COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 25 juillet 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 22/02825 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MXYG
Monsieur [Y] [N]
Association UDAF 33
c/
S.A.S. CHATEAU HANTEILLAN
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Me Elodie HUILLO, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Nicolas CARTRON de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 mai 2022 (R.G. n°F 21/00536) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 10 juin 2022,
APPELANTS :
[Y] [N]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Association UDAF 33 es qualité de curateur de M. [Y] [N] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
Représentées et assistées par Me Elodie HUILLO, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. CHATEAU HANTEILLAN SAS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 4]
Représentée et assistée par Me Nicolas CARTRON de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 02 mai 2024 en audience publique, devant Madame Valérie Collet, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Valérie Collet, conseillère,
greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCEDURE
La SAS Château Hanteillan, ayant une activité vitinicole, a engagé M. [Y] [N], à compter du 25 septembre 1996, en qualité d'ouvrier viticole échelon C, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée non écrit.
M. [N] a été placé sous curatelle renforcée pour une durée de 5 ans, par jugement du juge des tutelles du tribunal d'instance de Bordeaux, du 30 novembre 2016, l'UDAF 33 étant désignée curateur aux biens et à la personne.
Par courrier du 6 août 2020, la société Château Hanteillan a mis à pied, à titre conservatoire, M. [N] et l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 24 août 2020.
Le 27 août 2020, la société Château Hanteillan a notifié à M. [N] son licenciement pour faute grave.
Le 24 mars 2021, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de contester son licenciement et de voir son employeur condamné à lui payer diverses sommes.
Par jugement du 02 mai 2022, le conseil a :
- dit que la société Château Hanteillan a valablement procédé au licenciement de M. [N] pour faute grave,
- dit que le licenciement de M. [N] n'est pas abusif,
- débouté la société Château Hanteillan et M. [N] de leurs demandes,
- dit que chaque partie assumera la charge de ses dépens,
Le 10 juin 2022, M. [N], assisté de son curateur, l'UDAF 33, a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Château Hanteillan de ses demandes.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 avril 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 2 mai 2024 pour y être plaidée.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions notifiées le 27 janvier 2023, par voie électronique, M. [N], assisté de son curateur, l'UDAF 33, demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
- condamner la société Château Hanteillan à lui payer la somme de 31.518 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,
- annuler la mise à pied du 22 août au 27 août 2020 et condamner la société Château Hanteillan à lui payer la somme de 320,54 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la retenue sur salaire outre 32,05 euros de congés payés afférents,
- condamner la société Château Hanteillan à lui payer une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3 708 euros outre les congés payés afférents 'soit 37,08 euros',
- condamner la société Château Hanteillan à lui payer une indemnité de licenciement à hauteur de 13 235,50 euros,
- condamner la société Château Hanteillan à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral causé par les circonstances vexatoires de son licenciement,
- condamner la société Château Hanteillan à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ce compris les éventuels frais d'exécution,
- faire application des dispositions des articles 1153-1 et 1154 du code civil.
Ils soutiennent que l'appel est recevable dans la mesure où le jugement a été adressé à l'UDAF 33, en sa qualité de curateur, par voie de lettre simple de sorte que le délai n'a pas couru et que M. [N] n'était donc pas forclos le 10 juin 2022 pour relever appel du jugement.
Ils indiquent que le jugement critiqué n'est pas motivé.
Ils font valoir que les 4 attestations produites par l'employeur sont identiques, dactylographiées et rédigées le même jour. Ils en concluent qu'il s'agit d'attestations de complaisance rédigées pour les besoins de la cause. M. [N] indique avoir contesté immédiatement l'accusation portée à son encontre, expliquant s'être retourné pour uriner et être de dos. Ils ajoutent que l'employeur ne démontre pas qu'il y aurait eu un précédent en 2018 et qu'il est difficile de rapporter la preuve d'un fait négatif. Ils affirment que M. [N] est de bonne foi, qu'il n'avait aucune intention de se montrer ni de choquer. Ils estiment que le doute doit profiter au salarié, que la faute grave n'est pas justifiée et que le licenciement est abusif et vexatoire puisqu'il a été évincé du jour au lendemain. Ils indiquent que M. [N] qui a été brutalement privé de revenus, est toujours au chômage et a peu de chance de retrouver un emploi. Considérant que la mise à pied conservatoire n'était pas justifiée, ils s'estiment bien fondés à réclamer un rappel de salaire concernant cette période.
