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11/07/2024 | FRANCE | N°21/04094

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 11 juillet 2024, 21/04094


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



1ère CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 11 JUILLET 2024









N° RG 21/04094 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MG7J









S.A. COFIDIS



c/



[I] [O] (décédé)

[S] [G]



[P] [T]

[C] [X] veuve [O]

[L] [O]

[W] [K]-[O]

[F] [K]-[O]























Nature de la décision : AU FOND>






















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 mai 2021 par le Pôle protection et proximité du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 20/01874) suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2021



APPELANTE :



S.A. COFIDIS prise en la personn...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 11 JUILLET 2024

N° RG 21/04094 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MG7J

S.A. COFIDIS

c/

[I] [O] (décédé)

[S] [G]

[P] [T]

[C] [X] veuve [O]

[L] [O]

[W] [K]-[O]

[F] [K]-[O]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 mai 2021 par le Pôle protection et proximité du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 20/01874) suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2021

APPELANTE :

S.A. COFIDIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 15]

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOËT, avocat plaidant au barreau D'ESSONNE

INTIMÉS :

[I] [O] décédé le [Date décès 5] 2021 à [Localité 13]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 16]

[S] [G] es qualité de mandataire ad litem de la société SUNGOLD sous

l'enseigne INSTITUT DES NOUVELLES ENERGIES - RCS de Nanterre 514 497 056 domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 8]

non représenté, assigné selon procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)

INTERVENANTS :

Maître [P] [T], es qualité de mandataire ad litem de la société SUNGOLD domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

non représenté, assigné à personne

[C] [X] veuve [O] es qualité d'héritier de Monsieur [I], [E], [D] [O] décédé le [Date décès 5] 2021 à [Localité 13]

née le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 12]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 18]

[L] [O] es qualité d'héritier de Monsieur [I], [E], [D] [O] décédé le [Date décès 5] 2021 à [Localité 13]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 9]

[W] [K]-[O] es qualité d'héritier de Monsieur [I], [E], [D] [O] décédé le [Date décès 5] 2021 à [Localité 13]

né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 17]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 10]

[F] [K]-[O] es qualité d'héritier de Monsieur [I], [E], [D] [O] décédé le [Date décès 5] 2021 à [Localité 13]

né le [Date naissance 6] 1981 à [Localité 12]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 14]

représentés par Maître Anne-caroline JUVIN-THIENPONT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Gilbert GARRETA de la SCP GARRETA ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PAU

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 avril 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel BREARD, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Paule POIREL

Conseiller : Mme Bérengère VALLEE

Conseiller : M. Emmanuel BREARD

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Le 19 janvier 2016, M. [I] [O] a passé commande d'une centrale photovoltaïque auprès de la société Institut des Nouvelles Energies.

Cet achat a été intégralement financé au moyen d'un prêt de 21 500 euros souscrit auprès de la banque Sofemo, remboursable en 120 mensualités d'un montant de 249,52 euros hors assurance au taux effectif global de 5,96% l'an, selon offre du 19 janvier 2016.

Le 10 février 2016, la société Sungold a procédé à l'installation du matériel.

M. [I] [O] s'est plaint auprès de la société Cofidis de l'absence de raccordement par courrier du 7 mars 2017.

C'est ainsi que par acte d'huissier du 25 août 2020, M. [O] a fait assigner M. [S] [G] en qualité de mandataire ad litem de la société Sungold et la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins, notamment, de voir annuler le contrat de vente et le contrat de crédit.

[I] [O] est décédé le [Date décès 5] 2021.

Par jugement réputé contradictoire du 20 mai 2021 le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- dit qu'il n'y à lieu à ordonner la communication d'un décompte des sommes versées par [I] [O] au titre du contrat de prêt octroyé le 19 janvier 2016 et de l'entier dossier de financier de [I] [O],

- prononcé la nullité du contrat de vente du 19 janvier 2016 liant [I] [O] à la société Sungold pour manquement aux dispositions relatives aux démarchages sans frais supplémentaires pour [I] [O],

- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté liant [I] [O] et la société Cofidis venant aux droits de la banque Sofemo,

- condamné la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo à rembourser les échéances du prêt d'ores et déjà acquittées par les requérants, outre les sommes versées postérieurement avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- débouté [I] [O] de sa demande de condamnation de la société Cofidis venant aux droits de la banque Sofemo à lui verser la somme de 4 554 euros au titre de son préjudice financier, sauf à parfaire,

- débouté [I] [O] de sa demande de condamnation de la société Cofidis venant aux droits de la banque Sofemo à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice économique et de son trouble de jouissance,

- débouté [I] [O] de sa demande de condamnation de la société Cofidis venant aux droits de la banque Sofemo à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamné la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo à verser à [I] [O] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé l'exécution provisoire de la décision.

