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03/09/2024 | FRANCE | N°21/04564

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 03 septembre 2024, 21/04564


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 03 SEPTEMBRE 2024









N° RG 21/04564 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIM5







[Z] [K] épouse [X]



c/



[R] [G], décédé,



[T] [F] [M] [W] [G]

























Nature de la décision : AU FOND





























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 20/01002) suivant déclaration d'appel du 03 août 2021



APPELANTE :



[Z] [K] épouse [X]

née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 10]

de nationalité F...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 SEPTEMBRE 2024

N° RG 21/04564 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIM5

[Z] [K] épouse [X]

c/

[R] [G], décédé,

[T] [F] [M] [W] [G]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 20/01002) suivant déclaration d'appel du 03 août 2021

APPELANTE :

[Z] [K] épouse [X]

née le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 10]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

représentée par Maître LEBAILLIF substituant Maître Laetitia GARNAUD de la SELARL SOL GARNAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[R] [G] décédé le [Date décès 5] 2023 à [Localité 7]

né le [Date naissance 2] 1925 à [Localité 8]

INTERVENANTE :

[T] [F] [M] [W] [G], venant aux droits de [R] [G] décédé le [Date décès 5] 2023

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

représentés par Maître Sami FILFILI, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller,, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Paule POIREL, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE.

Mme [Z] [K] épouse [X] a été pendant près de 17 années la compagne du beau-fils de M. [R] [G].

Le 6 février 2006, M. [G] a vendu à Mme [X] sous forme de rente viagère un bien situé [Adresse 9] à [Localité 7], moyennant une rente mensuelle de 120 euros avec indexation annuelle.

Le 22 décembre 2017, sollicité par le conseiller financier de Mme [X] , M. [G] a accepté de lui remettre la somme de 40 000 euros.

Le 2 octobre 2019, M. [G] a demandé à Mme [X] le versement des arrérages dus et le remboursement du montant de 40 000 euros.

Par acte d'huissier du 29 janvier 2020, M. [G] a assigné Mme [X] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment d'obtenir le remboursement du prêt consenti le 22 décembre 2017 pour la somme de 40 000 euros.

Par jugement contradictoire du 20 juillet 2021 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- condamné Mme [X] à payer à M. [G] la somme de 40 000 euros,

- condamné Mme [X] à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné Mme [X] aux dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Mme [X] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 3 août 2021, en ce qu'il a :

- condamné Mme [X] à payer à M. [G] la somme de 40 000 euros,

- condamné Mme [X] à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné Mme [X] aux dépens de l'instance,

[R] [G] est décédé le [Date décès 5] 2023.

Par dernières conclusions déposées le 16 mars 2022, Mme [X] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la présente action,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence, statuant à nouveau,

- déclarer que Mme [X] a reçu le 22 décembre 2017 la somme de 40 000 euros de M. [G] en exécution d'un don manuel,

- déclarer en conséquence qu'aucune restitution n'est due par Mme [X] à M. [G] de ce chef,

- débouter M. [G] de toutes demandes, fins et conclusions à l'endroit de Mme [X],

- donner acte à Mme [X] de ce qu'elle renonce à solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive et diffamante,

- condamner le même au paiement au profit de Mme [X] d'une somme de 3 000

euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [G] aux entiers dépens d'instance et d'appel dont distraction faite au profit de la SELARL Sol-Garnaud sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées le 8 février 2024, Mme [T] [G], intervenue volontairement à la procédure, demande à la cour de :

- juger que Mme [G], venant aux droits de [R] [G] est recevable et bien fondé en toutes ses prétentions,

- donner acte à Mme [G] de la reprise de l'instance en cours ès qualité d'héritière unique de [R] [G] décédé le [Date décès 5] 2023,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 20 juillet 2021 (RG n°20/01002) en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- condamner Mme [X] à rembourser à Mme [G], venant aux droits de [R] [G] décédé le [Date décès 5] 2023, le prêt consenti par [R] [G] le 22 décembre 2017 pour la somme de 40 000 euros,

