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10/07/2024 | FRANCE | N°21/04692

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 juillet 2024, 21/04692


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/04692 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MI3G













Monsieur [M] [S]-[I]



c/



S.A.S. ETABLISSEMENTS [K]

















Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 juillet 2021 (R.G. n°18/01840) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 13 août 2021,





APPELANT :

Monsieur [M] [S]-[I]

né le 08 Août 1962 à [Localité 4] de nati...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/04692 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MI3G

Monsieur [M] [S]-[I]

c/

S.A.S. ETABLISSEMENTS [K]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 juillet 2021 (R.G. n°18/01840) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 13 août 2021,

APPELANT :

Monsieur [M] [S]-[I]

né le 08 Août 1962 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Emilie VAGNAT de la SELARL EV AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Établissements [K], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 402 713 119 00012

représentée par Me Maryline LE DIMEET de la SELAS LE DIMEET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [M] [S]-[I], né en 1962, a été engagé en qualité de chauffeur poids lourds, à compter du 28 juin 1999, sans contrat de travail par la SAS Etablissements [K], dont l'activité principale est la récupération de métaux, de matériaux et de déchets triés.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie et des commerces de récupération.

M. [S]-[I] s'est porté candidat lors des élections organisées dans le cadre d'une délégation unique du personnel en 2016, mais n'a pas été élu. Il a ensuite été désigné délégué de l'organisation syndicale CGT le 5 janvier 2017.

Au cours de la relation de travail, plusieurs sanctions ont été notifiées à M. [S]-[I], qui les a contestées, à savoir :

- un avertissement le 16 juin 2016,

- un avertissement le 7 juillet 2018,

- un avertissement le 27 février 2020,

- une mise à pied disciplinaire de 8 jours le 26 mai 2020,

- un avertissement le 21 août 2020.

Par courrier du 11 juillet 2016, M. [S]-[I] a dénoncé auprès de son employeur diverses avaries affectant le camion qui lui avait été attribué.

Le 1er décembre 2016, M.[S]-[I], en sa qualité de délégué du syndicat CGT, a dénoncé auprès de l'inspection du travail ses conditions de travail ainsi que la discrimination syndicale dont il se prétendait victime au même titre que son collègue M. [Y].

Par courrier du 26 janvier 2017, l'inspection du travail a interrogé l'employeur sur la justification des sanctions prises à l'encontre notamment de M. [S]-[I] dont la contemporanéité avec l'organisation des élections lui laissait penser à une entrave à la libre désignation des instances représentatives du personnel ainsi qu'à des faits de discrimination syndicale.

Le courrier de réponse de l'employeur du 6 février 2017, n'a appelé aucune observation ou mesure particulière de l'inspection du travail.

Par courrier du 18 juillet 2017, M. [S]-[I] a indiqué à son employeur que son coefficient hiérarchique n'avait pas été réévalué depuis son embauche.

A compter du 1er juillet 2018, une organisation du groupe, constituée de 4 filiales dont la société Etablissements [K] est la société holding, a eu lieu, mettant fin à la délégation unique du personnel après consultation des représentants du personnel.

M. [S]-[I] a été élu membre titulaire du comité social et économique mis en place en décembre 2019 au sein de l'entreprise.

Il a, par la suite, adressé des courriers au procureur de la République et déposé deux plaintes les 20 mai 2020 et 6 janvier 2021 pour harcèlement moral à l'encontre de son employeur, la première ayant été classées sans suite.

À compter du 8 juillet 2021, M. [S]-[I] a été placé en arrêt de travail, jusqu'à un avis d'inaptitude rendu le 1er avril 2022.

Le salarié a ensuite été licencié pour inaptitude non professionnelle par lettre datée du 8 juin 2022, après autorisation de l'inspection du travail qui a relevé que 'la demande d'autorisation de licenciement ne présentait pas de lien avec le mandat exercé par M. [S]-[I]'.

A la date du licenciement, il avait une ancienneté de 22 ans et 11 mois, et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Soutenant avoir été victime de discrimination syndicale, M. [S]-[I] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 3 décembre 2018 afin de solliciter l'annulation des avertissements des 16 juin 2016, 16 juillet 2018, 27 février et 21 août 2020, ainsi que celle de la mise à pied disciplinaire de huit jours exécutée du 8 au 17 juin 2020, outre des dommages et intérêts et des rappels de salaires, ainsi que son repositionnement au sein de la société et les indemnités consécutives.

Par jugement rendu le 28 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [S]-[I] de l'intégralité de ses demandes,

- rejeté les demandes respectives des parties au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné M. [S]-[I] aux dépens de l'instance,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire aux dispositions du présent jugement.

