retenu deux moyens dont il convient d'apprécier la portée.

Attendu qu'en premier lieu, ils ont retenu que Monsieur C en signant son contrat en avait approuvé les termes ; mais attendu qu'une telle remarque est sans signification juridique, puisque toute clause de non concurrence doit être insérée dans le contrat de travail et que la signature du salarié ne saurait l'empêcher de faire vérifier par la juridiction prud'homale si elle remplit les conditions exigées par la jurisprudence pour sa validité.

Attendu qu'en second lieu, ils relèvent que la clause est limitée dans le temps et dans l'espace et qu'ainsi, elle n'entrave pas à

l'excès la liberté pour M. C d'exercer une activité professionnelle. Attendu que si cette motivation est juste dans le rappel des principes, elle ne prend pas en compte la réalité de la situation particulière et l'impératif de prévisibilité de toute clause restrictive de la liberté du travail du salarié.

Attendu qu'en effet, le contrat interdisait à Monsieur C de procéder à des opérations relatives à la profession d'agent immobilier ou de marchand de biens pendant une durée de trois ans à compter de la rupture du contrat dans une zone de 300 kilomètres autour du siège de la Société Agence FGI et pendant une durée de un an dans une zone de 100 kilomètres de toutes agences FGI ou franchisées existante ou à venir.

Attendu que s'il n'a pas été contesté que cette clause est justifiée, eu égard à la nature particulière de l'activité par les intérêts légitimes de l'entreprise et s'il est acquis qu'elle est limitée dans le temps dans des conditions non excessives, il ne peut être disconvenu que cette clause est particulièrement imprécise quant à sa délimitation géographique et qu'elle n'assure au salarié aucune prévisibilité.

Attendu qu'en effet, elle vise une zone (rayonä ou diamètreä) de 100 kilomètres autour des agences existantes, mais également à venir...

Attendu que cette formule qui donne à l'employeur une entière latitude (encore aggravée par le fait que l'interdiction peut concerner une agence franchisée) quant à la détermination géographique de la zone d'interdiction et interdit au salarié en fait de connaître avec précision le lieu dans lequel il pourra exercer son activité sans violer la clause.

Attendu que conscient de la faiblesse de sa position, le conseil de la Société Agence FGI soutient que cette zone d'interdiction ne

concernait que les agences existantes au jour de la rupture et que la formule "à venir" visait les créations d'agences au cours de l'exécution du contrat.

Mais attendu que cette affirmation ingénieuse aurait mérité d'être appuyée par une prise de position officielle de la Société Agence FGI à l'occasion de la rupture et par une définition précise à cette occasion des zones "interdites" ; que force est de constater qu'elle n'en a rien fait et ce malgré les demandes du salarié.

Attendu qu'une clause de non concurrence, qui porte atteinte au droit fondamental du salarié d'exercer la profession qui est la sienne ne peut être admise que si elle est parfaitement déterminée et circonscrite dans l'espace et non soumise à la libre appréciation de l'employeur.

Attendu qu'au cas particulier, la rédaction de la clause ne permet pas de déterminer quelle est la portée géographique de l'interdiction et elle apporte dès lors au droit de Monsieur C d'exercer sa profession une atteinte disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes qu'elle entend défendre.

Attendu que dès lors, il convient de prononcer la nullité de la clause litigieuse.

Attendu qu'il n'est pas discuté que Monsieur C a respecté à la lettre l'interdiction qui lui avait été imposée par la clause dont la nullité vient d'être retenue.

Attendu que ce constat justifie partiellement sa demande en dommages et intérêts.

Attendu qu'une somme de 40 000 Francs est de nature à réparer le préjudice qu'il a subi.

Attendu que le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les autres demandes

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Attendu que chacune des parties succombant, les dépens seront partagés par moitié entre elles.

Attendu que la prise en considération de la situation économique respective des parties et l'équité imposent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C. PAR CES MOTIFS La COUR, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré ; Reçoit les appels réguliers en la forme. Réformant le jugement, prononce la nullité de la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de Monsieur C et condamne la Société Agence F à lui payer la somme de QUARANTE MILLE FRANCS (40 000 Francs) soit 6 097,96 à titre de dommages et intérêts. Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions. Déboute les parties de toutes leurs autres demandes. Fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties. Fait en la Cour d'Appel de BOURGES, les jour, mois et an tels que susdits. En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Monsieur MALLARD Président et Madame DUCHET Greffier.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

A. DUCHET

M. MALLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-1956
Date de la décision : 04/05/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Clause de non-concurrence - Validité - Appréciation - Cadre - Détermination - /

Toute clause de non-concurrence, qui est une clause restrictive de la liberté du travail du salarié doit respecter un impératif de prévisibilité et ne supporter aucune équivoque dans sa délimitation géographique.Elle doit proscrire toute formule qui donne à l'employeur une entière latitude quant à la détermination géographique de la zone d'interdiction et qui interdit au salarié en fait de connaître avec précision le lieu dans lequel il pourra exercer son activité sans violer la clause.Toute formulation imprécise apporte au droit du salarié d'exercer sa profession une atteinte disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes que la clause entend défendre


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bourges;arret;2001-05-04;00.1956 ?
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