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11/07/2024 | FRANCE | N°21/03310

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 juillet 2024, 21/03310


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 JUILLET 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03310 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-ME2M







Madame [U] [ZU]





c/



S.A. KEOLIS [Localité 3] METROPOLE

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée aux avoca

ts le :





à :





Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Stéphanie BERTRAND de la SELARL STEPHANIE BERTRAND AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 mai 2021 (R.G. n°F 19/00563) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départa...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 JUILLET 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03310 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-ME2M

Madame [U] [ZU]

c/

S.A. KEOLIS [Localité 3] METROPOLE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Stéphanie BERTRAND de la SELARL STEPHANIE BERTRAND AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 mai 2021 (R.G. n°F 19/00563) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 09 juin 2021.

APPELANTE :

[U] [ZU]

née le 03 Février 1983 à [Localité 4]

de nationalité Française

Profession : Sans emploi, demeurant [Adresse 2]

Représentée et assistée par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA Keolis [Localité 3] Métropole, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

Représentée par Me Stéphanie BERTRAND de la SELARL STEPHANIE BERTRAND AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée de Me AMIOT substituant Me Stéphanie BERTRAND

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 mai 2024 en audience publique, devant Madame Marie-Paule Menu, présidente chargée d'instruire l'affaire, et madame Valérie Collet, conseillère qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Valérie Collet, conseillère,

greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCÉDURE

Selon un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 16 janvier 2014 au 30 septembre 2014, la SA Kéolis [Localité 3] Métropole a engagé Mme [U] [ZU] en qualité de vérificateur de perception (VP).

Le procureur de la République ayant émis un avis défavorable pour la délivrance d'un agrément nécessaire à l'exercice des fonctions de VP, la société Kéolis [Localité 3] Métropole et Mme [ZU] ont convenu, par avenant du 21 mars 2014, que la salariée serait temporairement affectée sur des missions de Validation Systématique à l'Entrée (VSE) à compter du 18 mars 2014, tout en conservant la qualification de VP.

Le 3 septembre 2014, Mme [ZU] et la société Kéolis [Localité 3] Métropole ont signé un accord portant rupture du contrat de travail à compter du 9 septembre 2014.

Selon contrat de professionnalisation signé le 12 septembre 2014, la société Kéolis [Localité 3] Métropole a engagé Mme [ZU] en qualité d'ouvrier du 26 septembre 2014 au 23 juin 2015 visant à permettre à la salariée d'obtenir le titre professionnel de conducteur routier interurbain, transport de voyageurs.

À compter du 5 septembre 2016, Mme [ZU] a été employée par la société Kéolis [Localité 3] Métropole en qualité de conducteur receveur-vérificateur de perception (CR-VP).

Le 30 novembre 2016, le médecin du travail a déclaré Mme [ZU] apte au poste de VP avec contre-indication au poste de CR pendant 3 mois.

Suivant avenant du 2 décembre 2016, Mme [ZU] a été affectée au poste de VP pour une durée de 3 mois à compter du 4 décembre 2016. Elle a ensuite réintégré son poste de CR-VP.

Le 02 juin 2017, Mme [ZU] a été victime d'un accident du travail.

Le 02 mai 2018, à l'issue d'une visite de reprise, le médecin du travail l'a déclarée inapte au poste de CR-VP mais apte à un poste sans conduite ni port de charges supérieures à 20kg, ni posture bras levés au-dessus des épaules.

Le 25 mai 2018, Mme [ZU] a eu un entretien avec le service recrutement de la société Kéolis [Localité 3] Métropole.

Le 19 juillet 2018, la société Kéolis [Localité 3] Métropole a proposé à Mme [ZU], dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, un poste d'agent d'information et de vente niveau 2, à temps partiel.

Par mail du 1er août 2018, la société Kéolis [Localité 3] Métropole a envoyé à Mme [ZU] un avenant à son contrat de travail visant à l'affecter, à compter du 1er août 2018, sur un poste d'agent d'information et de vente au sein de la Direction marketing commerciale et intermodalité.

La société Kéolis [Localité 3] Métropole a renvoyé, les 10 et 18 décembre 2018, à Mme [ZU], la proposition de reclassement, tout en lui signifiant qu'à défaut d'acceptation sous huitaine, il serait considéré qu'elle refuse cette proposition.

Le 1er février 2019, la société Kéolis [Localité 3] Métropole a notifié à Mme [ZU] son licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [ZU] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, le 10 avril 2019, afin de le voir déclarer dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement d'indemnités au titre de la rupture du contrat de travail ainsi que des rappels de salaire.

Le conseil de prud'hommes de Bordeaux, présidé par le juge départiteur, a, par un jugement du 4 mai 2021 :

-condamné la société Kéolis [Localité 3] Métropole à payer à Mme [ZU] des rappels de salaire à hauteur de 8 657,63 euros brut outre une somme de 865,57 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2019,

- rejeté le surplus des demandes de Mme [ZU],

- fixé à 2 171,24 euros brut la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [ZU],

- condamné la société Kéolis [Localité 3] Métropole aux dépens et à payer à Mme [ZU] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 9 juin 2021, Mme [ZU] a interjeté appel du jugement, par voie électronique, en ce qu'il a fixé à 2 171,24 euros brut la moyenne brute de ses trois derniers mois de salaire et en ce qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 avril 2024.

Par conclusions notifiées le 16 avril 2024, Mme [ZU] sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture.

Le 13 mai 2024, avant l'ouverture des débats, l'ordonnance de clôture a été révoquée, à la demande et en accord avec les parties, la clôture de la mise en état étant fixée au 13 mai 2024. Les parties ont ensuite plaidé l'affaire.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées le 16 avril 2024, par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Mme [ZU] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses autres demandes et a fixé à

2 171,24 euros brut la moyenne de ses trois derniers mois de salaire,

Statuant à nouveau, de :

-condamner la société Kéolis [Localité 3] Métropole à lui payer les sommes suivantes,

* 30 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 472,37 euros à titre d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière,

* 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Kéolis [Localité 3] Métropole aux dépens,

- juger que les intérêts porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Se fondant sur les dispositions des articles L.1226-10 et L.1226-12 du code du travail, elle fait valoir que son employeur a manifestement méconnu les règles relatives au reclassement préalable du salarié inapte à la suite d'un accident du travail. Elle soutient que son employeur a manqué à son obligation de recherche loyale et sérieuse d'un poste de reclassement. Elle estime que la proposition qui lui a été faite n'était pas aussi comparable que possible à l'emploi qu'elle occupait précédemment, qu'un temps partiel lui a été proposé alors qu'elle travaillait à temps complet et que la société Kéolis [Localité 3] Métropole s'est contentée d'une seule proposition qu'elle a refusée avant de la licencier. Elle conteste avoir accepté expressément la proposition qui lui a été faite, soulignant que sa situation financière précaire ne lui permettait pas de l'accepter. Elle affirme avoir été déstabilisée par la perspective de perdre son emploi à temps plein et qu'elle a dû être placée en arrêt de travail dès le 23 juillet 2018, pour syndrome anxio-dépressif réactionnel.

Elle ajoute qu'elle a été relancée pendant son arrêt maladie par son employeur et que bien qu'affaiblie, elle a fini par accepter, le 27 juillet 2018, un 'poste de Cit' distinct de l'intitulé du poste visé dans la proposition. Elle considère qu'elle n'avait donc pas à retourner l'avenant signé puisqu'il n'était pas conforme à ce qu'elle avait compris. Elle fait valoir que son employeur n'a pas cherché d'autre possibilité de reclassement et a écarté certains postes ouverts au recrutement sans aucun motif et alors qu'elle avait déposé des candidatures spontanées qui sont toutes restées infructueuses. Elle considère qu'il existait des possibilités de reclassement. Elle déclare qu'aucun bilan de ses compétences n'a été fait en 2018, qu'il n'est pas démontré que les salariés qui occupent les postes litigieux sont munis des diplômes et formations requises et que des formations ont été envisagées. Elle insiste sur le fait qu'il existait plusieurs postes d'AIV disponibles dont certains en contrat à durée indéterminée à temps complet qui ne lui ont pas été proposés. Elle indique que rien ne démontre que le poste qui lui a été proposé avait vocation à être transformé en un poste à temps complet. Elle en conclut que l'employeur a fait preuve de déloyauté dans la procédure de recherche de reclassement.

Elle fait également valoir que son employeur n'a pas procédé à la moindre recherche de reclassement au sein du groupe après le mois de mai 2018 et en toute hypothèse, pas de façon contemporaine au licenciement intervenu le 1er février 2019, rappelant que l'impossibilité de reclassement s'apprécie au moment du licenciement. Elle met en avant le fait que le médecin du travail n'a pas été ré-interrogé et que les délégués du personnel n'ont pas été reconsultés depuis juillet 2018. Elle ajoute que l'employeur ne justifie ni avoir convoqué tous les délégués du personnel pour la réunion du 18 juillet 2018 ni leur avoir fourni toutes les informations nécessaires.

Elle estime que le montant des dommages et intérêts qui doit lui être accordé ne saurait être inférieur à 6 mois de salaire compte tenu du fait qu'elle a été licenciée à 35 ans, qu'en raison des séquelles de son accident du travail, elle est limitée pour retrouver un emploi, qu'elle comptait plus de 4 ans d'ancienneté au jour de son licenciement, que son salaire moyen s'élevait à 2 475,37 euros brut, qu'elle s'est retrouvée bénéficiaire du RSA à hauteur de 751,33 euros à compter du 1er mai 2019, qu'elle a été placée en arrêt de travail à compter du 14 mai 2019, qu'elle a deux enfants à charge qu'elle assume seule et qu'ainsi la perte de son emploi est source d'un préjudice moral important et d'un préjudice financier considérable puisqu'elle a été contrainte de déposer un dossier de surendettement.

Se fondant sur les dispositions de l'article L.1226-12 du code du travail, elle soutient que son employeur ne justifie pas avoir procédé à la notification écrite des motifs justifiant de l'impossibilité de reclassement, préalablement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement. Elle en conclut que la procédure de licenciement est irrégulière puisqu'elle a été privée de la possibilité de contester les motifs de son licenciement et de parvenir à un reclassement. Elle estime devoir bénéficier, à ce titre, d'une indemnité équivalente à un mois de salaire.

Par conclusions notifiées, le 03 novembre 2021, par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Kéolis [Localité 3] Métropole demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé à 2 171,24 euros brut la moyenne des trois derniers mois de salaire et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens et à payer à Mme [ZU] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau, de:

- fixer à 2 141,59 euros brut la moyenne des douze derniers mois de salaire de Mme [ZU],

- débouter Mme [ZU] de ses demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause, de :

- condamner Mme [ZU] aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient avoir respecté les dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail dans la mesure où elle a recherché effectivement un poste de reclassement en interne mais également auprès de toutes les entreprises du groupe situées sur le territoire national. Elle ajoute que la majorité des postes existants nécessitaient de la conduite, de la manutention ou de lever les bras au-dessus des épaules. Elle fait valoir qu'elle a bloqué un poste vacant pendant 8 mois afin d'assurer le reclassement de Mme [ZU], dans l'attente de la fin de son arrêt de travail et ce malgré le silence de la salariée. Elle précise que les délégués du personnel ont été convoqués par mail du 4 juillet 2018 à une réunion de consultation du 18 juillet 2018, que les délégués du personnel ont bénéficié des informations leur permettant d'être valablement consultés et que si l'un de délégués du personnel suppléant ne figure pas dans le mail du 4 juillet 2018, le syndicat de ce délégué était représenté par deux délégués du personnel le jour de la consultation. Elle en conclut que les délégués du personnel ont été régulièrement consultés et que l'absence de convocation d'un délégué suppléant n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la consultation du 18 juillet 2018.

Elle prétend avoir entrepris des recherches sérieuses et loyales de reclassement en y associant la salariée, afin de trouver la solution la plus adaptée à sa situation et à ses souhaits avant de cibler les postes pouvant lui être proposés tant en interne qu'au sein du groupe et en étudiant les candidatures spontanées de Mme [ZU]. Elle ajoute qu'une proposition de reclassement a été formulée à plusieurs reprises à la salariée, que l'emploi proposée répondait à tous les critères, que Mme [ZU] avait postulé aux fonctions d'AIV le 5 juillet 2018, qu'elle a accepté ledit reclassement le 27 juillet 2018 et qu'il avait été indiqué à la salariée que cet emploi pouvait potentiellement devenir un emploi à temps complet. Elle ajoute que si certains AIV sont à temps complet, ils ont été embauchés initialement à temps partiel. Elle en conclut avoir satisfait à son obligation de reclassement, insistant sur le fait qu'elle a patienté, en vain, de longs mois pour que Mme [ZU] régularise l'avenant proposé.

Elle dément avoir exercé une quelconque pression sur la salariée pour obtenir son accord et fait observer que Mme [ZU], qui n'a jamais refusé expressément le poste d'AIV avant son entretien préalable, a entretenu volontairement le doute pour gagner du temps et trouver une solution de repli.

Elle affirme que Mme [ZU] ne pouvait ignorer les motifs s'opposant à son reclassement puisque c'est pour échapper à son licenciement que la salariée est restée volontairement silencieuse pendant de longs mois. Elle rappelle que Mme [ZU] ne justifie d'aucun préjudice découlant de l'irrégularité alléguée de la procédure. Elle met également en avant le fait que l'indemnité prévue à l'article L.1226-15 du code du travail englobe nécessairement la demande en paiement de l'indemnité pour inobservation de la procédure de sorte que Mme [ZU] ne peut pas cumuler deux indemnités.

Elle déclare que la rémunération moyenne de Mme [ZU], avant son accident du travail, s'élevait sur les 12 derniers mois à 2 141,59 euros brut alors que sur les 3 derniers mois, il n'était que de 2 118,80 euros brut.

Subsidiairement, elle fait valoir que le montant correspondant à 6 mois de salaire s'élève à 12 849,54 euros et non pas à 14 834,22 euros et que Mme [ZU] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice justifiant l'octroi d'une indemnité à hauteur de 30 000 euros représentant 14 mois de salaire, soulignant que la situation financière et personnelle de la salariée était compliquée avant de perdre son emploi. Elle précise que Mme [ZU] a bénéficié d'un complément de salaire aux indemnités journalières de sécurité sociale et rappelle qu'une proposition de reclassement lui a été faite.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article L.1226-10 du code du travail, en vigueur au moment de la déclaration d'inaptitude de Mme [ZU] :

'Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.'

La cour précise qu'il n'est pas contesté, qu'il a été fait application des mesures transitoires prévues dans l'ordonnance instaurant le comité social et économique, et que ce sont les délégués du personnel, maintenus transitoirement, qui ont été 'consultés', à défaut de mise en place de ce comité social et économique.

La consultation préalable des délégués du personnel dans le cadre des dispositions de l'article L. 1226-10 constitue une formalité substantielle, dont l'omission est sanctionnée conformément à l'alinéa 3 de l'article L.1226-15 du code du travail, qui prévoit qu'en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1 du même code, soit une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Il est en outre constant que la demande d'indemnité sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail inclut nécessairement la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement (soc. 8 juillet 2003, n°01-43.394).

Si la loi n'impose aucune forme particulière, l'employeur doit procéder à une consultation et recueillir l'avis des représentants du personnel quant au reclassement d'un salarié déclaré inapte. Il appartient également à l'employeur de fournir aux délégués du personnel toutes les informations utiles au reclassement et de rapporter la preuve de la régularité de la consultation des délégués du personnel.

En l'espèce, la cour observe que la société Kéolis [Localité 3] Métropole, qui ne produit pas les procès-verbaux des élections des délégués du personnel, produit néanmoins:

- un mail adressé le 4 juillet 2018 à :

- M. [D] [G],

- M. [T] [R],

- M. [M] [C],

- M. [LY] [S],

- CFTC,

- M. [HA] [F],

- Mme [BH] [K],

- M. [XD] [L],

- M. '[XC]' [I],

- M. [J] [SE],

- M. [UR] [W],

- M. [H] [Y],

- Mme [ZT] [E],

- M. [BX] [P],

- M. [Z] [UP],

- M. [JN] [EL],

- M. [N] [OO],

- M. [MB] [UO],

- M. [SD] [GY],

- M. [SB] [JM],

- Mme [GZ] [BG],

- M. [SC] [ZR],

- M. [OP] [XF],

- Mme [ON] [EK],

- M. [M] [SA],

- M. [ZS] [MC],

- M. [X] [BI],

- M. [A] [BW],

- Mme [JO] [SF],

- M. [SC] [GX],

- M. [OM] [LZ],

- M. [SD] [BZ],

- 'gauthiergs',

ayant pour objet 'Réunion DP mercredi 18 juillet à 13h' et comportant, en pièce jointe, la convocation à cette réunion sur laquelle il était indiqué 'lors de cette séance, vous serez consultés sur le reclassement suite à inaptitude de Madame [ZU] [U]' et à laquelle étaient joints : l'avis du médecin du travail du 2 mai 2018, un mail du 4 mai 2018 adressé à diverses personnes par la direction des ressources humaines portant demande de poste de reclassement au sein 'de vos entreprises', un mail du 4 mai 2018 adressé à d'autres personnes par la direction des ressources humaines portant demande d'un poste de reclassement 'au sein de votre direction' (sans autre précision), un document intitulé 'demande de reclassement d'un salarié déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail au sein du groupe Kéolis', le CV de Mme [ZU], le compte-rendu d'entretien avec le service recrutement du 25 mai 2018, la fiche de poste d'AIV, la réponse de M. [BY] [XE] (chargé de missions RH. Direction Régionale Ouest) du 18 mai 2018 proposant 3 postes, la réponse du 30 mai 2018 du médecin du travail indiquant que le poste d'agent d'exploitation proposé par M. [MA] était incompatible avec l'état de santé de Mme [ZU],

- le compte-rendu de 'consultation des délégués du personnel - inaptitude d'origine professionnelle - réunion des DP du 18 juillet 2018', dans lequel il est rappelé:

- l'identité de la salariée et son dernier poste,

- un récapitulatif synthétisé de la carrière de Mme [ZU] au sein de la société Kéolis [Localité 3] Métropole,

- l'avis du médecin du médecin du 2 mai 2018,

- l'entretien du 25 mai 2018,

- les recherches dans l'entreprise initiées le 4 mai 2018 ayant fait apparaître des postes qui 'ne sont pas accessibles en termes de qualification, compétences et expériences et/ou ne sont pas compatibles avec les préconisations du médecin du travail',

- les appels à candidature diffusés postérieurement à l'entretien du 25 mai 2018 qui 'ne sont pas accessibles en termes de qualification, compétences et expériences et/ou ne sont pas compatibles avec les préconisations du médecin du travail',

- le compte-rendu d'un entretien ayant eu lieu le 6 juillet 2018 avec Mme [ZU] pour étudier la possibilité du poste d'AIV Espaces,

- les recherches initiées le 4 mai 2018 au sein du groupe Kéolis,

- la mobilité limitée à [Localité 3] indiquée par la salariée,

- l'absence de compatibilité des 34 réponses reçues de la part du groupe avec les qualifications, compétences, expériences, la mobilité ou les préconisations du médecin du travail,

- le reclassement envisagé sur le poste d'AIV niveau 2 à temps partiel de 70%,

- la feuille de présence des délégués du personnel à la réunion du 18 juillet 2018 qui laisse apparaître que:

- sur les 14 délégués titulaires, 9 étaient présents [Mme [ON] [EK] (FO), M. [OM] [JL] (FO), M. [BX] [P] (CFTC), M. [SD] [BZ] (CFTC), M. [J] [V] (CGT), M. [SB] [JM] (CGT), M. [Z] [UP] (CGT), M. [N] [OO] (SNTU CFDT) et M. [ZS] [MC] (CFE-CGC)] tandis que 5 étaient absents [Mme [ZT] [E] (FO), M. [M] [SA] (CFTC), M. [XD] [L] (SNTU CFDT), M. [A] [BW] (FO) et M. [SC] [GX] (FO)],

- sur les 13 délégués suppléants, 7 étaient présents [M. [D] [G] (FO), M. [H] [Y] (FO), M. [SD] [GY] (CFTC), M. [LY] [S] (CFTC), M. [X] [BI] (CGT), M. [HA] [F] (CGT), M. [M] [C] (SNTU CFDT)] tandis que 6 étaient absents [Mme [BH] [K] (FO), M. [T] [R] (FO), Mme [JO] [EM] (CGT), M. [M] [O] (SNTU CFDT), M. [SC] [ZR] (FO) et M.[SC] [EJ] [I] (CFE-CGC)],

- sur 5 représentants syndicaux, 4 étaient présents [M. [UR] [W] (FO), M. [JN] [EL] (CFE CGC), Mme [GZ] [BG] (CGT), M. [MB] [UO] (CFTC)] et un était absent [M. [OP] [XF] (SNTU CFDT)],

- la feuille de consultation des délégués du personnel mentionnant 'consultation sur le reclassement de Mme [B] [ZU] (inaptitude d'origine professionnelle) - Avis: 14 favorables ; 0 défavorable ; 0 abstention' suivie de la 'signature des délégués du personnel' dont il résulte, par comparaison avec l'émargement de la feuille de présence que :

- les 9 délégués titulaires présents ont signé,

- 5 délégués titulaires parmi les 7 présents ont signé, à savoir M. [G] [D] (FO), M. [H] [Y] (FO), M. [GY] [SD] (CFTC), M. [S] [LY] (CGT), et M. [C] [M] (SNTU CFDT).

Ces éléments permettent de retenir que :

- la société Kéolis [Localité 3] Métropole, bien que non tenue de procéder à une réunion collective pour consulter les délégués du personnel dans le cadre de l'article L.1226-10 précité, a néanmoins décidé de convoquer, par mail, tous les délégués du personnel titulaires et tous les délégués du personnel suppléants sauf un, à savoir M. [M] [O], dont il n'est, en outre, pas établi qu'il a été destinataire des informations relatives au reclassement de Mme [ZU],

- dans la mesure où tous les délégués du personnel titulaires n'étaient pas présents, la société Kéolis [Localité 3] Métropole a procédé, concomitamment, à la consultation des délégués du personnel suppléants, et ce malgré l'absence de M. [O], non convoqué,

- il importe peu que deux représentants du syndicat de M. [O] aient été consultés le 18 juillet 2018, dès lors d'une part, que la régularité de la consultation des délégués du personnel constitue une formalité substantielle et, d'autre part, qu'il apparaît que 2 délégués titulaires CFTC et 2 délégués suppléants CFTC ont voté alors qu'il n'y avait que 3 délégués titulaires CFTC élus et que l'employeur ne justifie pas que les règles relatives à l'ordre de remplacement des titulaires par des suppléants ont été respectées et alors encore que, sur la feuille de présence, M. [O] est mentionné avant M. [C], représentant le même syndicat en qualité de suppléant, de sorte qu'il ne peut être exclu que M. [O], s'il avait été régulièrement convoqué et informé, aurait pu émettre un avis consultatif à la place de M. [C] voire à la place d'un suppléant CFTC.

Il existe donc une irrégularité dans la consultation des délégués du personnel ayant eu lieu le 18 juillet 2019 qui rend le licenciement de Mme [ZU] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, compte tenu de l'âge de la salariée au jour de son licenciement (35 ans) et du fait qu'elle a perçu des indemnités journalières jusqu'au 12 novembre 2018 puis du 10 décembre 2018 au 22 janvier 2019, qu'elle a ensuite perçu l'allocation de retour à l'emploi, qu'elle a retrouvé un emploi depuis le 10 octobre 2022, qu'elle perçoit dans ce cadre un salaire brut minimum de 1 655,94 euros outre 'les éléments de rémunération prévus par l'annexe VIII de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité', qu'elle ne justifie pas de difficultés financières causées par la perte de son emploi auprès de la société Kéolis [Localité 3] Métropole, cette dernière est condamnée à lui payer une somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts, qui est supérieure aux 6 derniers mois de salaire précédents son arrêt de travail, en réparation de ses préjudices financiers et moraux. Le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté Mme [ZU] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'indemnité allouée à Mme [ZU], sur le fondement de l'article L.1226-15 du code du travail, inclut nécessairement la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de notifier par écrit les motifs s'opposant au reclassement de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette prétention de manière distincte.

Il n'y a par ailleurs pas lieu d'infirmer le chef du jugement qui a fixé à la somme de

2 171,24 euros brut la moyenne des trois derniers mois de salaire dès lors que Mme [ZU] se contente de solliciter l'infirmation sans formuler de demande afférente et que la société Kéolis [Localité 3] Métropole sollicite la fixation d'une somme calculée sur la base des 12 derniers mois alors que l'article R.1454-28 du code du travail n'impose la fixation d'une moyenne des salaires calculée, uniquement, pour les nécessités de l'exécution provisoire, sur les trois derniers mois de salaire.

Compte tenu de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Kéolis [Localité 3] Métropole aux dépens et à payer à Mme [ZU] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Kéolis [Localité 3] Métropole, qui succombe à hauteur d'appel, doit en supporter les dépens et voir rejeter sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il serait enfin inéquitable de laisser supporter à Mme [ZU] l'intégralité des frais exposés pour obtenir gain de cause de sorte que la société Kéolis [Localité 3] Métropole est condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 4 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a débouté Mme [U] [ZU] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Le confirme pour le surplus de ses dispositions déférées à la cour,

Statuant à nouveau sur le chef du jugement infirmé,

Condamne la SA Kéolis [Localité 3] Métropole à payer à Mme [U] [ZU] la somme de 16 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,

Y ajoutant,

Condamne la SA Kéolis [Localité 3] Métropole aux dépens d'appel,

Condamne la SA Kéolis [Localité 3] Métropole à payer à Mme [U] [ZU] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel,

Déboute la SA Kéolis [Localité 3] Métropole de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Valérie Collet, conseillère, en l'absence de Marie-Paule Menu, présidente empêchée, et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps V. Collet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 21/03310
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.03310 ?
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