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28/08/2024 | FRANCE | N°21/05770

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 août 2024, 21/05770


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 28 AOUT 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/05770 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-ML2X













Société de Fait [S] [T]



c/



Monsieur [O] [P]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrÃ

©e le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 septembre 2021 (R.G. n°F 20/00058) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 20 octobre 2021,





APPELANTE :

Société de Fait [S] [T], agissant en la personne de son représent...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 AOUT 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/05770 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-ML2X

Société de Fait [S] [T]

c/

Monsieur [O] [P]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 septembre 2021 (R.G. n°F 20/00058) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 20 octobre 2021,

APPELANTE :

Société de Fait [S] [T], agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2]

N° SIRET : 343 995 593 00021

représentée par Me Myriam COUSIN MARLAUD de la SELARL AXIUM AVOCATS, avocat au barreau de BRIVE

INTIMÉ :

Monsieur [O] [P]

né le 03 Juin 1976 à TUNISIE e nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Stéphanie GAULTIER de l'AARPI GAULTIER - ALONSO, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 juin 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [O] [P], né en 1976, a été engagé en qualité de vétérinaire salarié par la SDF [S] [T], par contrat de travail à durée déterminée à compter du 15 mai 2017 jusqu'au 31 août 2017.

Le 15 septembre 2017, un nouveau contrat à durée déterminée a été signé pour une durée de quatre mois à compter du 1er septembre 2017 jusqu'au 31 décembre 2017.

Selon avenant du 22 décembre 2017, la relation contractuelle s'est poursuivie pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 2018, aux mêmes conditions de rémunération et d'emploi.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des praticiens vétérinaires salariés.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [P] s'élevait à la somme de 3.542,40 euros.

Les 23 janvier et 16 mai 2018, des déclarations d'accident du travail ont été déposées.

Une troisième déclaration d' accident du travail a été renseignée le 7 juin 2018 et M. [P] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 29 juillet 2018.

M. [P] a été absent du 31 juillet au 7 août 2018 ,ayant adressé un mail pour indiquer qu'il ne serait pas à même 'de travailler' jusqu'au mardi suivant.

Le 3 août 2018, M. [S] et Mme [T] ont adressé une mise en demeure à M. [P] de leur fournir un justificatif de son absence. Cette mise en demeure est restée sans réponse.

Le 7 juin 2019, M. [P] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 16 juin 2019.

Le 25 juillet 2019, M. [P] a adressé à son employeur un courrier sollicitant une mise en' position de disponibilité 'du 13 au 16 août 2019 pour une reprise du travail au 20 août 2020.

Par courrier du 8 août 2019, les employeurs ont rejeté la demande de M. [P] motif pris de l'absence de justification de la maladie de son enfant. M. [P] ne s'est pas présenté à son travail du 12 au 18 août 2019. M. [P] a été mis en demeure de reprendre son travail. Il s'y est présenté le 19 août.

Par lettre datée du 27 septembre 2019, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 8 octobre .

M. [P] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 11 octobre 2019.

A la date du licenciement, M. [P] avait une ancienneté de deux ans et cinq mois.

Le 19 juin 2020, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Périgueux, demandant que son salaire de référence soit fixé à 4.829,17 euros brut, que son ancienneté soit fixée au 16 mai 2017, contestant le bien - fondé du licenciement et réclamant des indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu le 20 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que l'ancienneté de M. [P] doit être calculée à compter du 16 mai 2017,

- dit que le licenciement pour faute grave de M. [P] doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire brut mensuel de référence à la somme de 4.829,17 euros,

En conséquence,

- condamné la SCDF [S] [T], en la personne de son représentant légal, à verser à M. [P] les sommes suivantes:

* 14.487,51 euros brut au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de1.448,75 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 2.415 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- débouté M. [P] [S] [T], en la personne de son représentant légal, à verser à M. [P] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SDF [S] [T] de remettre à M. [P] une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un certificat de travail rectifié,

- dit n'y avoir lieu à fixer une astreinte,

- débouté M. [P] du surplus de ses demandes,

- débouté la SDF [S] [T] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCDF [S] [T] aux dépens.

