R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X
N° RG 24/00177 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N4XF
ORDONNANCE
Le SIX AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE à 11 H 00
Nous, Cécile RAMONATXO, présidente de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,
En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,
En présence de Monsieur [E] [I], représentant du Préfet de La Gironde,
En présence de Monsieur [Y] [N], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,
En présence de Monsieur [P] [U], né le 05 Juillet 2005 à [Localité 1] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, et de son conseil Maître Laura ROUSSEAU,
Vu la procédure suivie contre Monsieur [P] [U], né le 05 Juillet 2005 à [Localité 1] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 1er octobre 2023 visant l'intéressé,
Vu l'ordonnance rendue le 03 octobre 2024 à 11h10 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [U], pour une durée de 30 jours supplémentaires,
Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [P] [U], né le 05 Juillet 2005 à [Localité 1] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, le 04 août 2024 à 22h04,
Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,
Vu la plaidoirie de Maître Laura ROUSSEAU, conseil de Monsieur [P] [U], ainsi que les observations de Monsieur [E] [I], représentant de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [P] [U] qui a eu la parole en dernier,
A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 15 juin 2022 à 14h00,
Avons rendu l'ordonnance suivante :
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 1er octobre 2023, M. le Préfet de la Gironde a pris à l'encontre de M. [P] [U], se disant de nationalité algérienne, un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français assortie d'une interdiction de retour de 2 ans.
[P] [U], condamné par le Tribunal correctionnel de Bordeaux le 18 janvier 2024 à la peine de 10 mois d'emprisonnement pour vol aggravé par deux circonstances, a été libéré le 5 juillet 2024.
M. [P] [U] a été placé en rétention administrative par arrêté de M. le Préfet de la Gironde en date du 5 juillet 2024 notifié le même jour à 10 heures 06
Par ordonnance en date du 7 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux a autorisé la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.
Par requête reçue au greffe du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 2 août à 14 heures 05 à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé des faits et des moyens, M. le Préfet de la Gironde a sollicité, sur le fondement de l'article L742-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, la prolongation de la rétention de l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours.
Par ordonnance rendue le 3 août 2024 à 11 heures 10, le juge des libertés et de la détention a :
- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M.[P] [U],
- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative de M [P] [U],
- autorisé le maintien de la rétention administrative de [P] [U],
- ordonné la prolongation de la rétention administrative de [P] [U] pour une durée maximale de 30 jours.
Par courriel adressé au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 4 août 2024 à 22 heures 04, le conseil de M. [P] [U] a fait appel de l'ordonnance du 3 août 2024.
Au soutien de son appel, le conseil relève que c'est à tort que le Juge des Libertés et de la Détention a pu considérer que les perspectives d'éloignement existantes sont actuellement suffisantes pour considérer la mesure comme proportionnée ; que les demandes et relances sont restées sans réponse ; qu'il n'y a aucun accusé de réception de la part des autorités consulaires ; que les perspectives à bref délai de la délivrance de documents de voyage sont inexistantes contrairement à ce qu'a apprécié le Juge des Libertés et de la Détention puisque [P] [U] n'ayant aucun lien avec la Tunisie, les diligences effectuées auprès de ce consulat n'ont aucune chance d'aboutir et que les relations entre la France et l'Algérie se dégradent.
Le conseil de M. [P] [U] demande en conséquence à la Cour de :
- déclarer ses écritures recevables,
- annuler l'ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du 3 août 2024,
- dire n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de [P] [U].
A l'audience, M. le Représentant de la préfecture confirme les termes de la requête en prolongation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la recevabilité de l'appel
Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.
2/ Sur la régularité de la prolongation de la rétention administrative
Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".
Aux termes de l'article L742-4 du CESEDA, quand un délai de vingt-huit jours est écoulé depuis l'expiration du délai de quarante-huit heures mentionné au I de l'article L 741-1 , « le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.
Un seul de ces motifs est suffisant pour justifier de la prolongation de la rétention administrative.
Il appartient donc au juge des libertés et de la détention de s'assurer d'une part que l'administration a tout mis en 'uvre pour procéder à l'éloignement de l'étranger, dès son placement en rétention et tout au long de la période de rétention administrative et d'autre part qu'il existe des perspectives réelles de reconduite à la frontière.
En l'espèce,
S'agissant des documents de voyage
[P] [U] est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité.
S'agissant de l'obstruction volontaire à la mesure d'éloignement
Sans domicile fixe ni ressources légales, M. [P] [U] n'a pas respecté les précédentes mesures d'assignation à résidence des 17 décembre 2023 et 31 décembre 2023.
S'agissant des diligences de l'autorité administrative
L'identité de [P] [U] n'étant pas formellement établie, celui-ci ayant un temps prétendu être de nationalité tunisienne, l'administration a effectué des diligences tant auprès des autorités tunisiennes (4 juillet 2024) qu'algériennes (5 janvier 2024). Des relances ont été effectuées régulièrement les 4, 15 et 29 juillet.
La cour rappelle que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse.
S'agissant des perspectives d'éloignement
Le conseil de [P] [U] fait état d'un article qui se fait l'écho de l'analyse personnelle d'un journaliste qui pour autant qu'elle soit documentée ne reste qu'un avis de son rédacteur qui ne titre d'ailleurs que sur le « risque » d'une nouvelle crise avec l'Algérie sans évoquer dans la pièce soumise aux débats les conséquences envisagées de cette éventuelle crise.
De sorte qu'aucun élément objectif ne permet d'établir qu'un laissez-passer consulaire ne pourrait pas être délivré pendant le temps de la rétention administrative ;
En conséquence, les conditions de l'article L742-4 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile étant réunies, la rétention administrative étant le moyen de nature à garantir l'exécution de l' obligation de quitter le territoire français, prise à l'encontre de M. [P] [U], il convient de confirmer l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 3 août 2024, autorisant la prolongation de la rétention administrative.
PAR CES MOTIFS
Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,
Déclarons l'appel recevable,
Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à M. [P] [U],
Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Bordeaux le 3 août 2024,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile.
Le Greffier, La Présidente déléguée,