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26/01/2001 | FRANCE | N°00/01333

France | France, Cour d'appel de bourges, Chambre sociale, 26 janvier 2001, 00/01333


Par jugement en date du 20 juin 2000, le Conseil de Prud'hommes de NEVERS a condamné la société JACQUET 2000 à payer à ses ex salariés les sommes de : * 66 895 Francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour Monsieur X... ; * 66 271 Francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour Monsieur Y... ; * 59 611 Francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour Monsieur Z... ; * 61 147 Francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cau

se réelle et sérieuse pour Monsieur A... * 500 Francs à chacun d'entre ...

Par jugement en date du 20 juin 2000, le Conseil de Prud'hommes de NEVERS a condamné la société JACQUET 2000 à payer à ses ex salariés les sommes de : * 66 895 Francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour Monsieur X... ; * 66 271 Francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour Monsieur Y... ; * 59 611 Francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour Monsieur Z... ; * 61 147 Francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour Monsieur A... * 500 Francs à chacun d'entre eux par application de l'article 700 du N.C.P.C.

La même décision a de plus ordonné à la société JACQUET 2000 de rembourser les indemnités chômage servies aux 4 salariés concernés dans la limite des textes en vigueur.

Le 12 juillet 2000, la société JACQUET 2000 a relevé appel de cette décision, dont elle sollicite de la Cour la réformation en ce qu'elle a fait droit aux demandes de ses adversaires.

Elle fait valoir en effet que c'est à tort et par des motifs dépourvus de pertinence que les premiers juges ont estimé que les licenciements prononcés ne procédaient pas d'un motif économique réel et sérieux, alors qu'une étude attentive de la situation de l'entreprise et des pièces produites démontre sans la moindre équivoque que la mesure d'externalisation des activités de maintenance répondait à une nécessité incontestable, comme l'établit sans le moindre doute l'examen des documents comptables.

Elle ajoute qu'il ne saurait avec sérieux lui être reproché de ne pas avoir procédé à l'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois, alors que suivre la position des premiers juges reviendrait à consacrer la totalité du budget de formation à un service dont les

effectifs ne représentent que 10 % des salariés.

Elle note en outre que la réalité des efforts de reclassement par elle entrepris n'est pas discutable, alors qu'elle a organisé pour chacun des 4 salariés une possibilité de reclassement au sein de la société ELYO à laquelle elle allait sous traiter les activités de maintenance ; elle fait valoir que ces propositions assuraient aux salariés d'une part la poursuite de leurs activités habituelles, d'autre part le maintien de leur emploi à Clamecy, mais également une augmentation conséquente de leurs rémunérations et que néanmoins, lesdites propositions ont été refusées pour des motifs divers mais non déterminants. Elle relève enfin qu'il est surprenant de faire référence aux dispositions du plan social d'un autre établissement, alors que celui-ci a été établi plusieurs mois après le licenciement contesté.

Elle invite en conséquence la Cour à constater que les licenciements prononcés procèdent d'une cause réelle et sérieuse. Elle demande de plus à la Cour de constater l'irrecevabilité des demandes de l'ASSEDIC de Bourgogne, non représentée à l'audience et à toute le moins de la débouter de toutes ses prétentions, faute pour cette dernière de justifier efficacement et autrement que par ses seules affirmations du montant des allocations chômage servies.

Elle invite la Cour à condamner chacun des intimés à lui payer la somme de 5 000 Francs par application de l'article 700 du N.C.P.C.

Les quatre salariés concernés répliquent que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions car il a à très juste titre retenu que leur licenciement ne procédait d'aucun motif réel et sérieux.

Ils soutiennent en effet que la simple lecture des lettres de licenciements démontre que la mesure prise à leur égard répond à la simple volonté de réaliser des économies, sans faire état de

difficultés financières particulières.

Ils ajoutent qu'il est établi que la société JACQUET 2000 n'a à aucun moment assuré leur adaptation à l'évolution de leurs emplois, alors qu'elle avait l'obligation de préparer les salariés à leur reclassement, comme l'attestent les termes de la lettre de licenciement.

Enfin, ils font observer que l'employeur n'a effectué aucune tentative sérieuse de reclassement, relevant que la proposition effectuée par la société ELYO l'a été après le licenciement et qu'elle ne saurait être retenue comme une tentative efficace, alors que le reclassement interne doit être tenté prioritairement.

Ils relèvent enfin que de telles possibilités de reclassement internes existaient comme l'attestent les termes du plan social établi à Evry et qu'un plan social aurait du être établi.

Ils revendiquent pour chacun d'entre eux l'application à leur profit des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C. jusqu'à concurrence de 2 500 Francs.

