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10/07/2024 | FRANCE | N°21/05800

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 juillet 2024, 21/05800


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/05800 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-ML6Z















Association ARPAVIE



c/



Madame [X] [C]

















Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 octobre 2021 (R.G. n°F 20/00045) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 22 octobre 2021,





APPELANTE :

Association Arpavie, agissant en la personne de son représ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/05800 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-ML6Z

Association ARPAVIE

c/

Madame [X] [C]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 octobre 2021 (R.G. n°F 20/00045) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 22 octobre 2021,

APPELANTE :

Association Arpavie, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 3]

représentée par Me Claire COLOMBEL de la SELARL JURIS, avocat au barreau de PARIS substituant Me Vivien BLUM de la SELARL JURIS, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

Madame [X] [C]

née le 13 Décembre 1963 à [Localité 6] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Patrick HOEPFFNER de la SELARL HOEPFFNER, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [X] [C], née en 1963, a été engagée en qualité d'aide soignante par l'association Arepa aux droits de laquelle vient l'association Arpavie suite à un traité de fusion du 30 juin 2016, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 décembre 2008. Mme [C] travaillait de nuit.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des établissements de soins du 31 octobre 1951.

Le 1er octobre 2019, l'association Arpavie a notifié une mise à pied conservatoire à Mme [C].

Par lettre datée du 3 octobre 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 23 octobre suivant.

Mme [C] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 13 novembre 2019 (actes de maltraitance envers des résidents, non-respect des missions d'aide-soignante, comportement inadapté envers les résidents).

A la date du licenciement, elle avait une ancienneté de dix ans et onze mois, et l'association occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par courrier du 7 janvier 2020, Mme [C] a contesté le bienfondé de son licenciement.

Le 27 février 2020, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.

Par jugement rendu le 7 octobre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné l'association Arpavie prise en la personne de son représentant légal à verser à Mme [C] les sommes suivantes :

* 6.399,86 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 4.517,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 2.930,66 euros à titre de rappels de salaire sur mise à pied conservatoire,

- rappelé que ces sommes sont assorties de plein droit de l'exécution provisoire conformément à l'article R.1454-28 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, cette moyenne étant de 2.258,77 euros,

* 13.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les intérêts légaux courent à compter du prononcé de la décision pour l'ensemble du jugement,

- condamné l'association Arpavie, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [C] 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la rectification de l'attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 21ème jour suivant la notification de la décision et ce pendant 2 mois,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- condamné l'association Arpavie à rembourser à France Travail les indemnités chômages versées à Mme [C] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,

- mis la totalité des dépens à la charge de l'association Arpavie,

- rappelé que sur présentation d'une copie exécutoire de la présente décision, les frais éventuels d'exécution forcée seront à la charge du débiteur dans les limites des dispositions de l'article L.118 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution.

Par déclaration du 22 octobre 2021, l'association Arpavie a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 juin 2022, l'association Arpavie demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême du 7 octobre 2021 en ce qu'il a :

* dit que le licenciement de Mme [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à lui verser les sommes suivantes :

- 6.399,86 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 4.517,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.930,66 euros à titre de rappels de salaire sur mise à pied conservatoire,

- 13.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné la rectification de l'attestation France Travail sous astreinte, se réservant la liquidation de l'astreinte,

* condamné l'association à rembourser à France Travail les indemnités chômages versées à Mme [C] du jour de son licenciement au jour du prononcé du présent jugement dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,

* mis la totalité des dépens à sa charge,

Statuant à nouveau,

- dire que le licenciement de Mme [C] pour faute grave est justifié,

Subsidiairement,

- dire qu'il a une cause réelle et sérieuse et infirmer la décision en ce qu'elle l'a condamnée à payer à Mme [C] une somme de 13.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- débouter Mme [C] de son appel incident.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 mars 2022, Mme [C] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 7 octobre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Angoulême en ce qu'il a :

* dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

* condamné l'association Arpavie à lui verser les sommes suivantes :

- 6.399,86 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 4.517,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.930,66 euros à titre de rappels de salaire sur mise à pied conservatoire,

- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné à l'association Arpavie de rectifier l'attestation France Travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 21ème jour suivant la notification de la décision et ce pendant 2 mois et s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- le réformer en ce qu'il a fixé à 13.500 euros le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau,

- condamner l'association Arpavie à lui verser la somme de 23.717,09 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- subsidiairement, le confirmer aussi en ce qu'il a fixé à 13.500 euros le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter l'association Arpavie de ses demandes,

- lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association Arpavie aux dépens.