- rejeter comme étant infondées l'ensemble des prétentions, fins et conclusions présentées par Mme [X],

- condamner Mme [X] à payer à Mme [G] venant aux droits de [R] [G] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont présent acte.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 13 mai 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

A titre liminaire sur l'intervention volontaire et la reprise d'instance par Mme [G] au lieu et place de M. [R] [G], la cour constate qu'il est versé non seulement copie de l'acte de décès de ce dernier au [Date décès 5] 2023, mais également une attestation notariée de dévolution successorale en date du 10 janvier 2024 mentionnant que Mme [T] [G] est seule héritière de l'intéressé (pièces 10 et 11 de cette partie).

Il sera donc constaté d'une part que Mme [G] a un intérêt certain et direct à intervenir volontairement à la présente instance en application de l'article 554 du code de procédure civile, mais également une reprise volontaire d'instance au sens de l'article 373 du même code.

I Sur la demande de paiement de la somme de 40.000 €.

Mme [X], arguant de l'article 1353 du code civil, conteste la motivation des premiers juges qu'elle estime erronée, en particulier du fait de son interprétation des règles de droit en matière de preuve.

Elle souligne que son adversaire se prévaut d'un prêt, contrat qu'elle a constamment contesté et qu'il revient donc à M. [G] d'établir la preuve de l'existence d'un tel contrat.

Elle dénonce que le jugement attaqué fasse bénéficier à son adversaire une présomption de prêt et qu'il mette à sa charge la preuve d'une intention libérale de la part de la personne lui ayant remis les fonds.

Elle admet que l'intimé a remis en cause la qualification de don manuel, mais que le donataire bénéficie d'une présomption en ce sens au titre de l'article 2276 du code civil et qu'il ne lui appartient pas, comme l'ont fait les premiers juges, de prouver l'intention libérale au titre de l'opération litigieuse.

Elle rappelle que M. [G] a produit au soutien de ses prétentions uniquement un relevé de compte montrant un virement d'un montant de 40.000 € en sa faveur et deux courriers du conseil de son adversaire.

Elle en déduit que ces éléments sont insuffisants et que la réalité des allégations adverses n'est pas établie, ni n'a été vérifiée par la décision attaquée.

S'agissant de l'attestation du conseiller bancaire, elle remarque que celui-ci n'a pas conseillé à M. [G] d'effectuer le virement litigieux.

Elle met en avant que l'absence de relations familiales entre elle et le donateur n'exclut pas une intention libérale, retenant l'existence d'un don manuel en l'absence d'obligation de rembourser prévue, comme la mise en place d'un échéancier. Elle note également qu'aucun vice du consentement, vice dans la remise des fonds ou remise en cause du virement n'ont été avancés.

Elle se prévaut au contraire de ce qu'il est mentionné dans son intitulé du virement du 22 décembre 2017 qu'il s'agit d'une faveur à son égard, que celui-ci est intervenu deux jours avant Noël et qu'aucun remboursement n'a été réclamé pendant deux ans.

Elle expose que c'est suite à divers différends entre les parties intervenus lors de l'été 2019 que les demandes de remboursement ont été émises pour la première fois, alors qu'il existait des relations quasiment filiales depuis plus de 30 ans, comme en attesteraient plusieurs témoins.

Elle affirme encore que lors de la donation, elle bénéficiait d'un patrimoine pérenne, que son adversaire reconnaît être doté d'un patrimoine important, ce dont elle déduit une intention libérale certaine et sans relation avec une autre procédure relative à la vente viagère d'un bien immobilier par M. [G] à son profit.

Mme [G] soutient pour sa part que l'intention libérale n'est pas démontrée par l'appelante et qu'il appartient à cette dernière de rembourser le prêt objet du présent litige.

