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23/03/2001 | FRANCE | N°00/01747

France | France, Cour d'appel de bourges, Chambre sociale, 23 mars 2001, 00/01747


Par jugement en date du 10 octobre 2000, le Conseil de Prud'hommes de CHATEAUROUX a condamné la Société M à payer à son ex salariée Madame X... la somme de 41 448, 90 Francs à titre de dommages et intérêts par application de l'article L.122-14-4 du Code du travail et a assorti sa décision de l'exécution provisoire, tout en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes.

Le 24 octobre 2000, la Société M a relevé appel de cette décision, dont elle sollicite de la Cour la réformation en ce qu'elle a fait droit aux demandes de son adversaire.

Elle fait valoi

r en effet que c'est à tort et par des motifs dépourvus de pertinence que le...

Par jugement en date du 10 octobre 2000, le Conseil de Prud'hommes de CHATEAUROUX a condamné la Société M à payer à son ex salariée Madame X... la somme de 41 448, 90 Francs à titre de dommages et intérêts par application de l'article L.122-14-4 du Code du travail et a assorti sa décision de l'exécution provisoire, tout en déboutant les parties de toutes leurs autres demandes.

Le 24 octobre 2000, la Société M a relevé appel de cette décision, dont elle sollicite de la Cour la réformation en ce qu'elle a fait droit aux demandes de son adversaire.

Elle fait valoir en effet que c'est à tort et par des motifs dépourvus de pertinence que les premiers juges ont estimé que la demande de Madame X... était fondée.

Elle fait remarquer que :

* Madame X... a reconnu devant les premiers juges que son contrat de travail initial avait été rompu dès le 7 janvier 2000, soit avant l'expiration de la période d'essai.

* que cette intention des parties était attestée au surplus par un témoignage indiscutable.

* face au désarroi de Madame X..., elle a accepté de lui consentir un nouveau contrat, tout à fait différent du premier que ce soit quant à la durée du travail ou quant aux fonctions exercées.

* en raison de la différence de fonctions, elle a été conduite à faire figurer une période d'essai, à l'évidence indispensable, eu égard à la qualité de la prestation de travail de Madame X...

* elle a rompu ce deuxième contrat de travail avant l'expiration de ladite période.

Elle demande en conséquence à la Cour plutôt que de s'arrêter aux termes à l'évidence maladroits de certains de ses écrits, de prendre en compte la commune intention des parties qui était après la rupture

du 7 janvier 2000 de conclure un nouveau contrat de travail incluant une période d'essai.

A titre principal, elle conclut dès lors au débouté de toutes les prétentions de Madame X...

A titre subsidiaire, elle soutient que la très faible ancienneté de Madame X... doit conduire la Cour à écarter la demande tendant à l'allocation d'une indemnité qui serait égale à six mois de salaires, d'une part en raison de la disproportion entre celle-ci et les salaires effectivement perçus et d'autre part en raison des termes d'une décision bien connue de la Cour de Cassation ; elle estime que dés lors, le montant de l'indemnité pouvant revenir à Madame X... ne saurait être supérieur à 13 816, 30 Francs (montant des salaires perçus).

Elle invite la Cour à lui allouer la somme de 7 000 Francs par application de l'article 700 du N.C.P.C.

Madame X... réplique que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions, car il a à très juste titre retenu que la rupture de son contrat de travail était intervenue à l'évidence après l'expiration de la période d'essai.

Elle ajoute que la thèse de la Société M selon laquelle les parties auraient été liées successivement par deux contrats de travail distincts ne résiste pas à l'examen, lorsque sont pris en compte les propres écrits de l'employeur et elle note qu'en tout état de cause, ses attributions étaient similaires, ce qui excluait l'insertion d'une nouvelle période d'essai.

Arguant du caractère abusif de l'appel et du refus de la Société M d'exécuter le jugement pourtant assorti de l'exécution provisoire, elle invite la Cour à condamner celle-ci à lui payer la somme de 10 000 Francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Attendu qu'il convient de se référer pour un exposé complet des faits

et plus ample des moyens et prétentions des parties aux énonciations du premier jugement et aux écritures en cause d'appel oralement développées.

