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11/07/2024 | FRANCE | N°21/02143

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, 21/02143


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 11 juillet 2024



(Rédacteur : Alain DESALBRES, Conseiller)



N° RG 21/02143 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBTK

















Monsieur [I] [A]





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Monsieur [D] [P]

Monsieur [N] [Y]

















Nature de la décision : AU FOND







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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 février 2021 par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX (R.G. 19/04371) suivant déclaration d'appel du 12 avril 2021







APPELANT :



Monsieur [I] [A]

né le 25 Mai 1979 à [Localité 4]

de nationalité ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 11 juillet 2024

(Rédacteur : Alain DESALBRES, Conseiller)

N° RG 21/02143 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBTK

Monsieur [I] [A]

c/

Monsieur [D] [P]

Monsieur [N] [Y]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 février 2021 par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX (R.G. 19/04371) suivant déclaration d'appel du 12 avril 2021

APPELANT :

Monsieur [I] [A]

né le 25 Mai 1979 à [Localité 4]

de nationalité Française

Profession : Artisan, demeurant [Adresse 3] / FRANCE

Représenté par Me Laurent PARAY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [D] [P]

né le 29 Mars 1985 à [Localité 5]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [N] [Y]

exerçant sous l'enseigne commerciale ATPP l'Autoprop', immatriculée au RCS de Pontoise sous le n° 453 369 548

né le 02 Mars 1967 à [Localité 6]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

assistée par Me Anguerrand COLOMBET, Richer & Associés Droit Public, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le mandat confié le 1er juillet 2018 par M. [D] [P] à M. [N] [Y], professionnel des voitures de collection agissant en tant que gérant de la société ATPP, portait sur l'opération suivante : 'Rechercher, négocier, acheter pour mon compte le véhicule de collection suivant et en prendre livraison :

- Marque : Maserati

- Modèle : Indy

- Version 4,2 L

- Etat : Matching numbers'.

Cette dernière expression en langue anglaise signifie que le numéro du châssis et du moteur sont identiques.

Le 18 septembre 2018, Monsieur [I] [A] a vendu à distance à la société ATPP, pour un montant de 50.000 euros, un véhicule de marque Maserati, modèle Indy de 1969 immatriculé [Immatriculation 8].

L'automobile a été récupérée au domicile de M. [A] le 25 septembre 2018, .

Estimant que le véhicule ne présentait pas les caractéristiques attendues, M. [Y] a mis en demeure à plusieurs reprises M. [A] de lui rembourser le prix de la vente en échange de sa restitution.

A défaut d'accord, le mandataire a fait procéder au cours du mois de décembre 2018 à une expertise amiable non contradictoire.

Le rapport de M. [W], expert agréé en automobile de collection, a été rendu le 26 novembre 2018. Il indique que l'appellation 'matching numbers' ne pouvait être retenue pour le véhicule litigieux.

Monsieur [Y] a procédé à une nouvelle expertise auprès de la société Classic Auto Expert qui a rendu son rapport le 22 mai 2020.

Par acte du 25 avril 2019, M. [P] et M. [Y] ont assigné M. [A] devant le tribunal judiciaire de Bordeaux afin d'obtenir le prononcé de la nullité de la vente, à titre principal pour dol et à titre subsidiaire pour défaut de délivrance conforme, outre sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Le jugement rendu le 2 février 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- déclaré recevable la demande de M. [D] [P],

- prononcé la résolution du contrat de vente conclu le 18 septembre 2018 entre M. [A] et M. [Y],

- condamné M. [A] :

- à payer à M. [Y] la somme de 50 000 euros assortie des intérêts légaux à compter du 21 décembre 2018,

- à venir récupérer le véhicule Maserati dans les locaux de la société ATPP situés au [Adresse 1],

- à rembourser à M. [Y] les frais de transport du véhicule s'élevant à 750 euros,

- à payer à M. [P] la somme de 1 000 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule stationné dans les locaux de la société ATPP à [Localité 7] (95),

- ordonné à M. [Y] de restituer à M. [A] le véhicule après réception du paiement de la somme de 50.000 euros,

- débouté M. [P] et M. [Y] de leurs demandes en indemnisation du préjudice moral,

- condamné M. [A] à payer une somme de 800 euros à M. [P] et une somme de 800 euros à M. [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [I] [A] aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour fonder sa décision, le tribunal a notamment retenu que :

- M. [P] justifie avoir mandaté M. [Y] pour l'acquisition du véhicule qui se trouve toujours stationné chez lui de sorte qu'il a un intérêt à agir pour obtenir la nullité de la vente ;

- le numéro d'identification du moteur a été meulé ;

- l'expert a relevé que le moteur n'était pas d'origine ;

- l'existence d'un défaut de concordance entre le numéro du moteur et celui du châssis est avérée ;

- l'ensemble de ces éléments démontre que véhicule litigieux ne présente pas la caractéristique 'matching numbers' ;

- si le comportement dolosif du vendeur n'est pas suffisamment caractérisé, celui-ci a failli à son obligation de délivrance conforme de sorte que la résolution de la vente doit être ordonnée.