La société Cofidis a relevé appel de ce jugement par déclaration du 15 juillet 2021, en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de vente du 16 février 2016 signé entre [I] [O] et la société Sungold,

- prononcé la nullité subséquente du contrat de crédit signé entre la société Cofidis et [I] [O],

- condamné la société Cofidis à rembourser à [I] [O] l'intégralité des sommes perçues en vertu du contrat de prêt,

- condamné la société Cofidis à payer à [I] [O] la somme de 500 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, sous le bénéfice de l'exécution provisoire,

- débouté la société Cofidis de ses demandes tendant notamment à voir déclarer [I] [O] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter et subsidiairement à le condamner à lui rembourser le capital d'un montant de 21 500 euros, au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et en tout état de cause à le voir condamner à lui payer 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Par acte d'huissier du 9 novembre 2021, la société Cofidis a fait assigner en intervention forcée Me [P] [T] es qualité de mandataire ad litem de la société Sungold.

Par acte d'huissier du 14 mars 2022, la société Cofidis a fait assigner en intervention forcée Mme [C] [X] veuve [O] en sa qualité d'héritière de M. [I] [O].

Par dernières conclusions déposées le 17 novembre 2023, la société Cofidis demande à la cour de :

- déclarer la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- réformer le jugement sur les conséquences de la nullité du bon de commande,

Statuant à nouveau,

- condamner les ayants droit de [I] [O] à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté d'un montant de 21 500 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, en l'absence de faute de Cofidis et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,

En tout état de cause :

- condamner les ayants droit de [I] [O] à payer à la société Cofidis une indemnité d'un montant de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les ayants droit de [I] [O] aux entiers dépens,

- déclarer la société Cofidis recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

- réformer le jugement sur les conséquences de la nullité du bon de commande,

Statuant à nouveau,

- condamner solidairement Mme [C] [X] veuve [O], M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F] [K]-[O] es qualité d'héritiers de [I] [O], à rembourser à la société Cofidis le capital emprunté d'un montant de 21 500 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, en l'absence de faute de Cofidis et en toute hypothèse en l'absence de préjudice et de lien de causalité,

En tout état de cause :

- condamner solidairement Mme [C] [O], M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F] [K]-[O] es qualité d'héritiers de [I] [O], à payer à la Société Cofidis une indemnité d'un montant de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement Mme [C] [O], M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F] [K]-[O] es qualité d'héritiers de [I] [O] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 27 novembre 2023, Mme [C] [O], M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] M. [F] [K]-[O], demandent à la cour de:

Sur l'intervention volontaire de M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F], [K]-[O], héritiers de [I] [O] :

- déclarer M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F] [K]-[O], ès qualité d'héritiers de feu leur père, [I] [O], recevables en la forme, en leur intervention principale volontaire, par application des articles 63, 66 et 68 du code de procédure civile,

- déclarer M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F] [K]-[O], ès qualité d'héritiers de feu leur père, [I] [O], recevables comme n'ayant été ni parties, ni représentés en première instance, par application de l'article 554 du même code,

- juger que M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F] [K]-[O], ès qualité d'héritiers de feu leur père, [I] [O], ont qualité et intérêt à agir,

- déclarer M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F] [K]-[O], ès qualité d'héritiers de Feu leur père, [I] [O], bien fondés en leurs moyens et demandes.

Sur le fond :

- déclarer mal fondé l'appel partiel interjeté par la société Cofidis, à l'encontre du jugement rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 20 mai 2021,

- déclarer définitif le jugement en ce qu'il a :

- prononcé la nullité du contrat de vente du 19 janvier 2016 liant [I] [O] à la société Sungold pour manquement aux dispositions relatives au démarchage à domicile sans frais supplémentaires pour [I] [O],

- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté liant [I] [O] et la société Cofidis venant aux droits de la banque Sofemo,

- confirmer, en tant que de besoin, le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de vente du 19 janvier 2016 conclu entre [I] [O] et la société Sungold,

- confirmer, en tant que de besoin, le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté souscrit le 19 janvier 2016 entre [I] [O] et la société Cofidis,

- donner acte aux consorts [O] de ce qu'ils offrent de tenir à la disposition de Me [P] [T], ès qualité de mandataire ad litem de la société Sungold, les matériels objets du contrat de vente, pendant un délai de trois mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et que, passé ce délai, les concluants intimés feront leur affaire de l'installation litigieuse.

