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26/01/2001 | FRANCE | N°00/01433

France | France, Cour d'appel de bourges, Chambre sociale, 26 janvier 2001, 00/01433


Par jugement en date du 13 juillet 2000, le Conseil de Prud'hommes de NEVERS, après avoir alloué à Monsieur X... la somme de 1 800 Francs à titre de primes d'objectifs l'a débouté de toutes les autres demandes qu'il avait formées à l'encontre de son ancien employeur Monsieur Y....

Le 10 août 2000, Monsieur X... a relevé appel de cette décision, dont il sollicite de la Cour la réformation en ce qu'elle n'a pas fait droit à ses légitimes demandes.

Il soutient en effet que c'est à tort et par des motifs dépourvus de pertinence que les premiers juges ont estimé que

son licenciement procédait d'un motif réel et sérieux, alors qu'un examen a...

Par jugement en date du 13 juillet 2000, le Conseil de Prud'hommes de NEVERS, après avoir alloué à Monsieur X... la somme de 1 800 Francs à titre de primes d'objectifs l'a débouté de toutes les autres demandes qu'il avait formées à l'encontre de son ancien employeur Monsieur Y....

Le 10 août 2000, Monsieur X... a relevé appel de cette décision, dont il sollicite de la Cour la réformation en ce qu'elle n'a pas fait droit à ses légitimes demandes.

Il soutient en effet que c'est à tort et par des motifs dépourvus de pertinence que les premiers juges ont estimé que son licenciement procédait d'un motif réel et sérieux, alors qu'un examen attentif de la situation démontre qu'il a eu face à un problème mécanique une réaction normale et que d'autre part son congédiement fait double emploi avec la mesure de rétrogradation prise à son encontre, dont il ne peut être discuté sérieusement qu'il s'agissait d'une sanction.

Il revendique en réparation du préjudice subi une somme de 95 000 Francs.

Il reprend sa demande au titre des heures supplémentaires, faisant valoir la vanité de la motivation du jugement et sollicite la somme de 4 027, 05 Francs, outre les congés payés correspondants.

Il réclame aussi un complément de congés payés pour une somme de 2 720, 70 Francs, soutenant que son employeur a imputé sur ses congés payés les jours fériés.

Il conclut à la confirmation du jugement qui a admis sa demande au titre de la prime d'objectifs et il revendique enfin l'allocation de la somme de 8 000 Francs au titre des frais irrépétibles engagés.

Monsieur Y... réplique que le jugement doit être confirmé, car il a à fort juste titre mis en évidence que les prétentions de Monsieur X... étaient dépourvues du moindre fondement.

Il fait valoir que la réalité et la gravité de la faute commise par Monsieur X... ne peuvent être discutées au vu de l'étude du rapport d'expertise et de l'analyse du disque de contrôle; il ajoute que la faute de Monsieur X... a eu de très graves conséquences financières pour son entreprise et a entraîné une perturbation fort importante à l'occasion d'une période de pleine activité.

Il approuve également les premiers juges d'avoir écarté la demande en paiement de prétendues heures supplémentaires, soutenant que le salarié ne rapporte pas la preuve de l'existence de celles-ci et d'avoir rejeté la demande au titre des congés payés, car les prétentions de Monsieur X... sont contraires au décompte produit et qui établit la réalité du bénéfice de l'intégralité des congés payés.

Se portant appelant incident, il invite la Cour à débouter Monsieur X... de sa demande au titre de la prime d'objectifs, faisant valoir que c'est en raison de la faute commise et de l'interdiction qui lui a été faite de conduire un camion qu'aucune prime d'objectifs ne lui a été versée.

Il invite la Cour à lui allouer la somme de 20 000 Francs par application de l'article 700 du N.C.P.C.

SUR QUOI LA COUR:

Attendu qu'il convient de se référer pour un exposé complet des faits et plus ample des moyens et prétentions des parties aux énonciations du premier jugement et aux écritures en cause d'appel oralement développées.

Sur le licenciement.

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Attendu que si l'appelant dénonce à juste titre certaines affirmations pour le moins discutable du jugement, il appartient à la Cour de rechercher si le comportement de Monsieur X... est

constitutif d'une faute justifiant la rupture de son contrat de travail.

Attendu que l'attitude procédurale de l'employeur ne manque pas de surprendre ; qu'en effet, il fait effectuer une expertise officieuse en dehors de la présence du salarié, puis après avoir organisé un entretien préalable, le fait inviter par le même expert à assister à une partie des opérations de celui-ci et procède à son licenciement sans attendre les résultats de l'expertise...

Attendu que de plus, il convient de rappeler que les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige et interdisent de faire état de faits postérieurs, ce qui rend sans la moindre portée toutes les considérations de l'employeur sur les faits relevés au cours de la deuxième expertise, dont les termes ont été connus de lui après le licenciement.

Attendu que la réalité de l'incident mécanique et de ses conséquences ne sont pas discutées, ni au demeurant discutables.

Attendu que la survenance d'un tel événement est par hypothèse imprévisible même pour un professionnel qualifié ; que face à celui-ci, un tel professionnel a l'obligation de prendre les mesures de sauvetage qui s'imposent et en particulier de s'arrêter.

