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28/08/2024 | FRANCE | N°21/06974

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 août 2024, 21/06974


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 28 AOUT 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/06974 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPII





















S.A.S.U. PERRENOT COGNAC



c/



Monsieur [Z] [D]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 novembre 2021 (R.G. n°F 20/00184) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2021,





APPELANTE :

SASU Perrenot Cognac anciennement dénommée SAS Perrenot Poup...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 AOUT 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/06974 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPII

S.A.S.U. PERRENOT COGNAC

c/

Monsieur [Z] [D]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 novembre 2021 (R.G. n°F 20/00184) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2021,

APPELANTE :

SASU Perrenot Cognac anciennement dénommée SAS Perrenot Poupeau, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 3]

représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de PARIS et assistée de Me François Xavier GALLET, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [D]

né le 21 Juillet 1985 à [Localité 2] de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représenté par Me PUYBARAUD substituant Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Me Damien TUYERAS, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 juin 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

Greffier lors du prononcé : A-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Z] [D], né en 1985, a été engagé en qualité de conducteur routier zone courte par la SASU Poupaud par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 2016.

Par un avenant du 11 septembre 2017, M. [D] a évolué au poste de conducteur routier zone longue.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [D] s'élevait à la somme de 2.169,98 euros.

Au cours de la semaine du 11 au 15 mai 2020, M. [D] a suivi une formation AFTRAL d'une durée de 35 heures intitulée FCO-Transport de marchandises (Formation Continue Obligatoire).

Le 19 mai 2020, M. [D] a informé par téléphone l'exploitant avec qui il était en relation qu'il aurait une fuite d'air au 'poumon'. Son interlocuteur lui a répondu que 'si cela ne l'empêche pas de rouler', il pouvait poursuivre son retour jusqu'au dépôt de l'entreprise.

Par lettre datée du 5 juin 2020, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 juin 2020.

M. [D] a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 24 juin 2020.

A la date du licenciement, M. [D] avait une ancienneté de quatre ans et quatre mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par courrier du 15 juillet 2020 adressé à son employeur, M. [D] a contesté la mesure de licenciement.

Par une lettre du 29 juillet 2020, l'employeur a indiqué à M. [D] maintenir la mesure prononcée.

Le 9 novembre 2020, M. [D] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant des dommages et intérêts pour réparation des préjudices subis suite au caractère abusif du licenciement et une somme au titre du préjudice subi suite à l'établissement d'une attestation Pôle Emploi non conforme.

Par jugement rendu le 22 novembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société Perrenot Poupeau à payer à M. [D] les sommes suivantes:

* 6.353,40 euros à titre de dommages-intérêts pour réparation des préjudices subis suite au caractère abusif du licenciement,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [D] de sa demande de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi suite à l'établissement d'une attestation Pôle Emploi non conforme,

- débouté la société Perrenot Poupeau de sa demande reconventionnelle,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Perrenot Poupeau aux entiers dépens.

Par déclaration du 21 décembre 2021, la société Perrenot Cognac a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 24 novembre 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 juin 2022, la société Perrenot Cognac demande à la cour de :

- réformer le jugement du 22 novembre 2021 du conseil de prud'hommes d'Angoulême déféré en ce qu'il a :

* condamné la société Perrenot Cognac à payer à M. [D] les sommes suivantes :

.6.353,40 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation des préjudices suite au caractère abusif du licenciement,

.1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté la société Perrenot Cognac de sa demande reconventionnelle,

* ordonné l'exécution provisoire du jugement,

* condamné la société Perrenot Cognac aux entiers dépens,

Puis, statuant à nouveau,

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

- dire que le licenciement de M. [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [D] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 avril 2022, M. [D] demande à la cour de :

- confirmer le conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

* considéré que le licenciement pour cause réelle et sérieuse dont a fait l'objet M. [D] suivant courrier daté du 24 juin 2020 est abusif,

* condamné la société Perrenot Poupeau au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procdure civile ainsi qu'aux dépens,

- infirmer le conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

* condamné la société Perrenot Poupeau au paiement de la somme de 6.353,40 euros titre de dommages et intérêts pour réparation des préjudices subis suite au caractère abusif du licenciement,

* débouté M. [D] de sa demande de 1.000 euros titre de dommages et intérêts pour préjudice subi suite à l'établissement d'une attestation Pôle Emploi non conforme,

Et statuant à nouveau sur ces points,

- condamner la société Perrenot Cognac au paiement de la somme de 10.589 euros (équivalent 5 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour réparation des préjudices subis suite au caractère abusif du licenciement,

- condamner la société Perrenot Cognac au paiement d'une somme de 1.000 euros suite au préjudice subi suite à l'établissement d'une attestation pôle emploi non conforme,

Y ajoutant,

- condamner la société Perrenot Cognac au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC pour les frais exposés par lui dans le cadre de la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

La médiation proposée aux parties le 20 décembre 2023 par le conseiller de la mise en état n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse, c'est à dire réelle, exacte et pertinente.

Le doute, s'il subsiste, doit profiter au salarié.

