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11/07/2024 | FRANCE | N°22/05195

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 juillet 2024, 22/05195


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 JUILLET 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/05195 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7EL





















MINISTERE DE LA DEFENSE



c/

Monsieur [T] [P]





















Nature de la décision : AU FOND







NotifiÃ

© par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 octobre 2022 ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 JUILLET 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/05195 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7EL

MINISTERE DE LA DEFENSE

c/

Monsieur [T] [P]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 octobre 2022 (R.G. n°19/00736) par le pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 14 novembre 2022.

APPELANTE :

MINISTERE DE LA DEFENSE pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

dispensé de comparution

INTIMÉ :

Monsieur [T] [P]

né le 09 Septembre 1961

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Géraldine LECHAT-OHAYON, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [P] a été employé par le ministère de la Défense en qualité de chaudronnier au détachement air 204, sis à [Localité 2], du 14 février 2005 au 31 octobre 2020.

Le 05 avril 2016, son employeur a établi une déclaration d'accident du travail, ayant eu lieu le 16 mars 2016, mentionnant « [M. [P]] effectuait la mise en forme d'une pièce métallique. Son gant a été happé par les rouleaux entraînant sa main ».

Le certificat médical initial a été établi le 16 mars 2016 dans les termes suivants : « délabrement cutané-tendineux nerveux et vasculaire de la main gauche : indication d'amputation trans IPP ». Un certificat médical en date du 11 mai 2016 a mentionné « retard de cicatrisation zone amputation index gauche ».

Par décision ministérielle du 29 avril 2016, M. [P] a été informé que l'accident du 16 mars 2016 est considéré comme un accident du travail au sens des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

Par décision du 09 novembre 2018, le ministère des armées a, en séquelle de l'accident du travail de M. [P] survenu le 16 mars 2016, fixé le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de M. [P] à 15%. L'état de santé de ce dernier a été considéré consolidé le 30 juin 2017.

Le 03 janvier 2019, M. [P] a contesté cette décision devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

La juridiction a diligenté une consultation médicale auprès du docteur [L].

Par jugement du 12 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a:

-dit qu'à la date du 30 juin 2017 le taux d'IPP de l'assuré était de 20%,

-fait droit au recours de M. [P] à l'encontre de la décision du ministère de la Défense sous-direction des pensions, en date du 09 novembre 2018,

-dit que le ministère de la Défense supportera les frais de procédure et les dépens de l'instance.

Par déclaration du 15 novembre 2022, le ministère des armées a relevé appel de ce jugement.

Le ministère des armées a demandé une dispense de comparution conformément aux dispositions de l'article R 142-10-4 du code de la sécurité sociale et de l'article 446-1 du code de procédure civile, dispense accordée par ordonnance du 8 février 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 04 avril 2024, le ministère des armées demande à la cour de :

-déclarer son appel recevable,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il fixe le taux d'IPP pour les séquelles de l'accident du travail du 16 mars 2016 à 20%,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit qu'il n'est pas justifié une incidence professionnelle pouvant entraîner un taux socio-professionnel,

-dire qu'au 30 juin 2017, les séquelles de M. [P] justifiaient un taux d'IPP de 15%,

-débouter M. [P] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le ministère des armées fait valoir que le docteur [L], médecin consultant, a pris à tort en considération dans son évaluation du taux d'IPP des séquelles constatées postérieurement à la date de consolidation. Il conteste en outre l'octroi d'un taux socio-professionnel, M. [P] ayant pu reprendre son travail à temps plein à compter du 3 avril 2017 sur son poste de travail initial et ayant quitté son emploi sur sa demande dans le cadre d'une politique de déflation de personnels concernant des mesures de restructuration du ministère de la Défense.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 29 février 2024, M. [P] demande à la cour de :

-débouter le ministère des armées de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

