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18/07/2024 | FRANCE | N°21/02996

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 18 juillet 2024, 21/02996


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------







ARRÊT DU : 18 JUILLET 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02996 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD7T







Madame [P] [V]





c/



Association ADAPEI

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée aux avocats le :

>


à :





Me Laure LABARRIERE, avocat au barreau de LIBOURNE

Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 avril 2021 (R.G. n°F 19/00157) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LIBOURNE, Sectio...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 18 JUILLET 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02996 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD7T

Madame [P] [V]

c/

Association ADAPEI

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Me Laure LABARRIERE, avocat au barreau de LIBOURNE

Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 avril 2021 (R.G. n°F 19/00157) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LIBOURNE, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 26 mai 2021.

APPELANTE :

[P] [V]

née le 17 Mai 1981 à [Localité 5]

de nationalité Française

Profession : Contractuelle, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Laure LABARRIERE, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉE :

Association ADAPEI, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me LENDRES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

Exposé du litige

L'association ADAPEI de la Gironde (l'association) a recruté Mme [V] au sein de l'établissement « IME des tilleuls » sis sur la commune de [Localité 3], afin d'y exercer les fonctions de maître auxiliaire. Cette dernière a ainsi bénéficié de plusieurs engagements à durées déterminées du 15 décembre 2014 au 31 janvier 2015, du 01 février 2015 au 10 mai 2015 et enfin du 11 mai 2015 au 03 juillet 2015. Par ailleurs, le directeur de l'académie de [Localité 4] a, par arrêtés successifs, autorisé Mme [V] a exercé les fonctions de maître délégué pour les périodes du 02 novembre 2015 au 31 août 2016, du 01 septembre 2016 au 31 août 2017, du 01 septembre 2017 au 31 août 2018 et enfin du 01 septembre 2018 au 31 août 2019.

Le 29 juillet 2019, Mme [V] a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Libourne. Par une ordonnance en date du 12 septembre 2019, ce conseil, statuant en sa formation des référés, a requalifié la relation de travail entre l'association et Mme [V] en contrat à durée indéterminée et a condamné l'association à lui verser diverses sommes.

L'association a considéré que l'embauche de Mme [V] a pris fin le 31 août 2019. En dépit de cela, Mme [V] a cherché à regagner son poste de travail en septembre 2019, ce qu'il lui a été refusé.

Le 22 octobre 2019, Mme [V] a de nouveau saisi la formation des référés du conseil de prud'homme de Libourne afin que l'association soit condamnée à lui verser son salaire depuis le mois de septembre 2019 et à lui remettre les documents administratifs afférents à son embauche et à sa fin de contrat. Par une ordonnance du 28 novembre 2019, ce conseil, statuant en sa formation des référés, a dit n'y avoir lieu à référé et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Le 12 décembre 2019, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne afin que soit confirmée la requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée, qu'il soit jugé que la rupture de sa relation de travail avec l'association s'analyse en licenciement nul et que sa réintégration soit ordonnée ; elle sollicitait, en outre, diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 26 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Libourne, statuant en formation de départage, a :

-requalifié la relation de travail entre Mme [V] et l'ADAPEI de la Gironde en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2015,

-condamné l'ADAPEI de la Gironde à payer à Mme [V] la somme de 1522 euros à titre d'indemnité de requalification,

-constaté que cette somme a été réglée par l'ADAPEI de la Gironde,

-débouté Mme [V] de sa demande tendant à voir prononcée la nullité du licenciement,

-dit que la rupture du contrat de travail de Mme [V] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné en conséquence l'ADAPEI de la Gironde à lui verser :

-6000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2356,08 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement,

-3783,58 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 378,35euros brut au titre des congés payés afférents,

-condamné l'ADAPEI de la Gironde à lui payer la somme de 3087,39euros bruts à titre de rappel de salaires pour la prime de sujétion outre celle de 308,73euros au titre des congés payés afférents,

