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30/08/2024 | FRANCE | N°24/00196

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 30 août 2024, 24/00196


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







R N° RG 24/00196 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N5RI





ORDONNANCE









Le TRENTE AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE à 15 H 00



Nous, Loïc MALBRANCKE, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Marie-Françoise DACIEN, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence

de M. [T] [C], représentant du Préfet du BAS RHIN,



En présence de Monsieur [R] [F] [I] [J], né le 01 Janvier 1988 à SAINT DOMINGUE, de nationalité Dominicaine, de son conseil ...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

R N° RG 24/00196 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N5RI

ORDONNANCE

Le TRENTE AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE à 15 H 00

Nous, Loïc MALBRANCKE, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Marie-Françoise DACIEN, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de M. [T] [C], représentant du Préfet du BAS RHIN,

En présence de Monsieur [R] [F] [I] [J], né le 01 Janvier 1988 à SAINT DOMINGUE, de nationalité Dominicaine, de son conseil la Céline CONQUAND VALAY, avocat au Barreau de Bordeaux, et de Mme [B] [X], interprète en langue espagnole,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [R] [F] [I] [J], né le 01 Janvier 1988 à [Localité 3], de nationalité Dominicaine et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 24 août 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 28 août 2024 à 15h11 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [R] [F] [I] [J] pour une durée de 26 jours,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [R] [F] [I] [J], né le 01 Janvier 1988 à [Localité 3] de nationalité Dominicaine le 29 août 2024 à 15 heures 01,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Avons rendu l'ordonnance suivante:

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [R] [F] [I] [J], de nationalité dominicaine, a été condamné le 1er février 2023 par jugement du tribunal correctionnel de Sarreguemines à la peine de 2 ans d'emprisonnement du chef de trafic de stupéfiants ainsi qu'à une peine complémentaire de 10 ans d'interdiction du territoire français.

Par arrêté du 24 avril 2024, le préfet du Bas-Rhin a fixé le pays de reconduite, à savoir la République Dominicaine ou tout autre pays où il est légalement admissible.

Par arrêté de la même autorité du 24 août 2024, à la levée d'écrou du centre de détention d'[Localité 2], M. [R] [F] [I] [J] a été placé en rétention administrative à [Localité 4] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de trois jours, puis a été transféré le 27 août suivant au centre de rétention administrative de [Localité 1].

Par requête reçue et enregistrée au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux le 27 août 2024 à 15 heures 05, à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, le Préfet du Bas-Rhin sollicite, au visa des articles L.742-1 à L742-3 du du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Cesada), la prolongation de la rétention administrative de M. [R] [F] [I] [J] pour une durée maximale de 26 jours.

Par requête reçue et enregistée au greffe le 28 août 2019 à 9 heures 19, à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, l'avocate de M. [R] [F] [I] [J] a formé une requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance rendue le 28 août 2024 à 15 heures 11, le juge des libertés et de la détention a en particulier :

- ordonné la jonction des deux dossiers n° RG 24/07147 et RG 24/07136 pour statuer en une seule et même ordonnance,

- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [R] [F] [I] [J],

- rejeté les moyens de contestation du placement en rétention,

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

- déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de M. [R] [F] [I] [J],

- autorisé la prolongation de la rétention de l'intéressé pour une durée de 26 jours,

- dit n'y avoir lieu à faire droit à sa demande sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Par courriel adressé au greffe le 29 août 2024 à 15 heures 01, l'avocate de M. [R] [F] [I] [J] a interjeté appel de cette ordonnance.

A l'appui de son appel, à l'argumentation duquel il convient de se référer, elle soutient essentiellement :

- que la procédure de placement dans un local de rétention administrative est irrégulière à défaut de justification d'une indisponibilité de place en centre de rétention administrative,

- qu'il a été porté atteinte à son droit d'exercer un recours effectif,

- que l'arrêté de placement en rétention est irrégulier à défaut d'un examen réel et sérieux de sa situation,

- que le risque de soustraction n'est pas avéré au regard de sa volonté de quitter le territoire pour se rendre en Espagne et des justificatifs produits,

- qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement.

En conséquence, elle demande à la cour :

- d'accorder à M. [R] [F] [I] [J] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,

- d'infirmer l'ordonnance entreprise du 28 août 2024 en toutes ses dispositions,

- de déclarer la procédure de placement en rétention irrégulière,

- de rejeter la requête en prolongation,

- d'ordonner sa remise en liberté,

- de condamner la préfecture de la Gironde à lui verser la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions combinées de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Le représentant du préfet a sollicité la confirmation de l'ordonnance entreprise.

M. [R] [F] [I] [J], assisté à l'audience d'un interprète, a eu la parole en dernier.

L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe ce 30 août 2024 à 15 heures.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Formé dans le délai légal et motivé, l'appel est recevable.

Sur la contestation de l'arrêté de placement en rétention

Lorsqu'ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l'article 74 du code de procédure et qu'ils sont présentés, s'agissant de l'arrêté de placement en rétention, au-delà du délai de contestation de celui-ci, les moyens nouveaux sont irrecevables en cause d'appel.

En l'espèce, il ne ressort ni de la requête en contestation de la décision de placement en rétention administrative ni des termes de l'ordonnance entreprise que le conseil de M. [R] [F] [I] [J] ait soulevé, comme elle le fait désormais en cause d'appel, l'irrégularité de son placement initial en local de rétention administrative, régi par les articles R.744-8 du Ceseda, et l'absence de justification de l'indisponibilité des centres de rétention géographiquement plus proches du local de rétention de [Localité 4] que le centre de rétention de [Localité 1].