- confirmer, en toute hypothèse, le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo à rembourser les échéances du prêt d'ores et déjà acquittées par les requérants, outre les sommes versées postérieurement avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- condamné la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo à verser à [I] [O] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- priver l'encontre de l'établissement bancaire Cofidis de sa créance de restitution du capital prêté en conséquence de ses manquements fautifs directement en lien avec le préjudice subi par les concluants,

- condamner la société Cofidis à rembourser à Mme [C] [O], M. [L] [O], M. [W] [K]-[O] et M. [F] [K]-[O], venant aux droits de [I] [O], toutes les sommes d'ores et déjà versées au jour des présentes, soit la somme globale de 23 392,64 euros, sauf à déduire les sommes remboursées par la société Cofidis au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement du 20 mai 2021,

En tout état de cause :

- condamner la société Cofidis à verser à Mme [C] [O], M. [L] [O], M. [W] [K]- [O] et M. [F] [K]- [O], venant aux droits de [I] [O], la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

M. [G] es qualité de mandataire ad litem de la société Sungold sous l'enseigne institut des nouvelles énergies n'a pas constitué avocat. Il a été assigné par procès-verbal de recherches, conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.

Me [P] [T] es qualité de mandataire ad litem de la société Sungold n'a pas constitué avocat. Il a été régulièrement assigné.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 29 avril 2024.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

I Sur l'intervention volontaire de MM. [L] [O], [W] et [F] [K]-[O].

Il résulte du décès de M. [I] [O] survenu le [Date décès 5] 2021 que la présente action, qui présente un caractère transmissible, doit être reprise par les héritiers de celui-ci. A ce titre, il est établi par les pièces communiquées (pièces 21 à 25 des intimés) que Mme [O] née [X], sa veuve, et ses trois enfants sont les héritiers de l'intéressé et qu'ils ont donc intérêt et qualité pour venir en ses lieux et place en application de l'article 554 du code de procédure civile.

L'intervention volontaire des trois enfants précités sera donc déclarée recevable.

II Sur les conséquences de la nullité des contrats en date du 19 janvier 2016.

La société appelante entend, si la nullité des contrats en date du 19 janvier 2016 était prononcée, que l'emprunteur n'en soit pas moins condamné à lui rembourser le montant du capital emprunté, indépendamment de ce que les fonds aient été adressés initialement au vendeur.

Elle estime en effet n'avoir commis aucune faute lors de la libération des fonds, disant ne pas avoir à vérifier la mise en service de l'installation, notamment l'obtention des autorisations administratives en ce sens, faute d'engagement contractuel en ce sens.

Elle en déduit n'avoir commis aucune faute, ce d'autant qu'elle n'a libéré les fonds qu'au vu d'une attestation de livraison qui justifie selon elle la mise en service du matériel. Elle avance que les panneaux livrés ont été mis en service entre la conclusion du contrat du 19 janvier 2016 et l'attestation de livraison signée le 10 février suivant. Elle ajoute que ce dernier document permet de présumer la mise en service de l'installation concernée et que si le matériel ne fonctionne pas, il appartient à la partie intimée de l'établir, sans qu'il soit opéré un inversement de la charge de la preuve, afin d'éviter que les emprunteurs conservent un matériel en parfait état de fonctionnement sans débourser la moindre contrepartie.

Sur la question du contrôle par ses soins de la régularité formelle du bon de commande, elle considère que la cour doit apprécier in concreto cette régularité, notamment en ce que si le bon de commande présente l'apparence de la régularité, elle ne peut être considérée comme ayant commis une faute. Lors du présent litige, elle remarque que les caractéristiques essentielles de l'installation et les délais d'exécution de la prestation étaient précisés, que le bordereau de rétractation était présent. Elle admet que les articles reproduits dans les conditions générales n'étaient plus en vigueur, mais qu'il ne lui appartenait pas de vérifier ce point.

