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10/07/2024 | FRANCE | N°21/04649

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 juillet 2024, 21/04649


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/04649 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIXI













S.A.S. Ambulance Saint Jean Baptiste Langon



c/



Madame [N] [E]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 juillet 2021 (R.G. n°F 19/01416) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 août 2021,





APPELANTE :

SAS Ambulance Saint Jean Baptiste Langon...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/04649 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIXI

S.A.S. Ambulance Saint Jean Baptiste Langon

c/

Madame [N] [E]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 juillet 2021 (R.G. n°F 19/01416) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 août 2021,

APPELANTE :

SAS Ambulance Saint Jean Baptiste Langon aux droits de laquelle vient KEOLIS Santé Sud Gironde, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social[Adresse 2]

N° SIRET : 412 228 017

représentée par Me Emilie GRELLETY, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [N] [E]

née le 13 Février 1984 à MAROC de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mai 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

 

Madame [T] [E], née en 1984, a été engagée, aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 octobre 2015, en qualité d'auxiliaire ambulancière par la SARL Ambulances Roland Castaing et Fils, devenue la SASU Ambulance Saint Jean Baptiste Langon laquelle a fait l'objet d'une fusion absorption par la SAS Keolis Santé Sud Gironde en 2023.

 

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers, des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

 

Le temps de travail de Mme [E] a été réduit de moitié, passant à 75,83 heures par mois soit 765,45 euros brut par mois dans le cadre d' un congé parental d'éducation..

 

Le 11 juin 2019, Mme [E] a été impliquée dans un accident responsable de la circulation avec un véhicule de l'entreprise.

 

Par lettre datée du 14 juin 2019, Mme [E] a été convoquée à un entretien disciplinaire fixé au 25 juin 2019.

 

Du 24 juin 2019 au 02 juillet 2019, Mme [E] a été placée en arrêt de travail.

 

Par courrier du 27 juin 2019, l'employeur a notifié à Mme [E] une mise à pied disciplinaire d'une journée sanctionnant l'accident matériel de la circulation dont elle était responsable, survenu le 11 juin 2019.

 

Par une lettre du 27 juillet 2019, Mme [E] a contesté sa mise à pied disciplinaire.

 

Par courrier du 13 août 2019, la société Ambulances Saint Jean Baptiste Langon a maintenu sa sanction.

 

Le 3 octobre 2019, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux en demandant l'annulation de la sanction disciplinaire du 27 juin 2019 et réclamant l'allocation de sommes au titre de la journée de salaire perdue ainsi qu'au titre du préjudice moral subi en raison d'une sanction inappropriée.

 

Par jugement rendu en formation de départage le 9 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a :

- annulé la mise à pied disciplinaire notifiée à Mme [E] le 27 juin 2019,

- condamné la société Ambulances Saint Jean Baptiste Langon à payer à Mme [E] la somme de 70,21 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

- déclaré la demande de dommages et intérêts formée par Mme [E] irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 19 mars 2021,

- condamné la société Ambulances Saint Jean Baptiste Langon à payer à Mme [E] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Ambulances Saint Jean Baptiste Langon aux dépens.

 

Par déclaration du 3 août 2021, la société Ambulance Saint Jean Baptiste Langon a relevé appel de cette décision.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 janvier 2024, la société Keolis Santé Sud Gironde demande à la cour de :

- accueillir la société Keolis Santé Sud Gironde venant aux droits de la sociétéAmbulance Saint Jean Baptiste Langon en ses moyens de fait et de droit,

Y faisant droit,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel principal,

- infirmer le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

- constater que la mise à pied disciplinaire d'un jour de Mme [E] est une sanction parfaitement justifiée et proportionnée à la faute commise,

En conséquence,

- débouter Mme [E] de sa demande de rappel de salaire au titre de la journée perdue,

- débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions y compris de sa demande reconventionnelle,

- la condamner à régler la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

 

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 novembre 2021, Mme [E] demande à la cour de :

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- annuler la sanction disciplinaire prise par la société Ambulances Saint Jean Baptiste Langon à son encontre par courrier du 27 juin 2019,

- condamner la société Ambulances Saint Jean Baptiste Langon à lui payer les sommes de :

* 70,21 euros au titre de la journée de salaire perdue,

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance,

Y ajoutant en cause d'appel,

- condamner la société Ambulances Saint Jean Baptiste Langon AMBULANCES à lui payer les sommes suivantes :

* 1.500 euros pour procédure abusive en cause d'appel,

* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mai 2024.

