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10/07/2024 | FRANCE | N°21/04249

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 10 juillet 2024, 21/04249


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/04249 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MHP7















Madame [K] [X]



c/



S.A.S. KAEFER WANNER

















Nature de la décision : AU FOND





















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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 juin 2021 (R.G. n°F 19/00067) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LIBOURNE, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 22 juillet 2021,





APPELANTE :

Madame [K] [X]

née le 11 Décembre 1961 à [Localité 6] de national...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 10 JUILLET 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/04249 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MHP7

Madame [K] [X]

c/

S.A.S. KAEFER WANNER

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 juin 2021 (R.G. n°F 19/00067) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LIBOURNE, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 22 juillet 2021,

APPELANTE :

Madame [K] [X]

née le 11 Décembre 1961 à [Localité 6] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Kaefer Wanner, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 312 668 601

Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me DADI, avocat au barreau de PARIS substituant Me Florence GUARY de l'AARPI LEANDRI ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 mai 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [K] [X], née en 1961, a été engagée en qualité d'assistante par la société Wanner Isofi, devenue la SAS Kaefer Wanner, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 1991. La société spécialisée en isolation thermique industrielle et nucléaire travaille notamment pour le compte d'EDF sur le site de la centrale nucléaire du [Localité 4].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du bâtiment et des travaux publics ETAM.

Mme [X] a été arrêtée à plusieurs reprises pour maladie :

- 5 mois en 2009 pour une ligamentoplasthie de la cheville gauche,

- 2 mois en 2010 pour hypothyroïdie dont elle a été opérée en 2011,

- un an entre août 2011 et août 2012 pour sigmoïdite diverticulaire, salpingite et péritonite, reprendre son travail dans le cadre d'un mi-temps.

- 3 mois en 2014,

- 3 mois entre novembre 2016 et janvier 2017 pour plastie abdominale,

- 2 mois entre mai et juillet 2017 pour syndrome dépressif réactionnel,

- 3 mois de février à mai 2018 pour état dépressif suite au décès de son époux,

- 2 mois et demi de mai à août 2018 pour opération du pied,

- à compter du mois d'octobre 2018.

À compter du 1er mars 2013, la salariée a été placée en invalidité catégorie 1 et a travaillé à temps partiel à raison de 20 heures hebdomadaires.

Par courrier du 17 octobre 2016, Mme [X] a demandé un changement de qualification pour le statut supérieur prévu par la convention collective applicable, et une rémunération ajustée en conséquence.

Des échanges sont ensuite intervenus entre les parties au sujet d'un éventuel départ de l'entreprise.

Par courriel du 25 juin 2017, Mme [X] a fait part de son mal-être au PDG de la société, qui en a modifié l'affectation à compter du mois de décembre 2017.

À compter du 1er janvier 2019, Mme [X] a été placée en invalidité catégorie 2.

Lors d'une visite de reprise du 10 janvier 2019, la salariée a été déclarée inapte par le médecin du travail qui a dispensé l'employeur de son obligation de reclassement.

Après consultation des délégués du personnel et par lettre datée du 17 janvier 2019, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 29 janvier suivant, avant d'être licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 31 janvier 2019.

A la date du licenciement, elle avait une ancienneté de 28 ans, et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 14 juin 2019, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne, contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, dont des dommages et intérêts pour harcèlement moral à titre principal et pour exécution déloyale du contrat de travail à titre subsidiaire.

Par jugement rendu en formation de départage le 21 juin 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [X] de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,

- rejeté la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] aux dépens.

Par déclaration du 22 juillet 2021, Mme [X] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 mars 2022, Mme [X] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

En conséquence, réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau,

- dire recevables et bien fondées ses demandes,

En conséquence,

- condamner l'intimée aux sommes suivantes :

* 44.800 euros à titre de licenciement nul et à tout le moins 33.080 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et à tout le moins à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail sur le fondement de l'article 1222-1 du code du travail,

* 2.360 euros à titre d'indemnité de préavis (2 mois salaire de référence 1.680 euros) outre les congés payés afférents soit 236 euros,

* 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter l'intimée de son éventuel appel incident,

- condamner la défenderesse aux dépens, en ce compris les frais d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 avril 2024, la société Kaefer Wanner demande à la cour de :

- juger infondé l'appel de Mme [X] et la débouter de l'ensemble de ses demandes,

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,

Y ajoutant,

- condamner Mme [X] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrepétibles engagés en cause d'appel,

- la condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement moral

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, Mme [X] invoque

- le comportement malveillant et harcelant de M. [F] à son égard, de manière répétée depuis sa demande de changement de qualification et de rémunération.

