COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
--------------------------
ARRÊT DU : 28 AOUT 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 21/05642 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MLNP
Association EMPLOI DOMICILE SERVICE PREMIERES COTES
S.E.L.A.R.L. PHILAE, ès qualité de mandataire liquidateur de l'ASSOCIATION EMPLOI DOMICILE SERVICE PREMIERES COTES
c/
Madame [P] [C] épouse [O]
UNEDIC - Délégation AGS - C.G.E.A DE [Localité 3]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 septembre 2021 (R.G. n°F 19/01720) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 12 octobre 2021,
APPELANTE :
Association Emploi Domicile Service Premières Côtes, en liquidation judiciaire,
S.E.L.A.R.L. PHILAE prise en la personne de Maître [X] [U], ès qualité de mandataire liquidateur de l'ASSOCIATION EMPLOI DOMICILE SERVICE PREMIERES COTES, domicilliée en cette qualité [Adresse 1]
représentées par Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX et Me Jean-Philippe POUSSET de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉE :
Madame [P] [O] née [C]
née le 29 Mars 1969 à [Localité 5],de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Thomas FRALEUX substituant Me Nadia BOUCHAMA, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTE :
UNEDIC - Délégation AGS - C.G.E.A DE [Localité 3], prise en la personne de son directeur, domicilié [Adresse 4]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 juin 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,
Greffier lors du prononcé : A-Marie Lacour-Rivière
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [P] [C] épouse [O], née en 1962, a été engagée en qualité d'employée à domicile par l'association Emploi Domicile Service Premières Côtes (ci-après dénommée EDS), dans le cadre de sept contrats de travail successifs à durée déterminée à temps partiel sur la période allant du 23 février au 31 décembre 2010, avant d'être embauchée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel le 1er janvier 2011.
La durée de travail de Mme [O] a été modifiée à plusieurs reprises pour être fixée au dernier état de la relation contractuelle à 120 heures par mois par avenant du 1er janvier 2018.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.
En dernier lieu, Mme [O] occupait les fonctions d'auxiliaire de vie.
Par courrier du 14 juin 2019, la protection juridique de la salariée a formulé une demande de rappel de salaire auprès de l'association EDS au titre des temps de déplacement entre deux séquences de travail.
Par courrier du 28 juin 2019, la protection juridique de Mme [O] a évoqué l'entretien ayant eu lieu la veille entre les parties relativement aux problématiques rencontrées dans l'exécution du contrat de travail.
Après un entretien le 5 septembre 2019 avec la direction de l'association, Mme [O] a présenté sa démission avec un préavis d'un mois par lettre datée du 9 septembre 2019, soit une fin de contrat au 30 septembre 2019.
A la date de sa démission, Mme [O] avait une ancienneté de 9 ans et 7 mois, et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Le 6 décembre 2019, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, afin de demander la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le paiement de diverses indemnités, outre des rappels de salaires correspondant à ses trajets, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Par jugement rendu le 17 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :
- ordonné la requalification de la démission de Mme [O] en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné l'association EDS à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
* 2.611,14 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 1.842,68 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 184,26 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* 7.460,40 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1.072,66 euros bruts à titre de rappel de salaires,
* 107,26 euros bruts à titre des congés payés afférents,
- ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectificatif pour la période de juin 2016 à septembre 2019, l'attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) et le solde de tout compte tenant compte de la nature de la rupture du contrat de travail et des sommes allouées par le conseil, sous astreinte de 30 euros par jour à compter du 30ème jour suivant la notification dudit jugement,
- condamné l'association EDS à verser à Mme [O] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis la totalité des dépens à la charge du défendeur, ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire,
- ordonné l'exécution provisoire d'une partie dudit jugement à hauteur de 6.000 euros,
- débouté les parties de leurs autres demandes.
Par déclaration du 12 octobre 2021, l'association EDS a relevé appel de cette décision.