La médiation proposée aux parties le 20 décembre 2023 par le conseiller de la mise en état n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 13 novembre 2019 est ainsi libellée :

'Madame,

Vous travaillez en qualité d'aide-soignante de nuit au sein de la résidence '[5]' à [Localité 4] de l'association ARPAVIE, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en date du 12/12/2008.

Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 23/10/2019 au sein de la résidence '[5]' située [Adresse 2] et pour lequel nous vous avions convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3/10/2019. Vous vous êtes présentée à cet entretien accompagnée de Madame [W] [N], aide-soignante et déléguée du personnel suppléante au sein de la Résidence de [Localité 4].

Les faits qui vous ont été exposés lors de l'entretien et qui sont reprochés sont les suivants:

Quatre professionnels titulaires et vacataires (un aide-soignant et 3 agents de soins) nous ont signalé à votre égard des actes de maltraitance à l'encontre des résidents de l'établissement.

Le 27 septembre 2019, des faits de maltraitance active envers des résidents nous ont été signalé s:

- La nuit du 2 au 3 juillet 2019, lors d'un change vous avez giflé un résident de l'unité de vie protégé.

Lors de l'entretien, vous avez précisé qu'il ne s 'agissait que d'une 'tape sur la main' et vous avez justifié votre geste en expliquant que le résident vous aurait attrapé la poitrine entraînant un hématome.

A la question 'Pourquoi n'avez-vous pas fait une déclaration d'accident de travail à ce sujet'', vous n'apportez pas de réponse à l'exception de 'je ne savais pas'.

A la question :' Au lieu de répondre par de l'agressivité pourquoi n' avez- vous pas demandé de l'aide à votre binôme qui était avec vous pendant le change '' Vous n'apportez pas de réponse claire mais uniquement 'il est raide et difficile à mobiliser'.

- Aussi, la nuit du 19 septembre 2019 vous avez donné une claque sur les fesses d'une résidente pour la réprimander d'avoir dégrafé sa protection.

Lors de l'entretien vous exprimez que ce n'est pas vrai mais sans étayer votre argumentation.

Nous vous rappelons que la maîtrise de soi et le respect des résidents sont des règles de conduites élémentaires à observer au sein de notre résidence afin d'assurer un accompagnement de qualité.

Vous n'êtes pas sans savoir que nous devons assurer la charge et le bien-être des personnes
âgées, qui sont pour certaines vulnérables et fortement dépendantes.

Nous vous rappelons également que dans le cadre d'une prise en charge difficile d'un résident vous devez faire appel à votre binôme de travail.

Il est de votre mission d'aide-soignante d'être empathique et de travailler en équipe pluridisciplinaire.

De plus, l'incident qui vous aurez causé un hématome aurait dû être tracé dans le logiciel de soins et faire l'objet d'une déclaration d'accident de travail, actions que vous n'avez pas mises en place.

Le 7 octobre 2019 de nouveaux témoignages ont été portés à notre connaissance, pointant de nombreuses négligences et fautes professionnelles, notamment concernant le non-respect de vos missions d'aide-soignante au niveau de l'hygiène

- Refus de changer les résidents souillés la nuit;

- Absence de toilette intime pour les résidents changés (malgré la présence de selles);

- Absence de changement de draps souillés (mise en place d'alèse à la place);

- Non-respect des règles d'hygiène : vous laissez les protections au sol la nuit jusqu'à 4 à 5h dans les couloirs.

