COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 25 juillet 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 21/03646 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MFWF
Monsieur [T] [E]
c/
S.A.S.U. JL&P ENGINEERING
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Me Ingrid DESRUMAUX de la SELARL DESRUMAUX AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Audrey FRECHET de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 mai 2021 (R.G. n°F 19/01052) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section encadrement, suivant déclaration d'appel du 25 juin 2021,
APPELANT :
[T] [E]
né le 18 Avril 1984 à [Localité 16]
de nationalité Française
Profession : Chargé d'affaires, demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Ingrid DESRUMAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SASU JL&P Engineering, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 1]
Assistée de Me GIRINON de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX
Représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2024 en audience publique, devant Monsieur Eric Veyssière, président chargé d'instruire l'affaire, et madame Sophie Lésineau, conseillère qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Valérie Collet, conseillère,
greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.
EXPOSE DU LITIGE
Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 30 avril 2018, la société JL&P Engineering (la société en suivant) a engagé M. [T] [E] en qualité de chargé d'affaires, catégorie cadre. M. [E] a travaillé auparavant au sein de la société en contrat à durée déterminée du 4 août 2017 au 30 avril 2018.
La relation contractuelle a été soumise à la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil.
Le 25 septembre 2017, l'employeur a notifié un avertissement à M. [E] au motif d'un retard et d'une prise de poste en état d'ébriété.
Le 12 janvier 2019, M. [E] a été placé en arrêt de travail, suite à un incident intervenu hors de son temps de travail, jusqu'au 24 février 2019.
Par courrier du 27 février 2019, l'employeur a convoqué M. [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 8 mars 2019.
Le 27 février 2019, M. [E] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 30 mars 2019.
Le 22 mars 2019, M. [E] a été licencié pour motif disciplinaire et insuffisance professionnelle.
Par courrier du 5 juillet 2019, M. [E] a contesté le bien fondé de son licenciement.
Le 17 juillet 2019, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de contester son licenciement.
Par jugement du 21 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :
- jugé que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que ses demandes sont dès lors bien fondées,
- donné acte à la société JL&P Engineering de payer à M. [E] la somme de 400 euros brut au titre de l'avantage en nature véhicule,
- déclaré nulle la convention en forfait jour insérée dans le contrat de travail à durée déterminée en date du 4 août 2017,
- déclaré conforme la convention en forfait jour insérée dans le contrat de travail à durée indéterminée du 30 avril 2018,
- condamné en conséquence la société JL&P Engineering à payer à M. [E] les sommes de :
- 5 160 euros à titre de dommages et intérêts conformément à l'article L. 123 5-3 du code du travail,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, cette moyenne étant de 2 581,15 euros ,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'assortir ces sommes de l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société JL&P Engineering aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.
Par déclaration du 25 juin 2021, M. [E] a relevé appel du jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2022, M. [E] sollicite de la cour qu'elle :
- le reçoive en ses demandes, fins et conclusions,
- le déclare bien fondé en son appel,
- confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du
21 mai 2021 en ce qu'il a prononce son licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse,
- et infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du
21 mai 2021,
Statuant à nouveau,
En conséquence,
- prononce la prescription des griefs disciplinaires antérieurs au 27 décembre 2018 et qui sont énoncés dans la lettre de licenciement,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 127,21 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 10 324,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 2 581,15 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances particulièrement vexatoires du prononcé de son licenciement,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 500 euros à titre de rappel de salaires pour privation du véhicule de fonction, outre la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les conséquences de la privation du véhicule de fonction,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de souscription de mutuelle,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite d'information et de prévention,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 1 500 euros pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour refus de formation,
- prononce la nullité de la convention en forfait jour insérée dans le contrat de travail à durée déterminée du 4 août 2017 et condamne en conséquence la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 6 152,08 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre la somme de 615,20 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- prononce la nullité de la convention en forfait jour insérée dans le contrat de travail à durée indéterminée du 30 avril 2018 et condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 8 484,61 euros bruts au titre des heures supplémentaires pour la période du 1er mai jusqu'à la rupture du contrat de travail, outre la somme de 848,46 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- à titre subsidiaire, si les temps de trajet venaient à ne pas être considérés comme du temps de travail effectif, constate que ces déplacements étaient supérieurs au temps de trajet normal, et condamne la société JL&P Engineering au versement d'une contrepartie financière qui sera fixée par le juge en l'absence de toute disposition conventionnelle en la matière,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 7 482 euros à titre d'indemnité pour dépassement du contingent annuel, outre la somme de 748,20 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'information de la contrepartie obligatoire en repos,
- condamne la société JL&P Engineering à rembourser les indemnités chômages conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de 6 mois d'allocations,
- condamne la société JL&P Engineering à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- prononce que la moyenne des trois derniers mois est de la somme de 2 581,15 euros,
- prononce que les sommes susvisées porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter du prononcé de la décision à intervenir pour les sommes ayant le caractère de dommages et intérêts, avec capitalisation des intérêts,