Par au greffe déclaration du 13 août 2021, M. [S]-[I] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 juin 2022, M. [S]-[I] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en date du 28 juillet 2021,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Etablissements [K] à lui payer les sommes suivantes :

* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanctions injustifiées,

* 222,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied,

* 22,26 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 35.000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

* 3.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 novembre 2023, la société Etablissements [K] demande à la cour de :

- déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté par M. [S]-[I] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 28 juillet 2021,

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement précité,

- dire que M. [S]-[I] ne fait l'objet d'aucune discrimination syndicale,

- dire que les sanctions disciplinaires qui lui ont été notifiées sont légitimes et bien fondées,

- dire que sa qualification conventionnelle niveau II 175, échelon B correspond exactement à ses fonctions de chauffeur poids lourds,

En conséquence,

- le débouter de ses demandes :

* de dommages et intérêts à hauteur de 35.000 euros pour discrimination syndicale,

* d'annulation des sanctions disciplinaires, de rappel de salaire sur les mises à pied disciplinaires et des congés payés au prorata ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

* de requalification professionnelle au niveau 3, échelon C de la convention collective des industries et du commerce de récupération et du rappel de salaire sollicité à ce titre,

* de délivrance d'un bulletin de salaire rectifié du mois d'août 2020 sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

* de requalification professionnelle au niveau 3, échelon C de la convention collective des industries et du commerce de récupération et du rappel de salaire sollicité à ce titre,

* au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [S]-[I] en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les sanctions injustifiées

Pour voir infirmer la décision entreprise qui l'a débouté de ses demandes d'annulation des sanctions critiquées, M. [S]-[I] précise qu'avant 2006, date à partir de laquelle il a sollicité l'organisation d'élections professionnelles dans l'entreprise, il n'a jamais été sanctionné. Il soutient qu'à compter de sa désignation en qualité de délégué du syndicat CGT, il a fait l'objet de plusieurs sanctions non fondées qu'il a contestées aux termes de ses différents courriers motivés. Il sollicite en conséquence la condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité de 2.000 euros ainsi que la production par ce dernier du règlement intérieur qui fixe les sanctions applicables dans l'entreprise s'agissant de la mise à pied disciplinaire pour laquelle il demande également le remboursement du salaire retenu à ce titre, soit la somme de 222,60 euros.

La société réplique que les sanctions en cause sont légitimes et justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale. Elle constate, à l'instar de la cour, qu'aux termes de ses écritures, M. [S]-[I] se contente d'une part, de contester lesdites sanctions sans s'expliquer sur les faits reprochés et d'autre part, de renvoyer à la lecture de ses courriers de contestation.

* * *

En vertu de l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

 

L'article L.1333-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur doit fournir au juge les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui peuvent être fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

* * *

En préambule, la cour rappelle que le rappel à l'ordre ne constitue pas une sanction disciplinaire de sorte qu'il ne sera pas statué sur la demande du salarié au titre du rappel à l'ordre du 15 juin 2016.

- l'avertissement du 16 juin 2016

Au soutien de son annulation, M. [S]-[I] verse le courrier de notification de la sanction aux termes duquel il lui est reproché :

- de ne pas avoir respecté, le 20 mai 2016 les consignes de sécurité au sein de l'installation du site de stockage de déchets non dangereux appartenant à la société Veolia, un de ses employés ayant essuyé le refus de M. [S]-[I] de balayer le quai après son déchargement comme prévu par le protocole de sécurité, document accessible dans le véhicule conduit par le salarié. Il est rappelé que le non-respect des consignes de sécurité des sites classés peut entraîner le refus à l'accès du site,

- la disparition du panneau de déchargement de sa remorque à fond mouvant lors de la livraison d'une marchandise, l'employeur précisant que si celui-ci avait été arraché par le grutier lors du chargement, cet incident ne pouvait résulter que d'un mauvais positionnement du panneau du fait de M. [S] [I] qui, bien que s'apercevant de cet incident, n'avait pas cherché à reprendre possession dudit panneau et n'en avait avisé son supérieur hiérarchique que sur le chemin du retour engendrant son remplacement pour un montant total de 1 580 euros HT.

Il produit également six photographies, qu'il explique, aux termes de ses écritures, avoir prises récemment et qui démontreraient que la société est interdite du site Veolia depuis 2020 en raison de la pollution. Outre le fait qu'elles ne sont pas datées, la cour observe à l'instar de l'employeur que ces photographies ne permettent pas davantage d'en identifier le lieu, l'entreprise et les matières en cause.

De son côté l'employeur produit le courrier de Veolia du 21 mai 2016 dénonçant le comportement, sur son site, du salarié et de son collègue M. [Y], malgré le rappel des consignes.

En considération de ces éléments, les griefs retenus à l'encontre du salarié sont établis et sa demande d'annulation de la sanction sera rejetée.

- l'avertissement du 16 juillet 2018

Cet avertissement sanctionne le non-respect du planning de travail, une mauvaise manipulation délibérée du chronotachygraphe et le non-respect des temps de pause et de coupure.

Le salarié produit la lettre de notification de cet avertissement rédigée en ces termes :

[']

Le 26 juin 2018 nous vous avons convoqué par lettre recommandée avec AR à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire afin de vous entendre sur les faits qui vous sont reprochés.

