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01/08/2024 | FRANCE | N°22/05012

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 01 août 2024, 22/05012


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 1er août 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 22/05012 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6QV













Madame [R] [C]



c/

E.U.A.R.L. NEXTGEN RH





















Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée aux avocats le :<

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à :

Me Marine LEONARD, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 octobre 2022 (R.G. n°F21/00614) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Secti...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 1er août 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 22/05012 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6QV

Madame [R] [C]

c/

E.U.A.R.L. NEXTGEN RH

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Me Marine LEONARD, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 octobre 2022 (R.G. n°F21/00614) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 02 novembre 2022,

APPELANTE :

[R] [C]

née le 23 Avril 1985 à [Localité 2]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Représentée et assistée par Me Marine LEONARD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

E.U.A.R.L. NEXTGEN RH agissant poursuites et diligences de son Gérant domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée de Me Julien TAYEG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2024 en audience publique, devant Madame Valérie Collet, conseillère chargé d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Valérie Collet, conseillère,

greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCÉDURE

 

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 5 février 2018, l'EURL Nextgen RH a engagé Mme [R] [C] en qualité de chargée de recrutement, coefficient 275, de la convention collective Syntec.

 

Le 12 décembre 2020, Mme [C] a été placée en arrêt de travail. 

  

Par requête reçue le 6 avril 2021, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. En cours de procédure, le 7 juin 2021, Mme [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en imputant les torts à son employeur.

Par jugement du 14 octobre 2022, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [C] de l'ensemble de ses demandes, 

- débouté l'EURL Nextgen RH de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, 

- laissé les dépens à la charge de Mme [C]. 

Par déclaration du 2 novembre 2022, Mme [C] a relevé appel du jugement sauf en ce qu'il a débouté l'EURL Nextgen RH de ses demandes reconventionnelles.

La clôture de l'instruction est intervenue le 30 avril 2014 par ordonnance du même jour, l'affaire étant fixée à l'audience du 23 mai 2024 pour être plaidée.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

 

Par conclusions notifiées le 28 juillet 2023, par voie électronique, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Mme [C] demande à la cour de :

A titre principal, 

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et en ce qu'il a laissé à sa charge les dépens,

- requalifier sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement nul, 

- condamner la société Nextgen RH à lui payer les sommes suivantes : 

- indemnité de licenciement : 828,83 euros
- indemnité compensatrice de préavis et congés payés : 6 630,66 euros et 663,06 euros 

- dommages et intérêts pour licenciement abusif : 33 153,30 euros 

- heures supplémentaires non rémunérées : 2 354,77 euros

- dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat :

10 000 euros 

A titre subsidiaire, 

- requalifier sa prise d'acte de rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, 

- condamner la société Nextgen RH à lui payer les sommes suivantes : 

- indemnité de licenciement : 828,83 euros
- indemnité compensatrice de préavis et congés payés: : 6 630,66 euros et 663,06 euros 

- dommages et intérêts pour licenciement abusif : 33 153,30 euros 

- heures supplémentaires non rémunérées : 2 354,77 euros
- dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat :

10 000 euros 

En tout état de cause, 

- débouter la société Nextgen RH de son appel incident,

- condamner la société Nextgen RH aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros
au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que sa prise d'acte repose sur la dénonciation de faits de harcèlement moral de sorte que la rupture du contrat, qui est intervenue en méconnaissance des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail, est nulle. Elle affirme avoir fait part à plusieurs reprises à M. [L], gérant de la société Nextgen RH, de son sentiment d'être mise à l'écart, de ne pas être destinataire de toutes les informations nécessaires au bon déroulement de sa mission, de voir ses attributions et sa rémunération diminuer, le tout provoquant une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Elle affirme avoir accompli, tout au long de son contrat de travail, des heures supplémentaires au-delà de celles contractuellement prévues, sans être payée. Elle ajoute qu'elle était contrainte de travailler régulièrement lors de ses congés payés. Elle fait observer que les journées de récupération alléguées par l'employeur n'apparaissent pas sur les bulletins de salaires, qu'aucun planning n'était réalisé par l'employeur et que ce dernier ne démontre pas avoir respecté la réglementation relative à la durée du travail.

Elle considère que la mauvaise foi dont son employeur a fait preuve en annonçant, en son absence, son départ, le 7 décembre 2020 lors d'une réunion, justifie le rejet de la demande reconventionnelle d'indemnisation du préavis.

