COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 18 JUILLET 2024
PRUD'HOMMES
N° RG 22/04659 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M5T3
SAS SYSCO FRANCE
c/
Mademoiselle [H] [B]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée aux avocats le :
à :
Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
Me Florian BECAM de l'EIRL SELARLU ELEOS, avocat au barreau de LIBOURNE
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 septembre 2022 (R.G. n°F 20/01808) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 12 octobre 2022.
APPELANTE :
SAS SYSCO FRANCE immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 316 807 015, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
Représentée par Me Claire LE BARAZER, avocat au barreau de BORDEAUX
Assistée de Me BOISADAM, avocat au barrreau de LYON
INTIMÉE :
[H] [B]
née le 08 Septembre 1995 à [Localité 2]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Représentée et assistée par Me Florian BECAM, avocat au barreau de LIBOURNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2024 en audience publique, devant Madame Valérie Collet, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Paule Menu, présidente,
Madame Sophie Lésineau, conseillère,
Madame Valérie Collet, conseillère,
greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
FAITS ET PROCÉDURE
La SAS Sysco France, ayant pour activité la production et la distribution des produits alimentaires frais, surgelés et d'épicerie pour la restauration professionnelle, a engagé Mme [H] [B], dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, du 18 mars 2019 au 30 septembre 2019, en qualité de conseillère commerciale téléphonique TL1DE, au motif d'un accroissement temporaire d'activité.
Mme [B] a ensuite été embauchée par la société Sysco France, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, du 18 novembre 2019 au 31 janvier 2020, en qualité d'assistante service client, au motif d'un accroissement temporaire d'activité.
Mme [B] a enfin conclu avec la société Sysco France un contrat de travail à durée déterminée, du 1er février 2020 au 31 août 2020, en qualité de télécommerciale appel entrant, au motif d'un accroissement temporaire d'activité.
Par courrier daté du 19 mars 2020 envoyé par mail, la société Sysco France a notifié à Mme [B] la rupture anticipée de son contrat de travail à compter du 19 mars 2020 au motif d'un cas de force majeure lié à l'arrêt partiel de l'activité engendré par la crise du covid 19.
Par courrier du 28 avril 2020, Mme [B] a contesté la rupture de son contrat de travail et a sollicité sa réintégration.
Par courrier du 10 juillet 2020, la société Sysco France a maintenu sa décision mais a proposé à Mme [B] de la réintégrer dans le service, avec un contrat à durée déterminée à compter du 13 juillet 2020.
Le 16 décembre 2020, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux en contestant la rupture anticipée de son contrat de travail et en sollicitant le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 9 septembre 2022, le conseil de prud'hommes a :
- fixé le salaire brut mensuel de référence de Mme [B] à la somme de 1 775,00 euros,
- dit que la société Sysco France a été défaillante et a rompu le contrat de travail à durée déterminée de façon abusive en violation de l'article L. 1243-1 du code du travail,
- condamné la société Sysco France à payer une indemnité d'un montant de 9 439,77 euros au titre des salaires dus jusqu'à la fin du contrat à durée déterminée,
- condamné la société Sysco France à payer une indemnité de fin de contrat de 1 910,97 euros brut conformément aux dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail,
- débouté de Mme [B] de ses demandes relatives à l'irrégularité des contrats de travail et de préjudice moral suite à la rupture abusive,
- condamné la société Sysco France à payer la somme de 800 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Sysco France aux entiers dépens.
Par déclaration du 12 octobre 2022, la société Sysco France a relevé appel du jugement sauf en ses dispositions ayant débouté Mme [B] de ses demandes.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 avril 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 23 mai 2024 pour y être plaidée.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées le 10 juillet 2023, par voie électronique, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Sysco France demande à la cour d'infirmer le jugement dans les limites de sa déclaration d'appel et de débouter Mme [B] de ses demandes. Elle demande également à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [B] de ses demandes. Subsidiairement, elle conclut au débouté de la demande d'intérêts moratoires présentée par Mme [B]. Elle sollicite enfin la condamnation de Mme [B] aux dépens et à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Se fondant sur les articles L.1242-2, L.1243-13-1 et L.1244-3 du code du travail, elle soutient que tous les CDD conclus avec Mme [B] sont réguliers dans la mesure où ils ont tous fait l'objet d'un écrit et comportent tous le motif légal de leur recours à savoir l'accroissement temporaire d'activité. Elle ajoute que Mme [B] n'a pas occupé les mêmes postes lors du premier et lors du deuxième CDD de sorte qu'aucun délai de carence ne devait être respecté. Elle souligne que Mme [B] ne justifie d'aucun préjudice découlant des irrégularités alléguées.