Au cours de cet entretien qui s'est tenu comme prévu le 5 juillet 2018, vous avez été reçu par Monsieur [R] [A] et Monsieur [B] [F], votre supérieur hiérarchique direct et vous étiez assisté de Monsieur [E] [Y], membre du personnel. Ainsi, nous avons évoqué les faits suivants :

- Un dysfonctionnement de votre part constate dernièrement, relatif à une mauvaise manipulation du chronotachygraphe quant aux positions travail, repos et mise à disposition.

Le non-respect du planning de travail qui vous est attribué par vos supérieurs qui se traduit par un décalage important entre la prise de service et le départ réel de votre camion.

Le non-respect des temps de pause et de coupure.

Ainsi nous vous avons notamment interrogé sur l'analyse de votre carte chauffeur des journées des 05 et 08 juin dernier :

- Le 05 juin: prise de service et départ du [Localité 7] à 4h42, arrivée au quai de [Localité 9] 6h54, pause de 20mn puis travail de 07h14 à 07h58 alors que le site du quai de [Localité 9] est fermé jusqu'à 8H

Le 08 juin : votre planning spécifié un départ 7h mais la carte indique une prise de service à 6h27 en position travail et un départ 07h05.

Vous avez justifié ces manipulations du chronotachygraphe en prétextant que notre entreprise applique la convention collective nationale de la récupération et non celle des transports routiers.

Ainsi vous avez prétendu que les temps de pause et de travail sont différents.

Nous vous rappelons qu'une société doit appliquer la convention collective correspondant à son activité et à son objet social. Ainsi notre entreprise applique en effet la convention collective nationale de la récupération.

Cependant la législation sociale européenne des transports routiers de marchandises, que vous avez également étudiée dans le cadre de votre FIMO, s'applique à tout chauffeur poids lourds, quelle que soit l'activité de l'entreprise qui l'emploie et la convention collective qu'elle applique.

Ainsi une seule méthode de décompte des heures de travail, de repos et de mise à disposition, s'applique. C'est pourquoi, nous vous rappelons que les temps d'attente de chargement ou déchargement au sein d'un site constituent des temps de travail effectifs alors que des temps d'attente devant un site fermé sont des temps de repos.

Aujourd'hui nous ne pouvons que constater le déficit existant entre vos heures de travail et vos heures rémunérées.

Par conséquent, nous attendons de vous désormais, que vous respectiez les plannings qui vous sont fournis par vos supérieurs, que vous manipuliez le chronotachygraphe conformément à la législation et que vous respectiez les temps de pause et de travail, sans quoi nous serions contraints d'envisager une sanction plus sévère à votre encontre et de réguler les heures qui vous sont rémunérées.

Nous vous informons que ce courrier constitue un avertissement qui sera versé à votre dossier ['].

Il produit également sa lettre de réponse du 26 juillet 2016, co-signée par M. [Y] sous l'entête du syndicat CGT, considérant que les heures passées devant les dépôts sont des heures de mise à disposition et que les heures de départ sont gérées en fonction de la destination afin de respecter les horaires de chargement. Il précise que la lecture des tickets de chronotachygraphe contredit l'analyse de l'employeur.

Au soutien de cet avertissement, l'employeur verse les relevés du chronotachygraphe du 1er avril au 8 juin 2018, non contestés par le salarié et qui corroborent les griefs retenus à l'encontre de M.[S]-[I] ainsi que les premiers juges l'ont retenu à juste titre.

Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu d'annuler cette sanction, fondée et proportionnée aux fautes commises.

- l'avertissement du 27 février 2020

Cet avertissement sanctionne l'endommagement du portail du site de [Localité 11] la veille, lors d'une man'uvre.

Le salarié produit la lettre de notification de l'avertissement pour ces faits ainsi que sa lettre de réponse du 2 mars 2020 par laquelle, sans contester la matérialité des faits, il tente de les minimiser en indiquant d'une part que le portail avait été précédemment « lourdement endommagé par les transports Mesplède...des témoins sont d'ailleurs prêts à attester la véracité de mes propos pour des faits plus graves qui n'ont pas eu recours aux avertissements» et d'autre part, qu'un client pressé l'a gêné dans sa man'uvre. Il ne verse aucun élément au soutien de ses allégations.

En réplique l'employeur produit les documents attestant des réparations entreprises.

En considération de ces éléments, l'avertissement est fondé et proportionné à la faute commise.

- la mise à pied à titre disciplinaire du 26 mai 2020

M.[S]-[I] produit la lettre d'avertissement et sa lettre de contestation.

La lettre d'avertissement est ainsi rédigée :

[']

Vous avez régulièrement été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé le 20 mai à 9 h auquel vous étiez présent et assisté de Monsieur [E] [Y], délégué syndical.

Lors de cet entretien, nous vous avons rappelé :

Que le 15 juin 2016, vous a été notifié un rappel à l'ordre pour non-respect des plannings d'activité, des horaires de service et des temps de travail.