Par conclusions notifiées le 4 mars 2024, par voie électronique, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Nextgen RH demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle en paiement du préavis,

- dire que la prise d'acte de Mme [C] produit les effets d'une démission,

- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes, 

- condamner Mme [C] à lui payer la somme de 6 291,90 euros à titre de dommages-intérêts pour inexécution de son préavis,

A titre subsidiaire, 

- allouer à Mme [C], en application du barème Macron, un montant équivalent à 1 mois de salaire brut de charges sociales, ou à défaut ramener le montant de l'indemnité à un niveau brut de charges sociales que la cour appréciera dans les limites du barème, 

- débouter Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation alléguée l'obligation de sécurité, ou, à défaut, ramener le montant de cette indemnisation à un montant symbolique qu'il conviendra à la cour d'apprécier, 

A titre infiniment subsidiaire, 

- en cas de licenciement nul, limiter le montant de l'indemnisation octroyée à Mme [C] à un montant minimal brut de charges sociales que la cour appréciera, 

En tout état de cause,  

- condamner Mme [C] aux dépens et à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'il n'y a eu aucun harcèlement moral à l'encontre de la salariée et que si la cour devait considérer que la salariée présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, ceux-ci sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral à l'égard de Mme [C]. Elle affirme ne pas avoir manqué à son obligation de sécurité à l'égard de la salariée, ajoutant que la salariée ne justifie d'aucun préjudice à ce titre. Elle en conclut que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission puisqu'elle repose sur des faits non établis par la salariée.

S'agissant de la demande au titre des heures supplémentaires, elle soutient que Mme [C] a été systématiquement invitée à les récupérer par journées ou demi-journée.

S'agissant de son appel incident, elle rappelle que le salarié qui n'exécute pas son préavis, auquel il est tenu, sans l'accord de l'employeur, peut être condamné à lui payer une indemnité compensatrice, même si ce dernier n'a subi aucun préjudice. Elle précise qu'en l'espèce, la salariée n'a pas proposé d'effectuer son préavis et qu'elle n'en a pas été dispensée par son employeur.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul en cas de harcèlement moral notamment, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, et il convient d'examiner tous les manquements de l'employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés par écrit.

Il résulte de l'article L. 1154-1 du code du travail que, dès lors que le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En vertu des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail qui précise que 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [C] expose avoir subi les agissements suivants de la part de son employeur :

1°) diminution de ses attributions : pendant son absence, en juillet 2020, M. [L] a décidé de lui retirer son assistante sans l'en informer préalablement ; en novembre 2020, elle a été informée que deux nouveaux postes gérés habituellement par le pôle BTP avaient été confiés à la chargée recrutement du pôle ingénierie ; elle n'en a été informée qu'en étant mise en copie d'un mail, par erreur ; en lui retirant ces deux nouveaux postes, M. [L] savait pertinemment que cela entraînait une baisse de sa rémunération; par mail du 27 novembre 2020, M. [L] l'a informée d'une mission de grande ampleur pour Cap Ingelec, à la suite d'un audit en présentiel réalisé avec une chargée de recrutement, cet audit ayant été fait à son insu;

La cour constate toutefois que les mails des 15 et 18 juillet 2020 (pièces 24 et 34 de Mme [C]) n'établissent pas que M. [L] aurait décidé de retirer son assistante à Mme [C]. En effet, M. [L] explique à Mme [C], dans son mail du 15 juillet 2020, que 'le cas de [Z] nous pose un dilemme car elle rentre en Master et n'est donc pas subventionnée. Et à ce jour, faute de temps de présence chez nous, nous n'avons aucune idée de son potentiel et elle n'a pas encore eu l'occasion de recruter. Nous allons faire un point aujourd'hui avec [Z] pour évoquer le futur. Suite à ce point il faudra prendre des dispositions quant à sa formation à nos process et quant à son avenir chez nous' tandis que dans le mail du 18 juillet 2020, Mme [C] a écrit à '[Z]': 'après discussion avec [J] et [T], le cabinet va mettre à profit le fait que tu passes de 2 jours hebdomadaires en présentiel, à des semaines complètes au cabinet. A partir d'aujourd'hui, [T] veillera à te faire monter en compétence en terme de maîtrises des outils...l'objectif étant de te faire évoluer du poste d'assistante du Pôle BTP à celui de chargée de recrutement...passe une belle semaine, tu es entre de bonnes mains!!', ce qui démontre que Mme [C] était informée et a encouragé l'évolution de la situation de son assistante.

