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10/07/2024 | FRANCE | N°21/04648

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 juillet 2024, 21/04648


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/04648 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIW3















Monsieur [O] [Z]



c/



S.A.S. CD TRANS

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivr

ée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 juillet 2021 (R.G. n°F 19/00550) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 02 août 2021,





APPELANT :

Monsieur [O] [Z]

né le 14 Janvier 1981 à [Localité 6] de nationalité Franç...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/04648 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIW3

Monsieur [O] [Z]

c/

S.A.S. CD TRANS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 juillet 2021 (R.G. n°F 19/00550) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 02 août 2021,

APPELANT :

Monsieur [O] [Z]

né le 14 Janvier 1981 à [Localité 6] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

représenté par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S. CD TRANS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 7] - [Localité 3]

eprésentée par Me Béatrice CECCALDI substituant Me Stéphane GUITARD de la SELARL STEPHANE GUITARD, avocat au barreau de BORDEAUX et Me Vincent REMAURY, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mai 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [O] [Z], né en 1981, a été engagé en qualité de conducteur poids lourd par la SAS Chaussade Duboe Transport (CD TRANS) par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 juin 2017.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers de marchandises.

Le 7 février 2018, M. [Z] a été victime d'un accident du travail et placé en arrêt de travail jusqu'au 3 avril 2018 puis du 26 avril au 5 novembre 2018, avant d'être en congés du 6 au 30 novembre 2018. Cet accident a été pris en charge par la CPAM au titre des risques professionnels.

Par courrier du 18 janvier 2019, la société a notifié au salarié une mise à pied de trois jours en raison de son absence injustifiée entre le 3 et le 26 décembre 2018.

M. [Z] a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter du 1er février 2019 ensuite de la rechute en lien avec son accident du travail et ce, jusqu'à la fin de la relation contractuelle.

Le 9 avril 2019, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux afin de solliciter l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 18 janvier 2019, la résiliation judiciaire de son contrat de travail ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en soutenant que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité à son égard, de réclamer un rappel de salaire pour la période de mise à pied, des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, un rappel de salaire pour la période du 3 au 26 décembre 2018 ainsi que diverses indemnités.

Le 9 septembre 2019, lors d'une visite médicale de reprise, M. [Z] a été déclaré définitivement inapte à son poste en précisant qu'il existait une contre-indication aux postes de chauffeur dans l'entreprise, aux postes de travail en hauteur, aux montées à échelle d'accès, aux manutentions et qu'il était nécessaire de rechercher un reclassement en externe.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, M. [Z] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 4 novembre 2019.

A la date du licenciement, M. [Z] avait une ancienneté de 2 ans et 4 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Par jugement rendu en formation de départage le 19 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] aux dépens.

Par déclaration du 2 août 2021, M. [Z] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 avril 2024, M. [Z] demande à la cour, outre de le dire recevable et bien fondé en ses demandes, de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté :

À titre principal,

* de sa demande de reconnaissance d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

* de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 18 janvier 2019,

En conséquence,

* de sa demande de résiliation judiciaire,

À titre subsidiaire,

* de sa demande de reconnaissance du caractère abusif du licenciement,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- annuler la mise à pied disciplinaire du 18 janvier 2019,

- dire que la société Chaussade Duboe Transports a manqué à son obligation de sécurité à son égard,

En conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au jour du licenciement pour inaptitude,

À titre subsidiaire,

- juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité,

- dire que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement,

- juger que le licenciement pour inaptitude est abusif,

En conséquence,

- condamner la société Chaussade Duboe Transports à lui verser les sommes suivantes:

* 242,44 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied, outre 24,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral consécutif,

* 1.342,43 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 3 au 26 décembre 2018, outre 134,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 15.175 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit l'équivalent de 8 mois de salaire moyen (1.896 euros x 8),

* 2.783,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'intimée aux dépens et aux éventuels frais d'exécution forcée.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 janvier 2022, la société Chaussade Duboe Transports demande à la cour, outre de rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées, de :

- confirmer le jugement entrepris et débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mise à pied disciplinaire du 18 janvier 2019

Sollicitant l'infirmation de la décision entreprise, M. [Z] fait valoir qu'à l'issue de ses congés le 30 novembre 2018, n'ayant aucune sollicitation de l'employeur alors qu'il se tenait à sa disposition, il avait été à sa rencontre mais n'avait reçu aucun planning. Il soutient avoir ensuite été placé d'office en congés annuels par l'employeur, ce qui justifierait, selon lui, l'annulation de cette sanction.

