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04/07/2024 | FRANCE | N°22/05927

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 04 juillet 2024, 22/05927


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 4 Juillet 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/05927 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-NBN6





















CPAM DE LA CHARENTE



c/

S.A.S. [2]













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 4 Juillet 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/05927 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-NBN6

CPAM DE LA CHARENTE

c/

S.A.S. [2]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 novembre 2022 (R.G. n°21/00542) par le Pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 28 décembre 2022.

APPELANTE :

CPAM DE LA CHARENTE (assuré [S] [J]) agissant en la personne de sa directrice domiciliée en cette qualité au siège social [Adresse 3]

représentée par Mme [V] [N], munie d'un pouvoir régulier

INTIMÉE :

S.A.S. [2] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social '[Adresse 1]

représentée par Me Albane ROZIERE-BERNARD de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne Gombaud,

Greffière lors du prononcé : Sylvaine Déchamps

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

M. [J] était employé par la société [2] en qualité de conducteur de machine lorsqu'il a été victime d'un accident le 29 juillet 2020, décrit comme suit : "conduite de machine ' crise d'angoisse selon les dires de la victime". La déclaration d'accident du travail a été effectuée le 4 août 2020 par l'employeur.

Le certificat médical initial établi le jour des faits, constatait : "Syndrome d'hyper ventilation anxieuse psychogène au décours d'1 violente altercation avec supérieur hiérarchique sur le lieu de travail".

Par décision du 27 octobre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente (la caisse en suivant) a pris en charge cet accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 21 décembre 2020, la société [2] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse qui a rejeté le recours par décision du 24 février 2021.

Le 16 avril 2021, la société [2] a porté sa contestation devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par jugement du 29 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-déclaré inopposable à la société [2] la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime M. [J], le 29 juillet 2020 ;

-condamné la caisse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 28 décembre 2022, la caisse a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 14 mars 2024, la caisse sollicite de la cour qu'elle :

-infirme la décision de justice déférée, et statuant à nouveau ;

-juge que le principe du contradictoire a été garanti ;

-juge que la décision de prise en charge est opposable à l'employeur ;

-condamne la société [2] aux entiers dépens.

La caisse soutient que :

-l'ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 ne comporte aucune disposition l'obligeant à informer l'employeur de la prorogation du délai de réponse et en tout état de cause, la société [2] a complété son questionnaire bien avant la fin du délai imparti ;

-la phase de consultation des pièces n'a débuté que le 15 octobre 2020, de sorte que l'employeur a eu suffisamment de temps pour faire valoir ses observations, ce dont il avait d'ailleurs été avisé ;

-l'employeur ne démontre pas avoir été empêché de compléter son questionnaire ;

-la société [2] n'a pas non plus usé de son droit de venir consulter les pièces du dossier ;

-les certificats de prolongation n'ont pas à figurer au dossier puisqu'ils ne contribuent pas à la prise de décision de la caisse et qu'en tout état de cause, ils ne peuvent être communiqués que de médecin à médecin et non directement à l'employeur.

Aux termes de ses dernières conclusions du 8 mars 2024, la société [2] demande à la cour de :

-la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures ;

-déclarer l'appel de la caisse recevable mais mal fondé ;

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire ' pôle social de Bordeaux en date du 29 novembre 2022 ;

En conséquence,

-lui déclarer inopposable la décision du 27 octobre 2020 de la caisse portant prise en charge au titre de la législation professionnelle du sinistre déclaré par M. [J], à la date du 29 juillet 2020, ainsi que toutes les conséquences financières attachées ;

-condamner la caisse aux entiers dépens en première instance et en appel.

La société [2] fait valoir que la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire en ne lui accordant pas la prorogation de dix jours en vigueur durant la période d'urgence sanitaire liée à la pandémie de covid-19 et en ne faisant pas figurer au dossier mis à sa disposition pour observation, les certificats médicaux de prolongation prescrits à M. [J] suite à l'accident du travail dont il a été victime.

L'affaire a été fixée à l'audience du 14 mars 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prorogation du délai pour répondre au questionnaire adressé par la caisse

Selon l'article R 441-8 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur depuis le 1er décembre 2019, "I.-Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d'un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident.

Dans ce cas, la caisse adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident à l'employeur ainsi qu'à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l'article R. 441-7 et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire. En cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans adresser de questionnaire préalable.

La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur de la date d'expiration du délai prévu au premier alinéa lors de l'envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l'ouverture de l'enquête.

II.-A l'issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d'accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l'article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur. Ceux-ci disposent d'un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l'employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d'observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation."