-condamner le ministère des armées 2500 euros à M. [P] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] expose que le docteur [L] a parfaitement évalué son taux d'IPP car le taux proposé à la date de consolidation ne tenait pas compte de l'entièreté des séquelles consécutives à l'accident singulièrement la gêne de flexion des interphalangiennes 3ième et 4ièmes doigts gauches. M. [P] explique que cette gêne n'est pas prise en compte dans le guide barème mais rappelle que ce barème n'est qu'indicatif et qu'il convient d'évaluer la gêne conséquente qu'il ressent de ce fait. En outre, il soutient qu'il importe de prendre en considération les observations médicales relevées par le docteur [I] le 4 juin 2019 et le docteur [J] le 10 mai 2020. Enfin, il expose qu'il a bien subi une incidence professionnelle du fait de son accident du travail, incidence qui doit être prise en compte dans la fixation de son taux d'IPP.

L'affaire a été fixée à l'audience du 06 mai 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fixation du taux d'incapacité permanente partielle

Conformément aux dispositions des articles L434-2 et R434-32 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime d'un accident du travail est déterminé d'après la nature de son infirmité, son état général, son âge, ses facultés physiques et mentales mais aussi d'après ses aptitudes et qualifications professionnelles compte tenu de barèmes d'invalidité annexés au code précité.

La notion de qualification professionnelle s'entend au regard des possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir la victime à se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente, d'une part, en matière d'accidents du travail et, d'autre part, en matière de maladies professionnelles sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexes 1 et 2 du code). Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Les barèmes évoqués sont purement indicatifs et ont pour but de fournir des bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail ou maladies professionnelles. Le médecin chargé de l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle dispose ainsi de l'entière liberté de s'en écarter en fonction des particularités propres à chaque assuré et précédemment cités, à condition d'en exposer clairement les raisons.

Il est en outre acquis que le taux d'incapacité permanente partielle :

- doit être fixé en fonction de l'état séquellaire au jour de la consolidation de l'état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation (Cass. civ. 2e, 15 mars 2018 n°1715400),

- relève de l'appréciation souveraine et motivée des juges du fond (Cass. civ. 2e 16 septembre 2010 n°0915935 ; 4 avril 2018 n°1715786).

Une majoration du taux dénommée coefficient professionnel, tenant compte des conséquences de l'accident ou de la maladie sur la carrière professionnelle de la victime, peut lui être attribuée, notamment au regard du risque de licenciement consécutif à l'impossibilité de reclasser la victime, de difficultés de reclassement, de déclassement professionnel, de retard à l'avancement, ou de perte de gain (cass.soc. 3 novembre 1988 86-13911, cass.soc. 21 juin 1990 n°88-13605, cass .civ.2e 4 avril 2019 n° 18-12766).

Il ne peut être considéré que le salaire gagné après l'accident donne exactement la mesure des facultés de travail que possède encore la victime, l'employeur pouvant, par bienveillance pour la victime, maintenir une situation qu'elle ne pourrait retrouver ailleurs ; une telle circonstance n'est donc pas déterminante et ne peut faire obstacle à une majoration du taux par un coefficient professionnel (Cass. soc., 14 oct. 1955, no 4012, Bull. civ. IV, p. 535).

En l'espèce, le recours formé devant le tribunal par M. [P] à l'encontre du taux d'incapacité permanente partielle de 15% attribué par le ministère des armées en réparation des séquelles conservées de son accident du travail du 16 mars 2016, a donné lieu à la mise en 'uvre d'une consultation médicale confiée au docteur [L].

Après avoir examiné l'assuré et son entier dossier médical, le praticien a fixé à la date de la consolidation le taux d'IPP à 20% avec incidence professionnelle.

Le médecin expert Docteur [R] avait relevé le 22 novembre 2017 que M. [P] présentait 'des séquelles avec douleurs du moignon d'amputation, dysesthésie et douleurs fulgurantes associées à une gêne douloureuse de la flexion des inter-phalangiennes des 3ième, 4ième rayons notamment. Ces séquelles justifient à la date de consolidation un taux d'IPP de 15% en l'absence d'état antérieur.'

