COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 1er Août 2024
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 22/01674 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MUMW
URSSAF POITOU CHARENTES
c/
Monsieur [P] [D]
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 mars 2022 (R.G. n°18/00220) par le Pôle social du TJ d'ANGOULÊME, suivant déclaration d'appel du 04 avril 2022.
APPELANTE :
URSSAF POITOU CHARENTES agissant en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
assistée de Me Laurent BENETEAU de la SCP SCPA BENETEAU, avocat au barreau de CHARENTE
INTIMÉ :
Monsieur [P] [D]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2024, en audience publique, devant Madame Sophie LESINEAU, Conseillère magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Valérie Collet, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
L'Urssaf de Poitou-Charente (l'Urssaf en suivant) a signifié une mise en demeure à M. [P] [D] le 19 juin 2017 pour un montant de 5 720 euros au titre des cotisations et majorations de retard relatives à la régularisation de l'année 2016 et aux premier et deuxième trimestres de l'année 2017.
Le 24 août 2015, M. [D] a adressé ses observations à l'Urssaf. Par réponse du 29 juin 2017, l'Urssaf a maintenu le recouvrement.
Le 11 avril 2018, l'Urssaf a établi une contrainte, signifiée le 26 avril 2018, pour le recouvrement d'une somme totale de 5 186 euros au titre des cotisations et majorations de retard relatives à la régularisation de l'année 2016 et aux premier et deuxième trimestres de l'année 2017.
Par courrier recommandé en date du 26 avril 2018, M. [D] a saisi la juridiction sociale compétente d'une opposition à la contrainte du 11 avril 2018.
Par jugement du 07 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire d'Angoulême a :
-reçu l'opposition formée par M. [D],
-dit qu'il y a lieu d'annuler la contrainte litigieuse,
-dit que les frais de signification seront laissés à la charge de l'Urssaf,
-laissé les entiers dépens à la charge de l'Urssaf.
Par déclaration du 04 avril 2022, l'Urssaf a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 21 février 2024, l'Urssaf demande à la cour de :
-infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
-débouter M. [D] de ses demander,
-valider la contrainte du 11 avril 2018,
-condamner M. [D] au paiement de la contrainte pour un montant de 5186 euros dont 4921 euros de cotisations et 265 euros de majorations de retard, outre les majorations de retard complémentaires à parfaire jusqu'à complet paiement au titre des périodes régularisation 2016, 1er trimestre 2017 et 2° trimestre 2017, outre les frais de signification de la contrainte,
-condamner M. [D] à payer à l'Urssaf la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 16 mai 2024, M. [D] demande à la cour de débouter l'Urssaf de sa demande de versement de la somme de 5 186 euros et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice causé et de la perte de temps liée à la longueur de la procédure.
L'affaire a été fixée à l'audience du 16 mai 2024, pour être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la double activité salariée/indépendante de M. [D]
M. [D] fait valoir que son contrat de travail a débuté le 24 août 2015 et qu'il cotisait bien au régime général depuis cette date. Bien que son employeur ait oublié de faire les démarches pour qu'il soit inscrit au régime général, M. [D] sollicite la prise en compte de sa poly-activité et de son inscription aux cotisations pour l'année 2015.
L'Urssaf expose que le paiement de cotisations salariales au régime général par M. [D] ne le dispense pas du paiement des cotisations dues au RSI.
L'article L. 171-2-1 du code de la sécurité sociale dispose que les personnes exerçant simultanément plusieurs activités sont affiliées et cotisent simultanément aux régimes dont relèvent ces activités.
L'article L. 613-4 du même code, dans sa version applicable en l'espèce dispose que sous réserve de l'article L. 613-2, les personnes exerçant simultanément plusieurs activités dont l'une relève de l'assurance obligatoire des travailleurs indépendants non agricoles sont affiliées et cotisent simultanément aux régimes dont relèvent ces activités.
Aux termes de l'article L. 622-2 dudit code, lorsqu'une personne exerce simultanément une activité salariée et une activité non salariée, elle est affiliée à l'organisation d'assurance vieillesse dont relève son activité non salariée, même si cette activité est exercée à titre accessoire, sans préjudice de son affiliation au régime des travailleurs salariés. Lorsqu'une personne a cotisé simultanément à un régime de sécurité sociale en tant que salariée et à un autre régime en tant que non-salariée, les avantages qui lui sont dus au titre de ses cotisations se cumulent.
Conformément à l'article D. 613-3 du code de la sécurité sociale remplacé à compter du 1er janvier 2016 par l'article D. 160-15 du même code, les prestations en nature sont versées en continuité par le régime d'affiliation initial, que l'activité soit principale ou non, sauf demande expresse de l'assuré sur la base du formulaire de droit d'option du régime compétent pour servir les prestations en nature des assurés poly-actifs.
C'est à juste titre que les premiers juges à la lecture du contrat de travail et des bulletins de paie communiqués par M. [D] ont considéré qu'il exerçait plusieurs activités depuis le 24 août 2015 et qu'il s'était bien acquitté des cotisations au régime général en qualité de salarié sur la période du 24 août 2015 au 31 mars 2016.