Par ailleurs, Mme [C] produit des échanges de mails entre le 19 et le 25 novembre 2020 qui révèlent effectivement le recrutement de deux personnes, pour les postes de Chef de projets et d'ingénieur structure, par Mme [N], chargée de recrutement au sein de la société Nextgen RH, mais qui n'établissent ni que ces deux postes relevaient nécessairement de la compétence habituelle de Mme [C] ni que cette dernière n'aurait été informée de ce recrutement qu'à l'occasion d'une erreur de destinataire de l'envoi des mails.

Si dans un mail du 1er décembre 2020, Mme [C] a interrogé M. [L] en lui indiquant 'A la vue des échanges ci-dessous, depuis lundi 16 novembre, 2 nouveaux postes destinés au pôle BTP ont été gérés par une chargée de recrutement du pôle ingénierie. Et je n'en ai pas été informée. Ce n'est pas la première fois qu'il manque de transparence sur les postes de chacun. Nous avons d'ailleurs abordé ce sujet le 23/10 dernier (réunion à ma demande) : sans suite.....Je te demande donc rapidement un échange toi et moi pour discuter de tout cela et des solutions rapides à mettre en place car ce fonctionnement et cette 'baisse de mes attributions' n'est pas acceptable [...]', M. [L] lui a expliqué, le même jour, par mail, que :

- il a rencontré le client, Cap Ingelec, en présentiel. Mme [C] n'étant pas présente et n'ayant pas d'autre représentant du BTP, il s'est fait accompagner par Mme [N], chargée de recrutement du pôle ingénierie, la société Cap Ingelec étant une entreprise intervenant dans l'ingénierie du bâtiment qui recrute des ingénieurs, des électriciens, des postes supports relevant, certes des compétences du pôle BTP, mais également des compétences du pôle ingénierie et du pôle généraliste,

- le client lui a confié une première mission test pour 'savoir si nous étions en mesure de nous occuper des autres postes. [Y] [[N]] étant au courant et comprenant le poste, il était inutile de t'impliquer (ni le pôle généraliste, ni PA) dans le processus sachant que nous n'étions pas sûrs d'avoir le contrat. [Y] a travaillé seule sur le sujet a identifié 2 profils adéquats ce qui a permis au cabinet de remporter le contrat d'une vingtaine de postes. Et c'est là que tu as été mise au courant en même temps que tout le monde par mail'.

La cour constate que Mme [C] a été informée, le 27 novembre 2020, par mail de M. [L], ayant pour objet : 'nouveau client partagé entre pôle ingé, géné et BTP : Cap Ingelec' que 'nous avons rentré la société Cap Ingelec (ingénierie du bâtiment : études et construction). Il y a une vingtaine de postes à pourvoir. J'ai fais l'audit en présentiel à [Localité 4] avec [Y][...]'.

Ces éléments, qui ne sont contredits par aucune pièce produite par Mme [C], permettent ainsi de considérer qu'il n'est pas établi que la société Nextgen RH aurait retiré à la salariée une partie de ses missions puisque M. [L] a confié à Mme [N], présente sur le lieu de travail, une mission qui entrait pleinement dans le champ de ses compétences puisqu'elle était chargée de recrutement du Pôle Ingénierie.

De plus, et ainsi que le fait remarquer la société Nextgen RH, après avoir remporté le contrat avec Cap Ingelec, la vingtaine de postes qui en a découlé a été répartie à la faveur de Mme [C], seule chargée de recrutement pour le pôle BTP Immobilier, puisqu'elle s'est vue attribuer 5 postes alors que le pôle ingénierie ne s'est vu confier que 11 postes pour 3 chargés recrutement et que le pôle généraliste ne s'est vu confier que 4 postes pour 4 chargés de recrutement.

La cour considère en conséquence que le fait n°1 allégué par la salariée n'est pas établi.

2°) non-convocation aux réunions organisées par l'employeur : elle n'a pas été conviée à la réunion du 21 juillet 2020; le 7 décembre 2020, elle a appris que M. [L] a annoncé son départ lors d'une réunion à laquelle elle n'a pas été conviée; le lendemain, M. [L] a réuni tout le monde, sauf elle, en lui indiquant que les sujets abordés ne nécessitaient pas sa présence;

Mme [C] ne produit aucune pièce permettant d'établir ni qu'une réunion aurait eu lieu le 21 juillet 2020 ni que, si cette réunion a eu lieu, elle n'y aurait pas été conviée. Il en va de même pour la réunion alléguée du 8 décembre 2020.