L'ASSEDIC de la Région BOURGOGNE intervient aux débats et invite la Cour, si elle estimait que le licenciement de Messieurs Z... et Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse de condamner la société JACQUET 2000 à lui rembourser dans la limite fixée par la loi le montant des allocations chômage servies à tous les deux, soit 8 688 Francs (pour Monsieur Z...) et soit 9 067, 96 Francs (pour Monsieur Y...). SUR QUOI LA COUR:

Attendu qu'il convient de se référer pour un exposé complet des faits et plus ample des moyens et prétentions des parties aux énonciations du premier jugement et aux écritures en cause d'appel oralement développées.

Sur la recevabilité des demandes de l'ASSEDIC

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Attendu qu'à supposer que l'argumentation de l'appelante ait une quelconque portée pratique, dés lors que l'article L.122-14-4 du Code du Travail impose à la juridiction d'ordonner d'office dans les limites que ce texte fixe, le remboursement aux organismes concernés, en clair à l'ASSEDIC des allocations chômage si le salarié a plus de deux ans d'ancienneté et si l'entreprise occupait au jour de la rupture plus de dix salariés, elle est au surplus mal fondée.

Attendu qu'en effet, s'il est constant que lorsque la Cour a constaté que l'affaire était en état d'être plaidée, le conseil de l'ASSEDIC n'était plus présent à la barre, il ne saurait être oublié les développements précédents qui établissent la comparution régulière de l'intervenante.

Attendu qu'à l'appel des causes effectué en début d'audience et à l'heure à laquelle chacune des parties étaient convoquées, la Cour a pu constater la présence outre des intimés et de leur conseil, la présence aux débats de l'avocat de l'ASSEDIC, mais également l'absence du conseil de l'appelante.

Attendu que le retard de celui-ci étant d'une durée plus que raisonnable (environ 2 heures), le conseil de l'ASSEDIC, arguant des contraintes d'autres audiences a demandé à la Cour de retenir le dossier et de pouvoir lui soumettre les prétentions de l'ASSEDIC, ce qui a été accepté.

Attendu que dés lors, il ne saurait avec efficacité être soutenu que l'ASSEDIC n'a pas comparu selon les règles de la procédure orale, alors qu'elle était présente à l'appel des causes et que son conseil a remis à la Cour son dossier, ne souhaitant ou ne pouvant plus attendre le bon vouloir de son adversaire.

Attendu que la remise à la Cour par un conseil du dossier de son client répond aux exigences de comparution personnelle et de représentation régulière, peu important qu'au moment de la remise,

son adversaire qui a pris quelque liberté avec les horaires de l'audience soit absent.

Attendu que la fin de non recevoir présentée ne saurait être admise. Sur la légitimité des licenciements.

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Attendu que sans s'attarder outre mesure sur la maladresse insigne de la lettre de licenciement, qui semble ignorer qu'un licenciement pour motif économique ne saurait être décidé parce que le service englobant les emplois concernés "coûte de l'argent" et que la réorganisation mise en oeuvre ne saurait être justifiée par la volonté de "maintenir la compétitivité" alors que seule la démonstration de la nécessaire sauvegarde de la compétitivité peut justifier une réorganisation, la Cour dans une approche bienveillante peut admettre que la lettre de licenciement énonce tant l'élément matériel inhérent à tout licenciement économique (la suppression des emplois) que l'élément causal (la réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité).

Attendu que les premiers juges ont justement mis en évidence que si la situation économique de la société JACQUET 2000 n'était pas des plus florissantes, il lui aurait appartenu d'établir au-delà de ses seules affirmations, certes péremptoires, que l'externalisation du service "maintenance" était indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité.

Que force est de constater que les quelques éléments énoncés dans le troisième paragraphe de la lettre de licenciement sont tout à fait insuffisants pour faire une telle démonstration et que devant la Cour, il n'est produit aucun élément susceptible de conforter les affirmations contenues dans la lettre de rupture.

Attendu qu'en outre, les premiers juges reprenant à leur compte les

affirmations de l'employeur quant à la justification de la réorganisation par sa volonté d'avoir à sa disposition un personnel formé aux nouvelles technologies, ont justement rappelé que la société JACQUET 2000, tenue d'exécuter de bonne foi les contrats de travail, était débitrice d'une obligation d'adaptation de ses salariés à l'évolution de leurs postes de travail.

Attendu qu'avec pertinence, ils ont constaté que la société JACQUET 2000 n'avait pas cru devoir prendre en compte cette obligation, ce qu'elle admet dans ses écritures d'appel, tout en faisant valoir qu'une telle formation n'était pas possible en raison de son coût (la totalité du budget formation..., page 8 des écritures d'appel).

Mais attendu qu'à supposer que cette affirmation soit vraisemblable, en raison de la faiblesse des effectifs du service maintenance, un tel argument ne saurait exonérer l'employeur de ses obligations, sauf à vider de tout sens le devoir d'adaptation des salariés à l'évolution de leurs emplois.