Par déclaration du 20 octobre 2021, la société [S] [T] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 20 septembre 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 juin 2022, la société [S] [T] demande à la cour de :

Ecartant et rejetant toutes conclusions contraires,

- dire recevable et bien fondé l'appel interjeté,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes,

- juger pour faute grave le licenciement de M. [P],

- débouter M. [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [P] à lui payer une somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 avril 2022, M. [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé son ancienneté au 16 mai 2017,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé son salaire brut de référence à la somme de 4.829,17 euros,

- réformer le jugement entrepris,

Par conséquent,

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la SDF [S] et [T] à lui régler la somme de 14.487,51 euros brut au titre de l'indemnité de préavis outre 1.448,85 euros brut au titre des congés payés y afférent,

- condamner la SDF [S] et [T] à lui régler la somme de 2.415 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- condamner la SDF [S] et [T] à lui régler la somme de 14.487,51 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la SDF [S] et [T] à lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir des documents suivants

* une attestation Unedic,

* un certificat de travail,

- condamner la SDF [S] et [T] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes prononcées à l'encontre de la SDF [S] et [T] porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine,

- dire que les intérêts seront capitalisés à son profit conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner la SDF [S] et [T]en tous les dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

La médiation proposée aux parties le 20 décembre 2023 par le conseiller de la mise en état n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La fixation de l' ancienneté du salarié depuis le 16 mai 2017 ne fait pas l'objet de l'appel.

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Le doute, s'il subsiste, profite au salarié.

M [P] a été licencié aux motifs suivants :

a- une absence injustifiée pendant la semaine du 12 août 2019

la demande de congé exceptionnel pour enfant malade a été refusée parce que non justifiée au regard des dispositions de l' article L.1225-61 du code du travail . Le 16 août, M. [P] a été mis en demeure - en vain- d'informer l' employeur de la raison de son absence. M. [P] a repris son travail le 19 août . La même situation s'était produite pendant l'été 2018 et en octobre 2018.

L' employeur fait valoir que le délai de prescription de deux mois a été respecté d'autant qu'il a ensuite réalisé des recherches sur le travail du salarié et constaté d'autres fautes.

M. [P] répond que l' employeur a ajouté aux griefs mentionnés dans la lettre de licenciement en faisant état des nombreux arrêts de travail de leur salarié; que le délai écoulé entre la prétendue absence et la décision de licencier a été trop important pour justifier une faute grave ; que, dans l'impossibilité de faire garder son fils atteint de troubles autistiques, il a transmis un certificat médical à ses employeurs qui ont refusé sa demande de ' disponibilité' du 13 au 18 août 2019.

Les absences de M. [P] au cours de l'année 2018 ne constituent pas des griefs dont la réalité doit être examinée.

M. [P] ne soulève pas le moyen tiré de la prescription des griefs pour dépassement du délai de deux mois prévu à l' article L.1332-4 du code du travail.

S'agissant du délai ayant couru entre ce grief et la notification du licenciemen, il sera noté que ce dernier est aussi motivé par d'autres manquements, lesquels, à les supposer avérés, seraient susceptibles de fonder une faute grave.

M. [P] ne conteste pas avoir été absent du 13 au 18 août 2019 ; il verse sa lettre datée du 25 juillet sollicitant de l'employeur 'une mise en position de disponibilité' de quatre jours à compter du 13 août jusqu'au 16 août, motif pris des difficultés de son fils à accepter le centre de loisirs et qu'il n'avait personne pour le garder. Cette lettre ayant été remise en main propre à l' employeur, celui - ci a rédigé un reçu précisant le défaut d'admission de l'enfant au centre de loisirs pour une ' cause psychologique'. L' employeur a informé M. [P] de son refus par lettre datée du 8 août, au motif que le certificat médical transmis par le salarié ne fait pas état d'une maladie justifiant une telle demande au sens de l' article L.1225-61 du code du travail. L' employeur a mis M. [P] en demeure de reprendre son travail.

