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14/08/2024 | FRANCE | N°21/04663

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 14 août 2024, 21/04663


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 14 AOUT 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/04663 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIYR











Madame [F] [J]



c/



S.A. SICOM

















Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :r>


à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 juillet 2021 (R.G. n°F19/01635) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 10 août 2021,





APPELANTE :

Madame [F] [J]

née le 27 Juin 1963 à [Localité 3], de nationalité Française, ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 14 AOUT 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/04663 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIYR

Madame [F] [J]

c/

S.A. SICOM

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 juillet 2021 (R.G. n°F19/01635) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 10 août 2021,

APPELANTE :

Madame [F] [J]

née le 27 Juin 1963 à [Localité 3], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA Sicom, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2]

N° SIRET : 339 610 651

représentée par Me Myriam BEZZAZI, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Rachel VERT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

- délibéré prorogé au 14 août 2024 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [F] [J], née en 1963, a été engagée en qualité d'attachée commerciale par la SA Sicom, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 mars 2007.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la publicité.

La rémunération de Mme [J] était intégralement composée d'un commissionnement, avec un revenu minimum garanti au SMIC en vigueur.

Lors d'une réunion de travail du 26 mars 2018, un différend est survenu entre Mme [J] et Mme [O], référente de l'agence de [Localité 5].

Mme [J] a été placée en arrêt de travail le même jour, prolongé jusqu'au 23 avril 2018.

Par lettre datée du 30 mars 2018, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 17 avril suivant, reporté au 26 avril 2018.

Le 25 avril 2018, la société Sicom a reçu des avis d'arrêt de travail relatifs à la survenance d'un accident de travail le 26 mars 2018. La caisse primaire d'assurance maladie a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'évènement.

Mme [J] a été licenciée pour faute grave par lettre datée du 3 mai 2018.

Par courriers des 9 et 15 mai 2018, Mme [J] a sollicité des précisions sur les griefs formulés à son encontre. La société lui a répondu par lettre datée du 15 mai 2018.

A la date du licenciement, Mme [J] avait une ancienneté de onze ans et deux mois, et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 3 décembre 2018, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, dont des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et des rappels de commissionnement.

Par jugement rendu le 23 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit le licenciement de Mme [J] sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à 3.733,61 euros,

- condamné la société Sicom à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

* 13.553 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 7.467,22 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 746,72 euros au titre des congés payés afférents,

- débouté Mme [J] de l'ensemble de ses autres demandes,

- ordonné à la société Sicom de remettre les documents de rupture du contrat rectifiés, sous un mois à compter du prononcé,

- dit qu'il n'y a pas lieu à astreinte,

- dit qu'il n'y a pas lieu à l'exécution provisoire hors celle de droit,

- débouté la société Sicom de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Sicom à verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Sicom aux dépens d'instance et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 10 août 2021, Mme [J] a relevé appel partiel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 23 juillet 2021.

Par ordonnance du 10 avril 2024, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de l'intimée mettant fin à l'instance d'incident.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 mai 2024, Mme [J] demande à la cour de :

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture à la date de l'audience de plaidoiries;

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement du 3 mai 2018,

- le réformer en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité et en rappel d'un solde de commissionnement,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Sicom au règlement des sommes suivantes :

* 47.915,07 euros de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail,

* 13.000 euros de dommages et intérêts,

* 21.186,76 euros brut à titre de solde de commissionnement,

- lui ordonner la délivrance d'un bulletin de salaire y afférent,

- la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de l'instance,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à venir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1986, devront être supportées par la société défenderesse en sus des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 mai 2024, la société Sicom demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement initié à l'encontre de Mme [J] comme ne reposant ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau,

- dire le licenciement initié à l'encontre de Mme [J] comme reposant sur une faute grave,

En conséquence,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes indemnitaires de ce chef,

Subsidiairement,

- dire le licenciement initié à l'encontre de Mme [J] comme reposant sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- la débouter de ses demandes relatives à sa condamnation au règlement de la somme de 47.915,07 euros à titre de dommages-intérêts,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes relatives à sa condamnation au règlement de la somme de 47.915,07 euros à titre de dommages-intérêts,

