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11/07/2024 | FRANCE | N°22/00388

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 juillet 2024, 22/00388


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 Juillet 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/00388 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQT3





















CPAM DES LANDES



c/

Monsieur [Y] [J]













Nature de la décision : AU FOND









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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 Juillet 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/00388 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MQT3

CPAM DES LANDES

c/

Monsieur [Y] [J]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 janvier 2022 (R.G. n°17/02864) par le pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 26 janvier 2022.

APPELANTE :

CPAM DES LANDES, agissant en la qualité de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]/FRANCE

dispensée de comparution

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [J]

né le 28 Septembre 1958

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud

Greffière lors du délibéré: Sylvaine Déchamps

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

Exposé du litige

M. [J] a été employé par la société [3] en qualité conducteur poids lourds depuis le 1er octobre 2012.

Le 4 novembre 2016, M. [J] a établi une déclaration de maladie professionnelle mentionnant une « rupture partielle du tendon supra-épineux droit ».

Le certificat médical initial a été établi le 24 mars 2016 dans les termes suivants : « Tendinopathie de la coiffe de l'épaule droite : rupture transfixiante partielle du supra épineux ».

Par décision du 12 avril 2017, la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la CPAM en suivant) a pris en charge la maladie au titre de la législation des risques professionnels.

Par décision du 8 novembre 2017, la CPAM des Landes a considéré l'état de santé de M. [J] consolidé le 4 juillet 2017 et lui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 5%.

Le 24 novembre 2017, M. [J] a contesté cette décision devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux.

Par jugement du 13 janvier 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux, ayant compétence pour statuer sur les contentieux de l'incapacité depuis le 1er janvier 2020, a:

Vu le procès verbal de consultation du docteur [U] en date du 25 novembre 2021 annexé à la présente décision,

- dit qu'à la date de la consolidation, le 4 juillet 2017, le taux d'incapacité permanente partielle résultant de la maladie professionnelle vidée au certificat médical initial du 24 mars 2016 et déclarée le 4 novembre 2016 par M. [J] était de 10%.

En conséquence,

- fait droit au recours de M. [J] à l'encontre de la décision de la CPAM des Landes en date du 8 novembre 2017,

- rappelé que le coût de la consultation médicale diligentée est à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie,

- dit que chacune des parties conserve la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 26 janvier 2022, la CPAM des Landes a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 7 juillet 2022, la CPAM des Landes demande à la cour de :

A titre principal,

-infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- confirmer la décision de la CPAM des Landes en date du 8 novembre 2017 fixant à (5)% le taux d'IPP de M. [J] pour l'indemnisation des séquelles résultant de la maladie professionnelle du 24 mars 2016,

A titre subsidiaire,

-ordonner une consultation clinique ou sur pièce.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 31 janvier 2024, M. [J] demande à la cour de confirmer la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux du 13 janvier 2022.

L'affaire a été fixée à l'audience du 11 avril 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

Motifs de la décision

Conformément aux dispositions des articles L.434-2 et R.434-32 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime d'un accident du travail est déterminé d'après la nature de son infirmité, son état général, son âge, ses facultés physiques et mentales mais aussi d'après ses aptitudes et qualifications professionnelles compte tenu de barèmes d'invalidité annexés au code précité.

La notion de qualification professionnelle s'entend au regard des possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir la victime à se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente, d'une part, en matière d'accidents du travail et, d'autre part, en matière de maladies professionnelles sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexes 1 et 2 du code). Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

Les barèmes évoqués sont purement indicatifs et ont pour but de fournir des bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail ou maladies professionnelles. Le médecin chargé de l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle dispose ainsi de l'entière liberté de s'en écarter en fonction des particularités propres à chaque assuré et précédemment cités, à condition d'en exposer clairement les raisons.

Il est en outre acquis que le taux d'incapacité permanente partielle :

- doit être fixé en fonction de l'état séquellaire au jour de la consolidation de l'état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation (Cass. civ. 2e, 15 mars 2018 n°1715400),

- relève de l'appréciation souveraine et motivée des juges du fond (Cass. civ. 2e 16 septembre 2010 n°0915935 ; 4 avril 2018 n°1715786).

Une majoration du taux dénommée coefficient professionnel, tenant compte des conséquences de l'accident ou de la maladie sur la carrière professionnelle de la victime, peut lui être attribuée, notamment au regard du risque de licenciement consécutif à l'impossibilité de reclasser la victime, de difficultés de reclassement, de déclassement professionnel, de retard à l'avancement, ou de perte de gain (cass.soc. 3 novembre 1988 86-13911, cass.soc. 21 juin 1990 n°88-13605, cass .civ.2e 4 avril 2019 n° 18-12766).

La CPAM soutient que le taux d'incapacité permanente partielle retenu ne peut qu'être strictement inférieur à 10%, le médecin conseil ayant retenu au titre des séquelles indemnisables une légère limitation de certains mouvements et le barème prévoyant un taux d'IPP compris entre 10% et 15% pour une limitation légère de tous les mouvements de l'épaule côté dominant.

Elle fait valoir la présence d'un état antérieur documenté et évoque que seules les séquelles rattachables à la maladie sont indemnisables ce qui explique que le taux retenu par le médecin conseil ne soit que de 5%. Elle indique que le docteur [U] ne semble pas prendre en compte la présence de cet état antérieur pour fixer le taux d'IPP de M. [J] à 10%, que le procès-verbal de consultation n'est pas dénué de toute ambiguïté et que le taux d'IPP retenu apparaît de toute évidence surévalué.