- condamne aux éventuels dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juin 2022, la société JL&P Engineering demande à la cour de :
- dire que le licenciement de M. [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- réformer le jugement du conseil des prud'hommes sur ce point et le débouter des demandes de dommages et intérêts qu'il formule au titre du caractère prétendument abusif de son licenciement et de circonstances vexatoires,
- si par impossible la Cour devait confirmer le jugement, dire et juger suffisant le quantum des dommages et intérêts en application du barème Macron,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
- dit que M. [E] a été rempli de ses droits en matière d'indemnité de licenciement,
- dit non fondés les dommages et intérêts qu'il formule au titre d'un défaut de mutuelle, d'une visite d'information et de prévention régularisés,
- dit que la société n'a pas failli à un refus de formation, et débouter le salarié des demandes qu'il formule à ce titre,
- dit que la société n'a pas manqué à une obligation de sécurité et débouter le salarié des demandes qu'il formule à ce titre,
- donné acte à la société qu'elle a réglé à M. [E] le net correspondant à la somme de 400 euros bruts au titre de l'avantage véhicule que la société a entendu récupérer et le débouter de la demande de dommages et intérêts qu'il formule à ce titre,
- débouté M. [E] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et de contreparties obligatoires en repos,
- débouté M. [E] de sa demande d'indemnité au titre du dépassement du contingent annuel et de dépassement aux durées maximales du travail,
- dit que les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, sont inapplicables au cas d'espèce,
- condamné M. [E] aux éventuels entiers dépens de l'instance,
- réformer le jugement pour le surplus,
- débouter M. [E] de sa demande nouvelle en cause d'appel tenant en l'obtention d'une contrepartie financière non valorisée pour des temps de trajet domicile ' lieu de travail anormaux,
- condamner M. [E] à verser à l'employeur la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2024, pour être plaidée
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur la rupture du contrat de travail
Sur le bien-fondé du licenciement
M. [E] fait valoir que la lettre de licenciement évoque tant des griefs disciplinaires que des griefs relevant de l'insuffisance professionnelle. Concernant les premiers griefs, il rappelle que seul le grief du 26 février 2019 doit être examiné, les autres devant être considérés comme prescrits car antérieurs au délai de deux mois à compter de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable. Il précise contester la teneur de l'échange du 26 février 2019. Concernant les griefs relevant de l'insuffisance professionnelle, il considère que la société ne rapporte aucunement la preuve de ces insuffisances qu'il conteste.
La société fait valoir que le licenciement de M. [E] est fondé sur une faute, les propos tenus par ce dernier le 26 février 2019 étant suffisamment graves pour justifier la rupture de son contrat de travail. Elle relève en outre l'existence d'actes d'insubordination et des erreurs non sanctionnées en lien avec la vie nocturne du salarié.
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige, de sorte que seuls les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent être examinés par le juge pour l'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement
Il est établi que l'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement ; qu'elle se définit comme l'incapacité du salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification et se caractérise par une mauvaise qualité du travail accompli ; que l'appréciation de l'insuffisance professionnelle d'un salarié relève du pouvoir de direction de l'employeur, lequel doit toutefois rapporter la preuve de faits objectifs et vérifiables.
L'insuffisance professionnelle se manifeste dans ses répercussions en tant qu'elle perturbe la bonne marche de l'entreprise ou le fonctionnement du service.
L'insuffisance professionnelle est non fautive. Il en résulte qu'elle peut être invoquée à tout moment sans tenir compte des délais de prescriptions des faits fautifs et des sanctions propres au droit disciplinaire.
Selon les dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Cependant un fait fautif dont l'employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l'engagement des poursuites peut être pris en considération lorsque le même comportement fautif du salarié s'est poursuivi ou répété dans ce délai.
Ainsi, la poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similiaires, y compris ceux ayant été sanctionnés, pour caractériser une faute grave.
En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
'Nous constatons, depuis plusieurs mois, que la qualité de votre travail est nettement insuffisante et que votre comportement nuit gravement au bon fonctionnement de l'entreprise.
Ainsi, le mardi 26 février 2019, vous avez eu, une nouvelle fois, une attitude grossière à mon égard, indiquant :
-'que vous n'alIiez plus vous casser les couilles pour l'entreprise',
-'que vous pouviez vous remettre en arrêt maladie' ce qui est intervenu le jeudi 28 février
-'que vous quitteriez l'entreprise, quoi qu'il arrive, pour suivre une formation HMO en septembre 2019"
Votre comportement m'a conduit à envisager une mesure de licenciement et à vous convoquer à un entretien préalable.
Il ne s'agit pas là d'un incident isolé. A plusieurs reprises, nous avons dû précédemment vous alerter sur des faits similaires, et ce, afin de vous sensibiliser sur ces différents dysfonctionnements.
Ainsi et à titre d'exempIes :
-Manquements professionnels sur le terrain dans les dossiers suivants :
o Dossier de [Localité 8] - Client : TOTAL - 04/09/2018
- Arrivée en retard lors d'un RDV fixé avec le client et les entreprises dans le cadre de la réception d'un chantier
0 Dossier de [Localité 12] - Client : TOTAL -- 16/05/2018
- Arrivée en retard lors d'un RDV 'xé avec le client dans le cadre d'un survey de travaux
0 Dossier des Terres de Graves - Client : TOTAL - 10/09/2018
- Appel du client m'indiquant que l'ensemble des interlocuteurs vous attend pour une réunion de chantier. Mon appel vous réveille et vous arrivez avec 2h de retard en état d'ébriété sur la station-service.
o Dossier de [Localité 9] - Client : CARREFOUR - 11/12/2018
- Le client m'indique que le chantier n'est pas suffisamment maitrisé par vos soins. Il me demande expressément de reprendre l'affaire et vous faire remplacer comme chef de projet.
Considérant, lors d'une première discussion, que la gestion de chantiers et les missions de terrain n'étaient pas votre point fort, nous avons cherché une évolution de votre poste, entre septembre 2018 et décembre 2018, vers une phase amont du métier : architecture et conception.