L'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19, modifiée par l'ordonnance n°2020-737 du 17 juin 2020 énonce, en son article 11, paragraphe II, 4°, que "Les délais pour répondre aux questionnaires sont prorogés, pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, de dix jours et, pour les rechutes et nouvelles lésions mentionnées à l'article L. 443-1 du code de la sécurité sociale, de cinq jours".

Il en ressort que le délai imparti à l'employeur pour répondre au questionnaire est seulement indicatif et que sa non communication par la caisse n'est assortie d'aucune sanction. Il s'en déduit que la caisse n'était pas tenue d'aviser l'employeur de sa prorogation.

En l'espèce, la caisse a adressé à la société [2] un courrier en date du 19 août 2020 l'informant qu'elle disposait d'un délai de 20 jours pour compléter le questionnaire relatif à l'instruction du dossier d'accident du travail allégué par M. [J].

S'il ressort effectivement de la législation susvisée que ce délai était, à cette période, prorogée de dix jours, l'employeur, qui a complété son questionnaire au bout de seulement neuf jours, ne rapporte pas la preuve que la non divulgation de ce délai complémentaire lui a fait grief ou n'évoque pas de difficultés rencontrées pendant ce délai pour compléter le questionnaire, de sorte qu'aucun grief ne lui a été causé.

De plus, les ordonnances précitées ne mentionnent aucune obligation faites aux caisses d'informer les employeurs et assurés de la prorogation exceptionnelle des délais de réponse aux questionnaires.

Le jugement entrepris est ainsi infirmé, la caisse n'ayant pas violé le principe du contradictoire.

Sur la communication des certificats médicaux

Selon l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur depuis le 1er décembre 2019, " Le dossier mentionné aux articles R 441-8 et R 461-9 constitué par la caisse primaire comprend ;

1°) la déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l'employeur ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire".

Selon ce texte, dans les cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

Afin d'assurer une complète information de l'employeur, dans le respect du secret médical dû à la victime, le dossier présenté par la caisse à la consultation de celui-ci doit contenir les éléments recueillis, susceptibles de lui faire grief, sur la base desquels se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident.

Il en résulte que ne figurent pas parmi ces éléments les certificats ou les avis de prolongation de soins ou arrêts de travail, délivrés après le certificat médical initial, qui ne portent pas sur le lien entre l'affection, ou la lésion, et l'activité professionnelle.

La société [2] fait valoir que les certificats médicaux de prolongations ne figuraient pas au dossier mis à disposition par la caisse à l'issue de l'instruction du dossier de M. [J]. Il résulte, en effet du bordereau produit par la caisse, que le dossier en consultation comportait le questionnaire employeur, le questionnaire assuré, les questions complémentaires adressées aux deux parties, la déclaration d'accident du travail, les réserves émises par l'employeur, le certificat médical initial et le rapport de l'agent enquêteur.

Si les certificats médicaux de prolongation ne sont pas cités dans cette liste, il convient de rappeler que la seule obligation pesant sur la caisse est d'informer l'employeur de la mise à disposition des pièces du dossier avant clôture de l'instruction et ce, dans un délai d'au moins dix jours francs (délai non prorogé par les ordonnances des 22 avril et 17 juin 2020, s'agissant d'un accident du travail et non d'une maladie professionnelle), ce qui a été le cas en l'espèce. En effet, il n'existe aucune disposition contraignant l'organisme à transmettre d'une quelconque manière les pièces du dossier.

De plus, la cour relève que l'employeur avait eu communication de la déclaration de maladie professionnelle, du certificat médical initial et des questionnaires salarié et employeur.

Il s'ensuit qu'aucun manquement au respect du principe du contradictoire ne pouvait résulter de la non mise à disposition des certificats médicaux de prolongation, seul le certificat médical initial doit obligatoirement figurer dans le dossier constitué par la caisse puisqu'il participe à l'objectivation de la maladie et que les certificats médicaux de prolongations ne sont pas de nature à influer sur la caractérisation de la maladie, mais sur les conséquences de celle-ci.

Il s'ensuit que le principe du contradictoire a bien été respecté.

En conséquence, le jugement rendu le 29 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux est infirmé.

La société, ne contestant aucunement la présomption d'imputabilité de l'accident du travail dont a été victime M. [J] le 29 juillet 2020 dans le cadre de ses conclusions reprises oralement lors de l'audience, la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle et les conséquences financières de l'accident du travail dont a été victime M. [J] le 29 juillet 2020 sont déclarées opposables à la société [2].

Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société [2], qui succombe, sera condamnée aux dépens des procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 29 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Et statuant à nouveau,

Déclare opposables à la société [2] les conséquences financières de l'accident du travail dont a été victime M. [J] le 29 juillet 2020 ;

Condamne la société [2] aux dépens des procédure de première instance et d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/05927
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;22.05927 ?
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