 

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

  

Sur le bien-fondé de la sanction disciplinaire

Pour infirmation de la décision entreprise, la société fait valoir que la sanction prise à l'encontre de Mme [E] est proportionnée à la faute commise au regard du montant des dégâts occasionnés et de l'existence d'un précédent en date du 27 mai 2019. Elle produit un devis de réparation du véhicule de Mme [Y], endommagé par la salariée d'un montant total de 1.579,80 euros ainsi que plusieurs mises à pied prises à l'encontre d'autres salariés pour des faits de même nature. Elle invoque enfin la dégradation de son image.

En réplique, Mme [E] estime cette sanction disproportionnée au regard de l'accident en cause, qu'elle qualifie de bénin, lié à des circonstances de conduite particulières ce jour-là sur le parking du Tripode tenant à son encombrement et au stationnement en enfilade de certains véhicules. Elle affirme que pour des mêmes faits d'autres salariés ont fait l'objet d'un simple avertissement.

* * *

En vertu de l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

 

L'article L.1333-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur doit fournir au juge les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui peuvent être fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En outre, l'article L.1333-2 du même code rappelle que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Ainsi, même lorsque les faits reprochés sont de nature à justifier une sanction, celle-ci ne doit pas être disproportionnée à la gravité de la faute commise.

 

En l'espèce, le règlement intérieur de l'entreprise en son chapitre 5 prévoit que l'employeur peut user de son pouvoir disciplinaire en cas d'accidents de la circulation ou de dégradation du matériel de l'entreprise, que le salarié soit totalement ou partiellement responsable, notamment par une mesure de mise à pied disciplinaire d'une durée maximale de 10 jours.

Mme [E] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'un jour, notifiée le 27 juin 2019, en raison d'un accident qu'elle a eu avec un véhicule de la société et dont elle ne conteste ni la matérialité ni sa responsabilité.

Si l'employeur verse au soutien de son appel plusieurs notifications de mise à pied disciplinaire de salariés responsables, comme Mme. [E], d'accidents de la circulation, cependant il ne produit aucun élément probant en faveur d'un premier accident -non sanctionné- dont la salariée aurait été responsable le 27 mai 2019 et dont la réitération aurait justifié une mesure disciplinaire plus sévère.

 

Cependant, alors que l'accident de circulation est intervenu le 11 juin 2019, le constat amiable n'a été établi que le 29 juillet 2019, soit un mois après le prononcé de la sanction disciplinaire à l'encontre de Mme. [E] sans que l'employeur ne dispose d'éléments suffisants pour justifier de la sévérité de la sanction prononcée à l'égard de sa salariée, qu'il ne pouvait à ce stade tenir pour entièrement responsable de l'accident.

En outre, si l'employeur produit un devis de réparation du véhicule endommagé, en revanche il s'abstient de verser la facture des réparations réalisées et de préciser les conséquences financières de cet accident sur la majoration de ses frais d'assurance.

Enfin, s'agissant de la dégradation de son image, la société ne justifie pas du préjudice allégué.

En considération de ces éléments et ainsi que les premiers juges l'ont retenu, la mise à pied disciplinaire notifiée à la salariée apparait disproportionnée de sorte qu'il convient de l'annuler et d'allouer à Mme [E] la somme de 70,21 euros à titre de rappel de salaire, retenue par l'employeur, dont il est justifié.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive 

Mme [E] sollicite l'allocation de la somme de 1.500 euros considérant comme comme abusif, l'appel interjeté par la société laquelle réplique qu'elle dispose non seulement d'un pouvoir d'appréciation en matière de sanction disciplinaire mais également de celui de faire appel contre une décision qui ne la satisfait pas.

Le droit d'agir en justice et d'exercer une voie de recours ne dégénère en abus qu'en cas de faute caractérisée par l'intention de nuire de son auteur, sa mauvaise foi ou sa légèreté blâmable qui ne résultent pas du seul caractère infondé des prétentions formulées.

En conséquence, la demande de Mme [E] sera rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile 

 

La SAS Keolis Santé Sud Gironde qui succombe à l'instance et en son recours sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [E] la somme complémentaire de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 

 

PAR CES MOTIFS

 

LA COUR,

 

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,

 

Condamne la SAS Keolis Santé Sud Gironde à verser à Mme [E] la somme complémentaire de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Keolis Santé Sud Gironde aux dépens en cause d'appel.

 

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/04649
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;21.04649 ?
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