Cette étape, nécessitant une régularité de travail dans le quotidien mais sans déplacements, au sein des bureaux de la Technopole de Montesquieu, ne fut malheureusement pas non plus une réussite. Cela est d'autant plus incompréhensible compte tenu de votre expérience, votre formation académique et la formation qui vous a été dispensée au sein de la société qui auraient dû vous permettre de traiter les tâches professionnelles qui vous furent assignées, celles-ci ne présentant pas de difficultés particulières.
Malheureusement et très rapidement nous n'avons pu que déplorer un grand nombre d'erreurs :
- Manquements professionnels au bureau dans les dossiers suivants :
o Dossier de [Localité 15] - client DYNEFF - Juillet à Septembre 2018 : erreurs dans le chiffrage et le planning (3 mois pour un permis de construire au lieu de 5 mois, connaissance normalement basique pour un architecte)
o Dossier de [Localité 6] - Client AUTOGRILL - Septembre à Novembre 2018 : erreurs
multiples et récurrentes dans le chiffrage
0 Dossier de [Localité 5] Viaimur - Client TOTAL - Octobre 2018 : erreurs multiples dans le passage des commandes auprès des fournisseurs
o Dossier de [Localité 3] Nord - client AVIA - Septembre à Décembre 2018 : concours avec une échéance précise ('n décembre 2018) non terminé lors de votre départ en congés le 21/12/2018 sans prévenir efficacement et explicitement vos collègues ou moi-même des éléments devant être terminés
o Dossier de Neflier - client TOTAL - Novembre 2018 : Dépose d'une déclaration préalable : retour de la mairie pour multiples non-conformité, insertion paysagère très médiocre par rapport à votre capacité, nombreuses anomalies
0 Dossier des Chauvauds - client TOTAL - Septembre à Décembre 2018 : travail d'étude non réalisé dans le planning dé'ni, pas d'information sur le sujet, nous avons été contraints de reprendre votre dossier en urgence et avons constaté que la communication n'avait pas été assurée auprès du client.
De plus, votre attitude, fut inconvenante et grossière à de nombreuses reprises :
o Arrivée en état d'ébriété à 11h le 25/09/2017, qui avait fait l'objet d'une première lettre d'avertissement signée par nos soins
o Arrivée à 12h au bureau le 19/09/2018 indiquant, devant les autres salariés et moi-
même que 'c'était: votre anniversaire la veille'
o Arrivée à 12h au bureau (date non retenue) indiquant, devant les autres salariés et moi-même que 'vous étiez au lit avec une fille et n'aviez pas envie de venir'
Lors de l'entretien préalable du vendredi 08 mars 2019, en présence de M. [I], conseiller du salarié, vous indiquiez déjà 'qu'il ne servirait à rien de discuter'.
J'ai cherché à vous joindre par téléphone et par mail pour trouver une issue raisonnée et adéquate à cette situation. Je constate, avec regret, que cela ne sera pas possible car je n'ai aucune nouvelle de votre part.
Malgré nos remarques, nous ne constatons, aujourd'hui, aucune amélioration tant sur la qualité de votre travail que sur votre comportement.
Votre absence de rigueur ainsi que vos erreurs récurrentes caractérisent une insuffisance professionnelle notoire qui ne permet plus d'envisager une poursuite de collaboration.
De tels manquements, portant sur des tâches ne présentant pas de difficultés particulières, sont fortement préjudiciables à l'entreprise (mécontentement de clients et risque de perte de ces derniers, préjudice financier pour l'entreprise, travail à refaire, ...).
Ces faits et I'absence d'amélioration dans votre travail rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail et nous contraignant à devoir vous licencier.
Vous bénéficierez d'un préavis d'une durée de trois mois prenant effet dès présentation de la présente lettre.
Nous vous précisons que nous avons décidé de vous délier de la clause de non-concurrence figurant à votre contrat. Nous n'aurons donc pas à vous verser l'indemnité compensatrice de non-concurrence.
Au terme de votre contrat, les divers documents vous revenant de droit ainsi que le solde de votre compte seront tenus à votre disposition à l'entreprise.
Veuillez agréer, Monsieur, I'expression de nos salutations distinguées.'
La cour relève qu'à travers la formulation des motifs de la lettre de licenciement, la société met en avant des griefs d'ordre disciplinaire et d'autres relevant de l'insuffisance professionnelle.
Concernant les griefs d'ordre disciplinaire, la cour observe que dans sa lettre de licenciement, la société fait état de faits du mardi 26 février 2019, de manquements professionnels sur le terrain dans certains dossiers datant de 2018 ainsi que des attitudes inconvenantes et grossières observées à de nombreuses reprises en 2017 et 2018.
Cependant, ces griefs ont déjà fait soit l'objet d'une réponse de la part de l'employeur comme le comportement du 25 septembre 2017 qui a donné lieu à un avertissement du salarié, soit datent de l'année 2018 et étaient connus de l'employeur le jour même ou à une date proche de la réalisation de l'acte reproché puisque la société indique elle-même dans la lettre de licenciement avoir d'ores et déjà alerté le salarié sur ces faits.
Ainsi, la société ne peut se prévaloir de ces actes au soutien du licenciement pour motifs disciplinaires, ces derniers ayant été portés à sa connaissance plus de deux mois avant la notification de la lettre de licenciement.
Seuls les faits du 26 février 2019 peuvent être examinés dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif disciplinaire. Concernant ces faits, la société, outre ses affirmations quant à la réalité des propos tenus par le salarié, s'appuie sur le courrier du salarié en date du 5 juillet 2019 pour attester de leur matérialité.
Cependant, le courrier intitulé 'contestation de la lettre de licenciement du 22 mars 2019" expose bien la réalité d'un échange entre l'employeur et le salarié le 26 février 2019 mais présente une autre version que celle de l'employeur quant au contenu des propos échangés, M. [E] contestant tout propos grossier ou inadapté.