Mme [X] verse notamment aux débats :

* le courrier du 16 octobre 2017 adressé à Mme [H], responsable des ressources humaines,par lequel elle sollicite le passage à la qualification supérieure, en application de la convention collective applicable, enregistrant 25 ans d'ancienneté au poste d'assistante, 'après en avoir discuté avec M. [F] (qui m'avait dit qu'il n'y voyait aucun inconvénient) ainsi qu'avec vous lors de notre entretien du 13 juillet 2016, comme convenu, je vous adresse ma requête par écrit concernant deux points : - un changement de qualification (je suis actuellement ETAM D et je souhaite passer E)

- un ajustement de ma rémunération pour mon implication mon investissement, ma rigueur et mon efficacité reconnus et appréciés de mes collègues ainsi que des responsables supérieurs'.

* ses bulletins de paie attestant d'une augmentation de 20 euros bruts en 2014 qui ne font état d'aucune augmentation,

* le PV du CE du 19 avril 2017 dans lequel il est rappelé que la politique de la société est d'attribuer une augmentation à son personnel environ tous les deux ans, la responsable des ressources humaines présente à cette réunion étant la même que celle qui a reçu sa demande d'augmentation.

* le courriel de relance du 25 avril 2017, mettant son directeur régional en copie,

* elle soutient avoir été reçu par son directeur régional le 11 mai 2017, qui a été transformé en entretien individuel, au cours duquel il a remis en cause ses compétences, son implication et son intégrité et lui a proposé une rupture conventionnelle. A cet effet, il lui a également donné les coordonnées de son épouse, avocate, pour mener les discussions avec la société.

Elle produit les échanges de courriels dans lesquels il est proposé à Mme [X] de la recevoir à un entretien pour répondre à sa demande d'augmentation, et de faire également dans la suite un entretien individuel.

Ensuite, Mme [X] a demandé des informations et un récapitulatif d'entretien par courriels des 15, 23 et 31 mai demandant de faire le nécessaire rapidement. Par courriel du 31 mai 2017, il lui était répondu en lui proposant de le rappeler pour échanger, avec précision le 5 juin 2017 du mode de calcul de l'indemnité de rupture. Par courriels des 7 et 14 et 22 juin 2017, Mme [X] demandait le montant exact du calcul ainsi que les coordonnées de l'avocat dont son responsable lui avait parlé le 11 mai. Ce n'est que dans le courriel du 22 juin qu'elle a évoqué sa surprise à la proposition de la rupture conventionnelle et s'est dit 'perturbée'.

Mme [X] ne produit toutefois aucune pièce permettant d'attester de ce que ses compétences auraient été remises en cause lors de l'entretien du 11 mai par M. [F].

Elle soutient qu'elle n'avait aucun intérêt demander une telle rupture du contrat de travail et produit son arrêt de travail du lendemain, ayant été placée en arrêt maladie pour 'dépression' . Elle ne produit pas son arrêt de travail mais le dossier médical du médecin du travail qui en fait mention.

* le courriel adressé au PDG de la société le 25 juin 2017 faisant état de son mal-être, en l'absence de réponse de la RRH.

Dans ce courrier, elle fait part de la décision de M. [F] de transformer l'entretien en entretien individuel. 'Pendant presqu'une heure, M. [F] m'a détruite, mettant en doute mes compétences, mon implication mon intégrité... ce fût pour moi un véritable tsunami. J'étais abattue, voire KO. Jusqu'à ce jour, aucun reproche m'a été fait, que ce soit de mes collègues ou de ma hiérarchie directeur, bien au contraire. Du jour au lendemain, j'étais devenu une employée indésirable aux yeux de M. [F].