Lors de l'entretien, vous avez indiqué à cet égard, que vous ne changiez pas systématiquement
les draps souillés pour que les équipes de jour ne manquent pas de draps, surtout le week-end.
Ce motif ne peut pas être recevable car il y a toujours une réserve de draps qui permet de palier aux aléas.

Pour la toilette intime vous avez précisé le faire quand il a des selles mais pas lorsqu'il y a de l'urine.

Aussi, lors de l'entretien, vous avez reconnu laisser les protections souillées dans le coin de la porte jusqu'à la ronde de 5h. Cette pratique est inacceptable car elle ne respecte pas les règles applicables en matière d'hygiène.

Il a également été établi que vous ne respectiez pas le sommeil des résidents lors de l'entrée dans les chambres Ia nuit. En effet, vous allumez la lumière du plafonnier sans prévenir les résidents de votre entrée, ce qui peut les heurter.

Vous reconnaissez allumer le plafonnier car vous n'y voyez rien. Il existe pourtant d'autres
alternatives moins agressives telles que la lumière de la salle de bain par exemple, utiliser des lampes frontales etc.

Par ailleurs, nous avons également été informés que vous tenez des propos à connotation
sexuelle devant les résidents pendant les changes se traduisant pas des commentaires sur leurs parties génitales et notamment : 'oh elle est grosse celle-là' ou encore 'il ne devait pas faire grand-chose avec cela...'.
Nous avons également été informés que vous faites preuve d'une absence de discrétion
professionnelle et d'un langage totalement inadapté devant les résidents dans vos discours : ' putain elle a encore pissé celle-là'.

Ces propos inadmissibles relèvent d'un manque total de respect envers les résidents, leur dignité et leur intimité.

Enfin, plusieurs autres membres du personnel évoquent également des propos dégradants et dénigrants eu égard à leur fonction d'agent de soins. Ils nous transmettent que vous les limitez dans leurs tâches de travail et particulièrement sur l'écriture des transmissions et sur I'accompagnement des résidents.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu que vous manquez de confiance en vous et que par conséquent vous ne faites pas confiance aux agents de soins. C'est la raison pour laquelle vous ne souhaitez pas qu'ils réalisent les transmissions ou répondent à certaines sonnettes. Vous reconnaissez que c'est une erreur de votre part

Ces faits caractérisent:
- Des actes de maltraitance active physique envers les résidents;

- Un non-respect de vos missions d'aide-soignante, notamment en matière d'application
des règles d'hygiène,
- Un comportement totalement inadapté à l'égard des résidents se traduisant par des paroles déplacées et humiliantes

Votre comportement inapproprié envers nos résidents est contraire à nos principes de
bientraitance applicables dans notre structure et constitue un manquement grave à vos obligations contractuelles.

Nous ne pouvons tolérer un tel manque de professionnalisme.

En conséquence, nous ne sommes pas en mesure d'atténuer la gravité des faits qui vous sont reprochés, ce qui nous amène à vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de rupture. 

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, mentionne trois griefs :

1 - l'employeur reproche à la salariée des actes de maltraitance active physique envers les résidents et verse l'attestation de Mme [L], agent de soins, en date du 27 septembre 2019. Celle ci témoigne avoir vu Mme [C] répondre à un geste involontaire d'un résident sur sa poitrine, lors d'un change à 22h30 dans la nuit du 2 au 3 juillet 2019, en lui donnant une 'gifle sur la joue gauche'. Elle précise 'il a eu un visage fermé, les yeux froncés malgré qui s'exprime par des mots, j'ai pu voir avec l'expression de son visage qu'il a été surpris par ce geste qu'il n'attendait pas recevoir'.

Mme [L] atteste également que le 19 septembre 2019 Mme [C] lui a rapporté être 'passée dans la chambre de Mme [J] vu qu'elle avait encore enlever sa protection, je lui ai mis une claque sur les fesses pour qu'elle comprenne de ne pas le refaire'.