En l'absence d'autres éléments apportés par l'employeur pour établir la matérialité de ces propos, ce seul motif ne peut fonder un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Concernant les griefs relevant de l'insuffisance professionnelle, la cour constate que la société, au-delà de les avoir évoqués dans la lettre de licenciement, ne développe aucun moyen, en fait, de nature à démontrer l'existence des manquements imputables au salarié et n'établit pas la perturbation qui en serait résultée pour l'entreprise.
Aucun des griefs mentionnés dans la lettre du 22 mars 2019 n'étant établi, le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur les demandes indemnitaires formulées par M. [E]
Concernant l'indemnité de licenciement et la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [E] dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse est fondé à réclamer le paiement d'une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [E] fait valoir qu'il aurait dû percevoir une indemnité de licenciement supérieure à celle que lui a accordé la société au regard de son ancienneté de 1 an et 10 mois. Il sollicite donc le versement d'une indemnité de licenciement complémentaire à hauteur de 127,21 euros.
La société expose qu'au regard de ses arrêts maladie de droit commun, il convient de soustraire trois mois d'ancienneté à M. [E] et qu'en outre, l'indemnité de licenciement se calcule en fonction des seuls mois complets. Elle confirme donc son calcul et le montant qu'elle lui a alloué.
Au terme des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 du code du travail, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à une somme calculée par année de service dans l'entreprise en tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.
Il est établi que M. [E] a été en arrêt maladie pendant trois mois et qu'il est sorti des effectifs de la société le 24 juin 2019. De ce fait, son ancienneté est de 1 an et 6 mois, ancienneté prise à juste titre par la société pour déterminer le montant de l'indemnité de licenciement.
Le jugement déféré qui a rejeté la demande de complément d'indemnité de licenciement à hauteur de 127,21 euros sera dès lors confirmé de ce chef.
Concernant le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [E] conteste l'application du 'barème Macron' et sollicite l'octroi de quatre mois de salaire au titre de dommages et intérêts.
La société rappelle l'application du barème et sa conformité aux normes internationales et demande la confirmation du jugement sur ce point.
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié ayant une ancienneté se situant entre un an et deux ans survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, le juge lui octroie le cas échéant une indemnité qui ne peut pas être inférieure à 0,5 mois de salaire ni supérieure à 2 mois. Il est constant que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à la charge de l'employeur ne peut excéder, au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et au montant de son salaire brut, le montant maximal fixé par ce texte exprimé en mois de salaire brut (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.782).
La cour rappelle que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi, étant observé que celles de l'article L 1235-3-1 du même code prévoient que, dans des cas limitativement énumérés entraînant la nullité du licenciement, le barème ainsi institué n'est pas applicable.
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.
Ainsi, il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui prévoient une indemnité comprise entre 0,5 mois et 2 mois de salaire brut pour un salarié ayant un peu plus d'un an d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés.
Il convient, au vu de l'ancienneté de M. [E] au jour de son licenciement et de son âge, de condamner la société à lui verser la somme de 5 160 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi.
Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Concernant la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances particulièrement vexatoires du prononcé du licenciement
M. [E] fait valoir que la qualification disciplinaire de son licenciement retenue par la société a caractérisé une circonstance particulièrement vexatoire, l'allégation d'un comportement fautif étant mensongère et attentatoire à sa réputation professionnelle.
Cependant M. [E] n'établit pas de circonstances particulières et des éléments de fait distincts de la procédure de licenciement en elle-même qui justifieraient l'octroi de dommages et intérêts sur ce fondement.
De ce fait, sa demande de se voir octroyer la somme de 2 581,15 euros sur ce fondement sera rejetée et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Concernant la demande de rappel de salaire pour privation du véhicule de fonction et la demande de dommages et intérêts pour les conséquences de cette privation du véhicule de fonction
M. [E] fait valoir qu'il a été privé pendant cinq mois de son véhicule de fonction qui constituait un avantage en nature. Il sollicite la somme de 100 euros par mois au titre de rappel de salaire.
La société indique reconnaître devoir payer cette somme et précise avoir versé à son salarié la somme de 400 euros bruts le 14 septembre 2021, le salarié ayant été privé du véhicule pendant quatre et non cinq mois.
Le contrat de travail de M. [E] du 30 avril 2018 prévoit expressément la mise à disposition d'un véhicule de fonction à ce dernier.
Le jugement déféré, qui a considéré que M. [E] avait été privé de son véhicule de fonction du 27 février 2019 à son licenciement soit une durée de quatre mois, a justement alloué la somme de 400 euros à ce dernier au titre de rappel de salaire. Il sera confirmé de ce chef.
M. [E] sollicite en outre la somme de 1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour les conséquences de cette privation de véhicule. Cependant, comme le relèvent la société ainsi que le jugement déféré, ce dernier n'apporte aucun élément pour justifier d'un préjudice sur ce fondement.
M. [E] sera donc débouté de sa demande de 1 000 euros sur ce fondement et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Concernant la demande de dommages et intérêts pour défaut de souscription de mutuelle
M. [E] expose ne pas avoir pu bénéficier de la mutuelle d'entreprise au cours de l'année 2017 et jusqu'au mois d'avril 2018 alors même qu'il n'avait jamais demandé à en être dispensé. De ce fait, il n'a pas bénéficié d'une complémentaire santé et en demande réparation.