A la fin de l'entretien, le coup de grâce m'a été donnée. M. [F] me repose une rupture conventionnelle et de plus ajouta 'je vais t'envoyer le calcul des tes indemnités et les coordonnées de mon épouse qui est avocate. Et surtout tu n'en parles pas à la DRH' n'y aurait il pas conflit d'intérêt, le fait de me proposer son épouse comme avocate '

Concernant mon entretien individuel, je refuse de le signer. (...) En 26 ans j'ai connu beaucoup de changements, mais j'avoue que depuis que M. [F] est responsable de l'agence, il règne un mal être général. Son attitude versatile, hautain et de plus menteur font de lui un manageur très peu fédérateur.

(...) M. [F] m'a détruite, je pars de chez moi la boule au ventre'.

La salariée ne produit toutefois pas l'entretien individuel qu'elle a refusé de signer. Les échanges de courriels avec M. [F] dès le 15 mai ne laissent paraître aucun malaise ni état de choc.

* la réponse de l'employeur du 20 juillet lui rappelant que depuis le 27 mars 2017, M. [F] n'est plus son manager direct mais M. [W] avec interdiction pour M. [F] d'entrer en contact avec elle, mais de passer par le manager. Il lui proposait d'échanger avec M. [A] sur sa situation professionnelle afin de répondre à sa demande d'augmentation.

* Elle rappelle en outre avoir vu le montant de ses primes annuelles augmenter entre 2012 et 206, puis diminuer suite à cette demande d'augmentation de rémunération. Elle produit ses bulletins de paie faisant état d'une prime exceptionnelle de 650 euros en avril 2012, 500 euros en mars 2013, 500 euros en avril 2014,300 euros en avril 2015, 400 euros en mai 2016, 100 euros en avril 2017 et 230 euros en avril 2018. Toutefois, M. [F], par courriel du 17 avril 2018, sollicitait l'attribution d'une prime de 230 euros à Mme [X], en augmentation par rapport à 2017, 'compte tenu de l'amélioration des choses'.

- sa mise à l'écart de l'organisation à son retour de travail le 3 mai 2018 et le désintérêt de sa situation par la société qui ne s'est pas préoccupée de son sort, la maintenant sans fonction et sans bureau et la laissant sous la hiérarchie de M. [F].

Elle rappelle que si elle a fait l'objet d'une nouvelle affectation en décembre 2017, elle ne pouvait pas effectuer les tâches qui lui ont été confiées in fine après avoir saisi le PDG de la société car elle ne disposait pas d'habilitation pour aller sur le terrain, ni de bureau, n'avait plus accès à un ordinateur, mais devait utiliser celui de M. [V] ou de M. [L] uniquement lorsqu'il était disponible et n'avait plus accès à sa boîte mail.

Elle a donc repris le contrôle des dossiers, mission qu'elle effectuait auparavant.

Mme [X] verse aux débats :

* le courriel du 9 mai 2018 qu'elle adresse à M. [A] lui faisant part de son incompréhension, revenant d'arrêt maladie pour être placée dans un coin de bureau, avoir pleuré car ne s'est pas sentie soutenue après le décès de son époux, prévient qu'elle prend des congés et qu'elle se fait opérer du pied après. 'J'espère qu'à mon retour, j'aurais une place et des tâches dignes de ce nom afin de pouvoir travailler dans de bonnes conditions'.

* une photographie de son bureau à son retour, le 3 mai 2018, chargé de dossier et de petite taille,

* les attestations de M. [R] ayant travaillé avec la salariée jusqu'en 2018, date à laquelle il est parti à la retraite, M. [G], délégué du personnel, et Mme [P], salariée anciennement sur le site de [Localité 4] et affectée ensuite sur celui d'[Localité 3], qui attestent de sa mise à l'écart de l'organisation dès 2012 et surtout après qu'elle ait envoyé le courrier au PDG de la société.