Subsidiairement,

- réduire dans une large mesure ses demandes indemnitaires de ce chef,

- juger qu'elle n'a pas failli à son obligation de sécurité de résultat,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes relatives à sa condamnation au règlement de la somme de 13.000 euros de dommages-intérêts,

- écarter des débats la pièce n°26 pour avoir été obtenue frauduleusement et canceller les écritures s'y rapportant,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes relatives à sa condamnation au règlement de la somme de 21.186,76 euros bruts au titre d'un rappel sur commissions,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes plus amples et/ou contraires,

- juger les demandes de rappels de commissions pour les contrats régularisés avant la date du 3 mai 2015 comme étant prescrites,

- débouter Mme [J] de l'ensemble de l'ensemble de ses demandes de ce chef,

- la condamner au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens de procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2024.

À l'audience, avant le déroulement des débats, à la demande de Mme [J] et avec l'accord de la partie adverse, l'ordonnance de clôture rendue le 3 mai 2024 a été révoquée et la procédure a été de nouveau clôturée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

le licenciement pour faute grave

Embauchée en qualité d'attachée commerciale, Mme [J] avait pour mission d'informer, diffuser et vendre auprès des commerçants et organismes privés ou publics les produits et services proposés par la société qui commercialisait des matériels signalétiques.

Mme [J] a été licenciée pour avoir :

-sur le territoire des communes de [Localité 9] et [Localité 10], vendu des emplacements non encore validés ou temporaires non compatibles avec les emplacements définitifs, et pour n'avoir pas respecté des modalités conventionnelles imposées par les mairies . Mme [J] n'aurait pas respecté des consignes qui lui auraient été rappelées par message du 20 février 2018;

- adopté une attitude inappropriée lors d'une réunion tenue à l'agence le 26 mars 2018;

-travaillé pendant son arrêt de travail en contravention avc un message de l' employeur.;

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave, doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

a- les manquements relatifs à la commercialisation des signalétiques au profit de la ville de [Localité 9]

Au visa de l' article L.1332-4 du code du travail, Mme [J] fait valoir que ces griefs datés de novembre 2017 ou janvier 2018 sont prescrits.

La société oppose que le délai de deux mois court à compter du jour où l' employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits et qu'elle a connus ceux- ci à l'occasion d'une réunion organisée le 26 mars 2018 au sein de l'agence de [Localité 5].

Aux termes de l' article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l' employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Les faits dont la prescription est ici recherchée sont datés des 14, 15 et 21 novembre 2017 et 12 janvier 2018 et sont antérieurs de plus de deux mois à la convocation à l' entretien préalable du 30 mars 2018. Il revient à l' employeur de prouver qu'il n'en a eu connaissance qu'entre le 30 janvier et le 30 mars 2018.

Par mail en date du 20 février 2018 (pièce 47 de l'intimée), une des salariés de la société a informé M. [R], directeur commercial, s'être aperçue que Mme [J] avait vendu des emplacements sans avoir les validations et sans indication de la réserve d'acceptation de l'emplacement.

Le même jour, M. [R] a écrit à Mme [J] que les commissionnements de ces contrats étaient bloqués dans l'attente d'une régularisation de sa part, ' je te rappelle que la création d'emplacement nécessite l'aval de la commune. J'aimerais ne plus avoir à te le rappeler'.

Par ailleurs, il résulte de l'attestation de Mme [O], référente de l'agence et présente lors de la réunion du 26 mars 2018, que Mme [J] a été interpelée sur les incohérences de certains de ses contrats (contrats vendus avec des lattes posées provisoirement avec promesse de les déplacer en cas d'octroi de nouveaux emplacements).

Par mail en date du 29 mars 2018, M. [M] a informé Mme [J] qu'il procédait à l'examen attentif des conditions d'exercice de sa mission.

