La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2024 | FRANCE | N°21/06842

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 18 juillet 2024, 21/06842


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------







ARRÊT DU : 18 juillet 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/06842 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MO5V







Madame [U] [H]



c/



Association LA VIE A DOMICILE













Nature de la décision : AU FOND









Grosse délivrée aux avocats le :





à :





Me H

ervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Hedwige MURE de l'AARPI GLM AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 novembre 2021 (R.G. n°F 19/00485) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, su...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 18 juillet 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/06842 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MO5V

Madame [U] [H]

c/

Association LA VIE A DOMICILE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Hedwige MURE de l'AARPI GLM AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 novembre 2021 (R.G. n°F 19/00485) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 16 décembre 2021.

APPELANTE :

[U] [H] - comparante

née le 22 Mai 1978 à [Localité 3]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Association La Vie à Domicile, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

Représentée et assistée par Me Maëlys NABUCET substituant Me Hedwige MURE de l'AARPI GLM AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 avril 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lesineau, conseillère,

Madame Valérie Collet, conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Evelyne Gombaud,

greffière lors du prononcé : Mme Sylvaine Déchamps

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé au 18 juillet 2024 en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Selon un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 29 juin 2014, l'association La vie à domicile (l'association) a engagé Mme [H] en qualité de psychologue. Ce contrat a été précédé d'un contrat à durée déterminée ayant pris effet le 04 février 2014.

La relation contractuelle a été soumise à la convention collective nationale de branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.

Par courrier émis le 16 juillet 2018, l'association a convoqué Mme [H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 24 juillet 2018, reporté au 07 août 2018. Par courrier du 03 septembre 2018, l'association lui a signifié un rappel à l'ordre.

Mme [H] a été placée en arrêt maladie à compter du 24 juillet 2018. Le 05 mars 2019 le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste de travail.

Par courrier émis le 21 mars 2019, l'association a convoqué Mme [H] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 29 mars 2019.

Le 05 avril 2019, Mme [H] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de remplacement.

Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 29 mars 2019 aux fins de prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur et subsidiairement de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de condamner l'association à lui verser diverses sommes.

En l'absence de conciliation des parties, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a, par un jugement de départage en date du 12 novembre 2021:

-condamné l'association à payer à Mme [H] la somme de 493,17 euros brut d'indemnité compensatrice pour 11 jours de congés payés non pris,

-rejeté les autres demandes de Mme [H],

-condamné l'association aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 16 décembre 2021, Mme [H] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2022, Mme [H] demande à la cour de :

-déclarer et juger recevable et bien fondé son appel,

-confirmer la décision en ce qu'elle a condamné l'association intimée à payer 493,17 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- La réformer pour le surplus.

- Statuant de nouveau,

-juger recevables et bien fondées ses demandes,

En conséquence,

-juger recevable et bien fondée sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

-constater que le contrat de travail est depuis lors rompu et en tirer toutes les conséquences qui s'imposent quant à la requalification de la rupture comme équivalant à un licenciement sans cause réelle et sérieuse au regard des graves manquements de l'employeur à l'origine de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

En conséquence,

-condamner l'association intimée à payer :

- 6 164,64 euros de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

- 1 543,18 euros pour l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 444,66 euros de rappel de salaires au titre des heures complémentaires,

- 493,17 euros d'indemnités compensatrice de congés payés au titre des 12 jours de congés payés dont Madame [H] a été privée et restant dus,

- 6 164,65 euros à titre d'indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire pour dissimulation d'emploi salarié conformément à l'article L.8223-1 du code du travail,

- 1 500 euros de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l'article L.1222-1 du code du travail,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause, à titre subsidiaire,

-juger le licenciement pour inaptitude comme d'origine professionnelle,

À tout le moins,

-juger que l'inaptitude est liée au comportement fautif de l'employeur,

Et en conséquence,

-juger le licenciement en résultant sans cause réelle et sérieuse,

-condamner l'intimée à :