Attendu qu'enfin, si la société JACQUET 2000 fait à juste titre référence aux propositions de reclassement externe dont les intimés ont été destinataires et qui eu égard à la date à laquelle elles ont été faites auraient pu être retenues comme répondant à l'obligation de reclassement, il ne saurait être oublié que les tentatives de reclassement doivent être prioritairement effectuées au sein de l'entreprise, puis au sein du groupe auquel appartient l'employeur et que le reclassement externe ne peut intervenir que lorsque toutes les possibilités de reclassement interne à l'entreprise puis au groupe ont été explorées et sont révélées vaines.

Or attendu que le Conseil de Prud'hommes a fort justement constaté que la société JACQUET 2000 avait cru devoir de se contenter de formuler une proposition de reclassement externe, sans effectuer la moindre recherche de reclassement interne au sein de l'entreprise ou

au sein du groupe.

Attendu que de plus, l'existence de postes disponibles au sein de la société JACQUET 2000 ressort des termes mêmes du plan social qu'elle a mis en oeuvre au sein de l'usine d'Evry.

Attendu qu'en effet, ce plan proposé au début du mois de février 2000 met en évidence des possibilités de reclassement sur le site de Clamecy, où étaient employés les intimés.

Attendu que certes, la société JACQUET 2000 fait valoir que ce plan social a été adopté postérieurement au licenciement des 4 salariés ; mais attendu que le simple rapprochement de la date des licenciements (5 novembre 1999) et la date figurant sur le plan social (février 2000) démontre qu'à la date du 5 novembre 1999, il existait des possibilités de reclassement interne, quant son pris en compte les délais d'établissement et de concrétisation d'un plan social.

Attendu que plus, il ressort d'un document établi par la direction des ressources humaines du groupe Limagrain, auquel appartient la société JACQUET 2000 que de nombreux postes étaient disponibles et qu'à aucun moment, il n'a été, même envisagé d'envisager de les proposer aux salariés licenciés.

Attendu que le non respect par l'employeur de son obligation de reclassement fait perdre au licenciement prononcé tout caractère réel et sérieux.

Attendu que dés lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont constaté que le licenciement des 4 salariés intimés ne répondait pas aux exigences de l'article L.122-14-3 du Code du Travail.

Attendu que le jugement sera confirmé de ce chef.

Attendu que le Conseil de Prud'hommes, en prenant en compte l'ancienneté des salariés et les difficultés rencontrées pour retrouver un emploi a justement apprécié le préjudice subi par ceux-ci du fait de la rupture abusive de leurs contrats de travail.

Attendu que de ce chef également, le jugement sera confirmé.

Sur les demandes de l'ASSEDIC.

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Attendu que la société JACQUET 2000 occupait plus de 10 salariés au jour de la rupture et que tant Monsieur Y... que Monsieur Z... pouvaient justifier de plus de deux ans d'ancienneté au service de l'appelante ; que dés lors, les dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du Travail doivent recevoir application, puisque la Cour a retenu que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse.

Attendu que les pièces produites par l'intervenante et à l'encontre desquelles aucune critique sérieuse n'est formulée et qui ne prennent en compte qu'une durée très limitée d'indemnisation justifient les demandes formées.

Attendu qu'en conséquence, la société JACQUET 2000 sera condamnée à rembourser à l'ASSEDIC de BOURGOGNE la somme de 9 067, 96 Francs (allocations chômage servies à Monsieur Y...) et de 8 688, 68 Francs (allocations chômage servies à Monsieur Z...)

Sur les autres demandes.

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Attendu que la société JACQUET 2000 qui succombe supportera les dépens, ce qui prive de tout fondement sa demande au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

Attendu qu'il convient d'allouer à chacun des intimés au titre des frais irrépétibles d'appel la somme de 1 500 Francs, la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges étant confirmée. PAR CES MOTIFS:

La COUR, statuant en matière sociale, publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré ; Reçoit l'appel régulier en la forme.

Confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la société JACQUET 2000 à rembourser à l'ASSEDIC de la Région BOURGOGNE au titre des allocations chômage servies à Monsieur Y... et à Monsieur Z... les sommes de 9 067, 96 Francs et de 8 688, 68 Francs.

Condamne la société JACQUET 2000 à payer à chacun des quatre intimés la somme de MILLE CINQ CENT FRANCS (1 500 Francs) par application de l'article 700 du N.C.P.C. devant la Cour.

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes. Condamne la société JACQUET 2000 aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00/01333
Date de la décision : 26/01/2001
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Reclassement - Obligation de l'employeur - Périmètre de l'obligation

Les tentatives de reclassement doivent être prioritairement effectuées au sein de l'entreprise, puis au sein du groupe auquel appartient l'employeur, le reclassement externe ne peut intervenir que lorsque toutes les possibilités de reclassement interne à l'entreprise puis au groupe ont été explorées et sont révélées vaines. Le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement fait perdre au licenciement prononcé tout caractère réel et sérieux


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bourges;arret;2001-01-26;00.01333 ?
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