En réplique, l'employeur conteste les faits ainsi relatés par M. [Z] et affirme avoir adressé à ce dernier deux courriers lui rappelant qu'il aurait dû reprendre son poste le 3 décembre 2018.

* * *

Selon les dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Il forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En outre, l'article L.1333-2 du même code donne au juge le pouvoir d'annuler une sanction injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Il résulte de la lettre de notification de la sanction disciplinaire que l'employeur reproche à M. [Z] son absence injustifiée entre le 3 et le 21 décembre 2018.

Au soutien de la sanction critiquée, l'employeur produit aux débats notamment les éléments suivants :

- le bulletin de salaire de M.[Z] du mois de novembre 2018 sur lequel figurent son absence pour arrêt maladie du 1er au 4 novembre 2018 suivie de son absence au titre des congés payés du 6 au vendredi 30 novembre 2018,

- son courrier recommandé avec avis de réception daté du 6 décembre 2018 adressé au salarié, « [Adresse 8] à [Localité 2] », lui demandant de faire connaître les raisons qui s'opposent à sa reprise, en ces termes : « ['] vous étiez en arrêt jusqu'au 4 novembre et vous avez passé votre visite médicale de reprise le lundi 5 novembre. A l'issue, vous avez déposé une demande de congés pour la période allant du 6 novembre au 1er décembre. Vous deviez donc contacter le service exploitation le vendredi 30 novembre afin de prendre vos instructions de travail pour le lundi 3 décembre. Or, vous n'avez pas téléphoné, et ne vous êtes pas présenté au travail. Vous ne nous avez, également, pas avisé de votre absence ni de la raison s'opposant à votre prise de poste. ['] »,

- l'avis de réception dudit courrier précisant qu'en l'absence de M. [Z], il se trouve disponible au bureau de poste,

- le courrier recommandé avec avis de réception qu'il a adressé le 18 décembre 2018 au salarié, libellé à la même adresse que précédemment, le mettant en demeure de justifier son absence depuis le 3 décembre 2018, - le récépissé dudit courrier précisant que le destinataire est inconnu à l'adresse indiquée,

- le courrier recommandé avec avis de réception de convocation à un entretien préalable fixé au 7 janvier 2019 à une éventuelle sanction et contestant les termes du courrier du salarié en date du 21 décembre 2018.

De son côté, le salarié fournit un courrier recommandé avec avis de réception daté du 21 décembre 2018 adressé à la société, affirmant que depuis le 3 décembre 2018, à la reprise de ses congés, il n'avait reçu aucune mission, ni courrier ou appel de la société. Il y précise que sans nouvelle de l'entreprise, il a appelé en vain M. [T], responsable, le 18 décembre puis s'est présenté à l'entreprise le 21 décembre 2018 afin de : « lui faire part de ma mise à l'écart de la clarification car sans reprise d'activité »,

-une attestation d'activités délivrée le 28 décembre 2018 faisant état de son placement en congé annuel du 3 au 26 décembre 2018.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si M. [Z] affirme s'être tenu à la disposition de l'employeur à compter du 3 décembre 2018, il ne produit cependant aucun élément de nature à en justifier et son courrier daté du 21 décembre 2018 démontre tout au contraire que malgré le courrier recommandé adressé par l'employeur le 6 décembre 2018, il indique s'être manifesté à compter du 18 décembre 2018 et s'être présenté le 21 décembre suivant à l'entreprise, soit après l'envoi de des deux courriers de l'employeur.

En outre, contrairement à ce qu'il prétend, le document intitulé « attestation d'activités » en date du 28 décembre 2018, destiné à justifier pour les conducteurs de poids lourds de leur activité de conduite ou de non conduite sur une période de 28 jours en cas de contrôle de la DREAL, ne permet pas de retenir que l'employeur aurait placé d'office M. [Z] en congés annuels au mois de décembre 2018, ce que corrobore l'attestation de Mme [U], qui ne souffre d'aucune irrégularité, expliquant les conditions d'établissement et de délivrance de ce document : « le choix du libellé d'absence étant restreint, le logiciel attribue automatiquement celui de congés annuels en cas d'absences injustifiées ».