Attendu que sans s'attarder aux affirmations quelque peu surprenantes du premier juge, qui dénaturent les faits et les témoignages, il s'avère que le temps de réaction de Monsieur X... a été inférieur à deux minutes.

Attendu qu'il a pu affirmer sans être efficacement démenti - la production de photographies prises unilatéralement par l'employeur étant pour le moins peu probante - que ce temps lui avait été nécessaire pour trouver un endroit adéquat pour stationner son camion ; que cette affirmation peut être retenue, lorsqu'il est constaté que l'incident s'est produit sur une route fréquentée et que le salarié

ne pouvait stationner son camion n'importe où sans le moindre égard pour les autres usagers.

Attendu que dés lors, Monsieur X..., face à une situation imprévisible a adopté un comportement normal et aucun manquement à ses obligations ne saurait lui être reproché.

Attendu qu'en outre, si le premier juge a cru pouvoir écarter d'un trait de plume le débat relatif à l'existence d'une double sanction, il ne peut être oublié que l'employeur a précisé sans la moindre équivoque devant la Cour que la décision d'interdiction de conduire les camions avait été prise à l'encontre de Monsieur X... à la suite de l'incident.

Attendu qu'à l'évidence, il s'agit d'une première sanction, dont il est acquis qu'elle a des incidences financières, puisque selon les propres dires de l'employeur elle prive le salarié de la prime d'objectifs qui était la sienne.

Attendu que la prise d'une telle sanction, à la supposer conforme à la loi interdisait à l'employeur de prendre une sanction aggravée, alors que s'il avait un doute, il lui appartenait de prononcer une mesure de mise à pied conservatoire

Attendu que dés lors, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le licenciement de Monsieur X... répondait aux exigences de l'article L.122-14-3 du Code du Travail.

Attendu que le jugement sera réformé en ce sens.

Attendu que la Cour, en prenant en compte l'ancienneté du salarié et les difficultés rencontrées pour retrouver un emploi peut évaluer, au vu des éléments produits et débattus devant elle à 40 000 Francs le préjudice subi par Monsieur X... du fait de la rupture abusive de son contrat de travail.

Sur les autres demandes.

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Attendu que vis à vis de la demande au titre des heures supplémentaires, le jugement n'a pas pris en compte les dispositions légales, même s'il y fait expressément référence ; qu'en effet, pour rejeter la demande du salarié, il se contente de mettre en cause le caractère probant des éléments produits par le salarié et ce faisant, il met à sa charge la démonstration de la réalité des heures supplémentaires.

Attendu que la Cour en prenant en compte l'ensemble des éléments produits par les parties et alors qu'aucune mesure d'instruction ne saurait avec efficacité être ordonnée constate qu'elle est dans l'impossibilité de retenir que des heures supplémentaires aient été réalisées.

Attendu qu'il convient en conséquence de débouter Monsieur X... de sa demande à ce titre.

Attendu que vis à vis de la demande au titre des congés payés, le premier juge a justement écarté celle-ci ; qu'en cause d'appel, l'argumentation de l'appelant ne lui permet pas de remettre en cause cette légitime appréciation.

Attendu que vis à vis de la prime d'objectif, il ne peut être sérieusement contesté que suite à l'incident dont il a été question, Monsieur X... a fait l'objet d'une rétrogradation et d'un confinement à des tâches de quai ; qu'il s'agit à l'évidence d'une modification de son contrat, entraînant une perte de rémunération ; que celle-ci serait-elle prononcée à titre disciplinaire, ce qui est le cas selon les propres écrits de l'employeur ne peut être mise en oeuvre qu'avec l'accord formel du salarié.

Attendu que faute d'un tel accord, qui ne peut résulter de la simple poursuite de la relation contractuelle, l'employeur est tenu de verser la rémunération initiale.

Attendu que dés lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné Monsieur Y... à payer une somme de 1 800 Francs.

Attendu que Monsieur Y..., qui succombe supportera les dépens, ce qui prive de tout fondement sa demande au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Attendu qu'il convient d'allouer à Monsieur X... la somme de 5 000 au titre des frais irrépétibles d'appel

PAR CES MOTIFS:

La COUR, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré ; Reçoit les appels réguliers en la forme.

Réformant le jugement, condamne Monsieur Y... à payer à Monsieur X... la somme de QUARANTE MILLE FRANCS (40 000 Francs) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions.

Y ajoutant,

Condamne Monsieur Y... à payer à Monsieur X... la somme de CINQ MILLE FRANCS (5 000 Francs) par application de l'article 700 du N.C.P.C. devant la Cour.

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamne Monsieur Y... aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00/01433
Date de la décision : 26/01/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Modification du contrat de travail - Applications diverses

Une rétrogradation entraînant de plus une perte de rémunération constitue une modification du contrat, qui même si elle est prononcée à titre disciplinaire ne peut être mise en oeuvre qu'avec l'accord formel du salarié. Faute d'un tel accord, qui ne peut résulter de la simple poursuite de la relation contractuelle, l'employeur est tenu de verser la rémunération initiale


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bourges;arret;2001-01-26;00.01433 ?
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