M. [D], responsable de clientèle atteste avoir été témoin de la dégradation de l'humeur et de la santé psychique de Mme [X], laquelle avait souvent envie de pleurer. S'il na pas été témoin des faits directement, il précise être parti de la société en raison du comportement de M. [F].

Mme [P], présente le 3 mai 2018 sur le site du [Localité 4] atteste que Mme [X] ne disposait plus de son bureau.

Ces attestations font état des dires de la salariée et de constatations sans précision sur des faits objectifs en dehors d'un changement de bureau à son retour en mai 2018.

* l'obligation qui lui a été faite de poser une journée de congés le 3 mai, jour de sa reprise.

Toutefois, Mme [O] n'en justifie pas et les plannings la positionnent comme travaillant ce jour là, et produit un courriel du 9 mai dans lequel elle indique avoir repris le 3 mai au Blayais.

* l'obligation qui lui a été faite de prendre une semaine de congés pour solder 2017, reprenant l'activité le 6 août, sans bureau dédié. Toutefois, Mme [O] ne rapporte pas la preuve de ces faits.

Au contraire, M. [A] confirme que dès le 3 mai, Mme [X] a demandé à prendre les 3 Jours d'absence suite au décès de son époux, puis sa dernière semaine de congés 2017 puis a été arrêtée à cause d'une opération des pieds.

* le maintien en contact avec M. [F] qui même affecté sur le site d'[Localité 3] venait une fois par semaine sur [Localité 4] et venait l'importuner. Il lui a été demandé le 13 août de s'installer dans le bureau du chargé d'affaire démissionnaire (M. [W]), mais que c'est dans ce bureau que venait s'installer M. [F] lorsqu'il venait sur [Localité 5].

Mme [O] ne produit pas de pièce à l'appui de ces faits.

* N'ayant plus de bureau fixe, M. [L] lui aurait proposé de reprendre le contrôle des signatures de dossiers. Elle produit le courrier du 27 septembre 2017, de son conseil qui sollicite une fiche de poste, auquel il n'a pas été apporté de réponse par l'employeur.

Toutefois, suite à son courrier du 25 juin 2017, Mme [X] était toutefois reçue par M. [A] le 16 novembre suivant et trois jours plus tard lui était proposées de nouvelles missions d'ici la fin du mois de novembre 2017 : la prise en main de la rédaction des analyses de risque, en binôme dans un premier temps avec M. [V] pour la former notamment sur les aspects terrains. A son retour de congés en janvier 2018, il était prévu qu'elle poursuive son travail sur cette gestion et soit formée sur la rédaction des demandes de colisage sous le logiciel EPSILON avec M. [L]. 'Comme nous vous l'avons indiqué durant l'entretien ces deux missions sont sensibles et présentent un niveau d'exigence élevé car elles impliquent un contact direct avec notre client EDF.'

Mme [X] ne rapporte donc pas la preuve de ce qu'elle avait été affectée à ses anciennes fonctions sans changement.

3 - Cet ensemble de comportement a eu pour effet une dégradation de sa santé psychique, qui l'a conduit à être placée en invalidité 2ème catégorie.

Mme [X] verse :

* son dossier médical mentionnant notamment la visite du 26 juillet 2017 : visite de reprise après maladie étant en arrêt depuis 2 mois pour dépression : problème au travail, les autres visites mentionnant les causes d'absence à chaque fois, décès de son époux, ou certificat du médecin traitant le 20 octobre 201.

* le rapport médical d'attribution d'invalidité

suite à visite du 13 décembre 2012 : la classe en invalidité de type 1 en relevant les doléances de la salariée qui fait état de manque de considération au travail de la part de son employeur en plus des antécédents médicaux. Après cette période d'arrêt maladie pour diverticules intestinaux , elle faisait part de sa fatigue générale et crises d'angoisse, stress face à la charge de travail, manque de considération au travail de la part de son employeur.

Suite à l'examen du 14 novembre 2018 qui relève 'en arrêt depuis le 9 février 2018 pour état dépressif sévère suie au décès de son conjoint. Etat dépressif également sur contexte professionnel; Suivi psy envisagé.