En considération de ces éléments et ainsi que les premiers juges l'ont retenu à bon droit, il est suffisamment établi que M. [Z] ne s'est pas présenté à son poste à compter du 3 décembre et n'a pas justifié des motifs de son absence malgré les sollicitations de la société. Ce faisant, la sanction querellée est fondée et proportionnée à la faute commise de sorte que M. [Z] sera débouté de ses demandes à ce titre ainsi que de sa demande de rappel de salaire pour la période comprise entre le 3 et le 26 décembre 2018, pendant laquelle il a été absent sans en avoir justifié. La décision de première instance sera confirmée de ces chefs.

Sur la résiliation judiciaire

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat, le salarié invoque des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, ce dernier lui ayant fourni un camion qui présentait des dysfonctionnements sans prendre en compte ses différentes demandes d'intervention causant ainsi sa chute, à l'origine de l'accident du 7 février 2018. Il invoque encore des retenues injustifiées sur son salaire de décembre 2018, une sanction injustifiée et l'absence de souscription à la mutuelle obligatoire.

En réplique, la société affirme qu'à la suite de sa mise à pied, M. [Z] n'a plus souhaité se maintenir dans les effectifs et a introduit une action en résiliation judiciaire alors que rien ne s'opposait à la poursuite de son contrat de travail, l'accident du travail invoqué ne l'ayant pas empêché de reprendre son activité pour plusieurs semaines. Il ajoute que la sanction critiquée était fondée de sorte que la retenue sur salaire consécutive du mois de décembre 2018 était également justifiée.

Par ailleurs, la société reconnait qu'aucune visite de reprise n'a été organisée le 3 avril 2018 mais soutient qu'elle serait couverte par celle postérieure du 5 novembre 2018, ayant déclaré le salarié apte à reprendre son emploi.

Enfin, l'employeur affirme que M. [Z] a adhéré tant à la mutuelle obligatoire qu'à la prévoyance.

* * *

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée par des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Lorsqu'il est saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par un salarié ultérieurement licencié, le juge doit d'abord vérifier si les faits invoqués par le salarié à l'encontre de l'employeur sont établis et, dans l'affirmative, si ces manquements présentent une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts de l'employeur.

Pour apprécier la matérialité et la gravité des manquements dénoncés par le salarié, le juge ne doit pas se placer au jour où la demande a été formée mais au jour de sa décision : il est donc en droit de tenir compte de toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de sa décision.

Si les faits reprochés à l'employeur sont suffisamment graves pour justifier la résiliation sollicitée, le licenciement notifié au salarié après l'introduction de sa demande est privé d'effet. Quant à la résiliation judiciaire, elle produit ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement et non à la date du prononcé de la décision comme cela est en principe le cas lorsque le salarié est toujours présent dans l'entreprise à la date du prononcé de la décision.

* * *

En l'espèce, il a été retenu supra que la sanction querellée et la retenue sur salaire afférente étaient justifiées de sorte que ce grief n'est pas établi.

S'agissant de l'absence d'inscription à la mutuelle obligatoire et pour se convaincre du sérieux de ce moyen, il convient de se référer non seulement aux documents produits par l'employeur, à savoir le contrat de travail sur lequel figure la mention de la complémentaire, la fiche «intégration » établie lors de l'embauche du salarié attestant de l'information donnée sur le taux de couverture de la mutuelle, les contrats de prévoyance et de complémentaire santé conclus pour et signés par le salarié, le relevé de prestations sur lequel figure la prise en charge des périodes d'arrêts de travail du salarié, mais également aux bulletins de salaire de M. [Z] mentionnant les cotisations à ce titre. Ce grief n'est donc pas établi.

S'agissant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, il est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité mais peut s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Le juge apprécie le comportement de l'employeur, au regard des éléments de fait et de preuve qui lui sont soumis, notamment la pertinence des mesures de prévention et de sécurité prises au regard des risques connus ou qu'il aurait dû connaître.

Ces articles disposent :

Pour l'article L. 4121-1 que : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »

Pour l'article L. 4121-2 que « L employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Éviter les risques ;

2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

En l'espèce, le salarié soutient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en l'affectant sur un camion de location qui présentait des avaries importantes pourtant connues de lui puisqu'il avait été saisi de fiches d'intervention rédigées par ses soins. Il explique avoir chuté de l'échelle de la toupie le 7 février 2018 en raison de la rupture d'une pièce dont il avait signalé la défectuosité.