- 6 164,64 euros de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article

L.1235-3 du code du travail,

- 1 605,38 euros à titre de reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 1 543,18 euros pour l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 444,66 euros de rappel de salaires au titre des heures complémentaires,

- 493,17 euros d'indemnités compensatrice de congés payés au titre des 12 jours de congés payés dont Mme [H] a été privée et restant dus,

- 6 164,65 euros à titre d'indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire pour dissimulation d'emploi salarié conformément à l'article L.8223-1 du Code du travail,

- 1 500 euros de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l'article L.1222-1 du code du travail,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner l'intimée aux entiers dépens, en ce compris les frais d'exécution,

-débouter l'intimée de son appel incident.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2022, l'association demande à la cour de :

-débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,

-confirmer le jugement entrepris excepté en ce qu'il a condamné l'association à verser à Mme [H] la somme de 493,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

A titre reconventionnel,

-condamner Mme [H] aux dépens et à verser à l'association la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience du 29 avril 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Sur la demande en paiement des heures complémentaires

Mme [H] fait valoir qu'elle a effectué de nombreuses heures complémentaires entre 2016 et 2018 que son employeur aurait dû lui payer mais qu'il lui a demandé de récupérer. Elle expose que son temps de travail n'était pas modulé. Elle reconnaît que son employeur lui a bien versé en novembre 2018 une somme afin de régulariser les heures complémentaires effectuées en 2018 mais précise que cette somme ne couvre pas la totalité des heures réalisées, singulièrement les heures correspondant 'aux cafés des aidants' un samedi matin par mois.

L'association fait valoir qu'elle est couverte par un accord de branche étendu signé le 30 mars 2006 relatif au temps modulé et que la modulation du temps de travail est applicable depuis juin 2019 auprès de tous les personnels. Elle expose avoir procédé à la régularisation et au paiement des heures complémentaires dues à la salariée au titre de l'exercice 2018. Elle relève le flou des calculs réalisés par cette dernière et considère avoir payé avec valorisation toutes les heures complémentaires effectuées.

Il est établi que l'accord de branche étendu signé le 30 mars 2006 relatif au temps modulé qui n'a pas été intégré à la convention collective de branche du 21 mai 2010, reste en vigueur sur la base des textes légaux applicables avant la loi du 20 août 2008.

Les différents contrats de travail de Mme [H], singulièrement le contrat de travail du 29 juin 2014 et ses deux avenants des 24 juin 2015 et 11 septembre 2017, ne mentionnent aucune clause relative à un temps partiel modulé comme par exemple la durée hebdomadaire ou mensuelle de référence. De plus, l'association reconnaît que la mise en place de la modulation du temps de travail pour le personnel administratif, catégorie de salarié à laquelle appartient Mme [H], n'a été appliquée qu'à partir de juin 2019 soit postérieurement à la période de travail de cette dernière au sein de l'entreprise.

Ainsi, en l'absence de modulation du temps de travail de Mme [H], il convient d'appliquer les articles L. 3123-8 et L. 3123-29 du code du travail qui prévoient que chacune des heures complémentaires accomplies dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel donne lieu à une majoration de salaire, de 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25% pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.

Il est constant que le paiement majoré des heures complémentaires ne peut en aucun cas être remplacé par un repos compensateur ou une dispense d'activité, les heures complémentaires ne pouvant être que payées.

Au soutien de sa demande de paiement d'heures complémentaires, Mme [H] produit un tableau récapitulatif des heures complémentaires qu'elle aurait réalisées sur les années 2016, 2017 et 2018, ses plannings horaires de janvier à août 2016 et de janvier 2018 à mai 2018 ainsi que l'attestation de Mme [W] ayant travaillé pour l'association du 23 juin 2016 au 8 septembre 2017.

Il ressort des différents plannings que Mme [H] dépassait régulièrement sa durée de travail hebdomadaire. Mme [W] confirme dans son attestation que des heures complémentaires était par moment réalisées qui étaient alors récupérées.

Mme [H] produit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies.