Que le 16 juillet 2018, vous a été notifié un avertissement pour non-respect du planning et une mauvaise manipulation du chronotachygraphe.

Nous déplorons qu'en dépit de ces mises en garde formelles, vous persistiez dans ces comportements fautifs.

En effet, ces dernières semaines et en toute hypothèse dans un délai inférieur à 2 mois, nous avons eu connaissance des faits suivants :

1/ Le 13 mars 2020, la DREAL a dressé un procès-verbal de constatations d'infraction à la société [K] SAS à la suite du contrôle effectué le 3 mars et à l'issue duquel votre carte conducteur a été lue par le logiciel SOLID.

Il est reproché à la Société [K] SAS pour la journée du 4 février 2020, le dépassement de la durée quotidienne de travail du personnel roulant de nuit qui a été de 12629 au lieu des 10h réglementaires et caractérisant une contravention de 5eme classe,

2 / Et sur cette même journée, l'analyse de votre carte révèle :

Que vous êtes parti de la société le 4 février à 4h47, soit en heure de nuit pour un déplacement jusqu'à [Localité 3] établissement de la société [K] OCCITANIE, sans y avoir été autorisé ni avoir reçu une instruction en ce sens et alors que le trajet jusqu'à [Localité 3] ainsi que le planning ne l'exigeaient d'aucune manière.

Que vous avez laissé délibérément en position travail votre chronotachygraphe à 7h du matin pour une durée de 42 m alors que vous auriez dû le mettre en position repos.

Qu'entre 9h45 (dernière pause) et 18 h (heure d'arrivée au siège de ETS [K]), vous auriez dû faire une deuxième pause obligatoire, ce que vous n'avez pas fait.

Que vous avez dépassé la durée quotidienne de travail du personnel roulant de nuit qui a été de 12h29 au lieu des 10h réglementaires ainsi que l'a constaté la

DREAL, car vous êtes parti de votre propre initiative en heure de nuit à 4h47.

Vos explications ne nous ont pas convaincus car elles sont peu sérieuses.

S'agissant du chronotachygraphe laissé en position travail pour une durée de 42 mn alors que vous auriez dû le mettre en position repos, vous avez prétexté un « oubli. »

Concernant votre départ en heure de nuit, alors qu'aucune instruction ne vous a été donnée et que le temps de route d'un aller-retour [Localité 4]/[Localité 3] n'exige pas un départ avant 6h du matin, « vous avez prétexté des embouteillages qu'il fallait éviter en partant plus tôt. »

*Concernant le dépassement de la durée quotidienne du travail, « vous persistez à alléguer que les dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport s'appliquent » alors que la société [K] du fait de ses activités est soumise à la convention collective de récupération et que les dispositions relative à la réglementation sociale européenne que vous connaissez parfaitement pour avoir récemment encore suivi la formation FCOS s'applique et permet une durée quotidienne de 12 heures et non de 10 heures.

3/ L'analyse du rapport d'activité du 28 mars 2020 correspondant à votre carte conductrice pour le mois de février 2020 a révélé également de nombreuses anomalies concernant vos horaires de travail et la manipulation de votre chronotachygraphe.

$gt; Non-respect du repos journalier :

24 février : 3 arrêts de 8mn, 7mn et 5mn au lieu d'une pause de 15mn

25 février : pause de 9mn au lieu de 15 mn

27 février : 6h51 de conduite et travail sans pause

28 février : 6h15 de conduite et travail sans pause

$gt; Chronotachygraphe délibérément laissé en position travail durant un arrêt sur le trajet :

6 février : trajet vers [Localité 8], arrêt de 41mn

7 février : trajet vers [Localité 8], arrêt de 22mn

17 février : trajet vers [Localité 3], arrêt 20mn

18 février : trajets vers [Localité 8], arrêt 33mn

21 février : trajet vers [Localité 3], arrêt 32mn

24 février : trajet vers [Localité 8], arrêt 53mn

27 février : trajet vers [Localité 5], arrêt 11mn

Chronotachygraphe délibérément laissé en position travail alors que le camion est stationné sur le parking prévu à cet effet du site du [Localité 7] durant la fermeture pour la pause déjeuner de 12h à 14h :

5 février : de 12h43 à 13h47 soit 1h04

11 février : de 13h21 à 14h01 soit 40mn

12 février : de 12h54 à 14h00 soit 1h06

17 février : de 13h43 à 14h03 soit 20mn

19 février : de 12h57 à 14h02 soit 1h05

21 février : de 13h02 à 13h59 soit 57mn + stationnement sur le parking de 14h30 à 15h18 soit 48mn sans raison

27 février : de 12h02 à 14h00 soit 1h58

28 février : de 12h35 à 14h00 soit 1h25

$gt; Départ en heure de nuit de votre propre initiative, sans y avoir été autorisé et sans que le planning ne l'exige :