-débouté Mme [V] du surplus de ses demandes de rappels de salaires et de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-condamné l'ADAPEI de la Gironde à remettre à Mme [V] une attestation pour le pôle emploi mentionnant le motif de la rupture du contrat de travail conformément à la décision intervenue, ainsi qu'un bulletin de paie rectifié faisant apparaître les rappels de salaire lui revenant,

-dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte,

-dit que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la notification de la demande, soit le 18 décembre 2019, en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter de la présente décision pour les autres sommes allouées,

-rappelé que sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités calculées sur la moyenne des trois derniers mois, cette moyenne s'élevant à 1891,79euros, soit 17 026,11euros au total,

-dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire pour le surplus,

-condamné l'ADAPEI de la Gironde à payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,

-condamné l'association aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 26 mai 2021, Mme [V] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 21 mars 2024, Mme [V] demande à la cour de:

Réformer le jugement entrepris

Et statuant à nouveau de :

-juger la violation commise par l'employeur de l'article 6 § 1 de la CEDH compte tenu des agissements à son encontre à l'issue de l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Libourne en date du 12 septembre 2019,

-juger que la rupture ainsi infligée à la salariée s'analyse en licenciement nul et de nul effet,

-condamner l'association à la réintégrer à son poste sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, à un coefficient de 503 conformément à la Convention collective applicable et pour un salaire mensuel brut de 2051,99 euros,

-condamner l'association au paiement des salaires dues à compter du 01 septembre 2019 et selon le détail suivant :

*Sept. 19 à déc. 2019 : 7800 euros bruts (prime de sujétion incluse et pour un coefficient de 478) outre 780euros bruts de congés payés,

*A compter du mois de janvier 2020 : 2051,99euros bruts par mois outre 205,19 euros bruts par mois de congés payés afférents,

-mettre à la charge de l'association tout remboursement des allocations chômage perçues le cas échéant et l'y condamner,

Subsidiairement et si une réintégration est impossible,

-condamner l'association au paiement de 23.400 euros nets à titre de dommages et intérêts, soit l'équivalent de 12 mois de salaires du fait du licenciement nul et de nul effet,

A titre infiniment subsidiaire et si la nullité de la rupture n'est pas jugée,

-confirmer que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En revanche,

-condamner l'association à lui payer 1950 euros nets à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière de licenciement,

-condamner l'association à lui payer 3900 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 390euros bruts à titre de congés payés afférents,

-condamner l'association à lui payer 4787,25 euros nets à titre d'indemnité de licenciement et a minima 2837,89 euros nets,

-condamner l'association à lui payer 9750 euros nets (équivalent de 5 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse dont circonstances humiliantes et vexatoires de la rupture et préjudice moral distinct,

Par ailleurs et sur les autres chefs de jugement critiqués,

-condamner l'association à procéder à sa reconstitution de carrière et à lui régler la somme de 9927,47 euros bruts euros à titre de rappel de salaires du mois d'août 2017 au mois d'août 2019 eu égard au salaire minimum conventionnel applicable pour un coefficient conventionnel 447 puis 478 , dont prime de sujétion,

-condamner l'association à lui payer 992,74euros bruts de congés payés afférents et à lui remettre un bulletin de paie récapitulatif des sommes versées au titre de l'intégralité des condamnations judiciaires outre une attestation pôle emploi portant mention des sommes versées ainsi qu'un certificat de travail rectifié, le tout sous astreinte de 100euros/jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

-juger l'exécution déloyale de la relation de travail,

-condamner l'association à lui payer 11.700euros nets à titre de dommages et intérêts (équivalent 6 mois de salaires) du fait de l'exécution déloyale

Enfin,

-confirmer le surplus du jugement entrepris,

-dire qu'elle n'est pas prescrite en ses demandes de rappels de salaires et indemnités pour la période antérieure au 2 novembre 2015,

-débouter l'association de l'intégralité de ses demandes et fins contraires ou plus amples,

-condamner l'association à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les dépens d'appel et frais éventuels d'exécution en cause d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 20 octobre 2021, l'association demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :

-confirmé la décision de référé qui a prononcé la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et alloué l'indemnité de requalification pour la somme de 1522 euros,