De même, elle affirme que la dispense de règlement du capital emprunté par l'emprunteur exige que celui-ci établisse en plus d'une faute de la part du prêteur un préjudice et un lien de causalité entre ces deux éléments. A ce propos, elle dénonce le fait que les consorts [O] n'ont jamais déclaré leur créance, que le vendeur a fait l'objet d'une radiation au registre du commerce et des sociétés, ce qui implique qu'aucune restitution du matériel n'est possible, que celui-ci va être conservé par les intéressés et qu'il n'existe donc aucun préjudice à leur détriment.

Le fait que la partie intimée soit dans l'impossibilité de recouvrer le prix de vente et d'obtenir la désinstallation du matériel au titre de cette même liquidation ne constitue pas à ses yeux un préjudice en ce que l'installation a été mise en service, que la situation n'était pas prévisible lors de la conclusion du contrat et en ce que ce préjudice n'a pas de lien direct et certain avec la faute invoquée à son encontre.

De surcroît, elle note qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un dysfonctionnement du matériel livré, ni d'une promesse du vendeur sur la rentabilité de l'installation, préjudice qui ne lui est pas opposable, faute pour ce dernier élément d'être entré dans le champ contractuel et alors qu'elle n'a fait que financer l'opération.

Les consorts [O] relèvent en premier lieu que la société appelante n'a pas formé appel de la nullité prononcée par le premier juge, mais seulement de la privation de la société Cofidis de sa créance en restitution du capital prêté à leur encontre et de sa condamnation à rembourser les mensualités versées par la décision attaquée.

Ils soutiennent qu'il incombe à cet organisme prêteur de vérifier la régularité du contrat de vente lors de l'octroi du crédit et de vérifier l'attestation de travaux lors du déblocage des fonds.

Ils se prévalent de ce que le premier juge a retenu des manquements de la part de leur adversaire à ces deux occasions. Ils observent que la société Cofidis était représentée par la société vendeuse, du fait du mandat conclu entre les deux sociétés, et qu'elle avait donc une parfaite connaissance des vices affectant le bon de commande, ce qui fonde sa faute en la matière, notamment au vu du bordereau de rétractation irrégulier.

Il ne peut exister à leurs yeux d'apparence de régularité en ce qu'il existe au titre de ce mandat une interdépendance entre les contrats de vente et de crédit affecté, ce entre deux professionnels.

Ils en tirent par conséquent une obligation de vérification par la société Cofidis de la régularité formelle du contrat de vente, notamment au titre de ses obligations à l'égard de son client consommateur. Ils dénoncent ainsi une irrégularité flagrante en ce qu'il est mentionné un exercice du droit de rétractation dans un délai de 14 jours à compter de la signature du contrat principal, alors que ce délai ne commençait qu'avec la réception de l'installation, convainquant le client du caractère définitif de la commande avant la date effective.

Ils dénoncent en outre le fait que ces insuffisances étaient facilement détectables par l'appelante, professionnelle de la distribution des crédits affectés et partenaire régulier des sociétés spécialisées dans la vente et la pose de centrales photovoltaïques.

En outre, ils se prévalent de ce que la délivrance de l'attestation de livraison et d'installation est étrangère à l'obligation de vérification de la régularité du contrat de vente par le prêteur, ce type de document n'exonérant pas ce dernier de ses obligations.

Arguant de l'article L.311-31 du code de la consommation applicable, ils soulignent que les obligations de l'emprunteur n'ont pris effet qu'à compter de la fourniture de la prestation et que le prêteur a délivré les fonds sans vérifier que le contrat principal a été complètement exécuté, ce qui constitue une faute de sa part de nature à le priver de sa créance de restitution du capital prêté.

En effet, ils allèguent que l'attestation de livraison n'a pas permis au prêteur de se convaincre de l'exécution pleine et entière du contrat d'installation de la centrale photovoltaïque, celle-ci ne fonctionnant pas, alors même que les fonds ont été libérés.

Ainsi, ils expliquent que le raccordement au réseau électrique doit être exécuté avant la libération des fonds et qu'à défaut la faute de la société prêteuse est établie. Ils notent que l'attestation du 10 février 2016 s'intitule 'attestation de livraison et d'installation' ce qui permettait de croire au client qu'elle était relative à la pose des panneaux, mais non à la fin des travaux, ce d'autant qu'aucune réserve n'est possible, ne constitue pas une attestation d'achèvement de travaux, ni un procès-verbal de réception, faute d'inclure le raccordement au réseau d'EDF, pourtant inclus dans la prestation principale.