La société expose que son salarié avait demandé à bénéficier d'une dispense de mutuelle sur les premiers mois de son activité et que faute pour elle de disposer d'éléments, M. [E] a été affilié à effet du 1er mai 2018. Cependant elle relève que ce dernier ne justifie d'aucun élément susceptible de démontrer l'existence d'un préjudice du fait de cette affiliation tardive.
Il ressort des deux contrats de travail de M. [E] qu'il était expressément indiqué qu'il bénéficierait de la mutuelle collective obligatoire. Néanmoins, la société reconnaît son affiliation tardive, laissant de ce fait le salarié sans complémentaire santé pendant plusieurs mois. La cour relève en outre que la société ne justifie pas que M. [E] ait demandé une dispense de mutuelle.
En ne garantissant pas à son salarié l'accès à une complémentaire santé et à la mutuelle collective obligatoire, la société a causé un préjudice à M. [E] qu'il convient de réparer.
Ainsi, il sera alloué à M. [E] la somme de 400 euros de dommages et intérêt à ce titre que la société est condamnée à lui payer. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Concernant la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite d'information et de prévention
M. [E] fait valoir qu'il n'a pas bénéficié d'une visite d'information et de prévention et ce malgré sa demande, que cette absence constitue un manquement de l'employeur qui lui cause nécessairement un préjudice.
La société indique que M. [E] a passé cette visite le 18 mars 2019.
Selon l'article R. 4624-10 du code du travail, 'tout travailleur bénéficie d'une visite d'information et de prévention, réalisée par l'un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 4624-1 dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective du poste de travail.'
La convocation à la visite médicale communiquée par la société ne correspond pas à la visite d'information et de prévention visée par l'article R. 4624-10 du code du travail, ce document précisant qu'il s'agit de la visite médicale obligatoire de reprise après maladie.
Cependant, M. [E] qui n'est pas un salarié soumis à un suivi médical renforcé, ne démontre pas avoir subi un préjudice lié à l'absence de cette visite d'information et de prévention.
De ce fait, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêt de ce chef et le jugement déféré sera confirmé.
Concernant la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité
Dans le dispositif de ces conclusions, M. [E] sollicite la somme de 1 500 euros sur ce fondement mais n'étaye cette demande d'aucune façon. De ce fait, il sera débouté de sa demande.
Concernant la demande de dommages et intérêts pour refus de formation
M. [E] fait valoir que dès son embauche, il était convenu qu'il devait effectuer une formation HMONP et qu'il n'a pu la suivre du fait de l'inertie de la société.
La société expose qu'elle a soutenu la candidature du salarié auprès de l'école des architectes de [Localité 4] mais que cette dernière pour des raisons administratives a refusé de valider sa candidature. Elle considère n'avoir commis aucune faute à l'égard de son salarié.
Le contrat de travail à durée déterminée du 4 août 2017 prévoyait que ce dernier 'puisse être présenté par le salarié afin de bénéficier de la formation HMONP de l'ENSAPBX, pour l'année scolaire 2017-2018.'
La société par mail du 4 août 2017 a bien donné son accord à M. [E] pour constituer un dossier de candidature auprès de l'école des architectes de [Localité 4].
Il ressort du mail de l'école en date du 30 août 2017 que la candidature de M. [E] a été refusée pour 'une raison très administrative', la société n'étant pas référencée comme agence d'architecte alors que le texte HMONP et la circulaire exigent cette condition.
Malgré ce refus officiel, il est établi par la communication des mails des 30 août et 5 septembre 2017 de M. [B] à destination de l'école d'architecture que la société a contacté cette dernière et a réalisé une présentation spécifique de l'entreprise afin de tenter de valider à nouveau l'intégration du salarié en HMONP.
Il n'est donc rapporté aucune faute de la société dans la mise en oeuvre de cette formation dont la décision du choix des candidats relevait de l'école d'architecture, seule décisionnaire en la matière.
C'est à bon droit que le jugement déféré n'a pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de M. [E] sur ce motif. Il sera donc confirmé.
II. Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la demande de nullité des conventions de forfait annuel en jours
M. [E] fait valoir que les conventions de forfait annuel en jours prévues dans ses deux contrats de travail sont nulles, ces dernières n'énumérant pas les mentions indispensables à leurs validités et étant établies alors qu'il n'était pas autonome dans son travail et qu'il ne bénéficiait pas d'un salaire correspondant au travail à accomplir.
La société se fonde sur l'accord collectif du 22 juin 1999 et du 19 février 2013 autorisant le recours aux convention de forfait annuel en jours dans sa branche d'activité pour valider les conventions inscrites dans les contrats de travail de M. [E]. Elle fait valoir que les conditions de mise en place d'une telle convention sont respectées pour le contrat à durée indéterminée du 30 avril 2018. Elle ne nie pas qu'il n'est pas fait mention de l'existence du forfait-jours dans le contrat à durée déterminée.
En vertu de l'article L. 3121-62 du code du travail, 'les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives :
1° A la durée quotidienne maximale de travail effectif prévue à l'article L. 3121-18 ;
2° Aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues aux articles L. 3121-20 et L. 3121-22 ;
3° A la durée légale hebdomadaire prévue à l'article L. 3121-27.'
Aux termes de l'article L. 3121-58 du code du travail, 'peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l'année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64 :
1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.'
Selon l'article L 3121-63 et suivant du code du travail, le forfait annuel en jours sur l'année est mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, accord ou convention fixant le nombre annuel de jours travaillés compris dans le forfait.
Les dispositions de la convention collective de branche n'ayant qu'un caractère subsidiaire, il est possible de prévoir par accord d'entreprise ou assimilé un nombre de jours supérieur à celui fixé par la convention collective de branche. Néanmoins, le volume annuel du forfait ne doit pas dépasser 218 jours travaillés par an, journée de solidarité comprise.