M. [P] verse l'attestation établie le 20 août par le Dr [Z] selon lequel l' importance des difficultés présentées par le fils de M. [P] n'a pas rendu possible le recours au centre aéré ou à des nounous, cette situation contraignant son père a en assurer la garde et donc à solliciter de l' employeur des congés.

Aux termes de l' article L.1225-61 du code du travail, le salarié bénéficie d'un congé non rémunéré en cas de maladie ou d'accident, constatés par certificat médical, d'un enfant de moins de seize ans dont il assume la charge au sens de l' article L.513-1 du code de la sécurité sociale.

La durée de ce congé est au maximum de trois jours par an. Elle est portée à cinq jours si l'enfant est âgé de mois d'un an ou si le salarié assume la charge de trois enfants ou plus âgés de moins de seize ans.

L'attestation du Dr [Z], datée du 20 août, est postérieure à la mise en demeure de reprendre le travail en date du 16 août et ne précise pas la date de la période concernée mais sa rédaction renseigne suffisamment sur l'état de santé de l'enfant dont le taux d'invalidité est de 80% et justifie une surveillance constante.

M. [P] a été absent du 13 au 19 août sans avoir transmis de certificat médical avant sa reprise de travail. La réalité de ce grief est avérée.

La cour constate cependant que l' employeur avait connaissance de l'état de santé de l'enfant à la date du licenciement.

b- les faits relatifs aux animaux de Mme [I]

Il est reproché à M. [P] de n'avoir pas vacciné le chien de cette cliente contre la rage et ce, sans son accord, ce qui l'exposait à des sanctions notamment en cas de départ à l'étranger et de n'avoir pas mis à jour la vaccination de son chat. M. [P] aurait indiqué à Mme [I] que son chat appartenait à un couple de personnes âgées alors qu'il s'agissait de son propre chat.

Selon l'employeur, l'abandon de la vaccination antirabique aurait été découverte lors d'une visite de cette cliente le 10 septembre 2019, peu important qu'elle n'ait pas été obligatoire.

Ce dernier répond que les faits ne sont pas datés, que la vaccination antirabique n'est obligatoire que pour les chiens de première et deuxième catégorie et pour ceux amenés à voyager, qu'en tout état de cause, ce vaccin n'est pas médicalement justifié et qu'il est valable pendant trois ans, que le chien n'avait pas reçu ce vaccin en 2015 et que Mme [I] n'avait pas l'intention de séjourner à l'étranger. M. [P] ajoute que la vaccination de la chatte qu'il a donnée à cette cliente était à jour.

La date des faits n'est pas précisée mais il est indiqué que le défaut d'administration du vaccin antirabique avait été découvert lors de la dernière visite de Mme [I], laquelle précise la date de découverte des faits soit le 10 septembre 2019; de cette façon, la cour peut examiner la matérialité des faits.

Mme [I] atteste que le Dr [T] s'est aperçu que cet animal n'avait pas été vacciné contre la rage par M. [P] qui ne l'en avait pas informée. Ce dernier lui avait faussement affirmé que sa chatte, qui était en fait la sienne, était vaccinée.

L'absence de vaccination du chien contre la rage lors des examens pratiqués par M. [P] en 2017 et en 2018 n'est pas contestée. Le passeport de l'animal ne mentionne pas ce vaccin au titre de ces années. La cour constate cependant que cet animal n'a pas été vacciné contre la rage au cours de l'année 2015, soit avant l'embauche de M. [P] en mai 2017. Dans ces conditions, l' employeur ne peut reprocher à son salarié de n'avoir pas pratiqué une vaccination qu'il n'avait lui même pas réalisée pour la période du mois de septembre 2015 au mois de septembre 2016.