Il appartient alors à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées de produire ses propres éléments pour répondre utilement à la demande de la salariée.

L'association ne conteste pas les plannings produits par la salariée et les complète en communiquant ceux correspondant à l'année 2017, démontrant ainsi un contrôle des heures de travail effectuées par la salariée. L'association reconnaît que Mme [H] pouvait dépasser ses horaires de travail mais démontre en produisant des validations de demandes de récupération qu'elle récupérait les heures ainsi effectuées. La cour rappelle cependant que l'association ne pouvait faire récupérer les heures complémentaires de la salariée.

La cour relève que les heures correspondantes au café des aidants un samedi par mois figurent bien dans les plannings horaires et sont comptabilisées dans les horaires de la semaine correspondante, contrairement aux dires de l'appelante.

La lecture des plannings fournis par l'employeur et de ceux de la salariée fait apparaître un chiffrage divergent du nombre d'heures de travail réalisées par la salariée sur certains mois. Il existe aussi une différence notable de chiffrage des heures complémentaires entre le tableau récapitulatif des heures complémentaires établi par la salariée et les plannings qu'elle communique.

Pour autant la cour dispose des éléments suffisants pour fixer le nombre d'heures complémentaires réalisées par la salariée à 24,30 heures pour l'année 2016, dont 20,30 heures majorées à 10% et 4 heures majorées à 25%, à 11,45 heures majorées à 10 % pour l'année 2017, à 23 heures pour l'année 2018, dont 20,30 heures majorées à 10 % et 2,30 majorées à 25 %, ouvrant droit sur la base d'un taux horaire s'établissant à 17,13285 euros, non discuté par l'employeur, à un rappel de salaire de 1 133,04 euros brut pour la période considérée.

L'association, en l'état du règlement de la somme de 463,69 euros au mois de novembre 2018, reste devoir à Mme [H] la somme de 669,35 euros qu'elle est condamnée à lui payer. Le jugement déféré est infirmé dans ses dispositions qui déboutent Mme [H] de sa demande.

Sur la demande d'indemnité pour congés payés non pris

Suivant ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2022, l'association demande à la cour de :

'-débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,

-confirmer le jugement entrepris excepté en ce qu'il a condamné l'association à verser à Mme [H] la somme de 493,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

A titre reconventionnel,

-condamner Mme [H] aux dépens et à verser à l'association la somme de

3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.'

Il ressort des énonciations du dispositif de ses conclusions que l'association a bien formé appel incident sur l'indemnité compensatrice de congés payés et que la cour est saisie de ce chef.

L'association fait valoir qu'elle avait bien porté à la connaissance de Mme [H] les règles applicables dans l'association sur la prise des congés payés. L'association considère que Mme [H] faute d'avoir posé tous ses congés avant le 31 mai 2018 les a perdus puisqu'elle ne pouvait pas les reporter d'une année sur l'autre en l'absence d'accord des parties sur ce point ou de dispositions conventionnelles en ce sens.

Mme [H] expose qu'elle rentrait d'un congé maternité et parental et qu'elle n'a reçu aucune information quant au risque de perdre ses jours de congés non posés avant le 31 mai 2018, la note évoquée par l'association étant très générale et n'abordant nullement cette situation précise.

Il est établi qu'il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congés.

En l'espèce, la note produite par l'association indique simplement la date à laquelle doivent être remises les demandes de congés pour la période du 1er novembre 2017 au 31 mai 2018.

De ce fait, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la communication de cette note générale était insuffisante à démontrer que l'employeur avait préalablement et individuellement alerté la salariée du risque de perte de ses droits à congés, ce d'autant plus qu'elle revenait d'un congé maternité et parental.

Le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions qui condamnent l'association au paiement de la somme de 493,17 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Mme [H] expose que l'association a développé de façon institutionnelle le travail dissimulé en imposant à ses salariés de récupérer les heures complémentaires et ce pendant de nombreuses années alors que cette pratique est illégale et qu'elle s'exonérait ainsi de leur paiement. Elle fait valoir que son employeur a en outre dissimulé volontairement une partie de son activité en ne lui payant jamais la matinée de travail qu'elle accomplissait un samedi matin par mois près de 9 mois par an au café des aidants.