Au soutien de sa demande il produit :

- une attestation des pompiers précisant qu'à leur arrivée sur les lieux de l'accident le 7 février 2018, ils avaient été en présence de M. [Z] qui avait chuté de la plateforme de sa toupie,

- un procès-verbal de réunion du CHSCT précisant qu'à la fin de sa livraison et après avoir rincé sa toupie, le salarié avait basculé dans le vide en descendant par l'échelle de la toupie qui s'était décrantée, une pièce ayant cédé,

- l'attestation de M. [N], chauffeur poids lourds qui indique que le camion confié au salarié à la date du 7 février 2018 était : « dans un état catastrophique, de la rouille des trous partout. L'échelle était recouverte de corrosion et de divers chocs. Ce camion était de marque Mercedes, blanc et jaune. Les éléments de sécurité du camion semblaient en très mauvais état. On peut noter qu'après l'accident de [O], le camion n'a jamais été remis en circulation », celle de M. [I], qui occupait le poste de conducteur de centrale, indiquant : «  c'est bien le camion blanc et jaune qui était usé par l'activité et la vétusté » sans autre précision,

- deux planches photographiques d'un camion toupie, blanc et jaune mais qui ne permettent pas d'identifier le camion en cause en ce qu'elles ne sont pas datées et ne font pas figurer la plaque d'immatriculation dudit camion,

- une photographie du disque chronotachygraphe ainsi que des bons de livraison, mais ces éléments ne permettent pas de faire le lien avec le camion figurant sur les photographies précédentes,

- un bon d'intervention numéro 10358 transmis par M. [Z] le 12 janvier 2018 pour le camion immatriculé [Immatriculation 5], qui serait à l'origine de l'accident en cause selon le salarié, faisant état de corrosion sur l'ensemble du camion, d'un garde boue très rouillé, d'un échelle toupie tordue, rouillée et en mauvais état, notamment et des planches photographiques évoquées supra mais qui ne permettent pas de les corréler au bon d'intervention évoqué,

- un bon d'intervention du 3 avril 2018 pour un camion immatriculé BJ 741 PD relevant son mauvais état général ainsi qu'une photographie dudit camion qui ne permet pas en l'état de corroborer les désordres évoqués,

- un bon d'intervention du 3 janvier 2019 d'un camion immatriculé AY 853 JW relevant sa vétusté, une échelle rouillée et tordue notamment ainsi que des photographies dudit camion non datées,

- un bon d'intervention du 31 janvier 2019 d'un camion immatriculé AT 252 YB demandant l'intervention de l'atelier pour la boite de vitesse et relevant la présence d'une corrosion importante,

- la prise en charge par la CPAM au titre des risques professionnels de l'accident dont il a été victime le 7 février 2018,

- divers documents médicaux faisant état d'un traumatisme cervical et lombaire.

En réplique, la société qui constate que les quatre bons d'intervention produits par le salarié sont pour trois d'entre eux postérieurs à l'accident du 7 février 2018, affirme n'en avoir jamais été destinataire et qu'au surplus leur remise doit faire l'objet d'un reçu signé du responsable d'exploitation ou du chef d'atelier.

Elle produit, au titre des éléments utiles aux débats :

- un extrait du manuel conducteur remis aux salariés précisant qu'en cas d'intervention, il convient de se rapprocher de l'exploitation ou du chef d'atelier qui jugera de l'urgence d'intervention et qu'il convient d'établir une demande d'intervention, sans autre précision contrairement à ce que soutient l'employeur,

- sa pièce n° 2 qui attesterait de ce procédé ; il s'agit d'une demande d'intervention établie par M. [Z] le 12 janvier 2018 portant le numéro 39416 relatif au camion immatriculé [Immatriculation 4] qui serait à l'origine de l'accident selon le salarié, faisant état de diverses défaillances, de beaucoup de corrosion mais n'évoquant pas le mauvais état de l'échelle toupie. Ce bon est signé du responsable d'exploitation le 16 janvier 2018,

- des factures d'entretien et de réparation dudit véhicule des 7 novembre 2017, 25 janvier 2018 et 9 février 2018.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si M.[Z] indique que les deux bons d'intervention litigieux ont été rédigés par ses soins le même jour, soit le 12 janvier 2018, l'un au début du service et l'autre à la fin du service, il convient toutefois d'observer ainsi que les premiers juges l'ont relevé, que la demande censée avoir été déposée en fin de service ne mentionne pas le mauvais état de l'échelle et que ces documents comportent des mentions contradictoires, l'un précisant que les extincteurs sont absents et l'autre, qu'ils sont périmés.