Ces éléments établissent qu' à la date du 20 février 2018, l' employeur avait une connaissance très incomplète des faits mentionnés dans la lettre de licenciement. Au surplus, les griefs s'inscrivant dans le délai de deux mois sont de même nature que les faits datés des mois de novembre 2017 et janvier 2018 et constitueraient une réitération de faits de même nature échappant à la prescription..

Les griefs ne sont pas prescrits.

Sauf à engager la société et les clients sur des sites de pose de signalétiques non autorisés et à contraidre l' employeur à reprendre à ses frais la fabrication de nouvelles lattes, Mme [J] devait attendre l'autorisation de la commune de [Localité 9] et ne pas vendre un emplacement non validé.

*les pompes funèbres Viers : Mme [J] ne conteste pas que la commercialisation de l'espace 105/2 a fait l'objet d'une pose temporaire sur un autre emplacement et ne peut valablement arguer d'une reconduction, non acquise cette date, par la ville de [Localité 9].

*la Maison du confort : Mme [J] ne peut valablement opposer que la facture porte la mention ' si pas de pose au 65.2 ,poser en attendant au 44.2" et que le client a répondu ' que le BAT lui convenait, après, le sens des flèches doit correspondre à notre emplacement'; un risque existait donc de devoir refaire des lattes compatibles avec le positionnement de l'emplacement accordé et la salariée ne devait pas faire peser ce risque sur la société;

*le camping le [Localité 9] /HPA les lauriers : au regard de ses pièces 33 à 38, Mme [J] fait valoir que ,pour satisfaire un client souhaitant obtenir une dérogation, elle a transféré une latte du portique 19/3 sur le portique 65/2. Il ne revenait pas à Mme [J] d'anticiper l'aval de la mairie pour la pose de quatre lattes supplémentaires qui devait faire l'objet d'une demande de dérogation de la part du client;

*casino [4] et Korian [8] : les lattes seraient restées à l'atelier dans l'attente d'un éventuel accord de la ville; Mme [J] produit un échange de mails avec M. [R] qui aurait autorisé l'envoi en fabrication. La société objecte avec raison ( cf la pièce 42 de la salariée) que l'autorisation de ce dernier ne portait pas sur la fabrication de lattes sur des emplacements non autorisés mais sur la fabrication de lattes avant le réglement des premières échéances;

*les flots bleus/les embruns : Mme [J] reconnaît que, faute de validation de l'emplacement 90/1, la latte a été placée sur le portique 54/1. Sa pièce 45 porte la mention du déplacement de l'emplacement à la demande de Mme [J].

b- le non respect des modalités conventionnelles

Selon la société, Mme [J] aurait établi deux contrats, l'un au nom de Thalazur ( 8 panneaux) et l'autre au nom de l'hôtel [7] (7 panneaux) pour contourner la limite de quatre panneaux pour les commerces non hôteliers et de huit pour les commerces hôteliers. Sans l'intervention de l'agence, la société aurait dû rendre des comptes à la ville et apporter des explications aux autres hôteliers. Mme [J] reconnaît qu'un seul et même contrat de 8 lattes a dû être établi après l'intervention du service dédié de l'agence dont Mme [J] ne remet pas en cause la décision.

*Naturhouse : Mme [J] aurait affirmé à une cliente qu'aucun concurrent n'apparaîtrait sur les mêmes emplacements que les siens et ce, en violation de la convention octroyée par la ville imposant une égalité de traitement. Plus tard, Mme [J] a procédé à une vente sur le même emplacement et la première cliente a été mécontente.

La société produit le message de la société Mavida Diet tenant un centre Naturhouse selon laquelle, lors de la signature du contrat, Mme [J] avait affirmé être en train de boucler ce secteur et que personne de ce milieu santé / alimentation /minceur n'apparaîtrait avec elle. Ensuite, deux panneaux ont été posés mentionnant aussi le nom d'un concurrent. La société a dû répondre à la cliente mécontente que le contrat conclu avec la ville de [Localité 9] l'obligeait à un traitement égalitaire et Mme [J] ne peut sérieusement opposer que la société Mavida Diet savait qu'elle ne pouvait exiger l'exclusivité, puisqu'il lui revenait précisément de l' en informer.