L'association conteste tout rappel de salaire et toute intention frauduleuse de sa part. Elle expose que Mme [H] ne rapporte d'ailleurs pas la preuve d'un tel élément intentionnel.

Il sera rappelé que :

- l'article L. 8221-2 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'activité, telle que définie par l'article L. 8221-3 dudit code, ou par dissimulation d'emploi salarié dans les conditions de l'article L. 8221-5 ;

- aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;

- la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est toutefois caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, il n'est pas contestable que des heures complémentaires ont été réalisées par Mme [H]. L'intention frauduleuse de la société ne résulte toutefois d'aucun des éléments du dossier. En effet, la société a tenu des plannings d'horaires précis et a toujours permis à la salariée de récupérer les heures complémentaires réalisées même si cette modalité de récupération n'était pas possible. Elle lui a en outre régularisé ses heures complémentaires en novembre 2018 pour l'année en cours.

De ce fait, Mme [H] sera déboutée de sa demande de paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Mme [H] reproche à son employeur d'avoir manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, en raison du non paiement institutionnalisé et intentionnel de ses heures complémentaires, de la privation de congés payés restant dus au retour de son congé parental, de l'absence de reconnaissance de son statut de cadre pendant quatre années sans aucune justification, de l'absence d'entretien professionnel tous les deux ans.

L'association fait valoir tout d'abord que Mme [H] se contente de reprendre les demandes d'ores et déjà formulées précédemment sans démontrer la mauvaise foi de son employeur ni le préjudice qu'elle aurait subi. Elle reconnaît avoir commis une erreur concernant le statut de cadre de sa salariée qu'elle a régularisée en décembre 2017 dès qu'elle en a pris connaissance. Elle précise que Mme [H] n'a subi aucun préjudice à ce titre pendant la période d'exécution du contrat de travail puisque les cotisations cadre auraient été supérieures et son salaire en aurait été impacté.

Elle expose que Mme [H] a en revanche exécuté son contrat de travail de façon parfaitement déloyale en ce qu'elle n'a pas à son embauche renseigné le document de déclaration d'activité complémentaire dans le cadre d'un temps partiel et a par la suite refusé de répondre à cette même demande de précision, qu'elle ne l'a pas informée de sa situation au regard de la CAF ni produit d'attestation annuelle d'assurance trajets professionnels et n'a pas respecté l'heure de pause méridienne.

En vertu de l'article L. 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. A défaut, le salarié peut obtenir l'indemnisation du préjudice découlant de l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur.

En l'espèce, il a été établi que Mme [H] a bien effectué des heures complémentaires non payées et qu'elle a été privée de 12 jours de congés payés à son retour de congé parental. L'association reconnaît avoir placé à tort Mme [H] dans la catégorie 'employée' alors qu'elle relève du statut cadre.

Le non paiement des heures complémentaires, l'absence de diligences propres à permettre à la salariée de bénéficier de la totalité de ses jours de congés, régulièrement acquis, la non application du statut cadre caractérisent de la part de l'association autant de manquements à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

Cependant, Mme [H] ne justifie d'aucun préjudice particulier distinct de ceux déjà réparés au titre des heures complémentaires et des jours de congés payés.

De ce fait, en l'absence de toute démonstration de l'existence et de l'étendue du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail par son employeur, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur

Mme [H] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en faisant valoir que le non paiement des heures complémentaires trois années durant et l'absence de diligences propres à lui permettre de prendre l'intégralité des jours de congés régulièrement acquis caractérisent de la part de l'employeur des manquements à ses obligations qui rendaient impossible la poursuite du contrat de travail.

L'association expose ne pas avoir commis de manquement.