Par déclaration électronique du 12 avril 2021, M. [A] a interjeté appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions du 30 novembre 2021, M. [A] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et fondé en son appel,

- réformer le jugement déféré,

- débouter messieurs [Y] et [P] de leur demande de résolution de la vente,

- condamner dans ces conditions M. [Y] à lui payer la somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018,

- le condamner à :

- venir récupérer, à ses frais, le véhicule dont il s'agit à son domicile dans le mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 250 euros par jour de retard passé ce délai,

- lui payer la somme de 750 euros au titre du remboursement des frais de transport ainsi qu'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre du remboursement des frais de gardiennage ainsi qu'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner messieurs [Y] et [P] aux dépens y compris les frais de constat de Me [B], huissier de justice.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 21 décembre 2021, messieurs [P] et [Y] demandent à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule pour défaut de conformité,

A titre subsidiaire :

- prononcer la nullité de la vente pour dol commis par M. [A],

A titre infiniment subsidiaire :

- prononcer la nullité de la vente pour l'erreur sur la qualité substantielle de la chose se rapportant à l'absence de caractère « matching numbers » du véhicule,

En toutes hypothèses :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré recevable la demande du mandant,

- prononcé la résolution du contrat de vente conclu le 18 septembre 2018,

- condamné l'appelant à :

- payer à M. [Y] la somme de 50.000 euros assortie des intérêts à compter du 21 décembre 2018,

- venir récupérer le véhicule Maserati dans les locaux de la société ATPP situés au [Adresse 1],

- rembourser à M. [Y] les frais de transport du véhicule s'élevant à 750 euros,

- ordonné à M. [Y] de restituer à M. [A] le véhicule après réception du paiement de la somme de 50 000 euros,

- condamné l'appelant à payer à chacun d'entre eux la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [A] aux entiers dépens.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- a condamné M. [A] à payer à M. [P] la somme de 1.000 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule stationné dans les locaux de la société ATPP à [Localité 7] (95),

- les a déboutés de leur demande en indemnisation du préjudice moral,

Et statuant à nouveau :

- condamner l'appelant à payer à M. [P] la somme de 600 euros par mois au titre du stationnement du véhicule dans les locaux de la société ATPP, à compter du 4 octobre 2018 jusqu'à la récupération du véhicule par celui-ci le 23 avril 2021, soit 18.619,26 euros TTC,

- condamner M. [A] à leur payer la somme de 2.000 euros à chacun, au titre de leur préjudice moral,

Y ajoutant :

- condamner M. [A] à leur payer une somme de 2.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2024.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En cause d'appel, la qualité et l'intérêt à agir de M. [P] ne sont plus remises en cause par M. [A].

Sur la résolution de la vente

Aux termes de l'article 1604 du code civil, tout vendeur d'une chose est tenu d'une obligation de délivrance conforme.

Les échanges de messages entre les différentes parties au présent litige permettent de constater que le vendeur avait connaissance de ce que le véritable acquéreur était M. [P] et ce même si l'acte de vente précise que le véhicule a été acquis par la société dirigée par M. [Y].

Ainsi, répondant par SMS le 15 septembre 2018 à diverses questions formulées par M. [P], M. [A] lui a apporté des précisions quant au modèle et lui a clairement indiqué que le véhicule de marque Maserati était bien 'Matching numbers'.

Cette dernière caractéristique est donc bien rentrée dans le champ contractuel et constituait un élément essentiel du contrat.

Le rapport d'expertise amiable réalisé par le cabinet Delicourt indique que la partie arrière du bloc moteur et le numéro du moteur ont été meulés. Il ajoute que le numéro d'identification du moteur ne correspond pas à celui qui avait été apposé à l'origine.

Cette situation est également attestée à la lecture du constat dressé le 22 avril 2021 par maître [B], commissaire de justice mandaté par l'appelant. Son rédacteur a constaté, après avoir soulevé le capot de l'engin, que le bloc moteur comporte 'une zone abrasée à la manière caractéristique d'un meulage de numéro'.

Le meulage du numéro du moteur est enfin confirmé par le concessionnaire Maserati dans son courriel du 23 octobre 2018.