S'agissant de la rupture anticipée du contrat de travail, elle prétend, au visa des articles L.1243-1 du code du travail et 1218 du code civil, que l'épidémie liée à la covid 19 et les mesures gouvernementales prises présentaient les caractères de la force majeure dès lors que ces événements échappaient totalement à son contrôle, qu'ils étaient imprévisibles lors de la formation du contrat et qu'ils étaient irrésistibles. Elle en conclut qu'elle pouvait ainsi rompre de manière anticipée le CDD de Mme [B], par application de l'article L.1243-4 du code du travail.
S'agissant de la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat, elle fait valoir que cette rupture est justifiée par un cas de force majeure, subsidiairement, que les dispositions des articles L.1243-4 et L.1234-13 du code du travail ne trouvent pas à s'appliquer et qu'en tout état de cause, Mme [B] n'établit pas l'existence d'un préjudice au titre de la rupture de son contrat de travail.
Elle prétend par ailleurs qu'aucune indemnité de fin de contrat n'est due par application de l'article L.1243-10 du code du travail. Elle ajoute qu'aucune indemnité de congés payés ne doit être accordée à Mme [B] dès lors que le contrat a pris fin le 19 mars 2020 de sorte qu'aucune créance salariale n'a pu naître sur la période postérieure. Elle souligne que les dommages et intérêts qui pourraient être accordés sur le fondement de l'article L.1243-4 du code du travail ont une nature indemnitaire et n'ouvrent pas droit à congés payés. Elle conteste enfin tout préjudice moral subi par Mme [B], faisant valoir que la salarié a refusé de conclure un nouveau CDD pour des raisons uniquement personnelles.
Par conclusions notifiées le 11 avril 2023, par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Mme [B] demande à la cour de :
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a :
- fixé son salaire de référence à 1 775 euros brut mensuel,
- l'a déboutée de ses demandes relatives à l'irrégularité des contrats de travail et à l'indemnisation de son préjudice moral suite à la rupture abusive,
- condamné la société Sysco France à lui payer une indemnité d'un montant de 9 439,77 euros au titre des salaires dus jusqu'à la fin du contrat à durée déterminée, - condamné la société Sysco France à lui payer une indemnité de fin de contrat de 1 910,97 euros brut conformément aux dispositions de l'article L. 1243- 8 du code du travail,
Et statuant à nouveau,
- fixer son salaire de référence à 2 167,14 euros brut mensuel,
- condamner la société Sysco France à lui payer les sommes suivantes :
- 11 486,70 euros net à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et subsidiairement, pour cause de force majeure,
- 2 500 euros au titre de l'irrégularité du contrat à durée déterminée sur le fondement des dispositions des articles L.1244-1 et L.1243-11 du code du travail,
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- 1 966,79 euros à titre d'indemnité de fin de contrat sur le fondement de l'article L 1243-8 du code du travail,
- 1 148,67 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 20 mars au 31 août 2020,
- ordonner à la société Sysco France de lui communiquer son certificat de travail, les bulletins de salaire afférents, ainsi que le reçu pour solde de tout compte et l'attestation pôle emploi,
- condamner la société Sysco France à lui payer la somme de 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- juger que ces condamnations porteront intérêts moratoires à compter de la date de saisine du conseil de prud'hommes, avec capitalisation des intérêts,
- condamner la société Sysco France aux entiers dépens.
Elle soutient que lors de la conclusion du deuxième CDD, le délai de carence prévu par l'article L 1244-3 du code du travail n'a pas été respecté. Elle ajoute que le deuxième CDD ne prévoit pas les conditions de son renouvellement et ne respecte donc pas les dispositions de l'article L.1243-13-1 du code du travail. Elle fait observer que l'employeur ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier de la réalité du motif du recours au CDD. Elle souligne que le premier CDD a été conclu pour un accroissement temporaire en raison de la saison estivale tandis que le deuxième CDD a été conclu pour un accroissement temporaire lié à la période de fin d'année de sorte qu'il n'y avait aucun accroissement temporaire. Elle insiste sur le fait qu'elle a toujours travaillé, en réalité, sur les mêmes fonctions, à savoir la télévente. Elle estime que son préjudice découlant des irrégularités des CDD et du non-respect du délai de carence peut être évalué à 2 500 euros.
S'agissant de la rupture anticipée de son contrat de travail, elle soutient que l'épidémie de covid 19 et les mesures sanitaires et administratives prises par les autorités ne sauraient être assimilées à un cas de force majeure. Elle affirme qu'une épidémie n'est pas un cas de force majeure. Elle considère que, le 20 mars 2020, la société Sysco France ne pouvait pas ignorer qu'elle pourrait mettre en oeuvre le dispositif de chômage partiel, le Ministère du travail ayant indiqué dès le 16 mars 2020 qu'un décret serait publié dans les jours suivants. Elle prétend que la société Sysco France a agi avec une précipitation injustifiée par les circonstances relevant d'une légèreté blâmable.