*Insolite Cosmos [Localité 9]: le client s'est plaint de ce que la vente lui a été proposée sur un bîmat alors que la signalétique se trouve sur un mât. Le client a menacé de bloquer les paiements dans l'attente d'une modification du format des lattes. Mme [J] oppose que le bon à tirer indique deux tailles de lattes à poser sur des mâts et non des bi- mâts, configuration jamais abordée par elle.

La proposition acceptée par le client comporte des lattes de taille différente sans qu'il soit établi que le client ne pouvait que penser à la pose sur un mât;

*le pavillon bleu : vente sur un emplacement non disponible car utilisé par la ville : Mme [J] fait valoir qu'elle a pris sous sa responsabilité la création d'un 'nouvel emplacement préexistant' qui a été validé par la ville et que dès lors, elle savait qu'il n'y avait aucune latte municipale au moment de la signature du contrat. Mme [J] aurait dû attendre la validation de l'emplacement par la ville sans prendre une initiative qui pouvait être contraire à la décision de la mairie.

* le camping [6] : vente sur un emplacement non autorisé, postérieure au rappel à l'ordre du 20 février 2018. Mme [J] ne peut préjuger de la décision de la mairie de renouveler l'ancienne signalétique 'là où elle préexistait';

* les ventes non autorisées à [Localité 10]: Mme [J] aurait effectué des ventes sur des emplacements non encore autorisés. Le déplacement de panneaux a généré un surcroît de travail pour le secrétariat et le service technique de la société;

Mme [J] ne pouvait valablement parier sur l'accord ultérieur de la ville et ne peut exciper valablement, à défaut de preuve, d'un accord de cette dernière ou avec d'autres salariés de la société;

Mme [J] connaissait la régle selon laquelle le contrat de pouvait être finalisé qu'après l'accord de la mairie sur l'emplacement de la signalétique. Elle a, à de nombreuses reprises, parier sur cet accord sans égard pour le client et les services administratif et technique de la société. Elle a par ailleurs affirmé à une cliente que son emplacement était exclusif en dépit du principe d'égalité de traitement de tous les clients posé par la mairie et mécontenté la cliente à laquelle la société a dû consentir un panneau supplémentaire à titre gracieux ( pièce 43 de la société);

Le premier grief qui représente une série de manquements dans la vente des panneaux de signalétique est avéré, y compris aprés le message électronique de l' employeur rappelant la nécessité de l'aval de la mairie.

c - la réunion du 26 mars 2018

Selon l' employeur, Mme [J] aurait adopté un comportement méprisant à l'égard de Mme [O], référente de l'agence. Ce comportement aurait fait suite à des paroles prononcées par la salariée (' vas te faire foutre')à l'endroit de cette dernière.

Mme [O] a rédigé une attestation qui est recevable dès lors qu'elle n'a pas pris la décision de licencier Mme [J]. Mme [O] reconnaît avoir été exaspérée par l'attitude méprisante de sa collègue qui, selon Mme [V], lui aurait dit '' on est pas à l'école' accompagné d'un rictus que l'on pouvait traduire comme étant méprisant'.

Cette formule ne caractérise pas l'attitude méprisante de Mme [J].

Les attestations de mesdames [K] et [N] n'évoquent pas cette attitude et celle de M. [U] est imprécise. Le grief mentionné dans la lettre de licenciement n'est pas établi peu important les difficultés relationnelles entre Mme [J] et Mme [O].

d- le non- respect de la préconisation d'arrêt de travail pour maladie

Selon la société, Mme [J] aurait travaillé pendant son arrêt de travail qui a débuté le lendemain de la réunion du 26 mars 2018. La salariée affirme avoir seulement procédé à la redirection de mails de clients et répondu à l'appel téléphonique de l' un d'eux dans l'intérêt de la société.