Mme [L] fait part d'un troisième acte de maltraitance, non repris dans la lettre de licenciement, envers la résidente Mme [E], la nuit du 19 au 20 juin 2019, lui ayant indiqué la ramener dans sa chambre, mais qu'après vérification, celle-ci se trouvait sur le sol de sa chambre en pleurs, une chaise tombée par terre.

L'association produit également les transmissions narratives sur les périodes de septembre 2016 à septembre 2019 qui ne font pas état d'incident particulier sur ces nuits. Elle explique l'absence de témoignage des résidents ou de la famille par les fonctions de nuit qu'exerçaient Mme [C], aucune famille n'y étant admise et les résidents n'ayant pas conscience de faits pour les relater ultérieurement.

Mme [C] conteste la réalité des deux faits reproduits dans la lettre de licenciement, confirmant être entrée seule dans la chambre du résident dans la nuit du 2 au 3 juillet 2019 et n'ayant jamais donné de gifle à Mme [J].

S'agissant de Mme [E], Mme [C] en conteste également la réalité, soutenant au contraire avoir attiré l'attention de la direction sur la nécessité d'installer une barrière de lit, comme en atteste la transmission narrative du 19 juin 2019.

Mme [C] produit les attestations de collègues, dont certaines ont quitté l'association, mais qui ont toutes travaillé à ses côtés sur de longues périodes avant 2017 et qui attestent de sa patience, bienveillance et de ce qu'elle n'a jamais eu de paroles ni de gestes déplacés à l'égard des résidents : Mme [G], Mme [A], médecin coordonnateur, Mme [B], Mme [H], agent de soins et Mme [S], aide médico-psychologique.

L'association ne produit que l'attestation d'une collègue, laquelle ne témoigne que d'un seul fait reproché dans la lettre de licenciement, évoquant des propos rapportés uniquement et qui sont contestés. L'association ne démontre pas avoir été informée par Mme [L] des fautes de Mme [C] en amont de la lettre de licenciement, l'attestation étant postérieure, sans qu'il soit opérant de préciser si Mme [L] et Mme [C] rencontraient des difficultés relationnelles.

Par la seule production de ce témoignage contesté et non corroboré par d'autres éléments objectifs, l'association n'établit pas la réalité du grief reproché à Mme [C].

2 - L'employeur reproche le non-respect des missions d'aide-soignante, notamment en matière d'application des règles d'hygiène,

Mme [L] atteste avoir constaté que Mme [C] ne faisait pas les soins nécessaires au moment du changement des protections du matin, laissait traîner les protections de soir dans certaines chambres, ne voulait pas toujours changer les draps quand ils étaient souillés d'urine. 'Elle met une alèse et me dit çava sécher'.

L'association verse également les attestions de :

- Mme [U], aide soignante vacataire, en date du 7 octobre 2019 ayant fait les nuits avec Mme [C] au mois d'avril 2019 aux termes de laquelle elle indique avoir constaté des manquements aux règles d'hygiène avec des changements de protection sans toilette, même en présence de selles, des protections souillées laissées au sol sans emballage et ramassées uniquement au dernier tour de garde entre 4 et 6h du matin, ce que confirme également M. [Y], aide soignant, qui a travaillé une fois avec Mme [C] le 4 décembre 2017.

- Mme [D], agent de soins, en date du 7 octobre 2019, ayant travaillé en binôme avec Mme [C] les nuits des 19, 20 et 21 juillet 2021, décrivant la salariée comme aigre, avec des propos vulgaires dans ses échanges. Elle témoigne de ce qu'elle allume la lumière des chambres sans se soucier du sommeil des résidents et les réveille brusquement, refuse de changer un résident en ayant besoin et ne se soucie pas de leur confort.

Elle produit enfin le courrier de M. [V], infirmer coordonnateur adressé à Mme [C] le 28 décembre 2017, lui faisant part de ce qu'à la fin de ses services, il a constaté que certains résidents ne semblent pas avoir eu les changes prévus, des traces de selles sont présentes sur les draps lors des réalisations de certains changes et des alèses sont parfois posées pour couvrir des tâches d'urine. Il terminait son courrier en lui demandant si elle rencontrait des difficultés lors de ses prises de postes.