Par conclusions notifiées le 26 septembre 2022, par voie électronique, la société Château Hanteillan demande à la cour de :
A titre principal,
- déclarer l'appel irrecevable,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter M. [N] de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner M. [N] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle soutient tout d'abord que l'appel est irrecevable dans la mesure où le jugement a été notifié à M. [N] et à son curateur le 3 mai 2022, qu'ils en ont accusé réception le 9 mai suivant, que le dernier jour possible de l'appel était le 9 juin 2022 tandis que la déclaration d'appel a eu lieu le 10 juin 2022 alors que le délai était dépassé.
Sur le fond, elle rappelle que M. [N] a été licencié pour s'être masturbé, dans les rangs de vignes, devant ou à la vue de 4 collègues féminines. Elle estime que les attestations de ces témoins sont concordantes et individualisées, soulignant que les salariées étaient choquées, excédées et ne souhaitaient plus côtoyer M. [N]. Elle ajoute qu'un précédent incident mettant en cause M. [N] envers une collègue avait été signalé en 2018, le salarié ayant été surpris à se masturber seul dans un bureau. Elle conteste tout licenciement abusif et vexatoire, le considérant bien au contraire, parfaitement justifié. Elle insiste sur le fait qu'elle n'a fait qu'user des dispositifs prévus par la loi en cas de faute grave en mettant en oeuvre la procédure de licenciement et en mettant à pied, à titre conservatoire, le salarié. Elle fait valoir que la contestation des faits reprochés par le salarié est vaine et que sa tentative d'explication par la satisfaction d'un besoin naturel est tardive et non étayée.
Elle indique que le salaire de référence de M. [N] résultant de la moyenne des 12 derniers mois est de 1 690,46 euros, que celle résultant des 3 derniers mois est de
1 744,50 euros, que M. [N] ne justifie pas du salaire de 1 854 euros qu'il invoque et qu'il ne justifie pas de sa réclamation indemnitaire à hauteur de 17 mois de salaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel
Selon l'article 528 du code de procédure civile : 'le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.'
Aux termes de l'article 530 alinéa 2 du code de procédure civile : 'le délai ne court contre le majeur en curatelle que du jour de la notification faite au curateur'.
En application de l'article 538 du code de procédure civile, le délai de recours pour interjeter appel d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes est d'un mois.
Enfin, il résulte de l'article 668 du code de procédure civile que la date de la notification par voie postale est à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre.
En l'espèce, il résulte de la pièce n°11 de l'appelant, non contestée par la partie adverse, que si M. [N] a reçu notification par lettre recommandée avec avis de réception le 9 mai 2022 du jugement rendu le 2 mai 2022 par le conseil de prud'hommes, son curateur, l'UDAF 33, ne s'est vu adresser le jugement que par lettre simple sans qu'aucun élément du dossier ne permette de déterminer la date de sa réception. Il y a donc lieu de considérer que le délai d'appel d'un mois n'a pas couru contre le majeur protégé. Son appel interjeté le 10 juin 2022 est en conséquence recevable.
Sur les demandes relatives au bien-fondé du licenciement
Selon les articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux. Le juge ne peut pas examiner d'autres motifs que ceux évoqués dans la lettre de licenciement mais il doit examiner tous les motifs invoqués, quand bien même ils n'auraient pas tous été évoqués dans les conclusions des parties.
Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
En l'espèce, la lettre de licenciement de M. [N] du 27 août 2020, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :
'Monsieur,
[...]
'le vendredi 31 juillet 2020,à 10 heures, alors que vous occupiez votre poste et étiez censé exercer votre prestation de travail, vous avez été surpris en train de vous masturber à quelques mètres de quatre de vos collègues féminines. Ces faits ont été immédiatement protés à la connaissance de votre supérieur hiérarchique, Monsieur [B] [L], chef de culture. En outre, ces faits ont été relatés dans une attestation écrite et circonstanciée effectuée par ces quatre collègues présentent au moment des faits.