6 février départ à 4h30 vers [Localité 8]. Fin de service à 14h53

7 février : départ à 4h32 vers [Localité 8]. Fin de service à 14h46

10 février : départ à 4h31 vers [Localité 10] (CODINA). Fin de service à 15h21

11 février : départ à 4h30 vers [Localité 8]. Fin de service à 14h36

12 février : départ à 4h34 vers [Localité 8]. Fin de service à 14h38

17 février : départ à 4h33 vers [Localité 3]. Fin de service à 14h53

18 février : départ à 4h42 vers [Localité 8]. Fin de service à 14h44

19 février : départ à 4h32 vers [Localité 6] (APROVAL). Fin de service à 14h53

21 février : départ à 4h42 vers [Localité 3]. Fin de service à 15h19

24 février : départ à 4h28 vers [Localité 8]. Fin de service à 15h26

28 février : départ à 4h18 vers [Localité 6] (APROVAL). Fin de service à 15h02

La répétition de ces faits fautifs en dépit des 2 mises en garde précédentes qui vous ont été notifiées justifie une sanction plus sévère soit une mise à pied disciplinaire d'une durée de 8 jours ouvrés.

Dans la mesure où votre contrat est suspendu au titre de l'activité partielle, nous vous préciserons ultérieurement les dates d'exécution de votre sanction.

Nous souhaitons pour l'avenir n'avoir plus à vous demander de respecter strictement les règles, consignes et législation que vous connaissez parfaitement mais que vous refusez d'appliquer et de vous abstenir de toute manipulation frauduleuse de votre chronotachygraphe.

[']

Dans sa lettre de contestation, M. [S]-[I] indique : « pour la mauvaise manipulation du chronotachygraphe, j'ai dû faire quelques petites erreurs, comme tout bon chauffeur mais quand je me trouve en attente devant chez un client, je ne suis pas en repos ['] si le 13 mars 2020, la DREAL vous a adressé un procès-verbal c'est que les amplitudes de la journée ne sont pas respectées, pour cela voir avec M. [T] [P] qui effectue les plannings. En ce qui me concerne, je ne vois aucune répétition de ces faits fautifs, ni la justification pour une mise à pied de 8 jours'je constate une certaine discrimination à mon égard. »

De son côté, la société produit le procès-verbal établi par la DREAL, le rappel à l'ordre du 15 juin 2016, l'avertissement du 16 juillet 2018 et son courrier du 23 juin 2020 répondant point par point à la contestation du salarié.

Au regard de ces éléments, c'est par une décision particulièrement motivée en fait et en droit que les premiers juges ont, à juste titre, considéré que cette sanction était fondée et proportionnée aux fautes commises.

- l'avertissement du 21 août 2020

Il est reproché au salarié d'avoir, à deux reprises pendant la semaine en cours, utilisé des heures de délégation sans respecter les délais de prévenance fixés par le règlement intérieur, désorganisant les plannings de transport établis, M. [S]-[I] ayant appelé son chef de service le 18 août pour une délégation le lendemain et remis un bon le 20 août pour une délégation le 21 suivant.

M.[S]-[I] verse la lettre d'avertissement ainsi que sa lettre de contestation évoquant l'absence de règles quant au délai de prévenance invoqué et ses précédentes heures délégations prises dans un même cadre sans que cela lui soit reproché.

De son côté l'employeur produit le règlement intérieur du CSE adopté le 26 mai 2020 et fixant un délai de prévenance de 48 heures minimum pour remettre un bon de délégation entre les mains du chef de service avant l'utilisation du crédit d'heures.

Compte tenu de ces éléments, la sanction apparait justifiée et proportionnée.

En conclusion et ainsi que les premiers juges l'ont retenu aux termes d'une décision parfaitement motivée en fait et en droit, les demandes de M. [S]-[I] tendant à l'annulation des sanctions disciplinaires prononcées à son encontre seront rejetées ainsi que ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur la discrimination syndicale

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales ou mutualistes.

L'article L.1134-1 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

* * *

En l'espèce, M. [S]-[I] soutient avoir été victime de discrimination syndicale liée à son mandat et invoque les faits suivants :

- l'animosité de la société à l'égard des représentants du personnel et des syndicats : M. [S]-[I] expose que la société a été condamnée à plusieurs reprises pour avoir fait obstacle à la désignation d'un délégué syndical ou pour ne pas avoir organisé les élections des représentants du personnel ; Selon lui, malgré la dernière condamnation de 2015, la société ne s'est pas conformée à ses obligations l'obligeant à solliciter l'organisation professionnelles en 2016 avec l'appui d'un syndicat. Il produit deux arrêts rendus par la cour de céans les 26 octobre 2010 et 7 mai 2015 ayant constaté que la société [K] ne justifiait pas : «  que les élections professionnelles ont donné lieu à un procès-verbal de carence » et que « six ans après le procès-verbal de carence, la société [K] n'a plus organisé d'élections aprés cette date alors que l'article L.2311-1 lui en faisait obligation » ainsi qu'un arrêt rendu le 18 décembre 2000 par la cour de cassation rejetant la demande d'annulation par l'employeur de la désignation d'un salarié en qualité de délégué syndical de l'union locale CGT ; 