En revanche, il est établi qu'une réunion a effectivement eu lieu le 7 décembre 2020 au cours de laquelle le départ de Mme [C] a été évoqué, alors qu'elle n'avait pas été conviée à ladite réunion. En effet, Mme [B] [V], assistante commerciale, atteste qu'elle était présente 'lors de l'annonce de son départ [de Mme [C]], alors qu'elle n'était pas conviée à cette réunion'. Mme [V] avait également adressé à Mme [C], le 8 décembre 2020, un mail en lui indiquant 'je viens vers toi car nous avons appris ton départ', Mme [C] s'étonnant ensuite auprès de M. [L], par mail du 8 décembre 2020, du mail reçu de la part de Mme [V] tout en lui faisant observer qu'elle n'avait pas été conviée à la réunion.

3°) mise à l'écart s'inscrivant dans un contexte délétère au sein de la société Nextgen RH: des directives avaient été données par M. [L] pour l'isoler et notamment de ne plus lui transmettre les appels commerciaux ; les clients ne lui répondaient plus et M. [L] filtrait les appels téléphoniques; M. [L] lui a retiré son accès au logiciel Talentsin;

Mme [V] explique - juste après avoir indiqué que lors de la réunion du 7 décembre 2020, M. [L] avait évoqué le départ de Mme [C] - que 'nous avions (la force commerciale, les apprentis et moi) eu pour consigne de ne plus lui transmettre les appels commerciaux/prospects vers Mme [C]', ce qui suffit à établir le fait que M. [L] a donné pour consigne, à partir du 7 décembre 2020, aux salariés, de ne plus transmettre les appels commerciaux à Mme [C]. Mme [C] a d'ailleurs interrogé M. [L] à ce sujet par mail du 11 décembre 2020 en lui indiquant : ' A titre professionnel, tous les jours j'ai des appels téléphoniques de mes collègues et depuis quelques jours, plus d'appels : pourquoi''

En revanche, le mail de Mme [C], adressé à M. [L], le 10 décembre 2020, pour l'informer que le 8 décembre 2020 'ni le client, ni [M] [X] ne répondent à mes mails ni à mes messages' est insuffisant pour établir que M. [L] aurait donné des consignes pour que les clients de Mme [C] ne lui répondent plus.

Si M. [G] [P], ancien collègue de Mme [C], explique que 'en novembre 2020, je l'ai appelé sur sa ligne directe et j'ai été surpris de tomber sur son patron M. [H] [L] pour la 1ère fois. Je l'ai ensuite appelé sur son portable personnel où elle a répondu. Nous en avons conclus que sa ligne pro directe était redirigée vers le poste de M. [L]', cette attestation ne permet toutefois pas de retenir que M. [L] aurait filtré les appels téléphoniques de Mme [C], M. [P] se contentant d'exposer la conclusion qu'il avait tirée à l'occasion d'un appel téléphonique totalement isolé et sans aucun élément extérieur venant corroborer une telle supposition.

La cour constate que Mme [C] ne produit aucune pièce pour étayer son allégation selon laquelle M. [L] lui aurait retiré son accès au logiciel Talenstin, le mail du 10 décembre 2020 ne faisant état que d'une difficulté de fonctionnement de ce logiciel, au demeurant résolue par la salariée.

Enfin, s'agissant de l'ambiance délétère qui aurait régné au sein de l'entreprise, Mme [C] produit :

- la copie d'un sms reçu le 23 février 2021 dont l'expéditeur n'est pas identifiable et dans lequel il est dit 'Je suis désolée d'apprendre ça..j'espère que tu arrives à tenir le coup, surtout moralement car je sais que ce n'est pas facile! C'est pour quel type de litige' Alors je vais être honnête..je suis passée à autre chose et vraiment je pense que je ne veux plus entendre parler de cette boîte de loin comme de près, qui est très très pourrie! J'aurais aimé t'apporter mon témoignage, mais je t'apporte mon soutien et j'espère que tu auras gain de cause dans tout ça!'. La cour observe qu'aucun témoignage n'a suivi ce sms et qu'en dehors d'un jugement de valeur sur la société Nextgen RH, aucun fait concret n'est relaté permettant d'apprécier l'ambiance dans cette entreprise,

- des échanges de messages avec M. [D] dont il résulte que celui-ci n'évoque pas l'ambiance au sein de l'entreprise mais seulement les notes de frais, dont il n'est pas question dans le présent litige,

- une attestation de Mme [A] [S], assistante de direction, qui explique avoir observé une pression constante et pesante envers certaines personnes, sans toutefois citer le nom de Mme [C] et qui relate ensuite sa situation personnelle,

- une attestation de Mme [F] [W], ex-chargée de recrutement, qui explique que son employeur pouvait exercer une pression pour atteindre les objectifs et une ambiance parfois tendue avec M. [L] et M. [K] si les résultats n'étaient pas atteints. La cour relève toutefois que Mme [C] ne soutient pas avoir été victime de tels agissements à son égard.