Sur la légitimité de la rupture

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Attendu que si la Société M fait grand cas des dires de Madame X... devant le Conseil de Prud'hommes, elle ne saurait avoir oublié que l'ensemble des autres éléments de la procédure démontre que ceux-ci ne sont pas déterminants.

Attendu qu'en effet, même si la Société M a rompu le contrat de travail initial dès le 7 janvier 2000, il ne peut être disconvenu que l'ensemble des autres éléments établit qu'en réalité, elle a rapporté cette mesure à la demande de la salariée.

Attendu qu'en premier lieu, il ressort du document qualifié "transformation de CDI à temps complet en CDI à temps partiel" signé par les deux parties que l'employeur a entendu, non pas soumettre à l'approbation de Madame X... un nouveau contrat, mais une simple modification du contrat qui était le sien ; que cette constatation est confirmée par l'insertion dans cet avenant au contrat initial de la clause indiquant que l'ensemble des autres conditions demeurait applicable... , étant observé que les termes même utilisés (contrat initial) et l'insertion de la clause interdisent à la Société M de soutenir avec sérieux qu'elle avait utilisé un "contrat type".

Attendu qu'en deuxième lieu, l'examen du bulletin de paie du mois de janvier 2000 permet de constater et ce sans la moindre équivoque qu'il n'y a pas eu rupture effective du contrat de travail initial ; qu'en effet, s'il en avait été ainsi, l'employeur aurait établi deux bulletins de paie différents ou à tout le moins fait apparaître les deux périodes d'activité distinctes.

Attendu qu'en troisième lieu, le bulletin de paie comporte des

mentions quant aux horaires effectués incompatibles avec les dispositions contractuelles et avec l'affirmation d'une rupture au 7 janvier 2000.

Attendu qu'en dernier lieu, le certificat de travail met en évidence une période d'activité sans interruption du 8 décembre 1999 au 6 février 2000, ce qui ruine encore une fois ses affirmations quant à une prétendue rupture intervenue le 7 janvier 2000 ; attendu qu'en effet, s'il en avait été ainsi, le certificat de travail aurait dû faire apparaître une première période d'activité du 8 décembre 1999 au 7 janvier 2000, puis une seconde période d'activité du 8 janvier 2000 au 6 février 2000, faisant apparaître les emplois occupés.

Attendu que dès lors, il doit être constaté qu'à la date de la rupture du contrat de travail de Madame X..., la période d'essai, qui ne pouvait être que d'une durée de un mois et qui avait commencé à courir dès le 8 décembre 1999 était expirée, la nouvelle période fixée ultérieurement dans le cadre de la modification du contrat étant dépourvue de toute efficacité.

Attendu qu'en conséquence, pour pouvoir mettre fin au contrat de travail, la Société M devait mettre en place la procédure de licenciement prévue par les articles L.122-14-1 et suivants du Code du travail et énoncer dans la lettre de rupture des motifs répondant aux exigences de l'article L.122-14-3 du Code du travail.

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'elle a cru pouvoir s'affranchir du respect de ces deux obligations.

Attendu que dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté que le licenciement de Madame X... ne répondait pas aux exigences de l'article L.122-14-3 du Code du Travail.

Attendu que le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation de Madame X...

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Attendu que la Société M demande à la Cour de dire que l'indemnisation due à Madame X... ne saurait excéder le montant des salaires effectivement perçus par elle durant sa période de travail. Mais attendu que cette prétention ne saurait être admise, car d'une part elle bafoue certains principes généraux et car d'autre part, elle procède d'une analyse erronée des termes des articles L.122-14-4 et L.122-14-5 du Code du travail.