-alloué une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de licenciement,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

-jugé que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-alloué des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné l'employeur a une indemnité de licenciement et une indemnité de préavis selon un calcul contesté par l'employeur,

-condamné l'employeur à un rappel de salaire pour la prime de sujétion et des congés payés,

-condamné l'employeur à 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil,

-dit que la rupture des relations de travail entre Mme [V] et l'association est intervenue de manière incontestable et définitive à la date du 31 août 2019,

-constaté que le conseil a pris acte de la décision rendue par le conseil de céans en sa formation de référé et décidé de ne pas en relever appel,

-dit que la période d'emploi ainsi requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée de Mme [V] au sein de l'association devant être pris en compte est celle du 2 novembre 2015 au 31 août 2019,

En conséquence,

-débouter purement et simplement Mme [V] de toute demande au titre de la nullité de la rupture intervenue,

-constater que l'association accepte de régler une indemnité compensatrice de préavis à Mme [V] laquelle devra être limitée à la somme de 3.536,60 euros bruts, outre les congés payés afférents à hauteur de 353,66 euros bruts,

-constater que l'association accepte de régler une indemnité de licenciement à Mme [V] à hauteur d'un montant maximal 1.693,15 euros,

-débouter purement et simplement Mme [V] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile Mme [V] à verser à l'association une somme de 3 000 euros et aux entiers dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 02 avril 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience du 06 mai 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

Motifs de la décision

Sur la demande de requalification de la relation du travail en contrat à durée indéterminée

L'assocation acquiesce au jugement en ce qu'il a requalifié la relation de travail avec Mme [V] en contrat à durée indéterminée et lui a alloué une indemnité de requalification dont le montant n'est pas discuté par la salariée.

De ce chef, le jugement sera donc confirmé.

Sur la demande de rappel de salaires

Mme [V] sollicite le bénéfice des dispositions de la convention collective des établissements et services pour les personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et revendique, à ce titre, une classification au coefficient 447 et le bénéfice de la prime de sujétion.

Sur la classification

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Selon son contrat de travail, Mme [V] est engagée à l'IME de [Localité 3] en qualité de maître délégué, catégorie A, à l'indice majoré 321.

Elle soutient que, au regard de son diplôme d'arts plastiques (Bac + 3) et de son expérience professionnelle, elle devrait bénéficier de droits à l'avancement et être classée dans l'emploi d'éducateur scolaire spécialisé ou d'enseignant technique au coefficent 447 de la convention collective.

Mais, Mme [V] était rémunérée par le ministère de l'éducation nationale pour exercer les fonctions de maître délégué dans un établissement sous contrat simple; ce statut est régi par les dispositions de l'article R 914-57 du code de l'éducation et de la circulaire du 2 novembre 2015 qui prévoient que les maîtres délégués sont classés en fonction de leurs titres et diplômes dans l'échelle de rémunération des maîtres auxiliaires de première ou deuxième catégorie. Le classement de Mme [V] correspondait à l'échelon 01 de l'échelle de rémunération des maîtres auxiliaires, deuxième catégorie.

En outre, Mme [V] ne justifie pas qu'elle exerçait les fonctions d'éducatrice spécialisée ou d'enseignante technique au sens des dispositions de la convention collective.

De plus, en application de l'article R 914-83 du code de l'éducation, si les maîtres agréés conservent dans l'enseignement privé l'indice qu'ils détenaient précédemment dans l'enseignement public et bénéficient des droits à l'avancement, tel n'est pas le cas des maîtres délégués qui sont rémunérés sur une échelle de suppléants.

C'est donc à bon droit, par des motifs adoptés, que le premier juge a rejeté cette demande de classification.

Sur la prime de sujétion

La convention collective institue en l'article 1 bis de l'avenant étendu par arrêté du 29 juillet 1991 une prime de sujétion spéciale égale à 8,21% du salaire brut indiciaire.