Les messages électroniques versés de part et d'autre sont datées du 29 mars 2018. Mme [J] transmet à l'agence quelques messages reçus de clients et demande des informations à deux reprises,étant précisé que le mail de l' employeur lui rappelant de ne pas travailler est postérieur à ces messages. Dans ces conditions, ce grief n'est pas pertinent.

En définitive, Mme [J] a fait volontairement souscrire de nombreux contrats en contravention avec des régles posées par la société et les communes et connues d'elle.

La cour note cependant que les deux derniers griefs ne sont pas retenus et qu'aucune sanction n'avait été notifiée à Mme [J] depuis son embauche onze années auparavant. Les manquements n'étaient pas d'une gravité telle qu'elle ne permettait pas le maintien de Mme [J] et licenciement doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Mme [J] sera donc déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .

La société ne demande pas l' infirmation du jugement en ce qu'il l' a condamnée au paiement des indemnités de rupture.

l' obligation de sécurité

Au visa des articles L.1152-4, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, Mme [J] fait valoir qu'elle a été victime de harcèlement moral, dont le paroxysme a été atteint lors de la réunion du 26 mars 2016, et qui a eu pour effet une dégradation de son état de santé. Elle met en cause Mme [O] et M. [R], directeur commercial de la société à laquelle elle reproche de n'avoir pas pris les mesures utiles et précise que le document unique de prévention des risques professionnels.

La société répond que les pièces versées ne sont pas précises, que M. [D] a quitté la société à la fin de l'année 2015, qu'un fait isolé ne peut laisser supposer un harcèlement moral, qu'elle a procédé à une enquête, que la la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas reconnu le caractère professionnel de l'accident du 26 mars et que Mme [J] a procédé par malice lors de la transmission de ces arrêts de travail.

L' employeur tenu à une obligation de sécurité, doit assurer la protection et la santé des travailleurs dans l' entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que les faits sont avérés, la responsabilité de l' employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de droit ou de fait une autorité sur les salariés.

Aux termes de l' article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l' article L.1152-4, L. 1154-1 du code du travail, en cas de litige, si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d' un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l' employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d' un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L' article L.1152-4 fait obligation à l' employeur de prendre toutes mesures nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail font obligation à l' employeur de prendre toutes mesures nécessaires- notamment de prévention et d' information - pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentales des travailleurs;

La décision de la la caisse primaire d'assurance maladie de ne pas reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré le 26 mars 2018 ne lie par la cour, les deux avis d'aptitude délivré par le médecin du travail en 2015 et 2017 non plus.

Les dates de transmission des arrêts de travail sont indifférentes.

Mme [J] produit :

- l'attestation de Mme [A], ancienne salariée de la société qu' elle a attraite devant le conseil des prud'hommes de Bordeaux pour contester son licenciement . M. [R], directeur commercial, qui venait une à deux fois par mois à l'agence , aurait ' divisé pour mieux régner' et proféré des propos vulgaires à l'encontre de Mme [J] et de Mme [V]. L'impartialité de la rédactrice est remise en cause compte- tenu de la procédure initiée par celle- ci et de l'attestation de Mme [J] produite devant la juridiction au profit de la Mme [A].

-sa lettre à l' employeur en date du 23 avril 2018, en réponse à sa convocation à l' entretien préalable. La salariée indique être suivie par un médecin psychiatre pour gérer l'état de stress déclenché par l'aggresion verbale du lundi 26 mars précédent et relate les propos tenus par Mme [O] ' je me casse car je n'ai qu'une envie ' te tarter ''. La société ne conteste pas ces propos qu'elle explique par l'attitude de Mme [J]. Cependant, la cour constate que cette dernière ne fait pas état de faits antérieurs autres que le refus de Mme [S] d'accepter ses fleurs et, un temps, de la saluer ;

- le compte - rendu de Mme [I], psychologue du travail qui relate simplement les propos tenus par Mme [O] ;

- les avis d'arrêt de travail à compter du 26 mars 2018 et jusqu'au 1er juin 2018 mentionnant une réaction de stress suite à une réunion de travail ;

Ces éléments, pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer des agissements répétés de harcèlement moral.