L'appelant reconnaît que le véhicule ne présente pas la caractéristique de 'matching numbers'. Il estime cependant que la simple ouverture du capot moteur permettait aisément à M. [Y], en sa qualité d'acquéreur professionnel, de se rendre compte du meulage du numéro du moteur et donc de la possible absence de cette spécificité. Soutenant que la non-conformité était dès lors apparente lors de la prise de possession de l'engin, il considère que la négligence fautive du mandataire purge la vente de tout défaut de conformité de sorte que celui-ci et M. [P] ne sont plus fondés en leur action justifiée par les dispositions de l'article 1604 précité.

Cette argumentation ne saurait être retenue ;

Certes, la jurisprudence a parfois admis que l'acheteur, qui n'a pas émis de réserve lors de la réception, et qui, après avoir eu la chose à sa disposition, se plaint du défaut des qualités de celle-ci, pourra voir l'action en résolution déclarée irrecevable dans la mesure où il est présumé avoir implicitement accepté la chose vendue en l'état.

Cependant, l'obligation pour le vendeur de remettre à l'acquéreur un bien conforme aux spécificités annoncées et attendues du bien se distingue de celle portant sur la délivrance d'un bien dépourvu de tout vice caché où son caractère apparent lors de la vente exonère celui-ci de toute responsabilité vis à vis de l'acquéreur.

Il convient surtout de rappeler que la vente a été réalisée à distance et que le représentant de la société ATPP n'est venu prendre possession du véhicule qu'une semaine après la date de conclusion de la transaction. L'acquéreur, préalablement rassuré par les indications fournies par le vendeur via notamment les photographies qui ne permettaient pas de constater l'effacement du numéro d'identification du moteur, ne pouvait donc réaliser des investigations sur cet organe à la date de la vente.

De plus, il sera rappelé que la bonne foi du vendeur ne constitue pas une cause exonératoire de sa responsabilité sur le fondement de l'article 1604 précité de sorte que les développements de M. [A] sur ce point ne sont pas probants.

La recherche du numéro d'identification du moteur nécessite des investigations spécifiques, de sorte qu'elle n'est pas aisément détectable d'un simple regard comme le confirme le rapport du cabinet Classic Auto qui vient contredire le constat d'huissier précité qui mentionne que ''Etant à la hauteur de l'aile avant droite de l'automobile, ce meulage est directement accessible à la vue sans avoir besoin d'éclairage ni même de se pencher'.

Il sera enfin observé que les pièces versées aux débats démontrent que l'appelant, qui certes peut être qualifié de vendeur profane, disposait de connaissances étendues sur les véhicules de collection et a revendu l'automobile de marque Maserati moins d'un mois après son acquisition par le biais d'une vente aux enchères. Or le catalogue de présentation rédigé à cette occasion par le commissaire priseur fournit un grand nombre d'éléments de nature technique sur cet engin mais ne précise à aucun moment qu'il présentait la caractéristique 'matching numbers'.

Ces éléments ne peuvent que motiver la résolution de la vente pour absence de délivrance conforme. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ainsi que sur les modalités de la restitution de l'automobile contre celle du montant de la transaction et pour ce qui concerne le montant des frais de transport du véhicule.

Sur les demandes indemnitaires complémentaires de M. [P] et de M. [Y]

Pour ce qui concerne les frais de gardiennage, le premier juge a justement apprécié leur montant au regard des pièces produites par les intimés, étant observé qu'en raison de l'exécution provisoire du jugement déféré et donc de la restitution du véhicule au vendeur, il n'est pas acquis que M. [P] a continué à acquitter une dépense à ce titre postérieurement au 23 septembre 2021.

M. [P] et M. [Y] ne justifient d'aucune atteinte à leur honneur ou leur considération. En conséquence, la décision entreprise ayant rejeté leur demande au titre du préjudice moral sera confirmée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Outre la somme mise à la charge de M. [A] en première instance, il y a lieu en cause d'appel de le condamner au versement à M. [P] et M. [Y], ensemble, d'une indemnité complémentaire de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 février 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Y ajoutant ;

- Rejette la demande d'indemnisation présentée par M. [D] [P] et M. [N] [Y] à l'encontre de M. [I] [A] au titre de l'indemnisation de frais de gardiennage pour la période postérieure à la date du prononcé du jugement de première instance.

- Condamne M. [I] [A] à verser à M. [D] [P] et M. [N] [Y], ensemble, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

- Condamne M. [I] [A] au paiement des dépens d'appel.

La présente décision a été signée par Monsieur Jacques BOUDY, président, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/02143
Date de la décision : 11/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-11;21.02143 ?
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