La remise des fonds s'est donc opérée selon leurs dires au vu d'une attestation omettant de mentionner la nature de la prestation effectuée, excluant dans les faits les démarches administratives à réaliser, qui n'avaient d'ailleurs pas été initiées le jour de sa signature.

Ils soulignent que les prestations allant jusqu'au raccordement ont été prévues au contrat, sont effectuée par EDF suite au mandat donné en ce sens à l'installateur, dont l'intervention se poursuit à ce titre, mais qui n'a jamais été exécuté, empêchant toute revente d'électricité.

Ils estiment que la date rapprochée entre l'attestation de livraison du 10 février 2016 et la signature du bon de commande le 19 janvier 2016 aurait dû conduire l'établissement bancaire à s'interroger, notamment vu les délais nécessaires pour un raccordement au réseau EDF, la souscription du contrat de rachat auprès de cette dernière et l'intervention du consuel qui seraient de plusieurs mois.

Ils précisent que la faute adverse a eu pour conséquence non seulement de permettre une installation inachevée, mais également de faire commencer l'exécution du crédit sans bénéficier de la prestation convenue.

Sur la question du préjudice subi, ils avancent que le contrat de prêt n'a pu se réaliser que du fait des irrégularités non relevées par le prêteur et l'absence de raccordement entraîne non seulement un manque au titre de l'opération de raccordement, mais également une absence de revenus au titre de l'opération pour les 20 années à venir qui auraient pu permettre la rentabilisation de l'opération, ce d'autant plus que la société Sungold, installatrice, est insolvable. Ils insistent sur le fait qu'ils ne sont plus propriétaires de l'équipement par l'effet de la nullité prononcée, ce qui les empêche de percevoir les revenus théoriques de l'installation si celle-ci était raccordée.

Ils entendent que ces préjudices soient réparés par la privation du prêteur du droit à restitution du capital prêté, faute de réactivité de la banque et au vu de ses défaillances multiples.

S'agissant du lien de causalité, ils observent que la banque, de par les fautes alléguées à son encontre, est à l'origine de leur préjudice, à savoir l'existence d'une installation dysfonctionnelle et inutile. Ils en déduisent ne pas être tenus au remboursement du prêt accordé dans le but d'obtenir une installation censée produire de l'énergie et qui n'est pas raccordée au réseau électrique.

***

Selon l'article L.311-32 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté 'est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vu duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé'.

Les contrats de vente et les contrats de prêts étant interdépendants, la nullité du contrat principal prive de cause le contrat de prêt affecté et il convient en conséquence d'ordonner la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de ces conventions.

La cour constate en premier lieu que la société appelante n'a pas remis en cause, tant lors de ses demandes que lors de son argumentation, la nullité du contrat de vente prononcée par le premier juge.

Il s'ensuit que celle-ci est donc définitive, tout comme la motivation du jugement attaqué sur ce point.

Il ressort du bon de commande en date du 19 janvier 2016 que, contrairement aux affirmations de la société appelante, la société vendeuse avait inclus dans ses prestations non seulement le raccordement de l'installation photovoltaïque fournie et installée par ses soins, mais également l'ensemble des démarches administratives permettant un tel raccordement (pièce 2 des intimés, pièce 1 de l'appelante). En revanche, il sera observé que le contrat de financement souscrit le même jour comportait à ce titre une erreur quant au bien financé, les fonds couvrant totalement le prix de la prestation objet du contrat principal, mais ne concernant que des 'panneaux photovoltaïques' (pièce 2 de l'appelante, pièce 3 des intimés).

Or, la société Cofidis ne pouvait ignorer qu'elle ne finançait pas seulement la pose et l'installation de panneaux photovoltaïques, mais bien la fourniture et le raccordement d'une centrale photovoltaïque. Dès lors, elle ne pouvait davantage ignorer que la mise en service d'une telle installation nécessite non seulement un certain nombre de démarches administratives, mais également un contrat de rachat d'électricité de la part de la société EDF. Mieux, il n'est requis aucune compétence particulière à l'égard du prêteur afin de lui permettre de vérifier l'existence d'un contrat de revente entre son client et la société EDF, la société Cofidis ayant la possibilité, avant de débloquer les fonds, de réclamer la copie d'une telle convention émanant au surplus d'un tiers.

A ce titre, l'attestation signée par M. [I] [O] le 10 février 2016, en ce qu'elle mentionne 'Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés. En conséquence, je demande à COFIDIS de bien vouloir procéder au décaissement de ce crédit et d'en verser le montant directement entre les mains de la société Sungold' est insuffisante à rapporter la preuve, qui incombe à la partie devant réaliser la prestation, que celle-ci a été effectuée.

