RÉFÉRÉ N° RG 24/00074 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NYRA
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[I] [K]
c/
S.A.R.L. LE MOULIN DES HALLES
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DU 01 AOUT 2024
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Grosse délivrée
le :
ORDONNANCE
Rendue par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Le 01 AOUT 2024
Jacques BOUDY, Président de Chambre à la Cour d'Appel de BORDEAUX, en remplacement de Mme Véronique LEBRETON désignée en l'empêchement légitime de la Première Présidente par ordonnance en date du 08 décembre 2023, assisté de Séverine ROMA, Greffière,
dans l'affaire opposant :
Monsieur [I] [K]
né le 12 Avril 1952 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
absent
représenté par Me Gabrielle GERVAIS DE LAFOND de la SCP ACALEX AVOCATS CONSEILS ASSOCIES, avocat au barreau de CHARENTE, substituée par Me Amélie TRIBOT, avocat au barreau de CHARENTE
Demandeur en référé suivant assignation en date du 13 mai 2024,
à :
S.A.R.L. LE MOULIN DES HALLES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
sis [Adresse 1]
absente
représentée par Me Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocat au barreau de CHARENTE
Défenderesse,
A rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assisté de Séverine Roma, Greffière, le 18 juillet 2024 :
EXPOSE DU LITIGE
M. [I] [K] est propriétaire à [Localité 3] de différentes parcelles qui sont contiguës d'autres parcelles sur lesquelles la SARL LE MOULIN DES HALLES exploite un fonds de commerce de boulangerie.
Un mur sépare les deux fonds.
Courant 2022, la SARL LE MOULIN DES HALLES a fait procéder par une société spécialisée à des travaux d'extension.
Dans le cadre de ces travaux, deux 'puits de jour', en réalité des ouvertures, ont été pratiqués dans les murs en élévation d'où il est résulté la création de vues sur la propriété de M. [K].
Par ailleurs, ces murs ayant été construits en limite de propriété, une bavette en zinc a été mise en place et recouvrait le sommet du mur de séparation.
À la demande de M. [K], cette bavette a été retaillée sur une partie de la longueur de manière à ne pas dépasser la moitié de la largeur du mur.
Se plaignant d'atteintes à son droit de propriété, M. [K] a fait assigner la SARL LE MOULIN DES HALLES en référé en vue de voir ordonner diverses mesures de remise en état.
Selon ordonnance rendue en référé le 13 mars 2024, le président du tribunal judiciaire d'Angoulême a:
-ordonné à la SARL LE MOULIN DES HALLES de supprimer les puits de lumière sous astreinte à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification
-ordonné à la SARL LE MOULIN DES HALLES de supprimer la bavette en zinc inclinée vers la parcelle de M. [K] ou de réaliser des travaux d'étanchéité afin d'éviter l'écoulement des eaux vers cette parcelle, sous astreinte, dans le même délai
-condamné cette société à payer 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance a été signifiée le 11 avril et la SARL LE MOULIN DES HALLES en a interjeté appel le 28 mars 2024.
Par acte de commissaire de justice du 13 mai 2024, M. [I] [K] l'a fait assigner en référé devant le premier président de la cour d'appel de Bordeaux afin de voir ordonner la radiation de l'affaire enrôlée sous le numéro 24/01186, par application de l'article 524 du code de procédure civile.
Il reproche en effet à la SARL LE MOULIN DES HALLES de n'avoir pas exécuté les termes de l'ordonnance.
Il soutient que si l'un des deux puits de jour a été correctement occulté, l'autre ne l'a été qu'à l'aide d'un morceau de carton plastifié qui ne présente aucune garantie de permanence ni de solidité.
Pour ce qui concerne la bavette, si la SARL LE MOULIN DES HALLES soutient qu'il n'est pas possible de l'enlever sans créer des dégâts importants, M. [K] considère qu'elle n'en rapporte nullement la preuve et démontre au contraire sa volonté de ne pas exécuter la décision.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président peut, en cas d'appel, décider à la demande de l'intimé, et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
Il est intéressant de noter, à titre liminaire, que la SARL LE MOULIN DES HALLES a intégralement exécuté les condamnations pécuniaires mises à sa charge, soit la somme totale de 1865,18 €, et ce dès le 23 avril 2024, douze jours après la signification de l'ordonnance; ce qui est un gage de bonne foi.
Par ailleurs, elle a également procédé à l'occultation des vues donnant sur la propriété du demandeur.
La première a été occultée à l'aide d'un volet en bois fixe.
La seconde l'a été à l'aide d'un grand panneau vissé sur le bardage recouvrant les murs.
Il n'apparaît pas au vu des photographies versées aux débats et il n'est pas démontré que ce dispositif serait particulièrement vulnérable et éphémère.
Il est certes réversible mais il n'en demeure pas moins que l'objectif recherché, à savoir la suppression des vues, est atteint, que le très court délai, de quinze jours seulement, imparti à la SARL LE MOULIN DES HALLES et la perspective d'une éventuelle réformation ne permettaient pas d'imposer à cette dernière des conditions d'exécution plus strictes.
Pour ce qui concerne la bavette en zinc, l'examen attentif du constat de commissaire de justice du 1er septembre 2023 et des différentes pièces versées aux débats permet de constater que la construction nouvelle ayant été érigée contre le mur séparatif mais sans s'y appuyer, il existe entre les deux constructions un léger espace dans lequel s'insinueront nécessairement des eaux pluviales, même en quantité limitée si un dispositif de protection n'est pas mis en place.
Tel était le but poursuivi par la bavette indépendamment de la question de savoir si celle-ci n'était pas alors en contradiction avec les règles légales relatives au eaux de ruissellement et aux servitudes qui en découlent.
Par conséquent, la suppression de la bavette est donc de nature à laisser craindre des problèmes de stagnation d'eaux et d'humidité entre le mur et la construction de la société défenderesse.
De surcroît celle-ci justifie s'être adressée à trois entreprises en vue de procéder à cette opération et toutes ont répondu par courrier pour refuser ce travail et expliquer que celui-ci serait de nature à provoquer des dégâts.
Ainsi, l'une d'elle assure que 'ce zinc est primordial pour assurer l'étanchéité entre ces deux murs', l'autre conseille de 'ne surtout pas enlever ce zinc qui assure l'étanchéité entre ces deux parties ce qui produira à long terme une fragilisation du mur et les panneaux sandwichs de votre côté qui sont sous les lames de bois finiront par pourrir' quand la troisième explique que la bavette assure l'étanchéité et indique 'qu'il est fortement préférable et conseillé de laisser le zinc en place' qu'elle ne 'procéder(a) pas à l'enlèvement de celui-ci'.
Il est donc établi que sur ce point, l'exécution de l'ordonnance serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives et qu'au surplus, elle se heurte à une impossibilité.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de radiation.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande de radiation de l'affaire enrôlée sous le numéro 24/01186
Disons n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamnons M. [I] [K] aux dépens.
La présente ordonnance est signée par Jacques BOUDY, Président de Chambre et par Séverine ROMA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le président