- le retrait en juin 2016 de l'usage de son camion neuf, ce qu'il avait contesté le 11 juillet 2016 ; il produit sa lettre de contestation dans laquelle il série l'ensemble des avaries affectant le camion qui lui a été affecté en remplacement (consommation excessive de liquide de refroidissement, un claquement permanent sur l'essieu avant et le pont arrière, la commande de chauffage bloquée, une tenue de route aléatoire, une climatisation hors service, une fuite d'huile hydraulique et la propreté inacceptable de la cabine), une photographie des deux camions en cause qui ne permettent pas toutefois de rendre compte des dysfonctionnements évoqués et les attestations de messieurs [L] et [V], tous deux chauffeurs poids lourds qui évoquent la discrimination syndicale dont M. [S]-[I] aurait été victime ainsi que des représailles ayant consisté à lui retirer son camion Man neuf, donné ensuite à des « chauffeurs [O] le 14 juin 2016 » sans autres précisions ;

 

- des sanctions disciplinaires injustifiées dès le mois de juin 2016, auxquelles il a répondu à chaque fois, cependant il résulte des développements supra que ces sanctions ont été déclarées fondées et proportionnées aux fautes commises,

- la modification des tâches confiées qu'il considère comme une mesure de rétorsion, l'employeur ne lui confiant plus de déplacements, entrainant ainsi une diminution de 50% de ses heures de travail ainsi que de sa rémunération ; il produit à cet effet, un tableau récapitulatif des heures travaillées pour la période comprise entre octobre 2014 à septembre 2017. Il indique avoir été maintenu sur le chantier à charger et vider les camions et produit les attestations de messieurs [L] et [V], qui indiquent que pour le punir, l'employeur l'a maintenu toute la semaine sur des chantiers à charger et vider son ensemble routier au lieu de lui permettre de continuer à faire les déplacements hors de la société, ne « découchant plus ». Il verse également l'attestation de Mme [H], ancienne chargée RH au sein de la société expliquant que ses supérieurs « lui infligeaient délibérément une tournée des plus contraignantes afin de le contrarier ['] j'ai pu constater que durant plusieurs années l'égalité de traitement n'était clairement pas respectée concernant M. [S]-[I] que la direction et ses supérieurs détestaient et fustigeaient ouvertement. » ;

- un comportement injurieux de l'employeur à l'égard de la représentation syndicale et de la représentation du personnel : il verse l'attestation de Mme [W], salariée, selon laquelle M. [T], supérieur hiérarchique de M. [S]-[I], aurait interpellé sa collègue, [Z], en ces termes : « vous savez [Z], Coluche disait : dans un bar quand il y a deux gros connards de CGTistes, il faut toujours être de leur côté. ['] nous n'avons pas compris l'intérêt de cette remarque autre que de vouloir intimider et blesser [Z] [G] qui a quitté le syndicat très peu après son inscription pour cause de pression de la part des dirigeants de l'entreprise et être désagréable envers M. [I] sans pour autant oser l'affronter directement ». Est également produite l'attestation de M. [Y] relatant un épisode au cours duquel M. [K] s'est adressé à M. [I] et lui-même le 12 mars 2018 en leur disant vouloir leur raconter l'histoire suivante : « tous les jours, je me rendais au poulailler pour nourrir mes volailles et tous les jours le coq me sautait dessus pour m'agresser. Un jour mes chiens se sont échappés, ils sont rentrés dans le poulailler et ont tué le coq. Comme quoi, il faut toujours faire attention ». Il considère avoir ainsi été menacé de mort ;

- des entraves au bon fonctionnement syndical et aux instances représentatives du personnel dont l'inspection du travail a été saisie. Il verse :

* Son courrier du 1er décembre 2016 à l'inspection du travail précisant que depuis mars 2016 date à laquelle il a demandé l'organisation d'élections professionnelles, il a subi « punitions sur punitions »,

* le courrier de l'inspection du travail du 26 janvier 2017 exposant que les sanctions prises à l'encontre de M. [S]-[I] dont la contemporanéité avec l'organisation des élections interrogeaient quant à une éventuelle entrave à la libre désignation des instances représentatives du personnel ainsi qu'à de potentiels faits de discrimination syndicale,

* le courrier de l'inspection du travail établi le 6 octobre 2017 à l'attention de l'employeur lui demandant de mettre à disposition des IRP, un tableau d'affichage à destination de leurs collègues,

* ses courriers des 11 janvier et 12 février 2018 demandant l'ouverture des négociations annuelles obligatoires,

* l'attestation de M. [J], salarié, selon lequel il a voulu « monter une cellule syndicale mais n'a pas été suivi par l'équipe, chacun ayant reçu des menaces »,