Il résulte des dispositions des articles 1224 et 1228 du code civil qu'un contrat de travail peut être résilié aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part à ses obligations contractuelles.

Le salarié fonde sa demande de résiliation judiciaire sur des griefs dont le juge apprécie l'existence et la gravité pour décider s'il prononce ou non la résiliation judiciaire du contrat et le cas échéant, les effets qu'il entend y faire produire.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Pour apprécier la gravité des griefs reprochés à l'employeur dans le cadre de la demande de la résiliation judiciaire, le juge n'a pas à se placer à la date d'introduction de la demande de la résiliation judiciaire et doit tenir compte de leur persistance jusqu'au jour du licenciement.

L'ancienneté des faits, si elle n'est pas un critère de recevabilité de la demande de résiliation judiciaire, peut en être un pour l'appréciation de la gravité des manquements, même si elle ne peut permettre, à elle seule, d'écarter la gravité du manquement.

En l'espèce, il a été précédemment établi que l'association n'a pas payé les heures complémentaires réalisées par Mme [H] et ce depuis l'année 2016 et n'a pas permis à la salariée de pouvoir bénéficier de tous ses jours de congés en ne l'avisant pas du risque de les perdre.

Les manquements précédemment retenus, relatifs au non paiement des heures complémentaires avec la majoration prévues par la loi non compensé par les journées de récupération mises en place de façon institutionnalisée par la société en contradiction avec la loi et la non information de façon personnelle de la salariée de son risque de perdre ses congés payés et ce alors que cette dernière venait de reprendre son poste au sein de l'association après un congé parental, présentent une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il convient d'infirmer le jugement déféré dans ses dispositions qui déboutent Mme [H] de sa demande de résiliation du contrat de travail et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de cette dernière aux torts de l'association avec effet à la date de notification du licenciement, le 05 avril 2019, sans que la cour ait à se prononcer sur la pertinence de ce dernier.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur

Il est constant que la résiliation judiciaire, sus prononcée, à l'initiative de la salariée et aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la salariée peut alors prétendre aux dommages intérêts en suivant les règles prévues pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement et aux indemnités compensatrices de préavis et de congés payés.

Sur les dommages et intérêts du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail 'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien des avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux...'

Mme [H] ne sollicitant pas sa réintégration dans l'entreprise, il convient au vu de son ancienneté et de son âge de condamner l'association à lui verser la somme de 4 109,76 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice qui en est résulté de la perte de son emploi. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Au regard des dispositions de la convention collective nationale de branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010, Mme [H] a droit à une indemnité compensatrice de préavis s'établissant à la somme de 1 543,18 euros correspondant à deux mois de salaires (771,59 euros x par 2 mois) que l'association est condamnée à lui payer. Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

Compte tenu de l'issue du litige, le jugement entrepris mérite confirmation en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

L'association qui succombe en cause d'appel doit en supporter les dépens et être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait enfin inéquitable de laisser supporter à Mme [H] l'intégralité des frais exposés dans le cadre de la procédure d'appel. L'association est condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

-condamné l'association La Vie à Domicile à payer à Mme [U] [H] la somme de 493,17 euros brut d'indemnité compensatrice de congés payés,

-débouté Mme [U] [H] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

-débouté Mme [U] [H] de sa demande d'indemnité au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

-condamné l'association La Vie à Domicile aux dépens

-rejeté la demande de Mme [U] [H] au titre de ses frais irrépétibles,

L'INFIRME pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à compter de la date du licenciement le 5 avril 2019,

CONDAMNE l'association La Vie à Domicile à payer à Mme [U] [H] les sommes suivantes:

- 4 109,76 euros à titre de dommages intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- 1 543,18 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 669,35 euros de rappel de salaires au titre des heures complémentaires,

CONDAMNE l'association La Vie à Domicile aux dépens d'appel,

DEBOUTE l'association La Vie à Domicile de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association La Vie à Domicile à payer à Mme [U] [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel.

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière lors du prononcé, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps M.P. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 21/06842
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;21.06842 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award