Lors de nos échanges et malgré la présence des attestations vous avez nié les faits. Au regard de la particulière gravité des actes qui vous sont reprochés, nous avons décidé, au terme de notre délai de réflexion, de vous licencier pour faute grave. Cette mesure repose sur les faits suivants :
Bien de tels faits relèvent en principe de votre vie privée, un tel comportement sexuel est absolument inacceptable en ce qu'il entraîne de nombreuses conséquences professionnelles.
- Manquements à vos obligations professionnelles et agissements constitutifs de harcèlement sexuel. Vos actes à caractère sexuel amplifient la gravité des faits qui vous sont reprochés. Il convient de vous rappeler qu'en vertu de votre contrat de travail, vous êtes tenu d'exercer votre prestation de travail de façon conforme. Il n'en était manifestement pas ainsi le vendredi 31 juillet 2020 où, alors que vous étiez sur votre poste de travail, durant vos horaires de travail, vous vous êtes masturbé et avez donc adopté un comportement à caractère sexuel. Vous vous trouviez effectivement à votre poste de travail lorsque vous avez été surpris. Or, votre poste de travail n'est pas un endroit isolé : vous travaillez en plein air, au milieu des vignes accessibles à tous vos collaborateurs. Vous travailliez alors auprès de plusieurs collègues, et notamment des femmes, qui se trouvaient à seulement quelques mètres de vous au moment des faits. Vous ne pouviez donc ignorer leur présence au regard de leur nombre et de leur proximité.
Pour rappel, en vertu de votre contrat de travail, vous êtes tenu à une obligation de santé et de sécurité envers vous-mêmes mais également envers toute personne concernée par vos actes, dont vos collaborateurs. En vous masturbant à la vue de vos collègues femmes, vous avez manifestement manqué à cette obligation. Même en considérant que vous ayez méconnu la portée de vos agissements, ce qui reste difficilement envisageable au regard des circonstances, une attitude à caractère sexuel en face de vos collègues féminines constitue un acte d'harcèlement sexuel. Une telle conduite est intolérable et constitue un manquement à vos obligations professionnelles mais également aux valeurs défendues par l'entreprise. Ces rendent évidemment impossible la poursuite de nos relations de travail pour le bien-être et la sécurité de tous nos collaborateurs [...]'
Pour établir ces faits, la société Hanteillan produit :
- quatre courriers dactylographiés, rédigés dans des termes similaires, datés du 4 août 2020, signés l'un par Mme [G] [W], l'autre par Mme [H] [A], l'autre encore par Mme [U] [V] et le dernier par Mme [X] [F], toutes 4 employées par la société Château Hanteillan en qualité de vigneronnes, dont il ressort qu'elles ont été témoins des faits suivants 'le vendredi 31 juillet 2020, à 10h, j'ai vu ainsi que mes 3 collègues qui travaillaient avec moi dans les rangs mitoyens [C] [N] se masturber à 5m de nous. Nous avons aussitôt, signalé les faits à [B] [L], Chef de culture',
- quatre courriers manuscrits, écrits par chacune des 4 salariées, dans des termes distincts dont il ressort que :
- Mme [W] explique que 'nous étions penchées sur les vignes, [C] était devant nous. En me relevant, j'ai vu qu'il s'était mis en face de nous à 5 mètres et il était entrain de se masturber. Une de mes collègues lui a crié dessus violemment pour qu'il s'arrête, et nous avons appelé le chef de culture pour qu'il vienne tout de suite',
- Mme [A] explique : 'Je travaillais aux chausserons dans les vignes avec 3 autres vigneronnes et un vigneron, [C] [N] qui était devant nous lorsque je me suis relevée, il était en train de se masturber en face de nous, je me suis mise à crier. Il y a deux ans, je travaillais en binome avec lui dans une parcelle de vigne, il a complètement baissé son pantalon et s'est masturbé. Je l'ai raconté à notre chef de culture. Après celà, j'ai toujours eu peur de lui et ne voulais plus travailler seule avec lui',
- Mme [V] explique 'je travaillais aux chausserons avec 3 collègues vigneronnes et un vigneron [C] [N]. En me relevant, j'ai vu qu'il s'était mis en face de nous et qu'il était en train de se masturber. Je lui ai crié dessus pour qu'il arrête et j'ai téléphoné immédiatement au chef de culture pour qu'il vienne',
- Mme [F] explique 'le vendredi 31 juillet 2020, vers 10 heures, je travaillais dans les vignes en équipe avec 3 collègues vigneronnes et un vigneron [Y] [N]. Il étant dans le rang de vigne devant nous. Nous étions penchées pour épamprer. Lorsque j'ai relevé la tête, je l'ai vu en face de nous en train de se masturber. J'ai crié pour qu'il arrêt. Je suis allée au rendez-vous de la médecine du travail et j'ai dit au docteur [T] ce qu'il s'était passé. Son infirmière l'a noté sur ma fiche. J'étais très choquée.'