Comme la Cour l'a retenu, Mme [V] relevait du statut de maître délégué qui est régi par les textes du code de l'Education et non par les dispositions de la convention collective ; le ministère de l'Education nationale la rémunérait ; à ce titre, elle bénéficiait d'une indemnité d'enseignement SEGPA d'un montant mensuel de 147,08 euros et d'une indemnité I.S.A.E de 100 euros, ce qui portait son salaire mensuel à 1768,30 euros bruts en dernier lieu.

Elle n'est pas éligible, dans ces conditions, à la prime de sujétion.

Mme [V] sera, en conséquence, déboutée de sa demande de rappel de salaires au titre de la prime de sujétion.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la rupture de la relation de travail

Sur la demande tendant à dire que la rupture s'analyse en licenciement nul

Mme [V] prétend que la rupture s'analyse en un licenciement nul au motif que l'employeur a méconnu les règles du procès équitable prévues à l'article 6§1 de la CEDH en lui refusant l'accès à l'établissement le 17 septembre 2019 alors que le juge des référés avait, par ordonnance du 12 septembre 2019, requalifié la relation du travail en contrat à durée indéterminée.

En application de l'article L 1235-3-1 du code du travail, la nullité du licenciement est, notamment, encourue en cas de violation d'une liberté fondamentale.

En l'espèce, ainsi que l'a retenu le juge départiteur par des motifs pertinents que la Cour adopte, la relation de travail a été rompue le 31 août 2019 par le terme de l'engagement à durée déterminée. Il s'ensuit que le refus d'accès à l'établissement de Mme [V] ne constitue pas le point de départ de la rupture, contrairement à ce que soutient la salariée. Il en est de même du courrier de l'association du 17 septembre 2019 par lequel elle rappelle à la salariée que son contrat n'a pas été renouvelé.

L'ordonnance de référé, postérieure à la rupture, avait, certes, requalifié la relation de travail en durée indéterminée mais elle n'avait pas statué sur le rupture et n'avait pas ordonné la réintégration de sorte que l'association, qui pouvait estimer, en droit et en fait, que le contrat était rompu par l'échéance du terme, n'a pas commis d'acte portant atteinte à une liberté fondamentale ou au droit d'accès au juge en s'opposant à la réintégration, étant observé, de surcroît, qu'elle a réglé l'indemnité de requalification en exécution de l'ordonnance, preuve de sa bonne foi. Enfin, Mme [V] a pu, sans obstacle, saisir le juge du fond pour faire valoir ses droits de salariée.

C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de nullité.

Sur la demande tendant à dire que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

La rupture par la seule échéance du terme d'une relation de travail à durée déterminée requalifiée en contrat à durée indéterminée s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse dés lors que l'employeur n'a pas respecté les règles de procédure relatives à la rupture d'un contrat de travail.

En l'espèce, l'association acquiesce au jugement en qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non respect des formalités relatives à la procédure de licenciement.

Elle conteste, cependant, d'une part, le principe même du versement réclamé par la salariée d'une indemnité réparant le préjudice résultant du caractère irrégulier de la procédure de licenciement qui, compte tenu de l'effectif de l'association inférieur à moins de 11 salariés, est indemnisé par les dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'autre part, le montant des indemnités fixé par le premier juge au titre de la rupture abusive.

Sur le premier point, par application de l'article L 1235-3 du code du travail, le licenciement notifié en méconnaissance des règles de forme et de fond n'ouvre droit qu'à l'attribution d'une indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse, laquelle répare l'entier préjudice subi. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée d'une demande d'indemnité distincte au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement.

Sur le deuxième point, il n'est pas discuté que Mme [V] a droit au réglement d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité conventionnelle de licenciement dont le montant est, notamment, fixé sur la base du salaire de référence.

Il sera donc alloué à la salariée la somme de 3536,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et la somme de 2652,45 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l'indemnité légale . Le jugement sera réformé en ce sens.