S'agissant du chat, M. [P] ne conteste pas l'avoir donné en adoption à Mme [I] au printemps 2018. M. [P] affirme qu'il l'avait adopté auprès de

personnes âgées mais que le trouble de son fils ne lui permettait pas de le garder. Le mensonge évoqué par la cliente n'est pas avéré.

Le carnet de prévention de ce chat porte la mention d'une primo vaccination en juillet et août 2015 et de deux injections les 11 et 17 août 2016, aucun vaccin n'étant ensuite administré jusqu'au 19 août 2019 et M. [P] ne peut se retrancher derrière les dangers - non établis- d'une sur vaccination.

M. [P] était vétérinaire au sein du cabinet et devait informer la propriétaire du chat des dangers de l'absence de vaccination. Ce manquement ne relève pas de sa vie privée. Ce grief est établi.

c- le chat de M. [M]

M. [P] aurait délivré le passeport du chat et vacciné ce dernier le 16 mai 2019, antérieurement à son marquage et à la pose de la puce le 19 juin suivant. La procédure n'étant pas respectée, les services d'Eurotunel ont refusé le transport du chat lors de l'embarquement de ses maîtres. Selon l' employeur, M. [P] a signé les pages 3 et 4 du passeport du chat et ne pouvait ignorer le départ des maîtres à l'étranger.

M. [P] répond qu'il a toujours identifié un animal avant de le vacciner lorsque les propriétaires le demandaient expressément. Il ne se souvient pas que ces derniers, qui n'attestent pas, l'aient fait. Il souligne que les signatures apposées en pages 3 et 4 sont différentes et que l' employeur ne verse pas la photocopie des pages mentionnant l'injection de vaccins qu'il a réalisée.

M. [P] fait valoir que ces faits sont prescrits parce que datant des mois de juin et juillet 2019 soit plus de deux mois avant la convocation à l' entretien préalable. L' employeur répond qu'il n'en a été informé que le 14 août 2019 lors de l'appel téléphonique d'un agent d'Eurotunnel.

Aux termes de l' article L.1332-4 du code du travail, aucun fait ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaire au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l' employeur en a eu connaissance

L' employeur verse le mail daté du 11 septembre 2019 du service d'Eurotunnel lui indiquant que le chat appartenant à M. [M] n'avait pas été autorisé à voyager le 14 août 'en raison de la date de micro-puce postérieure à la date de vaccination antirabique '. M. [P] a été convoqué par lettre datée du 27 octobre 2019 soit dans le délai sus visé. Ce grief n'est ainsi pas prescrit.

Au vu de la pièce 57 de l'employeur, un vétérinaire du cabinet a établi le passeport de l'animal le 16 mai 2019. Le même jour, ce dernier a été vacciné avant d'être identifié le 19 juin 2019.

Les époux [M] n'attestent pas et les signatures apposées sur les pages 3 et 4 du passeport sont différentes. Le doute profite au salarié et la réalité du grief n'est pas établie.

d- M. [P] n'aurait pas assuré ses gardes dans le respect des règles : au cours du mois de septembre, M. [D] a informé l' employeur que la carence de M. [P] a failli provoquer la mort d'une vache : ce dernier s'est déplacé dans la soirée puis a été injoignable d' 1h30 à 6h. Deux mois plus tard, à l'occasion d'un autre vêlage, pour ne pas avoir à se déplacer la nuit, ' il a épinglé l'arrière de la vache', acte qui ne constituait pas une garantie contre la sortie de la matrice.

M. [P] fait valoir que ces faits sont prescrits, l'attestation de M. [D] n'

étant pas fiable.

M. [P] dit s'être déplacé le 19 mars et a réalisé un vêlage avant de revenir chez lui, très fatigué, et de se coucher à deux heures du matin. Il n'a pas entendu les appels du client qu'il a rappelé vers six heures du matin et a rentré la matrice. La vache et le veau ont été sauvés; au cours du mois de mai 2019, il a posé des épingles pour éviter le prolapsus utérin et demandé à l'éleveur de retirer les épingles le lendemain, la ferme étant éloignée de [Localité 3] de quarante cinq minutes.