L'association EDS a été placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 7 avril 2023, désignant la SELARL Philae, prise en la personne de Maître [U], en qualité de mandataire liquidateur.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 juillet 2023, la SELARL Philae, ès qualité de mandataire liquidateur de l'association EDS demande à la cour de :
- infirmer le jugement dont appel de ses chefs du dispositif expressément critiqués par l'association EDS, et par la SELARL Philae, prise en la personne de Me [U], en qualité de mandataire liquidateur de l'association EDS, partie intervenante, à savoir en ce qu'il a :
* ordonné la requalification de la démission de Mme [O] en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* condamné l'association EDS, prise en son représentant légal, à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
- 2.611,14 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 1.842,68 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 184,26 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 7.460,40 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* ordonné la remise d'un bulletin de salaire rectificatif pour la période de juin 2016 à septembre 2019, l'attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) et le solde de tout compte tenant compte de la nature de la rupture du contrat de travail et des sommes allouées par le conseil, sous astreinte de 30 euros par jour à compter du 30ème jour suivant la notification dudit jugement,
* condamné l'association EDS, prise en son représentant légal, à verser à Mme [O] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* mis la totalité des dépens à la charge du défendeur, ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire,
* ordonné l'exécution provisoire d'une partie dudit jugement à hauteur de 6.000 euros
Et, statuant de nouveau,
- débouter Mme [O] de ses demandes :
* de requalification de sa démission en prise d'acte de rupture et des demandes afférentes à l'indemnité de licenciement, préavis et dommages et intérêts,
* de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et partant, confirmer le jugement dont appel de ce chef,
* de dommages et intérêts pour travail dissimulé, et partant, confirmer le jugement dont appel de ce chef,
* d'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,
- la débouter de toutes demandes plus amples ou contraires.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juin 2023, Mme [O] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 17 septembre 2021 (RG n° F19/01720) en ce qu'il a :
* ordonné la requalification de sa démission en prise d'acte de rupture du contrat de travail prenant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* condamné l'association EDS à lui payer les sommes suivantes :
- sur le principe, une indemnité de licenciement,
- 1.842,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 184,26 euros à titre de congés payés sur préavis,
- sur le principe, une indemnité en réparation de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement,
- le réformer en ce qu'il a :
* sur le quantum : condamné l'association EDS à lui verser la somme de 2.611,14 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* sur le quantum : condamné l'association à lui verser la somme de 7.460,40 euros à tire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* débouté Mme [O] de sa demande à titre d'indemnisation du travail dissimulé,
* sur le quantum : condamné l'association à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,
* débouté Mme [O] de sa demande au titre de l'indemnisation de l'exécution déloyale du contrat de travail,
Et statuant à nouveau, et, compte tenu de la liquidation judiciaire de la société,
- fixer les sommes suivantes au passif de la liquidation de l'association EDS les sommes suivantes :
* 3.263,92 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
* 1.842,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 184,26 euros à titre de congés payés sur préavis,
* 8.504,70 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
* 15.000 euros net à titre principal à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'inconventionnalité de l'article L. 1235-3 du code du travail et, subsidiairement, 11.936,64 euros nets sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
* 1.500 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et inexécution des accords collectifs de travail,
* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,
* 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- juger que les dépens de première instance et d'appel seront pris en compte en frais privilégiés de la procédure collective,
- débouter l'association EDS de l'ensemble de ses demandes,
- ordonner l'opposabilité de l'arrêt à l'AGS-CGEA.
Par exploit de commissaire de justice remis à personne habilitée le 27 juin 2023, le CGEA de [Localité 3] a été assigné par Mme [O]. Il n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 25 juin 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prise d'acte de rupture
Pour infirmation de la décision critiquée, le mandataire liquidateur affirme qu'aucun élément ne peut être retenu au soutien d'une requalification de la démission de Mme [C] épouse [O] en prise d'acte de rupture imputable à l'association qui l'employait dans la mesure où :
- l'association n'avait pas contesté devoir régulariser la situation salariale de Mme [O] au titre des rappels de salaire correspondant à des trajets mais la salariée n'avait pas formulé de demande chiffrée,
- les demandes de la salariée ont plusieurs fois évolué,
- sans contester le bien-fondé des demandes de Mme [O], l'association avait sollicité un délai de trois mois pour régulariser les sommes dues, devant s'équiper d'un logiciel spécifique et suivre une formation adaptée durant une période estivale,
- la salariée avait sollicité, au cours de l'entretien du 5 septembre 2019, une rupture conventionnelle, le paiement d'une prime supplémentaire et la modification de son contrat de travail ce qui lui sera refusé,
- le montant au paiement duquel l'association a été condamnée au titre des régularisations restant dues, soit la somme de 1 179,92 euros pour 36 mois, représente 2,30% du salaire mensuel de Mme [O], soit 32,77 euros mensuels,
- ce rappel de salaire, ancien, n'avait jamais fait l'objet avant le mois de juin 2019, de la moindre discussion entre les parties.