- le courrier manuscrit de M. [D] [L], chef de culture, qui expose que 'le vendredi 31 juillet dans la matinée j'ai été appelle en urgence par une vigneronne qui travaillait en équipe avec 3 vigneronnes et un vigneron [C] [N] pour venir sur place. Les vigneronnes m'ont dit que [C] s'était masturbé en face d'elles. Il est resté silencieux n'a pas nié. Il y a deux ans environ, [E] [A] travaillait en binome avec lui il s'est masturbé devant elle. Elle m'a révélé les faits très choquée et refusait depuis de travailler seule avec lui. Il y a quelques années j'ai surpris [C] [N] en train de se masturber dans le bureau de notre batiment agricole à [Localité 3].'
L'employeur justifie donc que 4 personnes ont vu M. [N] se masturber le 31 juillet 2020, vers 10h, dans les vignes. Les seules dénégations du salarié, selon lesquelles il aurait en réalité uriné, sont insuffisantes pour remettre en cause les déclarations précises et circonstanciées des 4 vigneronnes qui étaient présentes. Le fait que l'employeur ait reçu les 4 salariées ensemble importe peu dès lors que chacune des salariés a signé un document dactylographié puis rédigé, de manière individuelle et individualisé, un écrit relatant les faits constatés. Ainsi contrairement à ce que soutient M. [N], il n'existe aucun doute quant à la matérialité du fait qui lui est reproché. Ce fait, qui est certes isolé au terme de la lettre de licenciement, est suffisamment grave à lui seul pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail de M. [N], un tel comportement, qui porte gravement atteinte à la dignité et à la moralité d'autrui, ne permettant pas son maintien dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis, et ce malgré l'ancienneté de M. [N] au sein de la société.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de M. [N] était bien-fondé et en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, de sa demande d'indemnité de licenciement et de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis.
Par ailleurs, dès lors que la preuve de la faute grave est établie, il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la mise à pied conservatoire qui était parfaitement justifiée. Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ce chef mais également en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire afférente.
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires
En application de l'article 1231-1 du code civil, le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et cumuler une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, à la condition de justifier d'une faute de l'employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire.
En l'espèce, dans la mesure où il est jugé que le licenciement pour faute grave est bien-fondé, il est vain pour M. [N] de faire état de son éviction de l'entreprise 'du jour au lendemain' qui ne peut être considérée comme une faute de la part de l'employeur. Il en va de même s'agissant de la remise de la convocation à un entretien préalable et de la notification de la mise à pied conservatoire qui n'ont aucun caractère fautif et qui traduisent, bien au contraire, le respect par l'employeur de la procédure disciplinaire qu'il était tout à fait légitime à engager, au regard de la gravité du comportement du salarié, et ce malgré le fait que ce dernier avait une ancienneté de plus de 20 années. Enfin, la circonstance que l'employeur accorde plus de crédit aux déclarations précises, circonstanciées et concordantes de 4 salariés qu'aux dénégations, non étayées, d'un seul salarié, ne saurait caractériser une faute de l'employeur.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les frais du procès
Le jugement entrepris mérite confirmation en ce qu'il a statué sur les dépens et sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [N], assisté de son curateur, qui succombe à hauteur d'appel, doit en supporter les dépens et être débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les circonstances du litige, l'équité et la situation économique des parties justifient de ne pas accorder à l'employeur une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable l'appel interjeté le 10 juin 2022 par M. [Y] [N], assisté de son curateur l'UDAF 33,
Confirme le jugement rendu le 2 mai 2022 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [Y] [N], assisté de son curateur l'UDAF 33, aux dépens d'appel,
Déboute M. [Y] [N], assisté de son curateur l'UDAF 33 d'une part et la SAS Château Hanteillan d'autre part de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps MP. Menu