* l'attestation de M. [Y] faisant état du harcèlement envers M. [S]-[I] ainsi que des discriminations syndicales, en ces termes : « leur but est de pousser les salariés à bout pour les faire démissionner ou les propulser vers la dépression jusqu'à être obligé de se faire suivre psychologiquement » sans autre précision,

* le courrier de M. [V] du 05 juin 2018, résiliant son adhésion au syndicat CGT : « car au lieu d'améliorer ma vie au travail, c'est le contraire qui se passe, même avec votre soutien ou celui de mes collègues syndiqués » ;

- l'absence d'évolution salariale en soutenant n'avoir connu aucune évolution depuis 1999, alors qu'embauché avec un classement coefficient 175 niveau II, échelon B de la convention collective applicable, il aurait dû bénéficier du niveau III échelon C au regard de son ancienneté et de sa polyvalence ; il produit à cet effet ses bulletins de salaire ainsi que des extraits de la convention collective applicable.

Ainsi, ces éléments, pris dans leur ensemble, sauf en ce qui concerne les sanctions disciplinaires laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale à son encontre.

Contestant l'ensemble des faits invoqués au soutien d'une discrimination syndicale, L'employeur répond que lors de la mise en place du CSE en décembre 2019, M. [S]-[I] a été élu membre titulaire sous la représentation syndicale CGT. Selon lui, il n'existe aucune inégalité de traitement pouvant laisser supposer une discrimination car le salaire de M.[S]-[I] n'a connu aucun infléchissement ou ralentissement, cette question n'ayant par ailleurs jamais été soumise aux réunions de la DUP auxquelles il assistait et l'inspection du travail n'a pas davantage diligenté d'enquête sur point. Il relève n'avoir jamais été saisi d'un courrier de M.[S]-[I] dénonçant d'éventuelles agissements de discrimination syndicale, de disparité de traitement ou de temps de travail anormaux et constate que la plainte du salarié déposée entre les mains du procureur de la République a fait l'objet d'un classement sans suite le 3 novembre 2020, ce qui n'est pas contesté. La cour observe par ailleurs que le salarié n'indique pas la suite réservée à sa seconde plainte en date du 6 janvier 2021. L'employeur conclut qu'à la suite d'une enquête contradictoire, l'inspection du travail a autorisé le licenciement du salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement en concluant que la demande de licenciement ne présentait pas de lien avec le mandat du salarié, sans que ce dernier n'exerce un quelconque recours contre cette décision.

- Quant à l'animosité de la société à l'égard des représentants du personnel et des syndicats et les entraves à leur bon fonctionnement, dont elle se défend, elle indique et justifie que les élections professionnelles ont été organisées en 2012 et ont donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de carence le 20 janvier 2012. Elle ajoute que les élections pour la mise en place de la DUP se sont tenues en septembre 2016 et en justifie. Elle relève encore à juste titre que lors de son passage en janvier 2017 au sein de l'établissement, saisie par messieurs [S]-[I] et [Y], l'inspection du travail n'a dressé aucun procès-verbal constatant une quelconque entrave. La cour constate en outre, que ni M. [S]-[I], en sa qualité de délégué syndical, ni M.[Y], présent aux différentes réunions de la DUP, n'ont soulevé l'existence d'une quelconque entrave. Enfin, les élections pour la mise en place du CSE ont eu lieu en décembre 2019 aux termes desquelles M. [Y] a été élu membre suppléant, ce dont il est justifié.

En ce qui concerne l'absence de négociation annuelle obligatoire en 2016, la société indique qu'en l'absence de délégation syndicale dans l'entreprise avant la désignation de M. [S]-[I] en janvier 2017, aucune négociation annuelle ne pouvait se tenir. S'agissant de cette négociation pour 2018, il est démontré par la société contrairement à ce que soutient le salarié qu'elle a eu lieu ce dont atteste le procès-verbal de la réunion d'ouverture du 12 mars 2018 signé par le salarié lui-même (pièce 27).

S'agissant des pressions exercées à l'encontre des salariés pour empêcher le bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel, les éléments produits par l'employeur démontrent que la réorganisation entreprise est sans lien avec les mandats des salariés protégés, une réunion exceptionnelle d'information et de consultation de la DUP ayant été organisée au cours de laquelle il a été précisé qu'après le transfert des sociétés, chacune d'entre elle comptera plus de 10 salariés et devra donc organiser des élections et mettre en place un CSE. Ce projet a été approuvé par les membres du CSE dont M. [Y], M. [S]-[I] étant quant à lui, absent. La cour observe enfin que les attestations de messieurs [J] et [Y] ainsi que le courrier de M. [V] résiliant son adhésion au syndicat CGT, ne sont ni précis ni circonstanciés.