Mme [C] a répondu à ce courrier par une note de transmission du même jour, en indiquant que les résidents qui ne sont pas changés ne le nécessitaient pas, les traces de selles étaient déjà là avant son service et confirmait que 'lorsque les tâches d'urine étaient inférieure à une main, elle mettait une alèse verte pour économiser un drap mais il arrive également de trouver le soir des lits souillés d'urine sur lesquelles une alèse a été mise' et précisait faire pour le mieux, mais que les remarques étaient valables aussi pour l'équipe de jour.

Mme [C] conteste les faits qui lui sont reprochés, qui ne sont pas datés et les noms des résidents non précisés. Les faits relatés par l'infirmier coordonnateur n'ont fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire. Elle s'appuie sur les mêmes attestations de collègues qui notent son professionnalisme.

Il ressort des pièces versées que les attestations versées par l'employeur émanent d'agents vacataires ne travaillant plus au sein de l'établissement, qu'ils témoignent de faits non datés et imprécis, faisant toutefois référence à des périodes où ils étaient en binôme avec Mme [C] : une nuit en décembre 2017 pour M. [Y], étant par ailleurs de journée et n'ayant qu'à croiser la salariée lors des relèves les autres jours sur une période non précisée, trois nuits en juillet 2019 pour Mme [D] et huit nuits en avril 2019 pour Mme [U]. S'agissant des mêmes faits décrits, la cour relève qu'ils n'ont donc pas pu se tenir au cours des mêmes nuits et n'ont pas fait l'objet de rapport d'incident ni de transmission nocturne par les aides soignants attestant au soutien de l'employeur.

S'agissant des reproches faits par l'infirmier coordinateur en décembre 2017, l'association ne peut établir que le manque d'hygiène était imputable à Mme [C], celle-ci ayant regretté de trouver les résidents dans la même situation au moment de la prise de son service et n'ayant pas été sanctionnée pour ces faits dont l'employeur avait connaissance par les réponses apportées par la salariée dans le cahier de transmission.

En l'absence d'éléments objectifs venant corroborer les attestations imprécises produites, le grief n'est pas fondé.

3 - L'employeur reproche enfin à Mme [C] un comportement inadapté à l'égard des résidents se traduisant par des paroles déplacées et humiliantes.

L'association se fonde sur les attestations des trois salariés vacataires ci-dessus mentionnés et celle de Mme [L], lesquelles confirment que Mme [C] lui a fait comprendre 'qu'elle n'était qu'agent de soins' par rapport à elle, que la salariée ne parlait pas à Mme [D] pendant son service ni ne répondait à ses questions, ne voulant pas transmettre son savoir- faire.

M. [Y] indique que lors des échanges, son vocabulaire était parfois vulgaire et très orienté sur la sexualité. Mme [U] atteste des propos tenus par Mme [C] sur les commentaires déplacés sur les organes sexuels de certains résident tels que repris dans la lettre de licenciement.

L'association verse le compte rendu de l'évaluation de Mme [C] pour l'année 2018, après entretien du 14 février 2019 et rédigé le 11 avril 2019 avec des mentions ajoutées le 2 mai 2019 et validé le 21 mai 2019. La responsable a noté la volonté de la salariée de poursuivre le travail de nuit, lui proposant une formation sur la bientraitance, la maîtrise des savoirs de base et le travail de nuit. Alors que les différents items n'étaient pas évaluables en raison de l'arrivée récente de l'infirmer coordinateur (IDEC) en novembre 2018, il était noté que Mme [C] ne répondait pas aux attentes sur la participation à l'organisation de l'activité, ayant dénoncé des dysfonctionnements de nuit qui auraient lieu depuis trois ans sans en apporter la preuve.