La liquidation soutient en outre que la démission de la salariée est en réalité intervenue en raison de l'existence d'un conflit entre cette dernière et Mme [J], une autre salariée, et souligne la virulence de Mme [O] à l'égard de Mme [K], une salariée, contraignant le président de l'association à intervenir en lui adressant un courrier de mise en garde.
En réplique, Mme [O] conteste l'ensemble des arguments de la liquidation et expose que sa démission a un caractère équivoque en ce qu'elle est motivée par les manquements de l'employeur à son endroit, résultant du non-paiement, répété tous les mois, de ses temps de trajet de sorte que sa démission devait être requalifiée en prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur.
* * *
La prise d'acte désigne tout acte par lequel le salarié notifie à l'employeur qu'il met fin au contrat de travail ou qu'il cesse le travail en raison de faits qu'il lui reproche, quelle que soit la dénomination utilisée dans cet acte telle que la démission.
En l'espèce, Mme [O] a démissionné de ses fonctions par lettre du 9 septembre 2019, rédigée en ces termes :«'je souhaite vous faire part de ma décision de démissionner de mon poste d'auxiliaire de vie sociale'si toutefois un accord tacite me permettait de raccourcir ce préavis au maximum, ce ne serait bénéfique que pour les deux parties. En effet, vu la conjoncture actuelle, les sommes dues à mon égard, un climat fort désagréable et un manque de considération, je ne peux assumer ma profession en toute sérénité. Je n'ai plus confiance en votre association. Mon départ me semble inévitable. Je réitère donc ma demande de règlement des sommes dues et de tout ce qui en découle (arriérés d'indemnités de déplacement, salaires en congés payés, plus jours de congés supplémentaires d'ancienneté)'»
Cette lettre de démission est rédigée en termes particulièrement équivoques et est motivée par des manquements, allégués par la salariée et imputables à l'association employeur, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a jugé que la démission devait être requalifiée en prise d'acte.
Il revient à celui qui invoque la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur de rapporter la preuve de faits suffisamment graves qu'il lui reproche. Il appartient au juge d'examiner les manquements de l'employeur invoqués par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit, cette rupture produisant les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire.
Mme [O] invoque l'existence de manquements de l'employeur tenant au non-paiement de ses temps de trajet pour lesquels l'association a été condamnée dans le cadre de la première instance à lui verser la somme de 1 179,92 euros, condamnation dont la liquidation judiciaire n'a pas relevé appel.
Il résulte de l'ensemble de ces faits que l'employeur, alerté par sa salariée, en s'abstenant de régler les salaires dues à Mme [O] dont il n'a contesté ni le principe ni le quantum et quels qu'en soient le montant et les justifications, a manqué gravement à ses obligations de sorte que la salariée a été amenée à prendre acte de la rupture de son contrat de travail le 9 septembre 2019. Cette prise d'acte est ainsi justifiée par les manquements de l'employeur, suffisamment graves pour justifier la rupture de la relation contractuelle.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Sur les conséquences indemnitaires du licenciement sans cause réelle et sérieuse
- sur l'indemnité compensatrice de préavis
Mme [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur à l'issue de plus de 9 ans de présence effective dans l'association.
Son préavis était de deux mois. Celui-ci a débuté le 9 septembre 2019 mais elle a été dispensée de l'exécuter à compter du 30 septembre 2019 de sorte qu'elle est bien fondée à solliciter la confirmation de la décision critiquée -dans la limite de sa demande- qui lui a allouée la somme de 1 842,68 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis représentant 1,3 mois de salaire, outre la somme de 184,26 euros bruts au titre des congés payés afférents. Ces sommes seront fixées au passif de la procédure de liquidation judiciaire
- sur l'indemnité de licenciement
Mme [O] sollicite le paiement d'une indemnité légale de licenciement d'un montant de 3.263,92 euros nets.