Le Docteur [G], médecin conseil expert du ministère des armées, dans son avis du 15 décembre 2017, sur la base des conclusions du docteur [R], déterminait la date de consolidation au 30 juin 2017 avec un taux d'IPP de 15% avec les séquelles suivantes 'séquelles de traumatisme de main gauche chez un droitier : amputation de la phalange unguéale de l'index côté non dominant avec troubles dysesthésiques et algiques du moignon, oedème des 3ième et 4ième rayons avec limitation de flexion. Baisse de force de préhension globale de la main gauche.'

Le Docteur [L] dans son procès verbal reprend ces différentes observations et les valide. Il relève en outre 'une amyotrophie de la main gauche et constate des troubles sensitifs du pouce, index et médium s'ajoutant aux séquelles fonctionnelles' en citant un bilan électrophysiologique réalisé par le Docteur [I] le 4 juin 2019.

Il doit être tenu compte des douleurs et troubles sensitifs relevés dans toutes les expertises avant et autour de la date de consolidation cités précédemment, le guide barème demeurant indicatif, mais l'expert devant statuer à la date de la consolidation pour fixer le taux d'IPP, il ne sera pas tenu compte de l'amyotrophie relevée le 4 juin 2019 ni des séquelles psychologiques nommées par le docteur [J] le 14 mai 2020,contrairement à la demande de M. [P] devant la cour, ces séquelles n'ayant pas été documentées et relevées par les différents médecins avant la date de consolidation.

En outre, le docteur [L] a fixé le 'taux de 20% avec incidence professionnelle'. Il est relevé que M. [P] a bien pu reprendre son travail dans l'armée à l'issue de son arrêt de travail tel qu'indiqué dans son avis d'aptitude du 6 avril 2017 qui concluait à son aptitude 'en évitant les manipulations des pièces lourdes en prévoyant des gants de protection adaptés et un siège d'atelier assis/debout.' Cependant, l'avis d'aptitude du 4 octobre 2017 relève qu'un aménagement plus conséquent de son poste est nécessaire. Il n'est d'ailleurs pas contesté que M. [P] a changé de travail devenant formateur en soudure, fonction totalement différente de son poste précédent ne correspondant pas aux aspirations premières de l'assuré.

En outre, M. [P] s'est vu reconnaître le statut de travailleur handicapé du 4 janvier 2017 au 3 janvier 2022, 'ses possibilités d'obtenir ou de conserver un emploi étant considérées comme effectivement réduites' par la MDPH. Après son départ volontaire de l'armée qui est justifié par l'assuré du fait de son accident de travail du 16 mars 2016 et qui a d'ailleurs été validé par sa hiérarchie sur ces motifs alors même qu'il exerçait un métier en tension, il s'est retrouvé au chômage, engendrant une perte de revenu conséquente.

En tenant compte de son âge au jour de la consolidation (56 ans), de son état de santé, de son ancienneté sur le poste et du type d'emploi occupé jusqu'alors, de la nécessité de se former à une autre activité, des limitations physiques engendrées par l'accident et de la perte de revenu, la prise en compte par le docteur [L] d'une incidence professionnelle dans la fixation du taux d'IPP est tout à fait justifiée.

Dès lors, au regard des séquelles observées à la date de la consolidation et de l'incidence professionnelle qu'a eu l'accident du travail sur le parcours professionnel de M. [P], c'est à juste titre que le docteur [L] a fixé à 20% le taux d'IPP de ce dernier.

Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles concernant la prise en charge de l'expertise, l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l'article 696 du code de procédure civile, le ministère des armées, qui succombe, sera condamné aux dépens de l'appel.

Il serait en revanche inéquitable de laisser supporter à M. [P] l'intégralité des frais exposés pour obtenir gain de cause. Le ministère des armées sera donc condamné à payer à M. [P] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code précité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne le ministère des armées aux dépens de la procédure d'appel;

Condamne le ministère des armées à payer à M. [T] [P] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/05195
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.05195 ?
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