Mme [C] conteste ces faits, produisant les mêmes attestations de collègues en sa faveur, ainsi qu'une seconde version de l'entretien d'évaluation de 2018 qui reprend en synthèse globale que l'évaluation est favorable et en aucun cas 'ne répond pas aux attentes'.

Elle produit également ses évaluations des années précédentes jusqu'a 2011, dans lequelles n'était notée aucune difficulté, le compte rendu de l'année 2016/2017 relevant au contraire que Mme [C] 'est vigilante aux besoins des résidents le nuit afin de répondre aux mieux à leurs attente', 'travail avec pérennité pour aborder en cas de besoin toute situation d'urgence (ex : décès, chute...), fait preuve d'empathie avec les résidents et attitude calme face aux troubles du comportement'.

La cour relève que l'association produit une version de l'évaluation modifiée de manière plus négative le 2 mai 2019 après les premières appréciations positives renseignées le 11 avril 2019, la synthèse globale 'répond peu aux attentes' n'étant pas cohérente avec les commentaires 'agent de nuit en fonction depuis plusieurs années. Bonne connaissance de l'EHPAD et des résidents.

Au vu des attestations contradictoires versées par chacune des parties,du caractère imprécis, non daté et sans précision du nom des résidents concernés par les fautes reprochées à la salariée et aux versions divergentes de la dernière évaluation professionnelle de la salariée, ce grief n'est pas établi.

L'association conteste la force probante des attestations versées par Mme [C] en ce qu'elles émaneraient de salariées ne travaillant plus au sein de l'établissement au moment des faits entre juillet et septembre 2019, Mme [H] ayant été présente entre avril 2013 et septembre 2014, Mme [B] avant 2016, Mme [A] avant 2017 et Mme [S] n'ayant fait qu'une nuit en janvier 2019.

Toutefois, il ressort du planning récapitulatif produit par l'association que Mme [S] et Mme [H] ont effectué de nombreuses nuits en commun avec Mme [C] entre novembre 2018 et avril 2019 pour la première et entre avril 2013 et septembre 2014 pour la seconde et ont donc une connaissance précise et habituelle de la salariée.

Par ailleurs, les attestations versées par l'association émanent également de salariés vacataires, qui n'ont fait que peu de nuits avec Mme [C], les faits reprochés étant datés de fait par l'employeur des périodes où elles travaillaient en binôme avec elle sans qu'aucune ne précise de date.

Enfin, la lettre de licenciement qui indique que Mme [C] reconnaît les faits n'est accompagné d'aucun compte rendu d'entretien préalable alors qu'elle était assistée d'une salariée et qu'elle a contesté les faits dès le 7 janvier 2020, moins de deux mois après son licenciement.

En l'absence de grief établi, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé.

Sur les demandes financières

Le licenciement étant dénué de cause réelle et sérieuse, Mme [C] est fondée à solliciter le rappel de salaire correspondant à sa mise à pied à titre conservatoire, une indemnité de préavis et les congés payés y afférents, une indemnité de licenciement ainsi qu'une indemnité pour licenciement abusif.

Mme [C] avait une ancienneté de 10 ans et 11 mois à la date de la rupture du contrat de travail. En dernier lieu, sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 2.258,77 euros.

Il convient de confirmer le premier jugement qui a condamné l'association à verser à Mme [C] les sommes suivantes :

- 2.930,66 euros au titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire,

- 4.517,54 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire outre la somme de 451,75 euros à titre de congés payés y afférents,

- 6.399,86 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Au regard de l'ancienneté de Mme [C] au sein de l'association et de l'effectif de celle-ci, l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail est comprise entre 3 et 10,5 mois.

Mme [C] ne produit toutefois aucun élément sur sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et sur les conséquences du licenciement à son égard.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [C], de son âge (56 ans), de son ancienneté, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué à 13.500 euros, correspondant à 5,5 mois la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [C] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes

L'association devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

L'association, qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [C] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Dit que l'association APAVIE devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée,

Condamne l'association APAVIE aux dépens ainsi qu'à verser à Mme [C] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre en première instance,

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/05800
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;21.05800 ?
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