Cependant l'Urssaf n'a été avisée qu'à partir du 17 mars 2016 de la volonté de M. [D] d'être rattaché au régime général. De ce fait, et au regard des textes sus-visés et de sa situation administrative de poly-activité jusqu'au 17 mars 2016, son affiliation est maintenue au titre de travailleur non salarié auprès de l'Urssaf pour le règlement des cotisations obligatoires, notamment des cotisations d'indemnités journalières et d'assurance vieillesse sur la période concernée par la contrainte du 11 avril 2018.
Sur le bien-fondé de la contrainte et son montant
M. [D] fait valoir qu'il serait redevable uniquement du montant de la cotisation forfaitaire annuelle de 1 120 euros, soit 1 680 euros pour les 18 mois retenus et non pas la somme originellement sollicitée par l'Urssaf.
L'Urssaf détaille dans ses conclusions et pièces le montant des cotisations dues par M. [D] et soutient tant la validité de la contrainte que son principe et montant.
Aux termes des dispositions de l'article L. 133-6-4 II du code de la sécurité sociale, applicables jusqu'au 1er janvier 2017, 'à défaut d'encaissement à la date d'échéance ou à la date limite de paiement lorsque celle-ci est distincte, la mise en demeure prévue par l'article L. 244-2 invitant le cotisant à régulariser sa situation est transmise par la caisse du Régime Social des Indépendants chargée du contentieux. En l'absence de régularisation et sauf réclamation introduite devant la commission de recours amiable de la caisse de base du Régime Social des Indépendants, la caisse chargée du contentieux adresse la contrainte mentionnée à l'article L. 244-9.'
Aux termes de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, 'si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de la notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l'article L. 244-9 ou celle mentionnée à l'article L. 161-1-5. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine. L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification. Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huits jours de la réception de l'opposition.'
La contrainte doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.
Il est établi qu'il appartient à l'opposant à contrainte de démontrer le bien-fondé de son opposition et de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social.
Aux termes de l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, les cotisations sont dues annuellement. Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d'activité de l'avant-dernière année. Pour les deux premières années d'activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d'administration des organismes de sécurité sociale concernés. Lorsque le revenu d'activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l'exception de celles dues au titre de la première année d'activité, sont recalculées sur la base de ce revenu. Lorsque le revenu d'activité de l'année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation.'
La mise en demeure du 19 juin 2017 et la contrainte du 11 avril 2018 ont été établies et signifiées conformément aux textes précités et doivent donc être validées en leur principe.
M. [D] ne produit aucun élément au soutien de sa demande de minoration des sommes dûes, ne justifiant pas qu'il lui soit appliqué le montant des cotisations forfaitaires annuelles.
L'Urssaf quant à elle justifie dans ses conclusions et pièces le calcul des cotisations dues. Les différents courriers adressés à M. [D] et communiqués à la cour détaillent les sommes dues outre le courrier du 23 mai 2017 intitulé 'régularisation des cotisations 2016 et appel de cotisation 2017" qui reprend les différents truchements opérés dans les calculs entre les cotisations provisionnelles et les cotisations définitives en fonction de la réactualisation des calculs opérés au regard des revenus professionnnels déclarés par M. [D] en année N variant de la projection des cotisations basées sur le revenu de l'année N-2 et des cotisations ajustées calculées sur les revenus de l'année N-1.
Ainsi, la contrainte du 11 avril 2018 sera validée et M. [D] sera condamné à verser à l'Urssaf la somme de 5 186 euros dont 4 921 euros au titre des cotisations et 265 euros au titre des majorations de retard.
En outre, conformément à l'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale, M. [D] sera condamné au paiement des frais de signification de la contrainte.
Il sera enfin rappelé que les majorations de retard dues pour toutes les cotisations non acquittées à la date de leur échéance courent jusqu'au paiement effectif desdites cotisations. Un jugement validant une contrainte ne statue pas sur le montant des majorations de retard correspondant à une période ultérieure à son prononcé.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a annulé la contrainte du 11 avril 2018 et laissé les frais de signification à la charge de l'Urssaf.
Sur la demande de dommages et intérêt formulée par M. [D]
M. [D] sollicite la somme de 2 000 euros pour le préjudice et la perte de temps sur ces huit années liés à la procédure en cours.
La contrainte ayant été validée et M. [D] condamné à verser à l'Urssaf la somme de 5 186 euros, sa demande de dommages et intérêt sera rejetée, cette dernière n'étant pas fondée.
Sur les frais du procès
Il convient de condamner M. [D], partie qui succombe à la présente instance, aux dépens d'appel.
Il convient d'infirmer la décision déféré et de le condamner aux dépens de première instance.
Il est contraire à l'équité de laisser à l'Urssaf Poitou Charente la charge des frais non répétibles qu'elle a engagés, restés à sa charge. M. [D] devra payer à l'Urssaf Poitou Charente la somme de 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
VALIDE la contrainte du 11 avril 2018 pour un montant de 5 186 euros dont 4 921 euros au titre des cotisations et 265 euros au titre des majorations de retard,
CONDAMNE M. [P] [D] à verser à l'Urssaf Poitou Charente la somme de 5 186 euros dont 4 921 euros au titre des cotisations et 265 euros au titre des majorations de retard, au titre de la contrainte du 11 avril 2018, outre les frais de signification de la contrainte,
DEBOUTE M. [P] [D] de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE M. [P] [D] au paiement des dépens d'appel et aux dépens de première instance,
CONDAMNE M. [P] [D] à payer à l'Urssaf Aquitaine la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. Gombaud E. Veyssière