4°) maintien dans l'incompréhension : son employeur n'a jamais communiqué sur la mise en place d'un nouvel organigramme ; elle a été contrainte d'organiser, le 23 octobre 2020, une réunion avec M. [L], M. [D] (responsable du pôle ingénierie) et M. [K], pour éclaircir la nouvelle organisation sans pour obtenir des réponses claires; des échanges de mails ont eu lieu avec M. [L] à compter du 2 décembre 2020, au terme desquels elle a dénoncé les agissements dont elle s'estimait victime ; l'objectif de M. [L] était de se débarrasser des chargés de Pôle recrutement dont elle faisait partie, M. [K] ayant depuis quitté la société ainsi que M. [D] qui a démissionné au cours de l'année 2021; malgré ses multiples mails, la situation n'a jamais été clarifiée.

Mme [C] produit :

- un mail qu'elle a adressé à M. [L] le 2 décembre 2020 dans lequel elle écrit :

' Dans le prolongement de notre échange téléphonique de hier dont les points abordés sont les suivants :

- la mise à l'écart d'un nouveau poste d'ingénieur structures du bâtiment H/F géré dans le secret total,

- le manque de transparence sur : les critères d'attribution des postes, des pôles, des fiches de poste des responsables de pôle,

- la baisse volontaire et intentionnelle de mes attributions en tant que responsable du pôle BTP.

Comme on en a discuté, je te laisse revenir vers mois d'ici ce vendredi 04/12/2020 : soit pour une revalorisation de poste, soit pour une négociation de mon départ, soit une autre option est aussi possible.'

- un mail qu'elle a adressé le 4 décembre 2020 à M. [L] dans lequel elle lui écrit, après qu'il a répondu au mail du 2 décembre 2020 :

' Nous sommes tout à fait d'accord sur 2 points :

* la politique de l'entreprise que j'observe depuis 3 ans

* et sur le fait que cette situation ne peut perdurer.'

- un mail qu'elle a adressé le 11 décembre 2020 à M. [L] dans lequel elle lui écrit:

'Pour reprendre certains points :

* 'annoncer mon départ' : était prématuré car nous n'en sommes qu'au début de notre négociation, rien n'est acté.

* à une réunion où je n'étais pas conviée : Mise à l'écart volontaire,

*'dispatcher des postes qui m'étaient attribués' : lesquels' Quand' Auprès de qui'

* Ingelec pour des postes BTP : client et postes BTP rentrés le 16/11, toute l'équipe était informée sauf moi(responsable recrutement du pôle BTP) du moins pas avant début décembre : encore une mise à l'écart.

* 'honoraires trop bas': moi qui travaille au quotidien depuis +2 ans sur 2 comptes récurrents un à 15% et l'autre forfait à 3 000€ 50/50. Et lors d'une réunion avec toi, Managers et Assistante commerciale, j'étais la seule à accepter un nouveau prospect au taux 'trop bas'.

* 'télétravail' : décision en accord avec toi. Je suis toujours joignable auprès de tous pendant mes heures de travail effectif. Je suis même la 1ère à avoir recruté ce mois-ci. Je suis une personne à risque (asthmatique).

* les tâches de mon agenda professionnel partagé sont marquées 'occupé' depuis notre échange téléphonique de vendredi 04/12 : encore une mise à l'écart.

* A titre professionnel, tous les jours j'ai des appels téléphoniques de mes collègues et depuis quelques jours, plus d'appels :pourquoi'

A la vue de mon investissement depuis bientôt 3 ans et tous ces signaux que tu m'envoies où tu m'as déjà sortie de l'équipe, de tous tes agissements en parallèle, je me sens déçue, choquée, avec un grand sentiment d'injustice et de colère'.

- un mail qu'elle a adressé le 4 janvier 2021 à M. [L] dans lequel elle accuse réception de la lettre recommandée du 21 décembre 2020 tout en lui indiquant ne pas en partager les termes et en lui déclarant 'je t'ai alerté à plusieurs reprises sur les difficultés que je rencontrais au sein de l'entreprise et qui aujourd'hui m'empêchent de poursuivre la relation de travail dans des conditions sereines. Je souhaite donc qu'il soit mis un terme à cette relation de travail tout en précisant que ce départ n'est pas souhaité mais subi'.

Si ces mails démontrent que Mme [C] a effectivement interrogé à de multiples reprises son employeur, il n'est toutefois pas établi que celui-ci l'a laissée sans réponse. En effet, la société Nextgen RH justifie que Mme [C] a été clairement informée de la nouvelle organisation puisque :

- Mme [C] a été destinataire d'un mail du 24 juin 2020 ayant pour objet : 'réunion managers vendredi 11h15 : nous allons parler organisation pour passer une nouvelle étape avant l'été',

- dans un mail du 15 octobre 2020, Mme [C] a reconnu avoir connaissance de la nouvelle organisation de la société puisqu'elle écrit à M. [L], M. [D] et M. [K] : 'Depuis la réorganisation du cabinet, beaucoup de choses ont été améliorées. C'est très appréciable pour les nouveaux entrants qui ont à présent des repères. Seulement des points me semblent encore flous et j'aimerai aborder le sujet 'des Pôles et des Postes' avec vous 3. Sur cette thématique, j'ai des interrogations autant que des propositions à vous suggérer. J'aimerai en discuter avec vous en réunion Managers la semaine prochaine si c'est bon pour vous niveau planning',

- si elle a dû relancer, par mail du 19 octobre 2020, M. [L], pour programmer une réunion sur 'les Pôles et les Postes', cette réunion a effectivement eu lieu le 23 octobre 2020, ce que Mme [C] reconnaît d'ailleurs,

- M. [L] a répondu, le 4 décembre 2020, au mail de Mme [C], en lui indiquant 'avant de revenir vers toi par téléphone en fin d'après-midi, je tiens à préciser des points', ce qui suppose qu'en dehors des explications écrites, l'employeur a également communiqué oralement avec la salariée. Il a poursuivi son mail de la manière suivante : 'Depuis le mois de septembre, tu refuses, de façon réitérée, d'accepter la nouvelle organisation de l'entreprise, de te soumettre à la hiérarchie du nouveau responsable des opérations et tu cherches à imposer sa propre organisation en me demandant de ne référer qu'à moi, d'obtenir un statut particulier en revalorisant tes fonctions....la nouvelle organisation a été présentée avant l'été 2020 et a été mise en application fin août 2020. Cette organisation a permis de faire progresser l'entreprise, les compétences de chacun, l'esprit d'équipe et les résultats [...]...depuis quelques jours, tu cherches par des mails 'spéciaux' et 'vindicatifs' à obtenir une réaction de ma part pour trouver une solution. Je ne rentrerai pas une nouvelle fois dans des explications qui t'ont déjà été données....il est clair que cette situation ne peut perdurer. Effectivement, il existe des solutions mais qui ne passeront certainement pas par des augmentations de salaire ou de changement de statut en position cadre. A tout à l'heure.'

- dans un mail du 25 octobre 2020 adressé à M. [L], Mme [C] a rappelé les missions qu'elle exerçait ainsi que ce qu'elle avait pu apporter à l'entreprise depuis février 2018 en terminant son mail ainsi : 'Afin de revaloriser mon poste et récompenser mon investissement, voici mes prétentions : intitulé 'Responsable Grands Comptes' + Référente BTP Immobilier, Commercial, Banque, Juriste' - Statut cadre et revalorisation financière correspondante - 20 postes 'équilibrés' et assurés = fidélisation des comptes existants + nouveaux postes 'fraîchement' entrés - N+1 = rattaché directement à M. [H] [L]. Je te laisse prendre connaissance de ce mail et revenir vers moi d'ici le 6 novembre',

- dans un courrier du 21 décembre 2020, M. [L] a apporté des réponses à Mme [C] en rapport le mail qu'elle lui avait adressé le 11 décembre précédent,

- dans un courrier du 28 janvier 2021, la société Nextgen RH a répondu au mail de Mme [C] du 4 janvier 2021 en réitérant ses précédentes explications et en lui indiquant : ' Que cette nouvelle organisation, qui ne modifie ni ton poste ni ton contrat de travail, ne te convienne pas qu'elle soit la raison de ton départ, je peux l'entendre. En revanche, je ne peux accepter que tu m'imputes ton choix. J'ai déjà apporté réponse à ce que tu considères comme des 'alertes'....tes attributions n'ont jamais été modifiées'.