Or, en ce qu'il est fourni un devis de frais de raccordement et un contrat de raccordement, dont rien ne justifie qu'ils aient été effectivement réalisés, en date des 8 et 28 mars 2016 auprès d'une autre société prestataire (pièces 10 et 11 des intimés), il ne sera pas retenu que la prestation de raccordement pourtant prévue ait été réalisée, sans qu'il puisse être opposé d'inversion de la preuve. De même, en l'absence d'une prestation complète de la part du fournisseur, la partie appelante ne peut soutenir que la contrepartie, y compris au titre de la production d'énergie pourtant prévue en son principe par le fournisseur, ait été fournie.

Dès lors, en libérant les fonds dès le 22 février 2016 sans vérifications suffisantes, la société Cofidis a nécessairement commis une faute.

De plus, il est exact que le contrat principal de vente ne mentionnait pas les textes applicables du code de la consommation, quand bien même ceux-ci avaient été modifiés près de deux ans auparavant.

A ce propos, la société Cofidis ne peut minimiser l'importance de son contrôle, y compris sur le plan formel, du contrat de vente. Surtout, il convient de retenir que le manquement relatif à la date du délai de rétractation, qui a fait partir ce délai à compter de la signature du contrat et non de la réalisation de la prestation, s'agissant d'un élément essentiel du contrat, ne pouvait être ignoré par la société Cofidis grâce à une simple relecture contrat principal, en particulier du fait de sa qualité de professionnel du crédit finançant une telle opération. Il s'agit en effet d'un manquement substantiel à l'obligation concernée sur lequel l'organisme prêteur, en particulier du fait des conséquences sur le déblocage du financement, se devait d'apporter une attention particulière, ce qui n'a pas été le cas en l'absence de reprise de ce point par ses soins.

Cette faute est donc également avérée.

Sur la question du préjudice, il apparaît, comme relevé ci-avant, que l'installation fournie n'a jamais été fonctionnelle en l'absence de raccordement au réseau EDF, cette situation établissant que la prestation promise et financée n'a jamais été exécutée.

Une telle situation, en l'absence d'élément contraire, établit que l'installation, dont la société Cofidis argue de la valeur, est sans utilité, puisque sa fonction n'est pas remplie.

De même, la société prêteuse ne peut se prévaloir de ce que les éléments installés bénéficient aux consorts [O], ceux-ci, par l'effet de la l'annulation prononcée par le premier juge et définitive, voyant leur propriété revenir à la société installatrice. Il n'existe donc pas d'enrichissement sans cause, la question de leur récupération relevant du mandataire ad'hoc désigné à la présente procédure par cette partie.

De même, il sera remarqué que la partie intimée se voit privée du principe de la production électrique qui pourtant était une des contreparties prévues au contrat, ce pour la durée de vie de l'installation.

L'addition de ces deux préjudices ne peut que constituer un dommage d'un montant supérieur à celui du montant du crédit, notamment au vu du coût des éléments installés et de la production électrique prévisible sur 20 ans, et il ne saurait être allégué l'absence de préjudice de la part des intimés.

Enfin, la cour souligne que ce préjudice matériel pour les consorts [O] résulte non seulement du déblocage des fonds sans vérification par l'établissement de crédit du raccordement de l'installation, mais également de son absence de vérification par ses soins de la régularité de l'opération, qui seuls sont à l'origine de la situation rencontrée.

C'est pourquoi, la responsabilité de la société Cofidis sera retenue et cette partie verra sa demande de remboursement du capital prêté à l'égard de la partie intimée rejetée et sera condamnée à rembourser les échéances déjà acquittées par les consorts [O].

La décision attaquée sera donc confirmée de ces chefs.

III Sur les demandes annexes.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, l'équité commande que la société Cofidis soit condamnée à verser à Mme [O] née [X] et à MM. [L] [O], [W] et [F] [K]-[O], ensemble, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la société Cofidis qui succombe au principal, supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS.

La Cour,

REÇOIT l'intervention volontaire de MM. [L] [O], [W] et [F] [K]-[O] ;

CONFIRME la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 20 mai 2021 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Cofidis à verser à Mme [O] née [X] et à MM. [L] [O], [W] et [F] [K]-[O], ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d'appel ;

CONDAMNE la société Cofidis aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/04094
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.04094 ?
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