Selon l'article R.1234-2 du code du travail, plus favorable en l'espèce que la convention collective applicable, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans.
Compte tenu de la rémunération mensuelle brute d'un montant de 1 492,08 euros, de l'ancienneté de la salariée, il sera intégralement fait droit à la demande pécuniaire de Mme [O] et le jugement sera infirmé en conséquence.
- sur les dommages et intérêts au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse
Pour solliciter l'allocation d'une somme de 15 000 euros à titre principal ou celle de 11 936,64 euros à titre subsidiaire, Mme [O] oppose que l'application des barèmes ne permettrait pas une réparation adéquated préjudice au sens de l' article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT et de l' article 24 de la Charte Sociale européenne révisée. l'inconventionnalité du barème de l'article L.1235-3 du code du travail en ce qu'il serait insuffisant à réparer son entier préjudice et à défaut, le montant maximum prévu par ledit barème.
D'une part, les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
D'autre part, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui octroientau salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi, étant observé que celles de l'article L. 1235-3-1 du même code prévoient que, dans des cas limitativement énumérés entraînant la nullité du licenciement, le barème ainsi institué n'est pas applicable.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est en outre assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, aux termes desquelles le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.
Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée et qu'il n'y pas lieu d'écarter le barème en résultant.
Mme [O], qui comptait une ancienneté au service de son employeur de 9 ans et 7 mois peut, par application des dispositions précitées, prétendre à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi, comprise entre 3 et 9 mois de salaire.
En l'état des pièces produites et compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [O], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 7 460,40 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail.
La décision de première instance sera confirmée.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En l'espèce, le fait que l'employeur n'ait pas réglé partiellement les salaires correspondant à des temps de trajet ne caractérise pas la preuve de son intention de se soustraire à ses obligations.
Cette intention ne ressortant pas des éléments de la cause, la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sera en conséquence rejetée et la décision de première instance sera confirmée.
Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
La liquidation sollicite la confirmation du jugement critiqué sur ce point tandis que la salariée fait valoir qu'en ne régularisant les sommes dues que partiellement et en ne tenant pas à la disposition du personnel la convention collective qui lui aurait permis de vérifier que les trajets intervacations étaient du temps de travail effectif, l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail.
Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
Il a été retenu que l'employeur n'avait pas réglé la totalité des salaires dûs à Mme [O]. Il n'a d'ailleurs pas contesté sa condamnation à ce titre. Ce manquement constitue une exécution déloyale du contrat de travail.
Par ailleurs, ainsi que le fait valoir Mme [O], le fait pour l'employeur de ne pas justifier qu'il tenait la convention collective à la disposition des salariés sur le lieu de travail caractérise également une exécution déloyale du contrat de travail.
Pour toutes ces raisons, il sera alloué à Mme [O] la somme de 300 euros à ce titre, somme qui sera fixée au passif de la procédure de liquidation judiciaire de l'association.
Sur les autres demandes
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire et la liquidation, partie perdante, sera condamnée à verser à l'intimée la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
L'arrêt à intervenir sera déclaré opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 3], dans la limite légale de sa garantie.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- requalifié la démission de Mme [O] en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Mme [O] de sa demande au titre d'une indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
- condamné l'association à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirmant pour le surplus dans la limite de l'appel,
Statuant à nouveau des chefs infirmés dans la limite de l'appel et y ajoutant,
Fixe les créances de Mme [O] au passif de la liquidation judiciaire de l'association Emploi Domicile Service Premières côtes, représentée par son liquidateur, la SELARL Philae, aux sommes suivantes :
- 1 842,68 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 184,26 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- 3.263,92 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 7 460,40 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- 300 euros en réparation de l'exécution déloyale du contrat,
Dit l'arrêt à intervenir opposable à l'UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 3], dans la limite légale de sa garantie et du plafond applicable, à l'exception des dépens,
Condamne la SELARL Philae, liquidateur de l'association Emploi Domicile Service Premières côtes, à verser à Mme [O] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard