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11/07/2024 | FRANCE | N°21/02822

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 juillet 2024, 21/02822


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 11JUILLET 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02822 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDSH













Monsieur [L] [I]



c/

S.A.S. FROMAGERIE DE [Localité 4]





















Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée au

x avocats le :

à :

Me Didier LE MARREC de la SELAS DIXI, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Marie-Andrée PERROGON, avocat au barreau de LIBOURNE



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 avril 2021 (R.G. n°F 20/00040) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Co...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11JUILLET 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02822 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDSH

Monsieur [L] [I]

c/

S.A.S. FROMAGERIE DE [Localité 4]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Me Didier LE MARREC de la SELAS DIXI, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Marie-Andrée PERROGON, avocat au barreau de LIBOURNE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 avril 2021 (R.G. n°F 20/00040) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 17 mai 2021,

APPELANT :

[L] [I]

né le 18 Juin 1963 à [Localité 3]

de nationalité Française

Profession : Employé(e) de vente, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Didier LE MARREC de la SELAS DIXI, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Gautier MORRIS

INTIMÉE :

SAS Fromagerie de [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Andrée PERROGON, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 avril 2024 en audience publique, devant Monsieur Eric Veyssière, président chargé d'instruire l'affaire, et madame Valérie Collet, conseillère, qui ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Valérie Collet, conseillère,

greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

Exposé du litige

Selon un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 01 juillet 2016, la société Fromagerie de [Localité 4] (la société) qui exploite une épicerie a engagé M. [I] en qualité d'employé de vente. Ce dernier a démissionné de ses fonctions en février 2018 avant d'être de nouveau engagé avec la société en vertu d'un contrat à durée déterminée débutant le 01 mars 2018 et prenant fin le 31 octobre 2018 pour une amplitude de travail de 35 heures par semaine, soit 1225 heures au total.

La relation de travail est soumise à la convention collective nationale du commerce de détail alimentaire.

Il a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne le 25 mars 2020 aux fins de réclamer le paiement d'heures supplémentaires.

En l'absence de conciliation des parties, le conseil de prud'hommes de Libourne a, par un jugement en date du 09 avril 2021 :

-jugé que le recours au contrat saisonnier est justifié,

-débouté M. [I] de l'intégralité de ses demandes,

-condamné la société à verser à M. [I] la somme de 439,80 euros brut, et 43,98 euros de congés payés afférents au titre de la revalorisation de son taux horaire pour la période de mars 2017 à février 2018,

-condamné la société aux dépens et à verser à M. [I] la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 17 mai 2021, M. [I] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 20 avril 2022, M. [I] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

-juger que le recours à un contrat saisonnier à durée déterminée est interdit,

-requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée,

-juger la rupture de la relation de travail comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-juger que ses fonctions correspondaient à celles de chef de magasin, cadre de niveau 7 de la convention collective commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers,

-constater que la société s'est rendu coupable de travail dissimulé,

En conséquence,

-condamner la société à lui verser les sommes suivantes,

*3442,22 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

*3442,22 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

*10.326,66 euros au titre de l'indemnité de préavis, et 1032,66 euros au titre des congés payés afférents à cette période,

*2005,09 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

*12.047,77 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*13.322,5 euros au titre de la revalorisation de sa qualification professionnelle, et 1332,25 euros au titre des congés payés afférents pour la période de mars 2017 à février 2018,

*4552 euros au titre de la revalorisation de sa qualification professionnelle, et 455,2 euros de congés payés pour la période de mars 2018 à octobre 2018,

*6752,03 euros au titre de rappel de salaire, et 675,20 euros au titre des congés payés afférents pour la période de mars 2017 à février 2018,

*5918,08 euros au titre de rappel de salaire, et 591,80 euros au titre des congés payés afférents pour la période de mars 2018 à octobre 2018,

*2732,29 euros au titre de l'indemnité de repos compensateur, et 103,13 euros de congés payés afférents,

*20.653,32 euros au titre l'indemnité pour travail dissimulé,

*2101,50 euros au titre du préjudice distinct né de la minoration de ses allocations chomage,

A titre subsidiaire si la cour d'appel ne devait pas revaloriser sa qualification professionnelle,

-condamner la société à lui verser les sommes suivantes,

*2693,56 euros au titre de l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

*2693,56 euros au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

*5387,12 au titre de l'indemnité de préavis, et 538,71 euros de congés payés afférents,

*1568,99 au titre de l'indemnité de licenciement,

*9427,46 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*439,80 euros au titre de la revalorisation de son taux horaire, et 43,98 euros de congés payés afférents,

*2194,27 euros de paiement des heures supplémentaires, et 219,42 euros de congés payés afférents pour la période de mars 2017 à février 2018,

*4630,30 euros de paiement des heures supplémentaires, et 463,03 euros de congés payés afférents pour la période de mars 2018 à octobre 2018,

*1597,98 euros au titre de l'indemnité de repos compensateur, et 159,79 euros de congés payés afférents pour la période de mars 2017 à février 2018,

*807,15 euros au titre de l'indemnité de repos compensateur, et 80,7 euros de congés payés afférents pour la période de mars 2018 à octobre 2018,

*16.161,36 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

*954,82 euros au titre du préjudice distinct né de la minoration de allocations chomage de M. [I],

En tout état de cause,

-débouter la société de ses demandes,

-condamner la société à verser à M. [I] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 20 octobre 2021, la société demande à la cour de :

-déclarer la société recevable en ses demandes et bien fondée

-confirmer partiellement le jugement sauf :

*en ce qu'il a condamné la société, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M.[I] la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

*en ce qu'il a débouté la société de l'intégralité de ses demandes,

*en ce qu'il a condamné la société aux dépens.

-juger qu'il y a lieu de :

*condamner M. [I] à verser à la société, prise en la personne de son représentant légal, la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

*condamner M. [I] aux entiers dépens des première et seconde instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience du 08 avril 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

Motifs de la décision

Sur la demande de classification en qualité de cadre

La qualification professionnelle d'un salarié s'apprécie en considération des fonctions qu'il remplit effectivement au sein de l'entreprise, cette appréciation devant se faire par ailleurs au regard de la classification conventionnelle applicable à la relation contractuelle de travail entre les parties.

M. [I] sollicite la reclassification de son emploi d'employé de vente de niveau 1B en celui de chef de magasin de niveau 7, statut cadre, faisant valoir, à cet égard, qu'il gérait seul le magasin et assurait à ce titre la gestion des stocks, la gestion comptable et financière de l'entreprise et l'encadrement des salariés embauchés pendant la saison estivale.

Selon l'avenant n° 40 du 5 octobre 2000 de la convention collective du commerce de détail alimentaire, l'emploi N 1 B d'employé de vente dans lequel était classé M. [I] correspond à un emploi qui requiert un minimum de connaissances professionnelles, niveau CAP professionnel.

L'emploi de chef de magasin classé N 7, statut cadre, implique, outre les qualités requises au niveau agent de maîtrise, la responsabilité totale dans la mission qui lui est confiée et qu'il exerce dans une entreprise d'au moins 5 salariés. Sa position se situe au-dessus des agents de maîtrise lesquels doivent être titulaires d'un bac professionnel et avoir deux ans de fonctions.

En l'espèce, s'il résulte des pièces du dossier que M. [I] était seul, hormis pendant la période estivale, à tenir l'épicerie et qu'il assurait l'approvisionnement et la gestion du stock et les opérations bancaires et comptables courantes, l'employeur justifie par des échanges de courriels qu'il exerçait ses tâches sous la supervision à distance de M. [Y], le gérant de l'entreprise, de sorte qu'il ne peut valablement prétendre exercer la responsabilité totale de la mission qui lui était confiée, étant observé, de surcroît, que M.[I], diplomé en architecture et décorateur de profession, n'avait aucune expérience dans le commerce de détail alimentaire et n'a travaillé qu'un peu plus de deux ans dans cet emploi. Enfin, il ne peut être déduit de l'encadrement d'un travailleur saisonnier pendant les 4 mois de la saison estivale qu'il a dirigé 5 salariés ainsi qu'exigé par la convention collective.

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de classification au niveau N 7.

Sur la demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires

Il résulte des articles L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande de rappel de salaires pour heures supplémentaires, M. [I] produit les éléments suivants :

- un document manuscrit et un tableau récapitulatif des heures supplémentaires effectuées d'avril 2017 à octobre 2018,

- une mise en demeure à l'employeur en date du 27 juin 2019 lui demandant de régler les heures supplémentaires,

- les courriels adressés à l'employeur mensuellement sur les heures de travail réalisées,

- un tableau de correspondance entre les heures d'embauche et de débauche et les tickets de caisse.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Sur les heures supplémentaires durant la période du contrat à durée indéterminée (mars 2017 à février 2018)

L'employeur se prévaut des dispositions de la convention collective qui prévoient à l'article 4-1 la possibilité d'un régime d'équivalence pour les personnels affectés à la vente qui permet d'établir un rapport d'équivalence à 42h54 de présence pour 39 heures de travail effectif.

M. [I] conteste la possibilité de lui appliquer un régime d'équivalence puisqu'il avait d'autres attributions que la vente.

Mais, dés lors que la Cour a retenu que les attributions du salarié étaient, conformément à la convention collective, celles d'employé de vente, il y a lieu de considérer que le régime d'équivalence lui était applicable. C'est d'ailleurs ce que prévoit le contrat à durée indéterminée conclu le 30 juin 2016 qui stipule que 42 heures de présence correspondent à 39 heures de travail effectif.

Cette donnée étant prise en compte, force est de constater, par ailleurs, que d'une part, l'employeur rémunérait une partie des heures supplémentaires sous la forme de frais professionnels ainsi que cela ressort de la lecture des bulletins de paie et des échanges de courriels entre le comptable et le salarié et d'autre part, qu'il n'existait pas de dispositif de contrôle du temps de travail, sachant que les heures de fermeture du magasin variaient entre 18h et 20h.

Au vu de ces éléments, il sera fait droit aux demandes de rappels de salaires dans la limite de 327 heures supplémentaires majorées à 25%, soit la somme de 3952 euros, outre les congés payés afférents.

Sur les heures supplémentaires durant la période du contrat à durée déterminée (mars à octobre 2018)

La Cour retient, comme pour la période précédente, le système du régime d'équivalence au regard de la continuité de la relation de travail ; il s'ensuit que le rappel de salaires dû au titre des heures supplémentaires sera basé sur un volume de 183 heures majorées à 25%, soit la somme de 2317 euros, outre les congés payés afférents.

Toutefois, le salarié reconnaît dans ses écritures qu'il convient de soustraire du montant des heures supplémentaires allouées la somme de 4230,77 euros réglée par l'employeur de sorte que, par compensation, il sera alloué la somme de 2038,23 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la contre partie obligatoire en repos

Selon l'article L3121-38 du code du travail dans sa version applicable au litige, à défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

En application de l'article D 3121-19 du code du travail, la contre partie obligatoire en repos est assimilée à une période de travail effectif pour le calcul des droits du salarié. Elle donne lieu à une indemnisation qui n'entraîne aucune diminution de rémunération par rapport à celle que le salarié aurait perçue s'il avait accompli son travail.

La convention collective applicable fixe à 150 heures le contingent annuel des heures supplémentaires au-delà duquel s'ouvre le droit à la contrepartie obligatoire sous forme de repos.

En l'espèce, le contingent annuel a été dépassé sur la seule année 2018 à raison de 33 heures.

Il est dû, en conséquence, au salarié, à ce titre, la somme de 556 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, il résulte des pièces du dossier et en particulier des échanges de courriels entre l'employeur, le salarié et le comptable qu'une partie des heures supplémentaires était réglée sous la forme de frais professionnels ; cette pratique dont l'employeur est l'initiateur et qui ressort également des mentions figurant sur les bulletins de paie caractérise l'intention de se soustraire aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales.

L'infraction de travail dissimulée étant établie, M. [I] peut prétendre à l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 8223-1 du code du travail, soit la somme de 12.285 euros.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Au terme de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L. 1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère dont les contrats saisonniers.

Le contrat de travail à durée déterminée ne peut comporter qu'un seul motif. Le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s'apprécie au jour de sa conclusion.

En application de l'article L 1245-1, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L 1242-1 à L 1242-4.

En l'espèce, M. [I] a été engagé le 1er juillet 2016 en contrat à durée indéterminée en qualité d'employé de vente dans l'épicerie-fromagerie dont le gérant était M. [Y].

Par courrier du 22 janvier 2018, il a démissionné de son poste et a exécuté un mois de préavis.

Le 19 février 2018, il a adressé à l'employeur un courrier portant à sa connaissance que l'offre d'emploi qu'il avait acceptée venait d'être annulée et qu'il était, dés lors, disponible pour le poste dont il venait de démissionner.

Un contrat à durée déterminée saisonnier a alors été conclu entre les parties pour la période du 1er mars au 31octobre 2018 avec des attributions identiques à celles exercées dans le cadre du contrat à durée indéterminée.

Selon l'article L 1242-2, 3° du code du travail, les emplois à caractère saisonnier s'entendent des emplois dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou par accord collectif, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Faisant valoir que le village de [Localité 4] est un site touristique dont l'activité est en croissance sur la période de mars à novembre, l'employeur soutient que le caractère saisonnier de l'emploi de M. [I] est établi.

Mais, force est de constater que la relation de travail débutée par un contrat à durée indéterminée s'est poursuivie, sans quasi aucune interruption après sa rupture, par le contrat à durée déterminée dans un emploi identique d'employé de vente dans un commerce alimentaire ouvert toute l'année et dont il est nullement prouvé que son activité corrélée à la saison touristique printemps-automne justifie le recours à un emploi temporaire, étant observé que M. [I] était le seul salarié de l'entreprise.

Il se déduit de ces constatations que l'embauche de M. [I] en contrat à durée déterminée avait pour objet et pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise de sorte que la qualification du dit contrat en contrat à durée indéterminée est encourue.

En application de l'article L. 1245-2, alinéa 2, du code du travail, la requalification ouvre droit à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois du dernier salaire perçu avant la saisine de la juridiction.

Il sera, en conséquence, alloué au salarié la somme de 2047,52 euros à titre d'indemnité de requalification.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la rupture du contrat de travail

En raison de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la rupture du contrat à durée déterminée pour survenance du terme s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit au versement d'une indemnité compensatrice de préavis dont le montant s'élève, en l'espèce, à un mois de salaire, soit la somme de 2047,52 euros, outre les congés payés afférents ainsi qu'à une indemnité de licenciement de 1192 euros.

Il sera, par ailleurs, alloué au salarié sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail, la somme de 500 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure et licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur les autres demandes

M. [I] sera débouté de sa demande d'indemnité pour le préjudice distinct résultant d'une diminution de ses indemnités chômage dés lors que la Cour n'a pas fait droit à sa demande de reclassification de son emploi.

Sur ce point, le jugement sera confirmé.

La société, partie perdante, supportera la charge des dépens et sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [I] au titre de la classification de son emploi et au titre d'un préjudice distinct,

statuant à nouveau sur les points infirmés,

requalifie le contrat à durée déterminée de M. [I] en contrat à durée indéterminée,

condamne la société La Fromagerie de [Localité 4] à payer M. [I] les sommes suivantes:

- 2047,52 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 2047,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

- 1192 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 500 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement et licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2038,23 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et les congés payés afférents,

- 556 euros à titre d'indemnité pour la contre partie en repos obligatoire,

- 12.285 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Y ajoutant

condamne la société La Fromagerie de [Localité 4] aux dépens et à payer M. [I] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 21/02822
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.02822 ?
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