M. [D] a été licencié aux motifs suivants :

a- avoir téléphoné en conduisant

Le mardi 19 mai 2020, alors qu'il conduisait pour revenir à la société, M. [D] a appelé au téléphone - muni d'un système bluetooth- Mme [V]

pour lui signaler que le camion présentait une fuite d'air, sans apporter de précision et cette dernière, muni de cette seule indication et n'étant pas mécanicienne, lui a répondu de se rendre au dépôt; l'usage du téléphone pendant la conduite est pourtant interdit par le règlement intérieur.

M. [D] répond que la pose d'un téléphone mains- libres est destiné à permettre au chauffeur d'appeler tout en conduisant et à l'employeur de l'appeler à tout moment.

L' article 10 du règlement intérieur de la société mentionne l'interdiction de l'utilisation du téléphone portable personnel pendant l'exécution de la prestation.

L' article 13 relatif aux consignes particulières comporte l'interdiction de téléphoner en conduisant.

Cependant, comme noté par l'employeur, le manuel conducteur porte la mention que l'usage du bluetooth est toléré, de sorte que la société ne peut reprocher à M. [D] d'avoir utilisé ce moyen de communication pour signaler un problème affectant son véhicule.

b- le choix de ne pas s'arrêter et de continuer en conduisant au délà de la vitessse autorisée : de 14h10 à 14h22,

M. [D] a conduit au délà de 80 / h à plusieurs reprises (84 kms/h à 93 kms/h). Selon la société, M. [D] aurait dû, avant tout, s'arrêter sur un des six arrêts possibles sur le trajet restant à accomplir(20kms) ou sortir sur une liaison vers un village et opérer un diagnostic , d'autant qu'au regard de la convention collective , il en avait les compétences et qu' en vertu de son contrat de travail et du règlement intérieur, il devait s'assurer que son véhicule est en bon état.

M. [D] répond que l'ensemble routier doit être vérifié à la prise de poste et non à chaque redémarrage, qu'il n'y avait pas d'emplacement d'arrêt sécurisé sur sa route pour garer le véhicule et qu'il a contacté l'affréteur conformément aux directives de l'employeur. Lorsqu'il a appelé Mme [V], il ne connaissait pas la gravité de la panne.

M. [D] fait valoir qu'il devait garder une vitesse régulière et soutenue afin qu'il n'y ait pas déperdition de l'air.

Aux termes de son contrat de travail, le conducteur doit assurer l'entretien courant de son véhicule ( lavage, vérification des niveaux d'huile, eau, etc..., il commettrait une faute lourde s'il sortait avec un véhicule non conforme aux réglements en vigueur qu'il déclare bien connaître.

Les photographies produites par la société établissent que le véhicule pouvait stationner sur une voie d'urgence ou que M. [D] pouvait quitter la voie rapide. Seul un arrêt du véhicule lui aurait permis de réaliser le diagnostic de la panne. Ainsi renseigné, le chauffeur était susceptible d'apporter tout renseignement utile à une personne compétente sans se suffire de la réponse de Mme [V] dont il ne conteste pas qu'elle n'avait pas les compétences techniques idoines. Le souhait émis par l' employeur que les services du garage soient prévenus avant le passage d'un camion n'exonérait pas M. [D], compte tenu des circonstances, de demander à parler à un mécanicien qui aurait déterminé l'origine du problème.

Le choix de dépasser la vitesse autorisée constituait une faute susceptible de générer un accident de la circulation. En tout cas, la poursuite du trajet est à l'origine des dégats ayant nécessité l'usage des extincteurs et des répartions d'un montant supérieur à 5 000 euros.

Le choix opéré par le conducteur, contraire aux régles de sécurité, constitue une faute dans l'exécution de son contrat de travail, étant précisé que la formation suivie par lui du 11 au 15 mai 2020 portait notamment sur les règles relatives à la sécurité routière et notamment sur l'évaluation des situations d'urgence.

La demande de la société d'effectuer ensuite un trajet avec le même véhicule n'est pas établie.

Le dernier grief relatif aux mots prononcés par M. [D] à l'endroit de M. [R] n'est pas avéré eu égard aux déclarations contradictoires et en l'absence de témoin direct.

Compte-tenu de l' ancienneté de M. [D] et de la formation reçue, son comportement constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu imporant la sanction de mise à pied disciplinaire intéressant un autre conducteur pour des faits différents.

M. [D] sera débouté de ses demandes et le jugement sera réformé.

M. [D] demande paiement d'une somme de 1 724,10 euros motif pris que l' employeur aurait délivré une attestation France Travail erronée. La société répond que M. [D] a été payé jusqu'au 24 août 2020 .

La pièce versée par M. [D] n'établit pas l'établissement d'une attestation France Travail erronée qui aurait privé M. [D] de ses droits. Il sera débouté de ce chef.

L'équité ne commande pas de prononcer une condamnation au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, M. [D] supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande relative au trop perçu qu'il a dû rembourser à France Travail;

statuant à nouveau;

Dit le licenciement de M. [D] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Déboute les parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/06974
Date de la décision : 28/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-28;21.06974 ?
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