Elle s'estime bien-fondée à solliciter des dommages et intérêts, en application de l'article L.1243-4 du code du travail, pour réparer le préjudice causé par la rupture anticipée injustifiée de son contrat de travail. Subsidiairement, si la cour devait considérer que la force majeure permettait à l'employeur de rompre par anticipation le CDD, elle sollicite des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1243-4 alinéa 2 du code du travail. Elle prétend avoir subi un préjudice moral distinct de la perte de salaires, du fait du caractère brutal de la rupture du contrat de travail.
Elle affirme avoir droit à une indemnité de fin de contrat dans les conditions prévues par l'article L.1243-8 du code du travail, et ce indépendamment des dommages et intérêts pour rupture anticipée. Elle estime qu'en application de l'article L.1242-16 du code du travail, elle a le droit à l'indemnisation de la perte de ses congés payés pour la période du 20 mars au 31 août 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de dommages et intérêts relative à l'irrégularité des contrats de travail et au défaut de respect du délai de carence
Aux termes de l'article L.1244-3 du code du travail : ' A l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l'expiration d'un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d'ouverture de l'entreprise ou de l'établissement concerné [...].'
Cependant, le délai de carence n'est applicable que si le salarié occupe le même poste.
Or, en l'espèce, il résulte de la lecture du premier contrat que Mme [B] a été employée en qualité de conseillère commerciale téléphonique TL1DE tandis que la lecture du deuxième contrat révèle qu'elle a été employée en qualité d'assistante service client, ce qui correspond à deux postes distincts, Mme [B] se contentant d'alléguer qu'il s'agissait en réalité d'emplois similaires sans pour autant en rapporter la preuve. Dès lors, la société Sysco France n'avait pas à respecter un délai de carence entre les deux premiers contrats de travail à durée déterminée.
Si le deuxième contrat de travail, produit par chacune des parties, ne comporte aucune mention quant à son éventuel renouvellement et qu'il ne respecte donc pas les dispositions de l'article L.1243-13-1 du code du travail, la cour observe néanmoins que l'absence de cette mention n'a causé aucun grief à Mme [B] dès lors que son deuxième contrat n'a pas été renouvelé, contrairement à ce qu'elle prétend, puisque c'est un nouveau contrat de travail à durée déterminée qui a été conclu avec elle à compter du 1er février 2020 portant sur un emploi distinct à savoir télécommerciale appel entrant, Mme [B] ne démontrant pas que ce dernier emploi aurait été en réalité similaire à celui exercé dans le cadre du deuxième contrat à durée déterminée.
Enfin, les trois contrats de travail à durée déterminée comportent tous leur motif qui correspond au cas légal de recours à ce type de contrat. S'il appartient effectivement à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif du recours aux trois CDD et si la cour observe que l'employeur ne produit aucun élément pour établir cette preuve, la cour ne peut que rejeter la demande d'indemnité de 2 500 euros présentée par Mme [B] sur le fondement des articles L.1244-1 et L.1243-11 du code du travail qui ne permettent pas de sanctionner le manquement de l'employeur à son obligation de justifier du motif du recours aux CDD.
Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité des CDD et non-respect du délai de carence.
Sur les demandes relatives à la rupture anticipée du troisième contrat de travail à durée déterminée
Il résulte de l'article 1218 du code civil qu'il y a force majeure en matière contractuelle
lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. L'alinéa 2 de cet article prévoit que si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 du même code.
La force majeure permettant à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie de ses obligations nées de l'exécution du contrat de travail s'entend de la survenance d'un événement extérieur imprévisible et irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite dudit contrat.
La force majeure doit ainsi remplir trois conditions pour être retenue: l'extériorité, l'imprévisibilité et l'irrésistibilité. L'irrésistibilité, c'est-à-dire le caractère insurmontable de l'événement empêchant l'exécution du contrat de travail, vise tout événement échappant au contrôle du débiteur et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées.
En l'espèce, l'irrésistibilité de l'impossibilité pour l'employeur d'exécuter le contrat de travail n'apparaît pas établie, dans la mesure où ce dernier pouvait être exécuté dans le cadre du dispositif d'activité partielle prévu aux articles L.5122-1 et suivants et R.5122-1 et suivants du code du travail et spécifiquement dans le cadre de l'épidémie de Covid 19 par le décret n°2020-325 du 25 mars 2020, ce dispositif constituant une mesure appropriée contrairement à ce que soutient la société Sysco France. A cet égard, la cour relève que la société Sysco France ne conteste pas que dans un communiqué de presse du 16 mars 2020, le ministère du travail avait indiqué que toutes les entreprises, sans indiquer de distinction, pourraient recourir au dispositif du chômage partiel de sorte que le 19 mars 2020, l'employeur était parfaitement informé que les effets négatifs de la crise sanitaire pourraient être compensés par des mesures appropriées tel que le recours au chômage partiel.