Il résulte de tous ces éléments qu'il n'est matériellement pas établi que la société Nextgen RH a maintenu Mme [C] dans l'incompréhension. En revanche, les multiples échanges entre M. [L] et Mme [C] révèlent un désaccord entre eux notamment sur la place de Mme [C] dans la société, la salariée souhaitant clairement avoir pour N+1 M. [L] tandis que ce dernier, dans le cadre de la nouvelle organisation de la société dont Mme [C] avait parfaitement connaissance, souhaitait que le N+1 soit M. [K]. Or, M. [L], dans l'exercice de son pouvoir de direction, pouvait parfaitement refuser d'accéder à la demande de Mme [C] dès lors qu'il lui en a clairement expliqué les motifs. La cour observe en outre que Mme [C] ne produit aucune pièce établissant que l'objectif de M. [L] était de se débarrasser des chargés de pôle de recrutement. Il est enfin vain pour la salariée de faire valoir, dans son courrier de prise d'acte, que son employeur lui aurait envoyé des mails de reproches pendant son arrêt maladie alors qu'il ne faisait que répondre à ses propres mails également envoyés pendant son arrêt maladie.

Par conséquent, parmi les faits allégués par la salariée, les seuls qui sont matériellement établis sont le fait pour l'employeur d'avoir évoqué le départ de Mme [C], lors de la réunion du 7 décembre 2020, hors la présence de la salariée et le fait d'avoir au cours de cette même réunion donné pour consigner de ne plus lui transmettre les appels commerciaux.

Mme [C] justifie avoir été placée en arrêt maladie à compter du 12 décembre 2020, avoir rencontré à trois reprises une psychologue clinicienne qui a écrit, à l'issue de ces consultations, que Mme [C] présente des symptômes anxieux et dépressifs en lien avec sa situation professionnelle et avoir évoqué auprès de M. [O] (ami) un sentiment de dévalorisation et d'injustice, ce que corrobore Mme [E] (amie).

Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble en ce compris les éléments médicaux, laissent présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. Il appartient donc à l'employeur de démontrer que les faits établis s'expliquent reposent sur des motifs objectifs totalement étranger à du harcèlement moral.

La société Nextgen RH produit :

- un mail de Mme [C] adressé à M. [L] le 7 décembre 2020 à 11h35 dans lequel, elle écrit 'comme tu viens d'annoncer mon départ aux équipes, autant avancer davantage notre négociation de mon départ' avant de fixer ses propres bases de négociation tout en avisant M. [L] qu'en l'absence réponse en fin de semaine, elle poursuivrait la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Ce mail démontre donc que lorsque Mme [C] a écrit le 8 décembre 2020 à M. [L] 'je suis surprise de ce mail : annonce de mon départ (rien n'est acté) à une réunion où je n'étais pas', elle a feint la surprise puisqu'elle était parfaitement au courant, dès la veille, de l'annonce qui avait été faite,

- M. [L] a répondu à Mme [C] en lui expliquant avoir été contraint d'annoncer son 'probable départ' aux équipes qui l'interrogeaient sur les raisons pour lesquelles 'elle avait dispatché les 5 nouveaux postes de Cap Ingelec qui lui étaient attribués et pourquoi les futurs postes d'Hervé thermique passaient directement sur d'autres pôles'

- le courrier du 21 décembre 2020 dans lequel M. [L], représentant la société Nextgen RH, explique plus précisément : ' Tout d'abord, tu as indiqué être étonnée que j'ai prétendument annoncé ton départ aux autres membres de l'équipe. Cela n'est pas exact et ce n'est absolument pas la teneur de mon propos. Pour appel, tu as fait part dernièrement de ton refus de prendre en charge différents dossiers et poursuivre certains dont tu avais la responsabilité.....de fait, en qualité de garant de la bonne marche de l'entreprise, il a été de mon devoir de réunir les équipes afin de leur expliquer la réorganisation des effectifs à laquelle il nous fallait procéder afin de répondre à tes refus successifs. Dans ces conditions, il est évident qu'une telle situation est de nature à éveiller l'attention de nos collaborateurs qui ne peuvent que conclure à l'existence d'incompréhensions et de difficultés. D'ailleurs, les équipes commerciales ont tenté en vain de te joindre alors que tu étais en télétravail, afin de recevoir certaines informations sur des dossiers que tu ne voulais plus traiter. Dès lors, il ne s'agissait aucunement d'indiquer à tes collègues de travail ton départ prochain...il était simplement nécessaire de s'organiser à l'aune de tes défections'.

Il s'avère donc que la société Nextgen RH a certes évoqué un départ possible de Mme [C], lors d'une réunion le 7 décembre 2020, en dehors de sa présence mais au motif, objectif, que compte tenu des refus de dossiers, que Mme [C] ne conteste pas, il était nécessaire d'apporter des explications aux équipes qui sollicitaient des éclaircissements sur la situation. La cour relève que M. [L] s'est contenté d'évoquer un départ possible, sans évoquer la forme et les conditions de ce départ et qu'il également expliqué, objectivement, les raisons pour lesquelles certains contacts commerciaux ne devaient plus être transmis à Mme [C] compte tenu de son refus de plusieurs dossiers.