Conclut à une invalidité de type 2"

'Doléances : est angoissée en permanence, quand elle va travailler a mal au ventre.'

* l'avis d'inaptitude du 10 janvier 2019, faisant référence à l'étude de poste du même jour et des échanges avec l'employeur sur la base de la dernière contractualisation de la fiche entreprise du 2 juin 2015 : la déclarant inapte, l'état de santé du salarié faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

*

Il résulte des pièces versées que les faits suivant ne sont pas établis :

- la diminution de ses primes,

- la remise en cause de ses compétences,

- l'attribution de nouvelles compétences impossibles à exercées,

- l'obligation qui lui aurait été fait de solder ses congés 2017,

- le maintien d'un contact avec M. [F],

- la mise à l'écart par le recrutement d'intérimaires en son absence.

En revanche, Mme [X] présente des faits précis et concordants, s'agissant de la tardiveté de la réponse de M. [F] à sa demande d'augmentation d'échelon et la proposition de rupture conventionnelle non sollicitée et sa mise à l'écart par l'affectation dans un bureau partagé, tels que présentés par Mme [X] laissent supposer une situation de harcèlement moral.

*

La société conteste l'existence d'une telle situation, soutient que Mme [X] ne démontre pas la réalité des faits qu'elle invoque à l'appui du harcèlement, que même à les supposer établis, ils sont étrangers à tout harcèlement et qu'elle a pris immédiatement toute mesure pour précisément prévenir un harcèlement et/ou le faire cesser. Elle fait valoir les éléments suivants :

Elle explique l'absence de réponse de la Directice des Ressources Humaines à Mme [X] à sa demande d'augmentation par les nouvelles missions confiées à Mme [U], qui n'a eu le temps de s'y consacrer. Elle produit la note du 21 février 2017 scindant temporairement le poste de Mme [U] la maintenant pour les questions de déroulement des opérations salariales et la planification des congés d'été alors que Mme [J] était désignée pour le développement RH (revue des compétences opérationnelles, entretiens individuels...)

La société affirme que dès la relance faite le 25 avril 2017, M. [F] s'est proposé pour mener l'entretien annuel à la place du supérieur hiérarchique de Mme [X] qui venait de quitter la société, entretien qui a eu lieu le 11 mai 2017.

Elle soutient que M. [F] étant sur le site d'[Localité 3] n'avait pas d'autres relations avec Mme [X] que celles exercées du fait de l'absence du chargé d'affaires sur le site du [Localité 4] et qu'il a d'ailleurs été sanctionné pour être intervenu dans le domaine RH qui n'était pas le sien.

La société conteste les attestations versées par Mme [X] et notamment celles provenant de deux salariés protégés, M. [R] et M. [G], le second ne travaillant pas sur le même site que la salariée et notant qu'ils n'ont par leurs fonctions syndicale jamais fait remonter d'information concernant Mme [X].

Elle produit un échange de courriel entre M. [G] et M. [F], le premier terminant du 20 juin 2017 'j'exprimais du mépris envers toi, c'est maintenant du dédain'. M. [G] a été sanctionné pour avoir tenu ces propos par un rappel des règles, par courrier d 29 août 2017.

La société reconnaît que M. [F] a proposé une rupture conventionnelle à Mme [X] sans que cela caractérise un harcèlement moral, cette proposition faisant suite aux difficultés qu'elle rencontrait à accompagner son époux atteint d'une maladie très grave et à un stade avancé. Elle reconnaît aussi avoir proposé les coordonnées de l'épouse de M. [F], avocate pour la conseiller.

Par la production des nombreux courriels de relance de Mme [X], la société indique qu'elle était intéressée par cette proposition et que ce n'est qu'au regard du montant de l'indemnité de rupture qu'elle a jugée trop basse qu'elle a développé cette théorie de harcèlement moral.