Seul subsiste le manquement de l' employeur qui n'a pas établi de document unique de prévention des risques professionnels. Mme [J] ne démontrant pas l'existence d'un préjudice en résultant, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de ce chef.

les commissions dues

Mme [J] fait valoir que la société, sur laquelle repose la charge de la preuve , ne justifie pas avoir réglé l'intégralité des commissions dues et que sa pièce 26 extraite de son ordinateur personnel sur lequel elle devait travailler, est recevable en l'absence de production de toute pièce utile par l' employeur.

La société répond que Mme [J] produit un document qui devra être écarté parce qu'obtenu frauduleusement et ayant un caractère confidentiel ; que le commercial perçoit la totalité du commissionnement généré par la régularisation du contrat lors de l'émission e cette facture unique quel que soit la durée de l'abonnement; qu'en raison de la tardiveté de la demande, elle n'a pas pu produire les 178 factures sollicitées , que les demandes afférentes à des contrats signés avant le 3 mai 2015 sont prescrites.

Mme [J] verse sous cote 26 un tableau mentionnant des villes, des numéros de factures, le nom des clients et des montants à compter de l'année 2018 et jusqu'en 2021 pour l'une d'elles.

La société ne conteste pas que Mme [J] devait travailler sur son seul ordinateur personnel de sorte que cette pièce n'a pas été obtenue de manière frauduleuse; en tout état de cause et dès lors que la société ne verse aucun élément autre qu'une réponse à ce tableau, cette production est indispensable à l'exercice des droits de la salariée et proportionnée au but poursuivi. Cette pièce ne sera pas écartée.

Ensuite, le contrat de travail de Mme [J] prévoit une rémunération intégrale au commissionnement selon la nature des ventes et l'avenant signé en 2009 apporte des modifications relatives au calcul des pack annualisés et mensualisés de sorte que le droit de Mme [J] au paiement d'un commissionnement est avéré. Il revient à l' employeur de communiquer les éléments comptables nécessaires pour effectuer le calcul de ces commissions;

A ce titre, la société ne peut valablement opposer la tardiveté, au sens de l' article 15 du code de procédure civile, de la production du tableau coté 26 et qui a été produit au plus tard le 18 avril 2024. Les conclusions de cette dernière, datées du 25 octobre 2021 en faisant déjà état.

La demande de rappel de commissions est une demande de nature salariale soumise au délai de prescription de trois ans ayant couru depuis que le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer. En cas de rupture du contrat de travail, cette demande peut porter sur les salaires des trois années précédant celle-ci soit depuis le 3 mai 2015.

L' employeur verse sous cotes 78, 79 et 80 des tableaux de contrats régularisés avant et après le 3 mai 2015 et les factures qui y correspondraient mais il n'en tire aucun calcul des commissions dues, selon lui, au titre de factures émises depuis cette date.

La cour constate cependant que les demandes portant sur les années postérieures à la rupture du contrat de travail ne sont pas fondées au regard des dispositions contractuelles qui ne prévoient pas un droit à commissions postérieures à la rupture du contrat de travail.

Dans ces conditions, les sommes seront calulées sur la seule année 2018 et les commissions dues s'élevaient à 5 096,15 euros dont l' employeur n'établit pas qu'elles ont été versées à la salariée.

En conséquence, la société sera condamnée au paiement de cette somme et devra délivrer à Mme [J] un bulletin de paye conforme.

Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à Mme [J] la somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Partie perdante, la société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

dans la limite de l'appel,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société au paiement des indemnités de rupture et débouté Mme [J] de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour manquement à l' obligation de sécurité ;

Dit que la pièce cotée 26 de la salariée est recevable ;

statuant à nouveau des autres chefs,

Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [J] de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Sicom à payer à Mme [J] la somme de 5 096,15 euros au titre des commissionnements;

Condamne la société Sicom à payer à Mme [J] la somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Condamne la société Sicom aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/04663
Date de la décision : 14/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-14;21.04663 ?
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