S'agissant du grief tiré du retrait du camion neuf: La société explique qu'en raison d'une diminution de l'activité de transport de matières traitées ou transformées vers les clients ou vers des centres d'enfouissement de moyenne et longue distance, service sur lequel était affecté le salarié, une réorganisation du service a été mise en 'uvre en 2016, en faisant appel à des prestataires longue distance et en vendant plusieurs tracteurs routiers, six anciens et deux neufs dont celui mis à la disposition du salarié. Elle explique que le nombre de chauffeur routier est passé de 15 en 2015 à 7 en 2018. La cour constate que ces explications sont étayées notamment par les comptes d'exploitation ainsi que les factures relatives à l'achat et à la revente des véhicules en cause, pièces n°4 à 7, 9 et 104, cette dernière étant la lettre d'explication destinée à l'inspection du travail comportant des pièces justificatives, ensuite de la demande de cette dernière du 26 janvier 2017, et qui n'a appelé aucune observation de sa part.

Concernant la modification des tâches du salarié, la société soutient qu'elle est liée à la réorganisation du service logistique du fait de la chute des cours des métaux entrainant la réduction du nombre de déplacements comportant un découché. Cette réorganisation a impacté l'ensemble des chauffeurs, serait intervenue bien avant la candidature du salarié aux élections professionnelles de la DUP en septembre 2016 et sa désignation en qualité de délégué syndical le 5 janvier 2017. Selon l'employeur, comme d'autres, M. [S]-[I] a été affecté à des tâches de brouettage réparties entre plusieurs chauffeurs et ne relevant pas de l'activité exclusive du salarié. Il produit à cet effet des récapitulatifs du planning de brouettage de 2016 à 2018 dont l'étude minutieuse et complète effectuée par les premiers juges permet de constater que contrairement à ce qu'il est prétendu, l'activité de brouettage était répartie sur plusieurs chauffeurs et ne constituait pas la seule activité de M.[S]-[I], ce qui contredit les attestations produites par ce dernier. Par ailleurs, l'employeur conteste l'attestation de Mme [H] qu'il considère dénuée de toute objectivité en ce qu'elle a saisi le conseil de Prud'hommes en contestation de son licenciement économique et qui en outre n'apporte aucun élément quant au grief invoqué. S'agissant de la diminution alléguée des heures de travail du salarié, l'employeur justifie par la production du récapitulatif des heures travaillées de M. [S]-[I], qu'elle n'était que de 8 % au regard de la pièce 23 en intégrant les heures qui auraient dû être effectuées en raison du temps partiel thérapeutique dont il a bénéficié en 2017, sans que cette diminution n'ait d'incidence sur sa rémunération calculée sur une base mensualisée de 201,50 heures de travail. Ainsi, il sera constaté que le changement a porté exclusivement sur la diminution des frais professionnels sans impacter son salaire.

- S'agissant du comportement injurieux de l'employeur : pour s'opposer à ce grief, l'employeur produit l'attestation de Mme [Z] [G], visée par l'attestation de Mme [W], produite par le salarié. Elle y relate avoir quitté le syndicat CGT peu de temps après son adhésion pour toutes autres raisons que celles évoquées par ses collègues, messieurs [S]-[I] et [Y] et n'avoir subi aucune pression. Il explique que les attestations établies par M. [Y] sont dénuées de toute objectivité dans la mesure où ce dernier a perdu son procès à l'encontre de la société, ce dont il est justifié. La cour observe en outre que ces attestations ne sont ni précises ni circonstanciées.

Sur l'absence d'évolution salariale de M. [S] [I] au cours de sa carrière : l'employeur réplique que M. [S]-[I] n'a engagé aucune action au cours de la relation contractuelle, ne fait état d'aucune comparaison avec d'autres salariés, ne produit aucun panel et n'établit aucun lien entre cette affirmation et son statut de salarié protégé. Il souligne que la demande du salarié concerne davantage un repositionnement conventionnel mais qu'aucun chauffeur n'est classé du niveau III échelon C. Après avoir rappelé que ce niveau concerne des salariés qui exercent une mission de tutorat ou qui sont polyvalents (réalisation de façon régulière d'opérations relevant d'autres emplois classés dans le même niveau), il produit le tableau récapitulatif du taux horaire des chauffeurs ainsi que leur bulletins de salaire en précisant toutefois que seuls deux chauffeurs bénéficient d'une classification supérieure en raison de leur polyvalence, l'un ayant des missions de grutier et de manutentionnaire tandis que l'autre conduit également des engins de chantiers et gère des chantiers de démolition. Ces éléments établissent dès lors que tant l'évolution de la carrière que celle de la rémunération de M. [S]-[I] ne sont anormales en l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour et que ses mandats de salarié protégé ne sont donc pas la cause d'une quelconque entrave à sa progression au sein de l'entreprise.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il est dès lors démontré que l'existence matérielle de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de M. [S]-[I] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les demandes relatives à la discrimination syndicale doivent par conséquent être rejetées et la décision des premiers juges sera confirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

M. [S]-[I], partie perdante en son recours et à l'instance, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à verser à la société la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne M. [S]-[I] à verser à la SAS Etablissements [K] la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

Le condamne aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/04692
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;21.04692 ?
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