Par conséquent, la force majeure empêchant définitivement l'exécution par la société Sysco France de son obligation de fournir du travail à Mme [B] n'est pas démontrée
de sorte que la rupture par l'employeur du troisième contrat de travail à durée déterminée est abusive. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
En application de l'article L.1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.
En application de ce texte, et au regard du salaire prévu au contrat de travail (1 775 euros brut par mois outre une rémunération variable) et de la durée de celui-ci la décision du conseil de prud'hommes est infirmée en ce qu'elle a condamné la société Sysco France à payer à Mme [B] la somme de 9 439,77 euros au titre des salaires dus jusqu'à la fin du contrat à durée déterminée et statuant à nouveau, la cour condamne la société Sysco France à payer à Mme [B] la somme de 10 025,99 euros net à titre de dommages et intérêts.
Par ailleurs, dans la mesure où aucune force majeure n'est établie, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.1243-8 du code du travail, étant observé que la société Sysco France n'a payé à Mme [B] ni l'indemnité de fin de contrat à l'issue du deuxième CDD ni l'indemnité de fin de contrat à l'issue du troisième CDD. En conséquence, la société Sysco France est condamnée à payer à Mme [B] la somme
de 1 797,93 euros brut correspondant à 10% des salaires brut perçus ou qu'elle aurait dû percevoir entre le 18 novembre 2019 et le 31 août 2020, exclusion faite de l'indemnité compensatrice de congés payés versée en avril 2020. Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a alloué à Mme [B] une somme de 1 910,97 euros brut.
Il y a en revanche lieu, le conseil de prud'hommes ayant omis de statuer sur cette prétention, de débouter Mme [B] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période postérieure à la rupture du contrat de travail intervenue le 20 mars 2020, étant observé que la salariée a déjà perçu une indemnité de compensatrice de congés payés pour la période antérieure à la rupture.
Enfin, dans la mesure où Mme [B] ne justifie d'aucun préjudice moral distinct du préjudice déjà indemnisé par les dommages et intérêts alloués au titre de l'article L.1243-4 du code du travail, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1240 du code civil.
Sur les autres demandes
Il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé à 1 775 euros le salaire brut de référence de Mme [B] alors qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, la moyenne de ses trois derniers mois de salaire (janvier, février, mars 2020) s'élève à 1 997,70 euros brut.
Les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision et les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Sysco France de la convocation devant le bureau de conciliation.
Il convient d'ordonner à la société Sysco France de remettre à Mme [H] [B] un certificat de travail, un bulletin de salaire récapitulatif, un reçu pour solde de tout compte et une attestation France Travail rectifiés tenant compte de la présente décision.
Compte tenu de la solution du litige, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Sysco France aux dépens et à payer à Mme [B] la somme de 800 euros au titre de ses frais irrrépétibles.
La société Sysco France qui succombe à hauteur d'appel doit en supporter les dépens et être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait enfin inéquitable de laisser supporter à Mme [B] l'intégralité des frais exposés pour les besoins de l'instance d'appel de sorte que la société Sysco France est condamnée à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 9 septembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a :
- dit que la SAS Sysco France a été défaillante et a rompu le contrat de travail à durée déterminée de Mme [H] [B] de façon abusive en violation de l'article L.1243-4 du code du travail,
- débouté Mme [H] [B] de ses demandes relatives à l'irrégularité des contrats de travail et d'indemnisation de son préjudice moral,
- condamné la SAS Sysco France aux dépens et à payer à Mme [H] [B] une indemnité de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,
Condamne la SAS Sysco France à payer à Mme [H] [B] les sommes suivantes:
- 10 025,99 euros net à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du troisième contrat de travail à durée déterminée,
- 1 797,93 euros brut au titre de l'indemnité de fin de contrat pour les deuxième et troisième contrats de travail à durée déterminée,
Fixe à la somme de 1 997,70 euros brut la moyenne des trois derniers mois de salaire en application de l'article R.1454-28 du code du travail,
Y ajoutant,
Déboute Mme [H] [B] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période du 20 mars 2020 au 31 août 2020,
Dit que les dommages et intérêts alloués à Mme [H] [B] sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Dit que les créances salariales allouées à Mme [H] [B] sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la SAS Sysco France de la convocation devant le bureau de conciliation,
Ordonne à la SAS Sysco France de remettre à Mme [H] [B] un certificat de travail, un bulletin de salaire récapitulatif, un reçu pour solde de tout compte et une attestation France Travail rectifiés tenant compte de la présente décision,
Condamne la SAS Sysco France aux dépens d'appel,
Déboute la SAS Sysco France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Sysco France à payer à Mme [H] [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel.
Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
S. Déchamps MP. Menu