Elle estime que M. [G] n'aurait pas fait don d'une somme aussi importante sans avoir averti la bénéficiaire, alors même qu'aucune raison n'existait pour gratifier l'intéressée d'un tel montant, le donateur ayant toujours contesté la proximité mise en avant par Mme [X].

Elle soutient que cette opération constitue un prêt destiné à aider la partie adverse, dénonçant la mauvaise foi de son adversaire et indiquant vouloir récupérer la somme prêtée.

Elle explique que M. [G] n'a jamais reçu assistance de la part de l'appelante dans son quotidien, les deux attestations versées aux débats en ce sens émanant de deux personnes qu'il n'a jamais connues et qui ne sont jamais venues chez lui.

De même, elle s'oppose à ce que la somme objet du litige constitue un don manuel ou un cadeau de Noël, tout en soulignant qu'il a chargé son conseiller bancaire de réaliser le virement ayant permis la remise du montant de 40.000 € et qu'il ne s'agit pas d'une faveur, le libellé de l'opération ne permettant pas justifier une telle affirmation.

Arguant de l'article 1360 du code civil, elle considère qu'il existait une impossibilité juridique et morale de faire constater par écrit la conclusion d'un prêt, outre que s'il était retenu un don manuel, il appartenait à la partie adverse de le déclarer à l'administration fiscale, ce qu'elle n'a jamais fait.

***

L'article 1360 du code civil énonce que 'Les règles prévues à l'article précédent reçoivent exception en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s'il est d'usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l'écrit a été perdu par force majeure.'

L'article 1353 du code civil prévoit que 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

Il est constant qu'en application de cet article, la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de restituer la somme qu'elle a reçue ; encore faut-il établir l'existence d'un contrat de prêt (notamment première chambre civile de la Cour de Cassation le 8 avril 2010 n°09-10.977).

De même, ce texte interdit à une partie de se faire une preuve à elle-même.

Il appartient donc, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, à la partie intimée d'établir non seulement la matérialité de la remise des fonds, qui est reconnue par l'appelante, mais également l'existence d'un contrat de prêt, faute de quoi il ne saurait exister d'obligation de restitution.

Or, il ne résulte d'aucune pièce en dehors de celles reprenant les propres déclarations de la partie intimée (notamment les courriers du conseil de M. [G] en date des 2, 14 et 28 octobre 2019, pièce 4, 5 et 7 de cette partie), que la remise de la somme de 40.000 € ait constitué un prêt.

En outre, Mme [G] ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 1360 du code civil, ne justifiant pas de circonstances ayant rendu impossible la constitution d'un écrit afin d'établir la preuve du contrat de prêt allégué par ses soins. En effet, d'une part, il n'est rapporté aucune circonstance pouvant constituer une impossibilité matérielle d'établir un écrit, notamment en ce que le versement effectué a résulté d'un échange entre l'appelante et M. [G], ni une impossibilité morale, l'intimée se prévalant elle-même de l'absence de proximité entre son oncle et la partie adverse. Dès lors, il ne saurait être suppléé à l'absence d'écrit lors du présent litige.

C'est pourquoi les demandes de la partie intimée à ce titre ne sont pas fondées, elles seront par conséquent rejetées et la décision attaquée sera infirmée de ce chef.

II Sur les demandes annexes.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

L'équité exige que Mme [G] soit condamnée à verser à Mme [X] une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure.

Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, Mme [G], qui succombe au principal, supportera la charge des entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Sol-Garnaud, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

Reçoit l'intervention volontaire de Mme [G] et constate la reprise d'instance par ses soins suite au décès de M. [R] [G], aux droits duquel elle intervient es qualité d'héritière unique de celui-ci ;

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 20 juillet 2021 ;

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de Mme [G], venant aux droits de M. [R] [G], en paiement de la somme de 40.000 € faite à l'encontre de Mme [X] ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [G] à régler à Mme [X] une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure ;

Condamne mme [G] aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de la Selarl Sol Garnaud.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/04564
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;21.04564 ?
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