S'agissant de l'indemnité allouée en réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, la Cour en fixera le montant, eu égard à l'ancienneté de la salariée, à la somme de 6000 euros bruts, par application de l'article L 1235-3 du code du travail. Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Selon l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Mme [V] expose qu'elle a été confrontée à de vives tensions car elle s'est opposée aux méthodes de contention pratiquées sur un élève de sa classe, qu'elle n'a reçu aucune formation renforcée à la sécurité lui permettant de faire face à un enfant en crise et que l'employeur a fait preuve de mauvaise foi en lui refusant le bénéfice des dispositions de la convention collective et en ne contribuant pas à la mise en oeuvre à son profit de la mutuelle de l'entreprise. Elle prétend, enfin, avoir été remplacée par un enseignant non titulaire du concours et ayant moins d'expérience qu'elle. L'ensemble de ces griefs constitue, selon elle, une exécution déloyale du contrat de travail.

Sur le recours à des méthodes de contention

Mme [S], professeur des écoles travaillant au sein de l'IME, atteste que ' dés le début de l'année 2019, j'ai entendu Mme [V] relater les difficultés et les crises d'un élève qui entraînaient des contentions physiques de la part de l'équipe éducative. Ma collègue, n'adhérant pas à la pratique refusait de l'appliquer. Selon elle, cela est interdit par la loi et ne relève pas des fonctions d'enseignant...'

Ce témoignage ne signifie nullement que Mme [V] a été contrainte de pratiquer des contentions dont l'employeur justifie par les témoignages de professionnels de l'établissement qu'elles ne relèvent pas des attributions des enseignants mais des éducateurs spécialisés comme le relève d'ailleurs le témoin.

En tout état de cause, Mme [V] ne rapporte pas la preuve de directives émises par l'employeur contraires à sa déontologie d'enseignante, ni de cas concrets qui rendraient compte d'actes de l'employeur en ce sens.

Le grief n'est donc pas établi.

Sur la formation à la sécurité renforcée

Mme [V] ne fournit aucun élément probant de nature à établir le danger auquel elle était exposée alors qu'il ressort des témoignages des professionnels travaillant dans l'établissement que les situations de crises des élèves sont gérées par l'équipe éducative et non les enseignants.

Sur le bénéfice des dispositions de la convention collective

La Cour ayant jugé que les dispositions ne s'appliquaient pas dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, il y a lieu d'écarter ce grief.

Sur la mutuelle d'entreprise

Par des motifs adoptés, le premier juge a exactement relevé que les difficultés réelles rencontrées par Mme [V] pour la prise en charge de la mutuelle d'entreprise sont indépendantes de la volonté de l'employeur, lequel n'est pas resté inactif pour tenter de les résoudre et a remboursé à la salariée la part patronale. L'employeur démontre, par ailleurs, qu'il a pris les mesures nécessaires pour assurer la portabilité de la mutuelle à l'issue de la rupture, ce jusqu'au 31 août 2020.

Le grief est donc dénué de fondement.

Sur le remplacement par un autre agent contractuel

La preuve de la mauvaise foi de l'employeur alléguée par Mme [V] en ce qui concerne le choix de son remplaçant n'est nullement étayée.

Il découle de ce qui précède que l'employeur n'a pas commis de manquement à son obligation de loyauté.

Sur ce point, le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

Il sera ordonné la remise à la salariée d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions de la présente décision, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.

L'association qui succombe au principal supportera les dépens et versera à Mme [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais du procès.

Il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des indemnités chômage dans la mesure où les conditions fixées par l'article L 1235-14 du code du travail ne sont pas remplies.

Par ces motifs

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- requalifié l'engagement à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et a alloué une indemnité de requalification,

- dit que la rupture du contrat de travail s'analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [V] de sa demande de classification,

- débouté Mme [V] de sa demande de nullité de la rupture et de réintégration et de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- statué sur les dépens et les frais du procès,

l'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

condamne l'ADAPEI à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

- 3536,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

- 2652,45 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 6000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

y ajoutant

ordonne la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions de la présente décision,

déboute Mme [V] du surplus de ses demandes,

condamne l'ADAPEI aux dépens et à payer à Mme [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 21/02996
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;21.02996 ?
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