La société soutient avoir réagi immédiatement après que Mme [X] a dénoncé son mal-être au PDG, ayant mis fin à tout contact avec M. [F] et ayant sanctionné ce dernier par un rappel à l'ordre le 14 septembre 2017 après entretien préalable à un éventuel licenciement du 1er septembre 2017 d'une part pour avoir proposé les services de son épouse, avocate fiscaliste à une salariée de l'entreprise, démontrant ainsi un conflit d'intérêts et d'autre part pour avoir outrepassé ses fonctions et compétences car l'entretien individuel relevait de la compétence du service RH, qui aurait dû valider le principe même de la rupture conventionnelle et établir les calculs.

S'agissant des griefs de mise à l'écart, la société justifie que M. [S] a été positionné du 4 avril au 4 mai en renfort sur le site pour le lancement des activités, expliquant que le bureau de Mme [X] ait été occupé le 3 mai, le jour de son retour de maladie. La société produit également les plannings des semaines du 3 mai et 7 mai sur laquelle figure Mme [X], M. [S] figurant seulement sur la 1ère semaine, le planning de la semaine du 7 mai sur laquelle figure à l'inverse Mme [X] mais pas M. [S].

Elle soutient avoir du faire face à l'absence de Mme [X] notamment entre février et mai 2018, dans une période d'intense activité ayant nécessité le recrutement d'intérimaire, ce dont elle justifie par une attestation de M. [A] retraçant l'activité de la période, Mme [E] étant recrutée en interim en placement pour partie des tâches de Mme [X] à compter du 26 février 2018.

S'agissant des bureaux, M. [A] confirme que les bungalow sont mis à disposition par EDF, un occupé par le chargé d'affaire et le CQPR-PCR, un par les deux responsables de chantiers, trois par les équipes préau/planif et trois par les chefs d'équipe. 'Le nombre d'ordinateur à disposition est limité par le client puisqu'ils permettent d'accéder aux système d'information du client'. M. [A] confirme 'qu'à sa reprise le 3 mai 2018, Mme [X] est positionnée en vérification des dossiers d'intervention de l'AST Tranche 2 de manière provisoire afin de clôturer définitivement ces activités.'

S'agissant de l'état de santé de Mme [X], la société relève les nombreux arrêts de travail pour maladie qui ont pesé sur l'état psychique de la salariée et auquel s'est ajouté le décès de son époux, décomptant qu'en 2018, elle n'a été présente que 17 jours et 10 demi-journées. Elle verse également le dernier courriel reçu le 8 octobre 2018 : 'Bonjour je suis souffrante, je vais chez le médecin ce matin, je vous tiens au courant dès que possible', sans montrer de signe de dépression.

La société rappelle que lors de la visite médicale du 8 août 2018, aucune restriction n'a été posée par le médecin du travail. Et qu'entre cette date et le 8 octobre 2018, Mme [O] n'a formulé aucune remarque sur ses conditions de travail.

***

La société justifie ainsi l'absence de réponse à la demande de Mme [X] sur sa demande d'augmentation et de changement de qualification. Mme [U] n'était plus seule compétente sur la RH, dès la relance du 25 avril 2017, M. [F], qui était en copie de cette relance uniquement, lui proposé un entretien suivi de l'entretien annuel.

Les échanges du 25 avril 2017 ne font pas état de propos déplacés de la part de M. [F] par une proposition de rupture conventionnelle apparaît contradictoire avec la demande d'augmentation et d'investissement qu'elle était en capacité de faire et s'il a donné le nom de son épouse avocate pour défendre la salariée, ce comportement décalé ne constitue par un agissement susceptible de supposer un harcèlement moral.

La société établit que la direction avait envisagé dès novembre 2017 de monter en compétence Mme [X] sur les différents outils afin qu'elle participe à la préparation des interventions, comprenant une augmentation de sa rémunération variable et que l'intérimaire déjà recrutée avant la période d'absence de Mme [X], interviendrait ensuite sur la partie des tâches retirées à Mme [X], laquelle devait 'monter en compétences' sur d'autres fonctions.