Par conséquent, dès lors que l'employeur justifie par des éléments objectifs les faits matériellement établis par la salariée, la cour ne retient pas l'existence d'une situation de harcèlement moral dont Mme [C] aurait été victime. Aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne saurait en outre être retenu dès lors qu'il a régulièrement répondu de manière claire et justifiée aux mails de Mme [C] et qu'il n'avait aucune autre mesure particulière à prendre.

Mme [C] doit donc être déboutée de ses demandes tendant à faire produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement nul et pour licenciement abusif, d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [C] produit alors les effets d'une démission.

Dans ce cas, l'employeur peut réclamer à la salariée l'indemnité compensatrice de préavis de démission, dont le montant correspond à la rémunération du salarié pour la durée du préavis non effectué.

Cette indemnisation est de droit pour l'employeur : elle lui est accordée sans qu'il n'ait à démontrer l'existence d'un préjudice (Cass. soc., 8 juin 2011, n°09-43.208 ; Cass. soc., 15 avr. 2015, n°13-25.815). Elle n'est toutefois pas due si le salarié a été dans l'incapacité d'exécuter le préavis convenu en raison d'une maladie (Cass. soc., 20 janv. 2010, n° 08-43.476). L'indemnité due par le salarié n'ouvre pas droit à des congés payés au profit de l'employeur (Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 16-12.524).

En l'espèce, Mme [C] ne justifie ni même n'allègue qu'elle aurait été en arrêt maladie pendant la durée de son préavis se contentant d'arguer de la mauvaise foi de son employeur. Par conséquent, elle doit être condamnée à payer à la société Nextgen RH la somme de 6 291,90 euros, montant pour lequel elle ne formule aucune observation.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

En application de l'article L. 3171-4 du code du travail, "en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable".

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-2 al. 1 (imposant à l'employeur l'établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, hors horaire collectif), de l'article L. 3171-3 (imposant à l'employeur de tenir à disposition de l'inspection du travail lesdits documents et faisant référence à des dispositions réglementaires concernant leur nature et le temps de leur mise à disposition) et de l'article L. 3171-4 précité, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il est précisé que les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu'ils soient suffisamment précis pour que l'employeur puisse y répondre.

En l'espèce, au soutien de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, Mme [C] produit un tableau récapitulant, année par année (2020, 2019 et 2018), le nombre d'heures supplémentaires réalisées semaine par semaine, soit 32,45h au total en 2020, 94h au total en 2019 et 46h au total en 2018, en distinguant le montant dû au titre des heures supplémentaires majorées à 25% de celui dû au titre des heures supplémentaires majorées à 50%.

Ce tableau, bien qu'établi par Mme [C], est suffisamment précis pour permettre à la société Nextgen RH sur laquelle pèse l'obligation de contrôler les heures de travail effectuées d'y répondre et de produire ses propres éléments.

La cour observe que la société Nextgen RH se contente de soutenir que les heures supplémentaires réalisées ont été systématiquement récupérées par journée ou demi-journée sans pour autant produire de pièces de nature à contredire les éléments précis produits par la salariée.

La cour retient donc, au regard des éléments produits par chacune des parties, que Mme [C] a accompli des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées. La société Nextgen RH est en conséquence condamnée à lui payer la somme réclamée qui est justifiée soit 2 354,77 euros brut.

Sur les frais du procès

Dans la mesure où Mme [C] succombe en la plupart de ses demandes, y compris à hauteur d'appel, le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu'il a condamné Mme [C] aux dépens et en ce qu'il a débouté les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [C] est également condamner à supporter les dépens d'appel et doit en conséquence être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande enfin de débouter la société Nextgen Rh de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 14 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a débouté l'EURL Nextgen RH de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et en ce qu'il a débouté Mme [R] [C] de sa demande au titre des heures supplémentaires,

Le confirme pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés et y ajoutant,

Condamne Mme [R] [C] à payer à l'EURL Nextgen RH la somme de

6 291,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

Condamne l'EURL Nextgen RH à payer à Mme [R] [C] la somme de

2 354,77 euros brut au titre des heures supplémentaires non rémunérées,

Condamne Mme [R] [C] aux dépens d'appel,

Déboute les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/05012
Date de la décision : 01/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-01;22.05012 ?
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