La convention individuelle de forfait doit être passée par écrit, rédigée avec précision et le nombre de jours travaillés doit notamment y être indiqué.
Aux termes de l'article 4.1 de l'avenant en date du 1er avril 2014 à l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail de la convention collective applicable au litige, peuvent être soumis au forfait annuel en jours 'les personnels exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales, de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite et de supervision de travaux, disposant d'une large autonomie, de liberté et d'indépendance dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail pour exécuter les missions qui leur sont confiées.
Les salariés ainsi concernés doivent bénéficier de dispositions adaptées en matière de durée du travail ; ils sont autorisés, en raison de l'autonomie dont ils disposent, à dépasser ou à réduire la durée conventionnelle de travail dans le cadre du respect de la législation en vigueur. La rémunération mensuelle du salarié n'est pas affectée par ces variations.
Pour pouvoir relever de ces modalités, les salariés concernés doivent obligatoirement disposer de la plus large autonomie d'initiative et assumer la responsabilité pleine et entière du temps qu'ils consacrent à l'accomplissement de leur mission caractérisant la mesure réelle de leur contribution à l'entreprise. Ils doivent donc disposer d'une grande latitude dans leur organisation de travail et la gestion de leur temps.
Ils relèvent au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres de la convention collective nationale ou bénéficient d'une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale ou sont mandataires sociaux.'
L'article 4.2 dudit avenant précise que 'la conclusion d'une convention individuelle de forfait annuel en jours fait impérativement l'objet d'un écrit signé par les parties, contrat de travail ou avenant annexé à celui-ci.
L'avenant ainsi proposé au salarié explicite précisément les raisons pour lesquelles le salarié concerné est autonome ainsi que la nature de ses fonctions.
Ainsi la convention individuelle doit faire référence à l'accord collectif de branche ou d'entreprise applicable et énumérer :
' la nature des missions justifiant le recours à cette modalité ;
' le nombre de jours travaillés dans l'année ;
' la rémunération correspondante ;
' le nombre d'entretiens.
Le refus de signer une convention individuelle de forfait en jours sur l'année ne remet pas en cause le contrat du salarié et n'est pas constitutif d'une faute.'
Il est constant que lorsqu'un accord collectif contient des stipulations qui avaient pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, mais que l'employeur n'en respecte pas les termes et n'en assure pas l'application, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.
Concernant le contrat à durée déterminée du 4 août 2017
En l'espèce le contrat à durée déterminée du 4 août 2017 ne porte pas mention du nombre de jours travaillés ni des diverses mentions nécessaires telles qu'indiquées dans la loi et l'accord de branche, se contentant d'indiquer 'compte tenu de son statut et tel que défini à l'article L. 3111-2 du code du travail, le salarié est exclu de la législation applicable au temps du travail. En conséquence, le salarié consacrera le temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions sans pouvoir prétendre à une rémunération supplémentaire.'
De ce fait, l'employeur n'ayant pas respecté le contenu de la convention de forfait annuel en jours dans le contrat de travail de M. [E], cette convention est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires s'il en existe.
Concernant le contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 avril 2018
En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée en date du 30 avril 2018 énonce le nombre de jours travaillés, la rémunération, le nombre d'entretiens annuels, le suivi de l'organisation du travail de M. [E].
Cependant, outre un manque de précision quant à la nature des missions de M. [E] qui justifierait le recours à une convention de forfait annuel en jours, ce dernier a été employé au poste de chargé d'affaires, position 1.1 ; coefficient 95, statut cadre.
Or, l'article 4.1 de l'avenant en date du 1er avril 2014 à l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail de la convention collective applicable au litige détermine qu'afin de pouvoir être soumis à une convention de forfait annuel en jours, les salariés doivent relever au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres de la convention collective nationale ou bénéficient d'une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale ou sont mandataires sociaux.
Or tel n'est pas le cas de M. [E].
De ce fait, la convention de forfait annuel en jours insérée dans le contrat de travail à durée indéterminée de M. [E] doit être privée d'effet, M. [E] n'étant pas éligible pour conclure une convention individuelle de forfait annuel en jours.
Sur les demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
L'inopposabilité de la convention de forfait entraîne le décompte du temps de travail et des heures supplémentaires selon le droit commun du code du travail. Ainsi, la suspension des effets du forfait autorise le salarié à réclamer s'il y a lieu le paiement d'heures supplémentaires.
En vertu de l'article L 3171-4 du code du travail, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l'une ou l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [E] expose qu'au regard de l'inopposabilité de la convention de forfait jour, sa rémunération correspond à une durée de travail de 35 heures par semaine. Or compte tenu de sa charge d'activité, il réalisait plus de 40 heures hebdomadaire pendant toute la relation contractuelle.
Au soutien de sa demande, M. [E] produit :
- un décompte d'heures hebdomadaires,
- des justificatifs de déplacement sur des chantiers ou pour des missions,
- des extraits de son agenda et des mails.
Les éléments fournis par M. [E] sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments.
La société fait valoir qu'au regard de la validité de la convention forfait en jours, M. [E] ne peut prétendre à la rémunération d'aucune heure supplémentaire. La société communique les feuilles de suivi mensuelles des jours travaillés, divers mails et factures et conteste les amplitudes horaires avancées par le salarié, pointant de nombreuses anomalies, M. [E] comptabilisant des jours fériés, des jours de congés et des temps de déplacement en temps de travail effectif.
La convention de forfait lui étant inopposable, M. [E] peut légitimement prétendre au paiement d'heures supplémentaires, le temps de travail devant être évalué conformément aux règles de droit commun, à savoir un temps de travail hebdomadaire de 35 heures.