Par ailleurs, les deux témoignages produits par le salarié font état du mauvais état du camion mais ne permettent pas en l'état de conclure que les organes de sécurité pouvaient mettre en danger le salarié, M. [N] précisant à cet égard que le camion avait été retiré de la circulation après l'accident ce que contredit les factures de réparation du 9 février 2018 et des mois de mai et juin 2018 versées par l'entreprise.

Ce faisant, M. [Z] n'apporte pas d'élément permettant d'affirmer que son employeur a manqué à son obligation de sécurité.

En outre, si des manquements tels que déplorés à l'occasion et dans les suites de l'accident du travail du 7 février 2018 étaient caractérisés, il n'en demeure pas moins qu'ils sont anciens et n'ont pas empêché la poursuite de la relation de travail.

En effet, M. [Z] a repris le travail dès le 3 avril 2018, sans dénoncer, à cette occasion, la moindre difficulté. Le contrat a continué à s'exécuter normalement jusqu'au 26 avril 2018, date à laquelle il a de nouveau été placé en arrêt de travail jusqu'au 5 novembre 2018. A cette date et lors de la visite de reprise, le médecin du travail a fait une proposition de poste en préconisant de ne pas affecter le salarié à la manutention lourde et définitive. Il a ensuite bénéficié de congés payés à compter du 6 novembre jusqu'au 30 novembre 2018 puis ne s'est pas présenté à son poste de travail à l'issue, sans pour autant justifier de son absence. Il a finalement repris son emploi en janvier 2019 avant d'être placé en arrêt de travail à compter du 1er février 2019, victime d'une rechute.

Ainsi, force est de constater que la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail formée en avril 2019 soit plus d'un an après la survenance des faits invoqués et l'absence de visite de reprise en avril 2018, non contestée par l'employeur, sans qu'aucun élément nouveau ne soit rapporté depuis, revêt un caractère tardif, ôtant, dès lors, à celles-ci le critère de gravité exigé par la cour de cassation.

A défaut de gravité suffisante, les manquements invoqués non avérés, sauf en ce qui concerne l'absence de visite de reprise, ne peuvent justifier une rupture judiciaire du contrat de travail, de sorte que le salarié ne saurait prospérer quant à une telle demande.

Par voie de conséquence ses demandes indemnitaires à ce titre seront rejetées et la décision des premiers juges sera confirmée de ces chefs.

Sur le licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle

Pour infirmation de la décision entreprise qui l'a débouté de sa demande à ce titre, M. [Z] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en raison d'une part, des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude, d'une autre part, de l'absence de consultation des représentants du personnel et d'une dernière part, de l'absence de recherches loyales et sérieuses de reclassement.

L'employeur conteste l'ensemble de ces griefs en faisant valoir que le salarié ne justifie pas des manquements invoqués, qu'il a parfaitement respecté tant son obligation de consultation des instances représentatives que de recherche de reclassement.

Il a été considéré supra qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne pouvait être retenu à l'encontre de l'employeur.

Par ailleurs, la société justifie de la consultation des représentants du personnel en versant le procès-verbal de réunion du CSE du 20 septembre 2019 dont l'objet est l'inaptitude de M. [Z]. Elle justifie également des recherches de reclassement entreprises en produisant la lettre adressée à cette fin, notamment à la FNTR Aquitaine ainsi que la réponse de cette dernière, l'informant de sa diffusion aux entreprises adhérentes à son organisation professionnelle afin d'aider au reclassement du salarié. Sont également produites 29 réponses des filiales du groupe auquel appartient l'entreprise.

En conséquence, le salarié sera débouté de sa demande à ce titre et la décision de première instance sera confirmée sur ce point.

Sur la demande au titre de l'indemnité de congés payés

Au soutien de cette demande, M. [Z] soutient que l'entreprise est redevable de la somme de 2 783,73 euros représentant l'indemnité compensatrice de congés payés. Il affirme que bien que figurant sur son solde de tout compte, cette somme ne lui aurait toutefois pas été réglée. Cependant il résulte des documents de fin de contrat qui lui ont été remis comportant notamment de l'attestation Pôle Emploi, que l'indemnité de congés payés est réglée par la caisse des congés payés ainsi qu'il est mentionné dans le solde de tout compte de sorte que sa demande à ce titre doit être rejetée.

Sur les autres demandes

M. [Z], partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel ainsi qu'à payer à la société la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [Z] de sa demande au titre de l'indemnité de congés payés,

Condamne M. [Z] à verser à la société Chaussade Duboe Transports la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a été dans l'obligation d'engager en cause d'appel,

Condamne M.[Z] aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/04648
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;21.04648 ?
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