Attendu qu'en premier lieu, retenir la thèse de la Société M reviendrait d'une part à limiter le pouvoir d'appréciation du juge prud'homal quant à l'importance du préjudice subi par le salarié, qui peut être dans certaines hypothèses très largement supérieur à la rémunération qui a été la sienne, d'autre part à ignorer le principe inhérent au droit de la responsabilité (et l'indemnisation d'un licenciement abusif en ressort) qui consiste à réparer l'intégralité du préjudice subi, tout en créant de manière artificielle une limitation non prévue par un quelconque texte et enfin à traiter d'une manière plus défavorable le salarié victime d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qui de plus n'a pu bénéficier d'une assistance extérieure au cours de l'entretien préalable que le salarié victime d'un simple licenciement sans cause réelle et sérieuse qui en ce qui le concerne bénéficiera de l'indemnisation intégrale du préjudice dont il pourra justifier et ce sans la moindre limitation.

Attendu que de plus, la thèse de la Société M repose sur une analyse erronée des textes.

Attendu qu'en effet, il est acquis que lorsqu'un salarié fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la suite d'une procédure de licenciement au cours de laquelle il a été privé de la possibilité de se faire assister au cours de l'entretien préalable

par un conseiller extérieur, il doit bénéficier, quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise, des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du travail et ce par exception au régime d'indemnisation de l'article L.122-14-5.

Attendu que l'article L.122-14-4 précité dispose que l'indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Attendu que lorsque le salarié a travaillé pendant moins de six mois, il convient de prendre en compte les salaires effectivement perçus ou les salaires auxquels il aurait pu légitimement prétendre au titre de l'exécution du contrat.

Attendu qu'il ressort du rapprochement des termes de la loi et de l'interprétation qu'en a donné la jurisprudence, que lorsque le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse et à la suite d'une procédure irrégulière, en raison de la privation de la possibilité d'assistance extérieure au cours de l'entretien préalable à moins de six mois d'ancienneté, il peut prétendre à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice subi, soumis à la libre appréciation du juge sans que celle-ci ne puisse être inférieure aux salaires effectivement perçus pendant la période de travail.

Attendu qu'au cas particulier, il est acquis que Madame X... a perçu pour les deux mois d'activité au profit de la Société M la somme de 13 816, 30 Francs ; que l'indemnité qui doit lui revenir ne saurait être inférieure à ce montant.

Attendu que la Cour, prenant en compte le préjudice effectivement subi par la salariée, dispose de suffisamment d'éléments d'appréciation pour fixer à 25 000 Francs le montant de l'indemnité devant être allouée à Madame X...

Attendu que le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les autres demandes.

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Attendu que Madame X... a formé une demande afin de voir condamner la Société M à lui verser des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Attendu que les prétentions de la Société M ayant été au terme du processus judiciaire au moins partiellement admises, il ne peut être sérieusement soutenu par Madame X... que la procédure engagée devant la Cour était manifestement abusive.

Attendu qu'en outre, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire, elle avait tous les moyens pour vaincre la mauvaise volonté de la Société M.

Attendu que dès lors, la demande sera rejetée.

Attendu que la Société M qui succombe en sa prétention principale supportera les dépens, ce qui prive de tout fondement sa demande au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

La COUR, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré ; Reçoit l'appel régulier en la forme. Confirme le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de Madame X... était sans cause réelle et sérieuse et au surplus irrégulier en la forme. Réformant pour le surplus, condamne la Société M à payer à Madame X... la somme de VINGT CINQ MILLE FRANCS (25 000 Francs) soit 3 811,23 à titre de dommages et intérêts par application de l'article L.122-14-4 du Code du travail. Déboute les parties de toutes leurs autres demandes. Condamne la Société M aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00/01747
Date de la décision : 23/03/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Défaut - Applications diverses.

Lorsqu'un salarié fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la suite d'une procédure de licenciement au cours de laquelle il a été privé de la possibilité de se faire assister au cours de l'entretien préalable par un conseiller extérieur, il doit bénéficier, quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du travail et ce par exception au régime d'indemnisation de l'article L.122-14-5 du même code

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Indemnités.

L'article L.122-14-4 du Code du travail précité dispose que l'indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, il en résulte que lorsque un salarié a travaillé pendant moins de six mois, il convient de prendre en compte les salaires effectivement perçus ou les salaires auxquels il aurait pu légitimement prétendre au titre de l'exécution du contrat


Références :

Articles L 122-14-4 et L 122-14-5 du Code du travail

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bourges;arret;2001-03-23;00.01747 ?
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