Elle conteste l'incidence professionnelle retenue par le docteur [U] aux motifs qu'elle n'a été que minime puisque bien que licencié pour inaptitude, M. [J] n'est resté que très peu de temps au chômage avant d'être mis à la retraite, qu'un licenciement pour inaptitude professionnelle donne droit à une indemnité spéciale correspondant au double de l'indemnité légale de licenciement, que M. [J] a bénéficié d'un capital compte tenu des séquelles consécutives à sa maladie professionnelle et qu'aucune perte économique n'est démontrée.

M. [J] prétend, à l'appui du rapport médical d'évaluation du taux d'IPP du médecin conseil, que toutes les mesures des mouvements de son bras droit ainsi que son contact dorsal sont inférieurs à son bras gauche.

Il conteste les allégations non documentées de la CPAM. Il affirme qu'il ne voulait pas être mis à la retraite, qu'il n'a pas eu le choix et qu'il aurait préféré la prendre à l'âge de 65 ans s'il avait pu travailler et garder son métier.

Il indique que les indemnités de licenciement pour inaptitude sont de l'ordre d'un salaire de plus et prévues par le code du travail, qu'elles n'ont rien à voir avec le taux d'invalidité de la maladie professionnelle et qu'elles n'ont pas à être inclurd dans le débat puisque hors sujet.

Il ajoute que sa maladie professionnelle a profondément changé sa vie, qu'il a perdu son travail et son métier ainsi que sa santé et certaintes activités qui lui sont limitées ou complètement exclues.

En l'espèce, le rapport du médecin conseil mentionne que le certificat médical final évoque une 'légère limitation de l'amplitude articulaire avec déficit moteur à établir (épaule droite). Conso avec séquelles au 04/07/2017'.

Au cours de l'examen, le médecin conseil a relevé un état fonctionnel détaillé comme suit:

'Etat fonctionnel : Droite Gauche

Abduction 170° 180°

Antépulsion 170° 180°

Rétropulsion 40° 60°

Rotation externe 50° 60°

Contact dorsal : la main droite n'atteint que le rachis lombaire haut alors que la main gauche atteint l'omoplate droite, pas de signe de Yocum.'.

Le barème prévoit au paragraphe 1.1.2 relatif à l'atteinte des fonctions articulaires qu'en cas de limitation légère de tous les mouvements le taux est compris entre 10 à 15% pour le côté dominant.

Le médecin conseil évoque, par ailleurs, une état interférant au titre d'une névralgie cervico-brachiale droite hyperalgique.

Il conclut dans son rapport à un taux d'IPP de 5% en précisant ' Résumé des séquelles : Epaule droite sur état antérieur documenté : légère limitation de certains mouvements'. S'il mentionne dans la partie 'situation socio-professionnelle' que M. [J] a été licencié en février 2017, il ne ressort pas des conclusions du médecin conseil sus-mentionnées que celui-ci en a tenu compte pour l'appréciation du taux d'IPP.

Par ailleurs, il ressort des conclusions de la CPAM que le taux de 5% tient compte du barème médical et de l'état antérieur de sorte qu'il s'en déduit que le taux socio-professionnel n'a pas été évalué par le médecin conseil.

Dans le procès verbal de consultation, le docteur [U] a conclu qu''A la date de la consolidation le 04 07 2017 de la MP du 24 03 2016, le taux d'IP était de 10% (sujet droitier) par référence au guide barème avec incidence professionnelle dont il a été tenu compte dans le taux proposé.'.

Il y a lieu de noter que le docteur [U] a rappelé les conclusions du médecin conseil, lequel fait mention d'un état antérieur interférant,démonrant qu'il a donc bien pris en considération cet élément durant sa consultation. Ses observations médicales confortent en outre celles du médecin conseil dans la limitation des mouvements de l'assuré.

En ce qui concerne l'incidence professionnelle, il ressort de l'attestation Pôle Emploi fournie par M. [J] qu'il a été licencié pour inaptitude physique d'origine professionnelle le 9 février 2017.

Si la CPAM fait très justement valoir que M. [J] était proche de la retraite au jour de la consolidation, la cour relève qu'il s'est tout de même écoulé près de 24 mois entre la date de consolidation et sa mise en retraite en juillet 2019, étant précisé qu'il démontre, à l'appui d'une attestation de paiement d'indemnités journalières, avoir été en arrêt maladie à compter du 26 janvier 2016, puis en arrêt maladie pour maladie professionnelle à partir du 24 mars 2016.

Durant cette période, M. [J] a ainsi perçu des indemnités journalières puis des allocations chômage dont les montants sont inférieurs à ce qu'il aurait perçu avec son poste de conducteur poids lourd.

En effet, il ressort du tableau comparatif réalisé par l'assuré une différence d'au moins 800 euros entre le salaire qu'il percevait et l'allocation au retour à l'emploi perçue et une différence similaire entre ses bulletins de paie et les indemnités journalières, ce qui est confirmé par ses bulletins de salaire de l'année 2015, l'attestation de versement d'indemnités journalières et l'attestation de versement de l'allocation au retour à l'emploi.

Compte tenu de son ancienneté sur le poste (4 ans), du type d'emploi occupé jusque là (22 ans en tant que conducteur routier), de l'âge de l'assuré au moment de sa consolidation (60 ans) et de la perte de revenu, l'incidence professionnelle est parfaitement avérée.

Il résulte de l'ensemble de ses éléments que l'attribution du taux de 10 % d'IPP par le docteur [U] est cohérente par rapport à la limitation de certains mouvements, de la présence d'un état antérieur interférent et de l'existence d'une incidence professionnelle.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé.

La CPAM, partie perdante, supportera la charge des dépens.

Par ces motifs

Confirme le jugement rendu le 13 janvier 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux,

Y ajoutant,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Landes aux dépens d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/00388
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;22.00388 ?
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