L' employeur entend préciser que la ferme de M. [D] est située à 20 kms du cabinet.

Le14 septembre 2019, ce dernier atteste avoir informé l'employeur 'la semaine passée' lors d'une visite pour son chien et aucun élément n'est produit pour priver cet élément d'effet probant. Ce grief n'est pas prescrit.

Il est constant qu'étant de garde, M. [P] n'a pas répondu aux appels du client de 1h30 à 6h00 en dépit de l' obligation de rester à la disposition de ce dernier.

L'appréciation formulée par M. [D] quant à la pose d'épingles est indifférente en l'absence de tout élément scientifique incontestable.

Le grief relatif à l'absence de réponse aux appels téléphoniques du client pendant une nuit de garde est avérée, étant précisé que les animaux ne sont pas morts et que M. [D] est resté le client du cabinet.

e- l'absence de tenue en temps réel du carnet des actes réalisés à l'extérieur de la clinique

Selon l'employeur, l'absence de renseignement de ces carnets prive les autres vétérinaires d'informations utiles et M. [P] reconnaît les faits puisqu'il dit avoir écrit sur le cahier de visite du cabinet ou sur l'ordinateur.

M. [P] affirme n'avoir jamais reçu de consignes à ce sujet et précise que chaque vétérinaire possède un carnet de visite.

Aucun élément n'est produit pour établir que la consigne avait été donnée au salarié de renseigner un carnet autre que le carnet de visite, l' employeur n'apportant par ailleurs aucune précision quant à la différence entre les deux carnets.

La réalité de ce grief n'est pas avérée.

f-le défaut de renseignement des fiches clients

M. [P] fait valoir à juste titre que les pièces produites ne mentionnent pas son intervention et que les annotations manuscrites apposées par l' employeur lui même sont inopérantes.

g- l'absence de facturation de certains actes

M. [P] aurait établi des bons suite à l'examen d'un animal qui n'aurait pas été facturé; des erreurs de facturation auraient été constatées.

M. [P] répond qu'il a émis des bons pour permettre à des clients de régler la facture plus tard, que les pièces versées ne sont pas relatives aux époux [H] et que les annotations manuscrites des employeurs n'ont aucune valeur probante. La cour constate la justesse de cette remarque.

La réalité de ce grief n'est pas établie.

h- la chienne des époux [J]

M. [P] aurait euthanasié un chien et pris en charge l'enlèvement du corps sans avoir fait signer une convention de crémation. Le corps de l'animal n'aurait pas été retrouvé et le chèque émis à l'issue de la visite aurait été conservé par le salarié. La facture du 8 septembre apparaîtrait réglée par un avoir, cette facture ayant été créée à partir d'une double fiche ultérieurement effacée.

L' employeur fait valoir que les notes de M. [P] ne concernent que des soins et non une visite à domicile et que les clients ont été mécontents.

M. [P] répond qu'il est possible d'établir une convention d'incinération ultérieurement et qu'il a établi un bon sans qu'il puisse affirmer que la facture a été réglée. Lors de son déplacement au domicile des époux [J], ceux-ci auraient préféré garder le corps de l'animal mais il pensait qu'ils reviendraient le lendemain.

Les pièces 46 à 47 établissent que M. [P] a euthanasié une chienne des époux [J] et que la facture datée du 13 septembre a été annulée et transformée en avoir. L'historique médical ne mentionne pas cette opération mais celle- ci figure sur la facture cotée 46.

Les explications de M. [P] ne sont pas claires et ce grief est avéré.

i- le chien des époux [C]

Selon l' employeur, M. [P] a euthanasié un chien et l'a pris en charge pour une incinération sans faire signer une convention d'incinération. L'opération a été pratiquée le 25 août 2019 et une convention a été signée le 17 septembre 2019. Ensuite, M. [P] aurait placé le corps de l'animal dans le congélateur de la clinique.