Il convient de rappeler qu' aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
L'article L. 3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.
Cependant, il est établi que le temps de déplacement compris entre deux lieux de travail constitue du temps de travail effectif. De même sera qualifié de travail effectif, un temps de déplacement entre le domicile du salarié et le lieu d'exécution de son contrat de travail dès lors que les critères de l'article L. 3121-1 du code du travail sont satisfaits.
Il appartient au juge dans ces conditions d'apprécier si le salarié était alors à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Concernant la période liée au contrat à durée déterminée du 4 août 2017
Sur la période du contrat à durée déterminée soit une partie de l'année 2017 jusqu'au 30 avril 2018, la société ne justifie d'aucun horaire du salarié, ni d'éléments de contrôle de la durée de travail de ce dernier. Elle se contente de dénoncer le caractère insuffisamment précis des éléments communiqués par M. [E], relevant l'absence de pause de déjeuner certains jours ou le décompte dans ses horaires de travail effectif des temps de déplacement et des jours fériés. Ces éléments ne parviennent pas à contredire la fiabilité des documents produits par M. [E] quant à la réalisation d'heures supplémentaires durant la relation contractuelle.
Cependant, la cour rappelle que doivent être exclus du décompte des heures supplémentaires soumis par le salarié, les temps de déplacements entre le domicile de ce dernier et ses différents lieux de travail, singulièrement les déplacements sur [Localité 13], [Localité 11] ou [Localité 10] car il n'est pas rapporté à la cour la preuve que sur ces temps là, M. [E] était à la disposition de son employeur et ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles. Par contre, il convient d'inclure dans le décompte des heures supplémentaire les déplacements entre deux lieux de travail comme le déplacement entre [Localité 14] et [Localité 7], déplacement comptabilisé comme du travail effectif.
En l'état des pièces produites par le salarié et la société, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le nombre d'heures supplémentaires réalisées par M. [E] à :
- 38,75 heures pour l'année 2017, dont 35 heures majorées à 25 % et 3,75 heures majorées à 50 %,
- 97,75 heures du 1er janvier au 30 avril 2018, dont 89 heures majorées à 25 % et 8,75 majorées à 50 %,
ouvrant droit sur la base d'un taux horaire s'établissant à 17,02 euros, non discuté par l'employeur, à une créance de rappel de salaire de 2 957,4 euros brut pour la période considérée.
Concernant la période liée au contrat à duré indéterminée du 30 avril 2018
Sur la période du contrat à durée indéterminée soit du 1er mai 2018 jusqu'à la fin de la relation contractuelle, la société communique des tableaux de suivi au titre du contrôle de la durée de travail du salarié. Elle argue en outre de l'arrivée tardive du salarié sur son lieu de travail et des erreurs de décompte des temps de pause et des jours fériés.
Les tableaux de suivi communiqués par l'employeur permettent certes de déterminer les jours de travail du salarié, qui correspondent aux jours indiqués dans les plannings communiqués par le salarié, mais non son amplitude horaire. Ces éléments ne parviennent pas à contredire la fiabilité des documents produits par M. [E] quant à la réalisation d'heures supplémentaires durant la relation contractuelle.
En l'état des pièces produites par le salarié et la société, la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le nombre d'heures supplémentaires réalisées par M. [E] à :
- 183,25 heures pour l'année 2018, dont 166,25 heures majorées à 25 % et 17 heures majorées à 50 %,
- 4 heures du 1er janvier 2019 à la fin de la relation contractuelle majorées à 25 %,
ouvrant droit sur la base d'un taux horaire s'établissant à 17,02 euros, non discuté par l'employeur, à une créance de rappel de salaire de 4 056,04 euros brut pour la période considérée.
La société sera donc condamnée à verser à M. [E] la somme de 7 013,44 euros (2 957,4 + 4 056,04) et 701, 34 euros pour les congés payés afférents pour la période correspondant aux années 2017,2018 et 2019.
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions qui déboutent M. [E] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
Sur la demande en contrepartie financière au titre des temps de trajet et de déplacement
M. [E] sollicite, si les temps de trajet n'ont pas été comptabilisés comme du temps de travail effectif pouvant donner droit au paiement d'heures supplémentaires, une contrepartie financière pour ses nombreuses heures de déplacements. Il expose qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en appel, ayant sollicité dès le début de la procédure l'indemnisation de toutes les heures qu'il a effectuées pour son employeur durant la relation de travail.
La société sollicite l'irrecevabilité de cette demande nouvelle formulée devant la cour d'appel, cette demande n'étant ni l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire d'une demande initiale du salarié.
Conformément à l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence, ou le complément nécessaire.
M. [E] a initié la procédure sollicitant le paiement de toutes les heures qu'il a effectuées durant sa relation contractuelle. La demande d'indemnisation des temps de trajet est une demande accessoire à la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et n'a pas la qualité d'une demande nouvelle.
Elle sera donc déclarée recevable.
L'article L. 3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
En l'espèce, à plusieurs reprises, M. [E] justifie, sans que cela ne soit contesté par son employeur, avoir dû se rendre sur des chantiers ou à des réunions à des distances dépassant le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu de travail habituel.
Ces temps de trajet doivent donc faire l'objet d'une contrepartie financière qui sera fixée à la somme de 500 euros, somme que la société sera condamnée à payer à M. [E].
Sur la demande d'indemnité pour dépassement du contingent annuel
M. [E] fait valoir qu'il a dépassé en 2018 le contingent annuel légal de 130 heures au titre des heures supplémentaires. N'ayant pas bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos sur ce fondement, il en demande une indemnité en numéraire.