Par conséquent, ce nouveau moyen d'irrégularité doit être déclaré irrecevable, en ajoutant à titre surabondant, d'une part, que le juge judiciaire n'est pas compétent pour connaître du contentieux des lieux de détention et, d'autre part, que l'article R.744-8 n'exige aucune motivation ni justification de la part du préfet.

En revanche, les moyens tenant à l'exercice effectif des droits de la rétention administrative s'analyse comme un moyen de fond, recevable même soulevé pour la première fois en cause d'appel.

Le conseil de M. [R] [F] [I] [J] soutient qu'il n'aurait pas été mis en mesure d'exercer ses droits en rétention.

Il résulte des pièces de la procédure que ses droits lui ont été notifiés à son arrivée dans le local de rétention administrative de [Localité 4] le 24 août 2024 et qu'ils lui ont été de nouveau notifiés à son arrivée au centre de rétention administrative de [Localité 1] le 27 août 2024 après son transfert intervenu dans le délai prévu par le texte.

Le document l'informant de ses droits dès son placement en local de rétention mentionne les coordonnées du barrreau de Mulhouse, de France Terre d'Asile, du Forum Réfugiés COSI, de l'OFII, de l'Assfam ou encore de la Cimade.

La notification des droits vaut présomption que l'intéressé a été placé en mesure de les exercer, et il n'est pas rapporté le moindre commencement de preuve d'un quelconque empêchement pendant sa rétention dans le LRA de [Localité 4], notamment concernant l'exercice effectif de son droit de contacter les différentes organisations et instances précitées.

Par conséquent, aucune atteinte à ses droits n'est démontrée, étant rappelé au demeurant que si les dispositions de l'article R. 744-21 du Ceseda impliquent que les retenus en local de rétention administrative doivent pouvoir y bénéficier du concours d'une personne morale, cela n'implique pas nécessairement l'existence d'une permanence sur place.

Enfin M. [R] [F] [I] [J], qui a pu avoir accès au conseil d'un avocat, a bien été en mesure de contester son placement en rétention, ce qu'il a fait en saisissant régulièrement le juge des libertés et de la détention territorialement compétent.

Ce moyen sera donc écarté.

Le conseil de M. [R] [F] [I] [J] soutient par ailleurs que la décision de placement n'est pas suffisamment motivée à défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et s'est fondée sur une erreur manifeste d'appréciation.

En application de l'article L.741-1 du Ceseda, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Aux termes de l'article L.741-6 du Ceseda, la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée.

Il convient de rappeler que le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier son placement en rétention.

En l'espèce, le placement en rétention de l'intéressé est fondé sur la condamnation de l'intéressé par le tribunal correctionnel de Sarreguemines le 1er février 2023 à la peine de 2 ans d'emprisonnement et à l'interdiction du territoire français pendant 10 ans et sur l'absence de garanties de représentation suffisante au vu notamment des éléments suivants : il ne produit aucun élément permettant de justifier d'un hébergement stable et permanent sur le territoire français, il n'a pas remis de document de voyage original et en cours de validité, l'étude de son dossier ne révèle pas d'intégration notable au sein de la société française.

L'arrêté contesté, dont l'intitulé importe peu, son article 1er mentionnant expressément qu'il était placé en rétention, a bien cité les textes applicables et a énoncé sans insuffisance les motifs positifs, fondés sur les circonstances de fait liées à la situation personnelle et familiale de l'intéressé alors connues de l'administration (en soulignant que la décision contestée a bien mentionné qu'il était père tandis qu'il n'avait pas évoqué un quelconque concubinage lors de son audition par les forces de l'ordre), qui l'ont conduite à décider de son placement en rétention légalement fondé sur le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement et l'absence de garanties suffisantes de représentation.

Il ne peut donc être fait droit au moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ni de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, alors qu'il n'est pas discuté qu'il est en France sans domicile ni ressources.

Sur la demande de prolongation

Aux termes de l'article L.741-3 du Ceseda, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Son article L.742-1 prévoit que le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative.

Il ressort des termes de son article L.742-3 que le délai de cette première prolongation est de 26 jours.

Pour accueillir une demande de première prolongation, en application des articles précités, le juge, après avoir vérifié le risque que l'étranger ne se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, doit contrôler le caractère suffisant des diligences de l'administration pour organiser son départ. Il est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective.

L'autorité administrative justifie avoir saisi les autorités consultaires dominicaines dès le 24 avril 2024 d'une demande de laissez-passer consulaire, qui n'ont malgré les relances pas répondu, de sorte que le vol programmé le 24 août 2024, jour de la levée d'écrou, a dû être annulé.

Elle justifie également d'une demande de réadmission adressée aux autorités espagnoles le 20 août 2024, qui a été acceptée le 27 août suivant selon la pièce fournie par la préfecture, qui a également produit le routing daté du 6 septembre prochain.

Il est donc vérifié que les autorités consulaires ont été saisies de manière rapide et effective.

La prolongation de la rétention administrative de M. [R] [F] [I] [J] est donc le seul moyen de permettre à l'autorité administrative de mettre en 'uvre la mesure d'éloignement et de garantir l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, la seule affirmation de l'intéressé qu'il entend le quitter pour retourner en Espagne apparaissant insuffisante.

En conséquence, c'est à bon droit que le juge de première instance a autorisé la prolongation de sa rétention administrative pour une durée de 26 jours, si bien que l'ordonnance entreprise sera confirmée.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

M. [R] [F] [I] [J] n'ayant pas prospéré dans son appel, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable,

Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à M. [R] [F] [I] [J],

Déclarons irrecevable le moyen nouveau tiré de l'irrégularité du placement en local de rétention administrative,

Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux le 28 août 2024,

Rejetons la demande au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Ceseda.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00196
Date de la décision : 30/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-30;24.00196 ?
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