M. [P] répond que les faits ne sont pas datés, que les clients ont voulu se laisser un temps de réflexion pour décider des modalités de l'incinération, d'où la date de la convention s'y rapportant.

L'absence de datation des faits n'est pas dirimante dès lors que leur matérialité peut être examiné;

La convention de crémation est datée du 17 septembre 2019 et est donc postérieure à l'euthanasie. L' employeur, sur lequel repose la charge de la preuve, ne verse pas de pièce établissant que M. [P] a placé le corps de l'animal dans un congélateur sans s'en souvenir. Il n'est pas établi que la crémation a été réalisée avant la signature de la convention idoine de sorte que ce grief ne peut fonder le licenciement.

j- M. [E]

L' employeur fait valoir qu'il a connu les faits au cours du mois de septembre 2019 alors qu'il avait constaté que ce client - représentant un chiffre d'affaires de plus de 5 000 euros par an- ne faisait plus appel à lui.

De garde, M. [P] ne s'est pas déplacé lorsque M. [E] l'a appelé. Il a attendu 48 heures, n'a pas pratiqué de césarienne et la vache et le veau sont morts. Il n'a pas demandé l'avis des deux vétérinaires . Il a demandé aux clients de ne pas en parler aux vétérinaires de la clinique et n'a pas facturé son intervention. M. [P] a abandonné la vache et l'a laissée souffrir.

M. [P] répond que M. [E] n'a pas évoqué de saignement ni de vache à terme mais un prolapsus vaginal ; que la césarienne était impossible parce que le veau était mort, que le propriétaire préférait l'injection de prostaglandine pour expulser le veau, qu'il aurait établi une facture s'il avait su que l'assureur allait rembourser quelqu chose.

Aux termes de son attestation datée du 24 septembre 2019, M. [E] fait état de ce que :

-le vendredi 22 février 2019, une de ses vaches, en attente de mise bas, a présenté un important saignement;

- au téléphone, M. [P] a affirmé qu'il ne s'agissait pas d'une urgence ;

- le vétérinaire est venu le dimanche 24 février et a pratiqué une injection pour dilater le col;

-le lundi 25 février, M. [P] lui a dit que le veau était probablement mort et qu'il fallait abattre la vache,

- M. [P] a refusé de lui donner un certificat pour l'admission à l'abattoir, motif pris des injections;

- la vache est morte dans la nuit du 1er mars, avec son veau dans son ventre.

- si une césarienne avait été tentée le vendredi soir, la vache et le veau auraient pu être sauvés.

Aucun élément scientifique incontestable n'établit que les injections pratiquées par M. [P] n'étaient pas opportunes. Aucune pièce ne contredit l'affirmation du salarié selon lequel le propriétaire de l'animal a refusé l'abattage de celui-ci.

Dans ces conditions, le bien- fondé de ce manquement n'est pas établi.

Les quatre griefs retenus justifient le prononcé d'un licenciement.

M. [P] a été convoqué à un entretien préalable par lettre datée du 27 septembre 201 soit 13 jours après la découverte de certains manquements et M. [P] était revenu travailler à la clinique. Ce délai excède le délai raisonnable dont dispose l' employeur pour engager une mesure disciplinaire pour faute grave.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

L'employeur n'a pas relevé appel du jugement en ce qu'il a retenu une ancienneté remontant au 16 mai 2017 et fixé le montant du salaire de référence à 4 829,17 euros.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l' employeur au paiement des indemnités de rupture telles que sus mentionnées.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

L' employeur devra délivrer à M. [P] une attestation France Travail et un certificat de travail rectifiés dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt.

Vu l'équité, l' employeur devra verser la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, l'employeur supportera les dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 ;

Condamne la SDF [S] et [T] à payer à M. [P] la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SDF [S] et [T] aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/05770
Date de la décision : 28/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-28;21.05770 ?
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