Selon les dispositions de l'article L 3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de l'employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, lequel est constitué non seulement par le salaire qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé mais aussi par l'indemnité de congés payés correspondante.
Il ressort des pièces communiquées que M. [E] a effectué 281 heures supplémentaires pendant l'année 2018 au delà du contingent annuel fixé à 130 heures.
M. [E] n'ayant pas bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos, il lui sera octroyé la somme de 2 570,02 euros ( [281-130] x 17,02 ) ainsi que la somme de 257 euros au titre des congés payés y afférents, sommes que devra lui verser la société.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail
M. [E] fait valoir qu'il a dépassé à plusieurs reprises les durées maximales autorisées afin de faire face à sa charge de travail.
La société conteste les horaires communiqués par le salarié, contenant selon elle de nombreuses anomalies.
Aux termes de l'article L 3121-20 du code du travail, au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de 48 heures.
Il ressort des décomptes communiqués par le salarié que ce dernier a dépassé à plusieurs reprises pendant l'année 2018 la durée maximale hebdomadaire de travail sans que la société, sur qui repose la charge de la preuve du respect des périodes maximales du temps de travail de ses salariés, ne contredise les éléments produits par M. [E].
Ainsi, il sera octroyé la somme de 600 euros en réparation du préjudice subi par le salarié du fait du non respect des dispositions relatives à la durée du travail, somme que la société sera condamnée à lui verser.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour non information sur la contrepartie obligatoire en repos
M. [E] fait valoir qu'il n'a pas été informé par son employeur du nombre d'heures de repos compensateur porté à son crédit dont il pouvait bénéficier.
L'article D 3171-11 du code du travail dispose qu'à défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.
En l'espèce les bulletins de salaire communiqués par les parties ne comportent pas de rubrique concernant la contrepartie obligatoire en repos et la société ne justifie pas avoir avisé M. [E] du nombre d'heures de repos compensateur.
En l'absence d'information régulière par l'employeur des droits acquis par le salarié au titre de la contrepartie obligatoire en repos, il en résulte l'existence d'un préjudice pour M. [E] dont le montant est estimé à 400 euros. La société est condamnée à verser cette somme à M. [E].
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé
M. [E] expose que la société était informée qu'il réalisait de nombreuses heures de travail sans pour autant leur payer les heures supplémentaires effectuées sous couvert de la convention de forfait annuel en jours.
La société rappelle que le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite et expose que M. [E] ne rapporte pas la preuve d'un tel élément intentionnel.
Il sera rappelé que :
- l'article L. 8221-2 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'activité, telle que définie par l'article L. 8221-3 dudit code, ou par dissimulation d'emploi salarié dans les conditions de l'article L. 8221-5
- aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire
- la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est toutefois caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle
En l'espèce, les conventions de forfait annuel en jours ayant été déclarées inopposables à M. [E] car privées d'effets, il a été établi précédemment que des heures supplémentaires ont été réalisées par ce dernier. L'intention frauduleuse de la société ne résulte toutefois d'aucun des éléments du dossier. Il est en effet constant que le caractère intentionnel de la société ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite. Or M. [E] ne produit pas d'autres éléments pour démontrer l'intention de la société de dissimuler des heures de travail.
De ce fait, M. [E] sera débouté de sa demande de paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Sur le remboursement auprès de Pôle Emploi des indemnités de chômage au titre de l'article L. 1235-4 du code du travail
L'article L. 1235-4 du code du travail prévoit que le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de toute ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
L'article L. 1235-5 dudit code précise 'ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.'
En l'espèce la société emploie moins de onze salariés et M. [E] a moins de deux ans d'ancienneté. De fait, l'article L. 1235-14 précité n'a pas à s'appliquer au litige et la société ne sera pas condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage perçues par M. [E].
Sur les autres demandes
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 2 581,15 euros le salaire brut de référence de M. [E] conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail
Les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision et les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts.
Compte tenu de l'issue du litige, le jugement entrepris mérite confirmation en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
La société qui succombe en cause d'appel doit en supporter les dépens et être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait enfin inéquitable de laisser supporter à M. [E] l'intégralité des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel. La société est condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [T] [E] au titre de la convention de forfait, des heures supplémentaires, des temps de trajet, de la contrepartie obligatoire en repos, de la durée maximale du travail et de la non souscription d'une mutuelle,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
Juge que la convention de forfait en jours insérée dans le contrat de travail à durée déterminée en date du 4 août 2017 et la convention de forfait en jours insérée dans le contrat de travail à durée indéterminée du 30 avril 2018 sont inopposables à Monsieur [T] [E],
Déclare recevable la demande de contrepartie financière pour les temps de déplacement de M. [T] [E],
Condamne la société JL&P Engineering à verser à M. [T] [E] les sommes suivantes :
- 7 013,44 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 701, 34 euros pour les congés payés afférents,
- 500 euros au titre des temps de trajet et de déplacement,
- 2 570,02 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 257 euros pour les congés payés afférents,
- 600 euros pour non respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,
- 400 euros pour non information sur la contrepartie obligatoire en repos,
- 400 euros pour défaut de souscription de mutuelle,
Dit que les dommages et intérêts alloués à M. [T] [E] sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts,
Dit que les créances salariales allouées à M. [T] [E] sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société JL&P Engineering de la convocation devant le bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts,
Condamne la société JL&P Engineering aux dépens d'appel,
Déboute la société JL&P Engineering de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société JL&P Engineering à payer à M. [T] [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel.
Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps E. Veyssière