Comme il ressort de l'ensemble des pièces médicales, Mme [X] a été absente pour diverses maladies : en 2009 pour ligamentoplastie de la cheville gauche (5 mois), en 2010, 2 mois pour une hypothyroïdie dont elle a été opérée en 2111, entre 2011 et 2012 (un an) pour des diverticules du colon, ce qui a conduit à la reconnaissance de son invalidité 1ère catégorie à compter du 1er mars 2013. En 2014 (3 mois) pour une myocardiopathie dont elle a été prise en charge au titre des affections de longue durée, en 2017 (2 mois) pour syndrome dépressif réactionnel et en 2018 (3 mois) pour état de stress dépressif sévère suite au décès de son mari, puis encore 2 mois pour une opération des pieds. Depuis le 8 octobre 2018, elle est arrêtée pour maladie sans précision sur la nature de celle-ci.

Aucun élément médical ne démontre le lien entre la pathologie de Mme [X], son placement en invalidité 2 et le comportement inadapté de M. [F], qui a été pris en compte immédiatement par la société.

Si le dossier médical du médecin du travail et les documents médicaux ayant permis la reconnaissance d'invalidité atteste de doléances de la salariée sur son stress, aucun document ne fait le lien entre les conditions de travail et les pathologies de Mme [X], qui avaient toute une cause physique, en dehors de l'épisode de mai 2017 et de la période qui a suivi le décès de son mari. Ces pièces ne font référence à aucune situation de harcèlement dont se serait prévalue le salarié.

En conséquence, il y a lieu de dire que les éléments invoqués par Mme [X], même pris dans leur ensemble, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la demande en nullité du contrat de travail

Mme [X] soutient que l'origine de son inaptitude est liée au comportement fautif de son employeur qui ne l'a pas protégée des agissements malveillants dont elle a été victime.

Les délégués du personnel, consultés le 25 janvier 2019 ont formulé un avis négatif à la décision de licenciement de Mme [X] (7 voix contre, 0 voix pour) en ce qu'ils 'regrettent que l'état de santé de Mme [X] entraîne son licenciement'.

La cour n'ayant pas retenu de situation de harcèlement moral, la demande au titre de la nullité du licenciement sera rejetée et le jugement déféré confirmé.

Sur la demande en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

Mme [X] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour éviter la dégradation de son état de santé ayant conduit à la reconnaissance de son inaptitude, cause de son licenciement.

Elle soutient également que pour la licencier, l'employeur s'est basé sur l'avis d'inaptitude du médecin du travail, lequel a fait une étude de poste sans qu'elle soit conviée, et s'est basé sur une fiche de poste de 2015 qui ne correspondait plus à son poste au moment du licenciement.

La société affirme avoir respecté les dispositions du code du travail et la procédure prévue avant de licencier Mme [X] pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

***

La cour a retenu que la société a pris immédiatement des mesures protégeant la salariée en sanctionnant M. [F] qui avait dépassé ses compétences en matière de ressources humaines, en l'affectant sur un autre site et en proposant à la salariée une modification de ses missions avec accompagnement en binôme.

La demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité sera rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef.

Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

Toutefois, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.

En l'espèce, l'avis d'inaptitude comporte la mention de ce que l'état de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

S'agissant de la rédaction de l'avis d'inaptitude et de son caractère incomplet, s'il suit une procédure stricte afin de garantir au salarié et à l'employeur concernés une juste appréciation de sa situation et de la réalité opérationnelle, en application des articles L. 4624-4 et L. 4624-5 du code du travail.

Si la phase d'échange avec l'employeur et le salarié est cruciale pour que des observations puissent être formulées sur les avis et préconisations du médecin du travail, il appartient à l'employeur ou au salarié, une fois l'avis est rendu, d'agir en contestation de cet avis sur l'étendue conformément aux articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, dans un délai de 15 jours.

Mme [X] ne formule aucune demande de contestation de l'avis médical et étant définitif, l'employeur n'avait pas à proposer de poste de reclassement à Mme [X].

La demande en requalification du licenciement pour absence de cause réelle et sérieuse sera rejetée et le jugement déféré confirmé.

Sur les autres demandes

Mme [X] qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme la jugement déféré,

y ajoutant,

Condamne Mme [X] aux dépens ainsi qu'à verser à la société Kaefer Wanner la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre en première instance,

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/04249
Date de la décision : 10/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-10;21.04249 ?
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